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22 février-Paris: conférence de presse du gouvernement libre de Tchétchènie

by tatahari Saturday, Feb. 23, 2002 at 1:04 AM

Tchétchénie : le silence assassin de l'Europe

À la veille du jour anniversaire de la déportation décidée en 1944 par Staline du peuple tchétchène vers l'Asie centrale, le gouvernement libre de Tchétchènie a lancé un appel de détresse destiné à l'ensemble des citoyens européens. Cet appel a été repris par la présidente de l'association des Mères de Soldats de Saint-Pétersbourg, association qui aide les déserteurs de l'armée russe dans leur lutte contre le pouvoir.

Alors qu'actuellement la plupart des manifestations sont dirigées contre l'impérialisme des États-Unis, il est temps de se demander pourquoi nous nous taisons concernant les crimes des militaires russes à l'égard du peuple tchétchène. C'est la question qui se pose aujourd'hui suite à la conférence de presse donnée à Paris par les représentants du gouvernement tchétchène. En ce qui concerne la mobilisation des consciences citoyennes, dans le monde traditionnel du militantisme de gauche, la barbarie russe à l'égard des Tchétchènes est ignorée. Silence on génocide le peuple. En 1945, "je ne savais pas". Aujourd'hui c'est pire , "j'ignore volontairement".

Ce matin le Vice-premier ministre tchétchène, Akhmed Zakaïev (un comédien ayant pris les armes contre les exactions russes) a rappelé qu'en 1999 Poutine, alors Premier ministre de Russie, avait exprimé son souhait d'en finir avec la Tchétchénie paraphrasant Hitler au soir du Reichstag : "le vrai problème c'est le règlement de la question tchétchène." L'opinion occidentale toujours prête à chanter "Plus jamais ça!", est restée muette. Conflit lointain, culture ignorée, indulgence idéologique pour l'ex-Urss, l'opinion occidentale s'est promis de ne pas faire pression.
Akhmed Zakaïev rappelle qu'au moment des attentats de Moscou attribués aux Tchétchènes par le gouvernement de Poutine, le Général Lebev s'était exprimé en disant :"C'est le Kremlin qui est derrière ça." Il demande l'arrêt du massacre du peuple tchétchène et répète son incompréhension devant l'attitude silencieuse donc complice de la société européenne.

Le ministre des affaires étrangères, Ilyas Akhmanadov s'est dit choqué d'entendre des dirigeants occidentaux tel le chancelier allemand Schroeder ou le Premier ministre anglais Blair, affirmer que 5000 tchétchènes ont été renvoyés d'Afghanistan. Il nie la réalité de ces chiffres. De même il réfute la rumeur propagée par la CIA de la présence de 7000 Tchétchènes en Afghanistan et le chiffre de 700 mercenaires arabes qui se trouveraient actuellement au côté des Tchétchènes.
Afin de souligner le manque de réalité de ces différents chiffres, Ilyas Akhmanadov a raconté qu'en visite à Washington, il a demandé à un représentant d'État s'il pouvait lui donner les noms de Tchétchènes soi-disant présents en Afghanistan. La réponse a été NON.
Le journaliste russe Babitski (arrêté le 16 janvier 2000 par les forces fédérales à la sortie de
Grozny, a été détenu dans un camp de "filtration" au nord de la Tchétchénie où il a été torturé) s'est rendu, il y a 3 mois en Afghanistan à Mazar-e-Charif. Il s'est étonné de l'activité favorite des journalistes occidentaux présents à savoir la chasse au Taliban tchétchène. Lui le seul qu'on lui ait présenté était un Ouzbek !
Le ministre affiche sa consternation quant aux affirmations de la BBC (radio nationale britannique) concernant la présence en Afghanistan aux côtés des Talibans de nombreux Tchétchènes. Il répète que c'est faux et rappelle que ce qui est vrai c'est les milliers de victimes tchétchènes.

Le ministre de la Santé Omar Khandiev s'est ensuite exprimé sur la situation sanitaire de son pays. Visiblement très ému il a expliqué que les Tchétchènes étaient victimes d'un génocide perpétré par l'armée russe avec la complicité de l'Occident. Il rappelle qu'avant la guerre il y avait 323 hôpitaux en Tchétchénie, actuellement il n'en reste que 30.
Tous les jours les Tchétchènes subissent des ratissages perpétrés par les militaires russes.
En décembre, une analyse de la situation sanitaire en Tchéchénie a été tentée. Les points de contrôle instaurés à travers le pays rendent celle-ci difficile. 1305 blessés et 216 morts ont été recensés pour cette seule période alors que soi-disant il n'y a pas eu de combats. Le ministre explique que les jeunes sont la cible privilégiée des ratissages organisés par l'armée russe. Les gens sont regroupés dans des camps de concentration où ils subissent des tortures physiques et psychiques. La stérilisation des personnes aptes à la procréation est pratiquée régulièrement. La volonté du gouvernement russe est manifestement de s'en prendre au fond génétique du peuple tchétchène afin de l'annihiler.
Lui-même a été témoin de ratissages. Il explique que cette opération consiste à l'encerclement d'un village par des chars relayés par des hélicoptères. Pas un seul civil n'est épargné. Les jeunes plus particulièrement sont victimes d'humiliations et de sévices tels qu'il n'est pas rare qu'ils décèdent de crises cardiaques ou d'hémorragies cérébrales. Il y a évidemment pas de médicaments utiles pour soigner les nombreux cas de tuberculose. Le manque de psychotropes est total.
Il signale que 3 villages ont eu à subir les conséquences de l'emploi d'armes bactériologiques et chimiques.
Il dénonce le cynisme du ministre russe des Affaires étrangères, Igor Ivanov outré de l'utilisation par l'OTAN de bombes à fragmentation lors de la guerre en Yougoslavie, alors que depuis 1994 la Russie s'en est servie régulièrement en Tchétchénie.

Tous les Russes ne sont pas des criminels. Parmi les jeunes certains désertent et refusent de servir le militarisme génocidaire de Poutine. Elia Poliakova, présidente de l'association des Mères des soldats russes rappelle que son organisation permet aux soldats déserteurs de se cacher et de se défendre devant la justice russe. Elle aussi très émue explique que les Russes vivent dans un climat de terreur proche du stalinisme. La plupart ignorent leurs droits de citoyens. Depuis le 11 septembre leur vie quotidienne s'est détérioré. Pour elle l'Empire du mal existe en Russie: les jeunes soldats y sont crucifiés. Son association organise des actions pour la paix en Tchétchénie. Les Mères se rendent au-devant des soldats russes afin d'en appeler à leur conscience. La plupart du temps elles sont mises en joue par des soldats qui pourraient être leurs fils et qui expliquent qu'ils obéissent aux ordres. Sans la présence de journalistes, elle explique que certains seraient prêts à brûler leur âme avec comme seule excuse l'obéissance aux ordres. D'autres choisissent de déserter. Elle demande que Poutine soit traduit devant le Tribunal Pénal International.
Pour finir elle lance un avertissement à l'Europe : "la Russie prépare la guerre pour la Paix et la Démocratie contre l'Europe". Si les militaires du monde parlent le même langage et sont unis solidairement, les civils doivent faire de même. C'est le seul moyen de faire pression sur Poutine.

Suite à la question d'un journaliste, le ministre Zakaïev répond que la Géorgie est actuellement une terre d'asile pour les 12 000 Tchétchènes qui s'y trouvent (rappel : en France, l'asile politique n'est pas accordé aux Tchétchènes). La Russie essaie de faire pression sur le président géorgien Chevardnadze afin qu'il renvoie les réfugiés. Il s'y est toujours opposé exigeant une solution pacifique au conflit.
Les représentants du peuple tchétchène expliquent qu'actuellement ils sont prêts à déposer les armes mais que sans l'ingérence de la communauté internationale rien ne pourra se faire. Ce n'est pas l'envoi sous contrôle russe de 2 observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) qui va mettre l'Europe face à ses responsabilités. Au contraire! Tout ce que demande le peuple tchétchène c'est leur reconnaissance en tant qu'êtres humains. Ils ont peur que l'opinion occidentale agisse trop tard, lorsqu'il n'y aura plus de Tchétchènes. Pour eux l'indépendance n'est pas une fin en soit. Ce qui compte c'est de sortir de cette barbarie sur la base du droit. Le gouvernement tchétchène souhaite cependant un statut qui leur permettrait de ne pas dépendre de Moscou car il rappelle que les Tchétchènes ont toujours été les victimes de la barbarie russe.


Rappel de mobilisation en faveur du peuple tchétchène:
MANIF CONTRE LA GUERRE EN TCHÉTCHÉNIE LE 23 FÉVRIER À PARIS DEVANT BEAUBOURG (http://france.indymedia.org/front.php3?article_id=11096&group=webcast)
Des manifestations se tiendront le même jour à Moscou (14 heures, Place Smolenskaïa-Sennaïa devant le ministère des Affaires étrangères), Rome (11 heures, 5 via Gaeta, devant l'ambassade de Russie), Milan, Turin, Bruxelles (11 heures, 31-33 bd du Régent devant l'ambassade de Russie auprès de l'union européenne), Helsinki, Boston, etc.

by Friday, Feb. 15, 2002 at 3:28 PM

"Tous les Russes ne sont pas des criminels."

by red kitten Saturday, Feb. 23, 2002 at 3:27 PM

"Tous les Russes ne sont pas des criminels."
Merci de le rappeler! La population Russe est dans la même situation que nous (occidentaux) par rapport aux actions guerrières et barbares de la "communauté internationale" (lire: les puissances capitalistes, OTAN, etc...).
Mais la presse dominante ne manque pas une occasion pour marquer un racisme primaire contre les Russes, par exemple lors de la catastrophe du sous-marin Koursk.

Mais qui sont ces membres du "gouvernement libre"? Je crois que ça vaudrait la peine de se poser la question. Quelle est la nature de la guerre en Tchéchénie? Quand on connait le travail des USA et de ses amis dans la région, on ne peut que émettre des réserves... Les ennemis de la Russie (capitaliste elle aussi) ne sont pas toujours de grand progressistes... Dans les guerre pour le contrôle du pétrole (etc...) je n'ai pas vraiment envie de choisir l'un ou l'autre camps.

Reste que les populations Tchétchènes ne sont pas non plus des criminels. Je crois que le manque de mobilisation pour la Tchétchénie vient surtout du fait que la situation n'est pas claires pour ceux qui serait succeptibles de se mobiliser et d'agir. Quelle solution réclamer?