arch/ive/ief (2000 - 2005)

Accueil chahuté pour Georges W. en Corée : " Pas de Bush, pas de guerre ! "

Durant 40 heures, les 37.000 soldats américains stationnés en Corée du Sud sont en état d'alerte. George W. Bush n'est en effet pas le bienvenu. " Bush est l'axe du mal " ou " Pas de Bush, pas de guerre ", affichent les banderoles des dizaines de milliers de manifestants qui ont défilé à travers le pays pendant deux jours.

Cécile Chams

1er jour de la visite de Georges W. en Corée du Sud

Le président américain n'a fait aucun commentaire lors de son arrivée mardi 19 février à l'aéroport de Séoul. Il s'est rapidement rendu à la base américaine de Yongsan à Séoul, où il a retrouvé une partie des 37.000 soldats US déployés en Corée du Sud. Puis il s'est retiré dans une des résidences de l'ambassade américaine. Bien avant son arrivée, les unités d'intervention de la police encerclaient déjà l'ambassade américaine, le bureau d'information des Etats-Unis et la Chambre de commerce américaine à Séoul.

Un grand nombre de manifestants dénoncent la visite du président Bush, dans plusieurs lieux de Séoul. " Bush est l'axe du mal ", " Pas de Bush, pas de guerre ", " Bush est un fou de guerre et un hooligan international ", scandait-on dans les rues.(1) (2) " En faisant de la Corée du Nord notre ennemi, il cherche seulement à nous vendre encore plus d'armes, déclare Bae Sung-hoon, 28 ans, qui travaille pour une compagnie maritime. C'est juste un Américain arrogant qui pense que les Etats-Unis sont les maîtres du monde. " (3)

A l'aéroport international, neufs organisations, dont Solidarité pour la Réunification ont tenu une conférence de presse et une manifestation devant l'entrée principale. Ils exigent que les Etats-Unis " mettent fin à la politique d'hostilité envers la Corée du Nord et aux tensions dans la péninsule coréenne et cessent de faire pression pour que la Corée du Sud achètent les avions de chasse F-15 de Boeing ". (4) Ils ont annoncé qu'ils feraient " de l'ombre " à Bush, en manifestant tout au long de son parcours.

300 membres d'organisations religieuses ont organisé une marche de protestation. D'autres manifestants exigent une enquête sur les massacres commis par les troupes américaines durant la Guerre de Corée, notamment à Nogun-ri. Ils réclament que ce thème figure à l'ordre du jour de la rencontre entre les présidents américain et sud-coréen. La branche coréenne d'Amnesty International a manifesté à la station de métro Gwanghwamun exigeant que les Etats-Unis cessent leur politique de " deux poids, deux mesures en matière de droits de l'homme " et adhère aux divers traités à ce sujet.(5) Le Parti Démocratique du Travail a organisé une manifestation devant l'ambassade américaine. (6)

2ème jour de la visite de Georges W. en Corée du Sud

A Séoul, les drapeaux américains ne font pas long feu

Le président américain George Bush réitère ses propos belliqueux contre la Corée du Nord.

Pour son deuxième jour de visite en Corée du Sud, Bush s'est rendu à la ligne de démarcation et a qualifié le système socialiste du Nord de " régime despotique ". (7)

" Je ne changerai pas mon opinion sur Kim Jong Il jusqu'à ce qu'il libère son peuple et accepte réellement les propositions de dialogue de pays comme la Corée du Sud ou les Etats-Unis ", a-t-il déclaré. (8) Bush serait-il ignorant des innombrables propositions de dialogue faites par la Corée du Nord qui ont finalement abouti à la visite à Pyongyang, à l'invitation de Kim Jong Il, du président sud-coréen.

" Je suis troublé par un régime qui fait mourir son peuple, qui est fermé et hermétique et je suis profondément préoccupé par le sort du peuple de Corée du Nord ", déclare Bush. (9) Un sommet de l'hypocrisie. Rappelons que ce sont les Etats-Unis qui maintiennent un blocus total contre la Corée du Nord et qui bafouent leurs engagements en matière de livraison de pétrole. Bush ajoute : " Les enfants coréens ne devraient pas mourir aux dépens d'une puissante armée. Aucun Coréen ne devrait être traité comme un rouage d'une machinerie d'Etat. " (10)

C'est la menace permanente d'une guerre qui oblige la Corée du Nord à consacrer 14% de son budget à sa défense. L'armée de la Corée du Nord, c'est une armée populaire, profondément aimée et respectée par le peuple. Dans les travaux contre les inondations, dans les champs, sur les chantiers de construction, les militaires effectuent les travaux les plus lourds. Et ce sont les derniers à recevoir les rations alimentaires, après les enfants, les vieillards et les autres citoyens. Les agences humanitaires des Nations Unies le savent parfaitement.

Les Etats-Unis maintiennent 37.000 soldats en Corée du Sud, avec des armes de destruction massive, dont un millier de missiles nucléaires. Bush ose pourtant prétendre : " Nous n'avons pas l'intention d'envahir la Corée du Nord. Il s'agit de défense, car il existe une menace le long de la Zone démilitarisée. " (11)

Apparemment, Bush s'est bien entendu avec le president Kim Dae Jung. Mais ils ont cependant voyagé séparément vers la ligne de démarcation : M. Kim a pris le train et Bush a préféré éviter le peuple pour s'y rendre en hélicoptère.

A nouveau des milliers de manifestants

Peut-être cherchait-il à éviter tout contact avec les milliers de manifestants sud-coréens. Tôt le matin, un millier d'étudiants s'étaient rassemblés à l'Université de Hanyang où ils ont brûlé des drapeaux américains. Des manifestations d'étudiants ont eu lieu dans divers quartiers de Séoul. Des confrontations violentes avec la police ont aussi été notées.

Plus de 5.000 personnes, représentants près de 600 associations et comités se sont rassemblées dans le parc Jongmyo au centre de Séoul pour protester contre la visite de Bush et contre la politique américaine envers la Corée du Nord. La Ligue des Paysans coréens a aussi organisé une manifestation rassemblant plus de 1.500 personnes au parc Marronnier au nord de Séoul. Ils ont scandé leur opposition aux diktats de l'Organisation Mondiale du Commerce et à l'importation de riz américain. (12) Ils ont aussi brûlé une cinquantaine de drapeaux américains. Kim Hee-sang, un paysan de 31 ans explique : " Nos paysans sont en lutte à cause des Etats-Unis qui forcent la Corée du Sud à ouvrir son marché du riz. " (13)

Le parlement en ébullition

Au Parlement, l'ambiance n'est guère plus paisible. On en est venu aux mains avant-hier. Un député du Grand Parti National, le parti des anciennes dictatures militaires, a brutalisé un député du parti au pouvoir, le Parti Démocratique du Millénaire. Ce député conservateur a également qualifié l'administration du président Kim Dae Jung de " Garde rouge du régime de Kim Jong Il ". Le parti de Kim Dae Jung exige des excuses officielles et, en attendant, boycotte l'assemblée (14). Du jamais vu en Corée du Sud.

(1) " Bush is axis of evil"; "No Bush, No War".
(2) Associated Press, 19 février 2002.
(3) Reuters, 19 février 2002.
(4) JoongAnh Ilbo, 19 février 2002.
(5) Ibid.
(6) The Korea Times, 19 février 2002.
(7) The Korea Times, 20 février 2002
(8) JoongAnh Ilbo, 20 février 2002
(9) JoongAnh Ilbo, ibid.
(10) Washington Post, 20 février 2002
(11) JoongAnh Ilbo, ibid.
(12) JoongAnh Ilbo, ibid.
(13) Associated Press, 20 février 2002
(14) JoongAnh Ilbo, ibid.