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Selon Verhofstad, l'Europe est prête pour la guerre
by Franck Sonck Thursday February 21, 2002 at 03:19 PM

Pendant un congrès de journalistes ce 18 février, le premier ministre Verhofstadt a taxé de « malentendu » les protestations qu'avaient suscitées les propos de Bush sur « l'axe du mal » constitué par la Corée du Nord, l'Irak et l'Iran. Verhofstadt semble même souscrire fondamentalement les plans de guerre de Bush. Si l'on avait pu croire que l'Europe défendrait la cause de la paix, il semble bien qu'on s'est trompé.

Selon Verhofstadt, l'Europe est prête pour la guerre

Pendant un congrès de journalistes ce 18 février, le premier ministre Verhofstadt a taxé de « malentendu » les protestations qu'avaient suscitées les propos de Bush sur « l'axe du mal » constitué par la Corée du Nord, l'Irak et l'Iran. Verhofstadt semble même souscrire fondamentalement les plans de guerre de Bush. Si l'on avait pu croire que l'Europe défendrait la cause de la paix, il semble bien qu'on s'est trompé.

Frank Sonck

« Le froid s'installe entre les Etats-Unis et l'Union européenne » écrivait récemment un journal. Le journaliste se référait aux réactions mitigées qu'avait provoquées en Europe le discours sur l'état de l'Union dans lequel Bush avait désigné la Corée du Nord, l'Irak et l'Iran comme « l'axe du Mal ». Chris Patten, commissaire européen pour les relations externes, avait épinglé « l'attitude unilatérale » des Américains, évoquant même des « instincts dangereux » et « un comportement simpliste et absolutiste ».

Mais on aurait tort de déduire de ces escarmouches médiatiques de Patten que l'Europe ne suivrait pas le cow-boy Bush dans ses plans guerriers. Le premier ministre Verhofstadt a enlevé tous les doutes à ce propos. « L'Europe est prête pour la guerre » déclarait-il sans détours au «Annual Transatlantic Journalists Forum» qui commençait le 18 février dernier à Bruxelles. Ce congrès annuel de journalistes américains et européens est entre autres sponsorisé par la German Marshall Fund of the United States.

Plusieurs journalistes européens ont souligné l'anti-américanisme croissant au sein des populations européennes. La solidarité après les attentats du 11 septembre s'est avérée de courte durée et les rédactions de la presse sont submergées par les réactions contre les propos belliqueux de Bush. Mais Verhofstadt considère quant à lui que cette mauvaise humeur européenne se dissipera aussi vite qu'elle n'est apparue. A ses yeux, ce serait même « une erreur politique fondamentale » de créer l'illusion au sein du public que notre société sera jamais libérée des réseaux terroristes. « C'est sans doute ce qui explique les réactions suscitées par le discours du président Bush sur l'Etat de l'Union et par ses propos sur l'axe du mal. L'image de l'axe Iran - Irak - Corée du Nord semblait suggérer qu'il n'existait qu'un seul bloc terroriste. Cela explique aussi les voix critiques en Europe condamnant l'attitude unilatérale et même le simplisme de Washington ».

Verhofstadt: « L'Irak demeure un régime terrifiant. La Corée du Nord constitue une menace croissante, parce qu'elle est dirigée par un régime mourant, mais toujours extrémiste. »

On croirait rêver ! Le problème, selon Verhofstadt, ne serait pas que Bush présente, dans un pur style reaganien, ces trois pays comme l'incarnation du Mal et menace de déclencher la guerre contre eux. Alors que, jusqu'à preuve du contraire, rien n'indique qu'ils soient impliquées de quelque manière que ce soit dans les attentats du 11 septembre. Non, Verhofstadt considère qu'il importe davantage que les Européens se rendent compte qu'il existe plusieurs axes du mal.

Verhofstadt semble même rejoindre fondamentalement le président Bush. Dans son discours devant les journalistes, il s'est présenté comme la version européenne du cow-boy texan : « L'Irak demeure un régime terrifiant. Depuis que les Nations Unies ont interrompu les inspections, le pays représente à nouveau une menace importante. L'Iran par contre est un pays politiquement très divisé. La Corée du Nord constitue une menace croissante, parce qu'elle est dirigée par un régime mourant, mais toujours extrémiste. »

Il tire exactement les mêmes conclusions que son ami d'outre Atlantique : « Nous devons recueillir le maximum de renseignements sur les lieux où les terroristes se trouvent, sur leurs plans, sur la question de savoir s'ils sont capables d'acquérir des armes de destruction massive. C'est la tâche de la police et des services de renseignement, que nous sommes en train de renforcer. Nous avons besoin de la capacité militaire nécessaire pour effectuer des interventions, même dans un pays reculé et inhospitalier comme l'Afghanistan. Les régimes comme celui de l'Afghanistan, ou les régimes qui utilisent d'une manière plus subtile le terrorisme comme arme politique doivent recevoir le message sans équivoque que l'Occident est prêt à déclencher la guerre contre eux. Dans ce genre de situations, le vieil adage romain reste d'application : si vous voulez la paix, préparez la guerre ».

Comme Bush, Verhofstadt considère également que ce genre de guerre doit être menée sur différents fronts. A ses yeux, l'envoi de soldats n'est qu'une des manières de combattre le terrorisme. « Le 11 septembre, le terrorisme a été globalisé. Si nous voulons l'arrêter, nous devrons aussi combattre les revers de la globalisation. Nous devrons essayer de redresser les Etats en détresse. A cet effet, nous avons besoin de troupes, de forces de maintien de la paix, de milliards pour la reconstruction et le développement, de mécanismes et de conventions permettant de réinsérer ces Etats dans l'économie mondiale. C'est la tâche de toute une génération. »

Verhofstadt se vante ensuite d'être l'un des pionniers de cette approche en Europe et que c'est précisément dans ce cadre qu'il a engagé le dialogue avec les « soi-disant antiglobalistes, qui ont raison sur un point : la globalisation ne marche pas toujours ». Verhofstadt réserve donc un rôle pour les antiglobalistes dans la lutte contre le Mal, c'est-à-dire contre les pays comme l'Irak qui continuent à s'opposer à l'impérialisme occidental et contre des pays comme la Corée du Nord qui construisent effectivement une autre société, un Etat socialiste.

Répondant aux critiques récentes des faucons selon lesquels l'Europe demeure en retrait par rapport aux Etats-Unis sur le plan militaire, Verhofstadt reconnaît : « L'Europe et a fortiori l'Union européenne reste un nain sur la plan militaire ». Notons qu'à ce propos, le patron de l'Otan, Robertson, observait devant le parlement européen que l'Europe devrait avoir honte, « parce pour toutes les grandes opérations, elle a besoin des Américains ». Verhofstadt considère néanmoins que l'Europe investit suffisamment dans la défense. Seulement la majeure partie de l'argent se perd en faveur du « prestige national». En d'autres termes : l'Europe doit impérativement créer une armée unifiée.

Mais Verhofstadt estime que d'ores et déjà l'Europe réalise des choses importantes : « Pour le moment, les Américains et les Européens se partagent le travail presque spontanément : dès que les Américains ont gagné la guerre, les Européens sont sollicités pour envoyer des forces de maintien de l'ordre et des coopérants afin de construire la paix. Ce fut le cas dans les Balkans et c'est encore le cas aujourd'hui en Afghanistan. L'Amérique assumant le rôle du flic méchant et l'Europe celui du flic gentil, mais tous les deux formant la même équipe. »

Verhofstadt ajoute: « Finalement, je ne crois pas que dans la lutte contre le terrorisme des conflits significatifs opposeront les Etats-Unis et l'Europe. Il y a des sensibilités différentes, parce qu'aucune ville européenne n'a été attaquée et parce que l'opinion publique en Europe n'a pas placé cette affaire en tête de l'agenda électoral. Il y a aussi des différences de méthode, à cause de la disparité énorme en capacité militaire des deux côtés de l'Océan. Mais fondamentalement je ne vois pas de différence en ce qui concerne l'analyse de la situation, les objectifs de nos actions et la vision avec laquelle nous les menons. »

Manifestement, il n'y a pas de différence fondamentale non plus en ce qui concerne l'esprit belliqueux et la volonté de conquête. Tant que les intérêts de la bourgeoisie américaine et européenne convergeront fondamentalement, ils se soutiendront mutuellement.