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Justice accélérée ("snelrecht "): un danger pour la démocratie
by Cécily Wednesday February 06, 2002 at 02:32 PM
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1) Marc FORRETSTER, première victime de la procédure de comparution immédiate. 2) "Justice" accélérée et expéditive pour trois camarades allemands accusés, sans preuves, de violences durant la manif du 14 septembre à Bruxelles. Rendez-vous le lundi 14 janvier à 8 h 45 au palais de justice de Bruxelles! 3) Encouragé par l'erreur judiciaire Forrester, Verwilghen veut "améliorer" la procédure de comparution immédiate. [edited by kitty]

L'avocat bruxellois Joke CALLEWAERT, membre du legal team pendant les manifs de décembre à Bruxelles, nous révèle qu'un supporter anglais prévenu de hooliganisme a été jugé en quadruple vitesse conformément loi de mars 2000 sur la comparution immédiate, et est d'ailleurs victime d'une erreur judiciaire. L'affaire est actuellement revue en appel.

Quant à la loi de 94 insérant la procédure pénale accélérée, une procédure à peine moins expéditive que la comparution immédiate, trois jeunes arrêtées le 14 décembre 2001 à Tour et Taxis en font les frais. Prévenus de participation à émeute, ils ont été citées à comparaître le 14 janvier devant le tribunal correctionnel de Bruxelles en application de cette loi. L'affaire est remise au onze février. Drelin, drelin, tombez du lit ce jour-là et soyez tous au mastodonte de la justice de Bruxelles à 8 h 45 pétantes !!

Qui c'est qui jurait ses grands dieux que la comparution immédiate n'était pas destinée à réprimer les manifestants politiques? Le ministre de la justice Verwilghen. Menteur!


1) Le "hooligan"

Pour l'Anglais Marc FORRESTER, l'Euro 2000 ne fut pas une fête. Comme il se trouvait à proximité d'un accrochage entre supporters et policiers, il fut copieusement matraqué, ceinturé, arrêté, et accusé de coups et blessures volontaires avec la circonstance aggravante qu'il était sensé s'être comporté ainsi à l'égard de policiers. Il fut jugé via la procédure de comparution immédiate prévue dans la loi qui venait de sortir, et condamné à un an de prison dont onze mois avec sursis.

Sans preuve.

En effet, devant le juge correctionnel, il y avait eu simplement sa parole contre les procès-verbaux accablants de la police. Il avait toujours nié avoir levé la main sur les policiers. Embarrassé, le juge avait demandé: « Mais n'a-t-on pas filmé la bagarre? N'a-t-on pas des images où l'on voit le prévenu en action? » Le policier, sous serment, répondit que non.

La règle, au pénal, veut que dans le doute, on acquitte. L'autre règle veut que je juge écoute son intime conviction. Eh bien, en plein Euro 2000, l'intime conviction du juge fut quand même que la parole des policiers ne pouvait être mise en doute et que Monsieur FORRESTER avait été un hooligan parmi les hooligans. L'affaire vola en appel, et là, le procureur général révéla qu'il y avait quand même bien eu des images de la bagarre, et de Monsieur FORRESTER là-dedans. On les visionna. On voyait FORRESTER, parmi d'autres personnes, qui ne faisait rien de particulier. Puis, on revoyait FORRESTER matraqué aux jambes et immobilisé par les policiers. C'est tout.

Pour sauver les apparences et protéger le policier qui avait si mal parlé sous serment en première instance, le juge suggéra: « bon d'accord, il n'y a pas d'images de Monsieur FORRESTER attaquant les policiers, mais cela ne veut pas dire qu'il ne l'a pas fait... » Ceci dit, le procureur lui-même demanda l'acquittement de Monsieur FORRESTER, faute de preuves.

Tout est bien qui finit bien. Il n'empêche: condamné pour hooliganisme, Monsieur FORRESTER, qui occupait un poste de direction et de confiance, fut aussitôt licencié par son employeur. Il resta un an au chômage, avec de gros ennuis financiers du fait qu'il n'avait pas prévu cette dégringolade de son niveau de vie, et des ennuis familiaux en conséquence de ses ennuis financiers. Maintenant, il retravaille. Comme ouvrier.


2) Les "casseurs"

Ce fameux vendredi 14 décembre, après la manif du D14, les trois Allemands originaires de Brème étaient arrivés à Tour et Taxis. Ils avaient mangé un bout et s'étaient promenés. Lorsque la rumeur inquiète avait couru que l'endroit était encerclé par la police, ils étaient allés voir les cordons de robocobs de plus près, parmi ceux qui les défiaient. Une fois que la police laissa des ouvertures, ils sortirent et se dirigèrent vers leur voiture dans l'intention de rentrer en Allemagne.

A cent mètres de Tours et Taxis, une dizaine de policiers en civil leur barrèrent le chemin et les arrêtèrent avec beaucoup de violence. Ils furent jetés à terre, reçurent des coups de botte au visage, à saigner du nez, furent traînés dans un combi de police et à nouveau frappés. Au milieu des coups, les policiers s'adressaient à eux en Allemand pour leur dire pas mal d'injures et leur promettre qu'ils allaient trouver la mort dans une prison belge. Complètement déstabilisés, il furent obligés, au poste de police, de poser pour une photo en mettant les casques qu'ils avaient dans leurs sacs à dos, et le visage masqué, alors qu'ils n'avaient pas mis les casques durant la manif et qu'ils avaient emmenés ces pièces défensives aux manifs uniquement pour le cas où il s'y passerait le pire. On voulut aussi prendre leurs empreintes, ce que l'un d'eux refusa. Bien lui en prit: on lui assura qu'il aggravait son cas, mais en réalité, son refus n'eut aucune conséquence.

Ils passèrent la nuit en cellule. Le lendemain, après quatre heures d'attente dans une cellule du palais de justice, ils reçurent à manger pour la première fois, puis ils furent présentés au procureur. Le procureur, qui avait été préalablement farci de la version des faits selon la police, leur posa des tas de questions toursiveuses et essaya de leur soutirer des aveux: « Il vaut mieux pour vous de reconnaître les faits, alors vous n'irez pas en prison, tandis que si au contraire vous vous obstinez à nier... » Mais ils avaient retenu les leçons du legal team: ne pas céder aux pressions. Oui, ils avaient assisté à l'affrontement. Mais non, ils n'avaient pas participé. Si si, répondit le procureur: on vous a suivis en civil et une fois sortis de Tours et Taxis, on vous a vu vous délester de pierres que vous teniez encore cachées dans vos sacs! Pardon? répondirent les garçons: mais on n'avait pas de pierres dans nos sacs! « On vous a filmés, on vous voit en action! » Mais sur ces films, on ne reconnaît à aucun moment les trois Allemands parmi les lanceurs de pierres.

« Non nous n'avions pas de pierres dans nos sacs à dos, non nous n'avons pas mis les casques, non nous n'avons pas lancé des pierres. » répétèrent les garçons. Le procureur leur rétorqua: « Je ne vous crois pas et le juge ne vous croira pas. » Encore des menaces... Sur ce, ils furent libérés, munis d'une convocation au palais de justice de Bruxelles pour le 14 janvier.

On leur a ainsi appliqué une loi de 1994 sur la procédure pénale accélérée, une procédure à peine moins expéditive que celle de mars 2000 sur la comparution immédiate.

Et c'est de nouveau la parole des flics contre celle des prévenus. A l'audience du 14 janvier, leur avocat Me CALLEWAERT a obtenu une remise au 11 février: moins expéditif sera le procès, plus réfléchie sera la sentence. Du moins on l'espère.

J'entends encore la radio qui claironnait le soir du 14 décembre que des casseurs avaient été appréhendés! On arrête à tort et à travers quelques jeunes de la couleur ou de la nationalité représentative du groupe-cible, et on donne l'info en pâture à la supposée populace qui est sensée en redemander.

Ce lundi 11 février, arrachez-vous de votre lit et rendez-vous à 8h45 à la 50ème chambre du Tribunal correctionnel de Bruxelles. 50! Dites donc, c'est l'usine dans ce palais ou bien c'est une faute de frappe? De toute façon, le chemin sera indiqué par des militants arborant l'un ou l'autre de nos symboles. Venez réclamer l'acquittement des trois camarades au bénéfice du doute, et que le coup de l'erreur judiciaire exemplaire ne passe pas!


3) Le menteur

Et pendant ce temps là… Notre ministre de la justice Marc Verwilghen remet ça! Ce 28 janvier 2001 à la radio, il annonce qu'il va déposer un nouveau projet de loi sur la comparution immédiate.

Verwilghen explique que la loi sur la comparution immédiate est d'application bien malaisée. Il est vrai. Sortie en vitesse avant l'Euro 2000 dans le but affirmé que les hooligans se tiennent tranquilles, et très controversée au moment de sa sortie, cette loi contient tellement de formalités à accomplir par les magistrats pendant les 8 jours de détention du petit délinquant et avant sa comparution, que les magistrats refusent d'y passer leurs nuits. Sage décision. Or, ces formalités sont destinées à concilier l'eau des droits de la défense avec le feu de l'efficacité répressive. On a vu que cela ne marchait pas tellement bien pour les droits de la défense. Mais là, Verwilghen annonce que le nouveau projet sera plus simple et plus souple. Il y a fort à parier qu'il est encore pire que le précédent!

Avec beaucoup de franchise, Verwilghen dit avoir attendu la fin de la présidence européenne pour relancer son projet de simplification et de généralisation de la comparution immédiate en matière pénale. En effet, dit-il, il ne voulait pas avoir les antiglobalistes sur le dos.

Il réaffirme que les antiglobalistes ne sont pas visés par le projet mais seulement les p'tits délinquants urbains. Menteur! Sur le coup de la manif réprimée, il suffira de dire aux médias que tel petit délinquant urbain s'est glissé dans telle grosse manif où il n'avait rien à faire parce que sa démarche n'était pas politique.

Il suffit d'entendre quelle bouillie de concepts foireux est lancée sur les ondes à l'occasion du forum social mondial de Porto Alegre et du forum économique mondial de New York : « place aux antimondialistes sérieux qui ne mordent pas les mains tendues mais demandent bien gentiment, et tout le monde se félicite que les violents ne soient pas au rendez-vous… » (beeark !)

Alors qu'au départ, tous les antimondialistes encore présents à Porto Alegre étaient d'accord avec les anars américains et autres pour pénétrer pacifiquement la zone rouge et intervenir en tant que représentants des peuples exclus dans un sommet du cynisme et du double langage tel que celui de New York. Violence ? Celle de la répression de cette initiative unitaire à Prague, Göteborg et Gènes !


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Silence on emprisonne!
by zad Thursday February 07, 2002 at 12:38 PM
zadb@yahoo.fr

Mise à part quelques initiatives individuelles (Cécily, le Groupe info allemand, Erik Wick par ex.), ce qui est amusant c'est que les anti-mondialistes ne se pressent pas pour défendre leurs camarades faits prisonniers suite aux derniers manifestations (Göteborg, Gênes, D14, etc...).
Par exemple, à Göteborg, en ce moment la Ligne d'info emprisonné depuis juin 2001, risque d'être condamné définitivement à 3 et 4 ans de prison ferme.
Aucune manifestation n'a lieu devant les Ambassades de Suède, non seulement en Belgique mais aussi en France, en Angleterre, etc... Ne parlons pas de la Suède qui ignore le problème.
Les prisonniers, c'est presque un sujet tabou dont il ne faut pas parler pour ne pas briser le moral des autres militants ou leurs faire peur, déjà qu'avec les mesures de répression européenne à leur encontre,ils ont suffisament peur. Quelqu'un m'a même dit que se faire arrêter et rester en prison cela faisait partie des risques lorsqu'on allait manifester et donc qu'il fallait se résigner à sacrifier quelques militants pour sauver la cohésion du mouvement. Tant pis pour ceux qui sont en prison, il ne fallait pas se faire arrêter. Si on juge du degré de civilisation d'un pays à l'état de ses prisons, on peut juger du degré d'humanité d'un mouvement idéologique à la façon dont il s'occupe de ses militants emprisonnés. Pour l'instant, en ce qui concerne l'antimondialisation, le mot d'ordre est motus et bouche cousue. Espérons que les médias officiels ne s'empareront pas de ce sujet pour discréditer un mouvement généreux à la base, mais détestable par la manière dont il oublie ses prisonniers politiques.