arch/ive/ief (2000 - 2005)

Argentine: chronique des événements depuis juillet 2001
by Joeri/Laurent/Marie Wednesday January 30, 2002 at 05:43 PM
loolmail@skynet.be

Voici les événements argentins relatés dans la presse internationale et glanés par l'équipe d'indymedia

Fin juillet, le gouvernement argentin annonce un nouveau plan d'austérité. Le plan proposé par Fernando De la Rua et approuvé par le Sénat, vise à permettre la continuité du paiement de la dette extérieure. Conséquence, les fonctionnaires et les pensionnés perdent 13% de leur salaire. Ces mesures s'accompagnent de restrictions budgétaires à l'égard des provinces, de la fermeture de plusieurs bureaux publics et du renforcement du contrôle de la perception des impôts.
Une grêve générale est lancée; des milliers de manifestants se rassemblent à Buenos Aires et partout dans le pays pour s'opposer à ces nouvelles lois de "déficit zéro".
30.000 étudiants, fonctionnaires, chômeurs et autres participent à une protestation massive en face du bureau présidentiel sur la Place de Mai (Buenos Aires) à la date du 8 août.
Le 21 août, le directeur général du FMI, Horst Koeler recommande une augmentation de 5.5£ milliards à l'accord de prêt de 10£ milliards qui est suspendu.
Au mois de septembre, les ouvriers de l'usine de céramiques Zanon, dans la province de Neuquén, font grêve lorsque la compagnie essaie de ne pas tenir ses engagements durement négociés par les ouvriers un an auparavant. Les patrons arrêtent de payer les salaires et suspendent l'aide médicale, espérant de la sorte contraindre l'union ouvrière à reprendre le travail.
L'union répond par l'occupation de l'usine et lève un fond
de survie pour nourrir les familles.
En octobre, l'opposition peroniste prend le contrôle des deux parlements lors d'élections au Congrès.
Le premier novembre, De la Rua et Cavallo donnent les détails de leurs nouvelles mesures économiques, comprenant un échange de dette qui représenterait une majorité des 90£
milliards de la dette publique et permettrait une augmentation des dépenses des consommateurs.
Fin novembre, après 2 mois de grêve , la répression est lâchée sur l'union ouvrière mais aussi sur celle des chômeurs, des professeurs et des fonctionnaires de Neuquén. Les travailleurs manifestent devant la maison gouvernementale,réclamant la réincorporation des 380 ouvriers licenciés des usines Zanon Ceramics et Ceramica del Valle. L'union ouvrière, le mouvement des travailleurs-chômeurs, des professeurs et un groupe d'employés du gouvernement ainsi que des organisations de défense des droits humains participent à la manifestation. La répression est menée par la DESPO, une force spéciale de police de Neuquén, ainsi que plusieurs corps de police. Quelques travailleurs sont abattus par des tirs à balles en caoutchouc en pleine tête: on a affaire à une véritable chasse à l'homme. S'ensuivent des arrestations, les travailleurs sont chassés et traqués dans un rayon de 15 pâtés de maison. Lorsque les ouvriers sont interpellés, ils sont battus et emmenés par les camionettes de police.
Quelques personnes entrent dans un hôpital à l'intérieur duquel la police les poursuit et lance des gaz lacrymogènes alors que des soins sont procurés aux patients. Un peu plus tard, une marche de la solidarité se met en route vers le Parlement de Neuquén à Buenos Aires.
Début décembre, l'Argentine frôle la banqueroute lorsque la population se presse aux distributeurs et guichets des banques pour retirer son argent suite au décret gouvernemental limitant les retraits bancaires et les treansferts à l'étranger. Les passagers des avions et des bateaux sont fouillés avant de quitter le pays pour éviter les fuites de dollars. Le décret déclenche les craintes d'une dévaluation imminente du peso, balayant les épargnes durant la nuit. La course vers les banques est seulement le dernier signe que la crise financière qui a frappé la troisième plus grande économie d'Amérique latine durant ces 4 dernières années ne montre pas de signe d'apaisement. Après que des analystes ont averti que le système économique s'écroulerait en 10 jours; le gouvernement plafonne les retraits en liquide à 250$ par semaine pour les 3 prochains mois.
Face à la crise économique qui s'aggrave, les travailleurs ainsi que les pauvres se mobilisent pour agir.
Les récents chômeurs se joignent aux barrages routiers autour d'une zone ouvrière à La Matanza et dans la zone sud de Buenos Aires. Professeurs et fonctionnaires résistent aux plans de privatisation, aux retardements des paiements et aux paiements sous forme de bons. Et les mineurs de Rio Turbio occupent leur mine par solidarité pour leurs collègues licenciés.
Le 13 décembre, une grande partie de l'Argentine s'immobilise à cause d'une grêve générale de 24 heures de la part des fonctionnaires qui protestent contre les nouvelles restrictions gouvernementales touchant aux retraits bancaires, aux délais concernant le paiement des pensions et d'autres mesures économiques.
Le 17 décembre, le gouvernement présente le budget 2002 incluant des coupures de 20% au niveau des dépenses.
Le 18 décembre , le FMI permet à l'Argentine de retarder le paiement sur la dette de près de 650£ millions qui devrait être payés en janvier, mais déclare aussi que l'Argentine n'est pas viable.
Le mercredi 19 décembre s'amorce de façon agitée. Les grands-pères et grands-mères du pays protestent, presqu'en larme à la sortie des banques car ils n'ont pas pu avoir leur chèque de pension. 10.000 fans du racing club de Avellaneda, dont quelques-uns ont attendu en ligne pendant 40 heures pour avoir un ticket d'accès au jeu qui pouvait signifier leur premier championnat en 35 ans, prennent part à une émeute à l'extérieur du stade, pris de panique lorsque les tickets sont mis en vente.
Tout cela se passe bien avant midi.
Cependant alors que l'après-midi approche, il devient évident que ce n'est pas un jour comme les autres. C'est le début de la révolte de 48 heures, de pillages massifs, de la bataille de Buenos Aires et d'est la fin d'un président.
Les premières informations parlent de pillages sporadiques dans certaines provinces et les faubourgs de Buenos Aires. Ensuite, quelques mots à propos d'un combat sanglant dans la ville de La Plata, des gauchistes et des employés municipaux se mesurent à la police après avoir tenté de s'emparer d'un bâtiment municipal. Les balles en caoutchouc,les gaz lacrymogènes volent, les barricades brûlent et les vitrines des banques s'écroulent. Quelques minutes plus tard, des nouvelles abondent à propos de pillages de plus en plus fréquents et de masses se rassemblant autour des supermarchés, mendiant de la nourriture et la prenant si on ne leur donne pas. Dans la foulée, des combats entre des employés municipaux et la police éclatent dans la cité de Cordoba après que des fonctionnaires ont partiellement mis le feu à un bâtiment de l'état. Des informations concernant un corps de police de toute évidence hors de contrôle et irresponsable (une réalité constante en Argentine) qui tire des gaz lacrymogènes appartenant à l'Union "Luz y fuerza" dans lequel de jeunes enfants pratiquent le ballet. Des enfants, toussant et en larmes, emmenés dans des ambulances, au milieu de cris et du son lointain des balles en caoutchouc.
Pendant ce temps, les pillages se rapprochent à petits pas de la capitale. Parfois la police regarde impuissante, ou choisit de ne pas intervenir. Autrement cela finit par les gaz et les coups de feu. Parfois, ceux qui regardent la télévision, applaudissent alors que les laissés pour compte argentins prennent ce dont ils ont besoin aux multinationales et grandes corporations pour améliorer leur quotidien, pour au moins quelques jours. a ce moment, la nuit n'est pas encore tombée et le pire, ainsi que le meilleur restent à venir.
Aux alentours de 20 heures, l'état d'urgence est déclaré; limitant les droits constitutionnels et les libertés individuelles et interdisant tout rassemblement public de plus de trois personnes.
A 22 heures, le président De la Rua donne un discours de cinq minutes sur la chaîne de télévision nationale. Il est maintenant absolument clair que la nation est dirigée par un président qui manquait non seulement de conviction, d'orientation mais aussi de préoccupations à l'égard des besoins et demandes du peuple argentin. Confronté à l'inévitable réalité d'une légion de chômeurs et de pauvres travailleurs dans les rues à la recherche de quelque chose pour contenter leur faim au moins pour les vacances et à une classe moyenne qui se rend dans la rue à plusieurs reprises et bloque des routes pour montrer sa désaprobation face à ce qu'elle considère comme étant l'usurpation de son futur, le président déclare qu'il "comprend et ressent" la souffrance du peuple, mais que les "agitateurs" qui sont à l'origine de la violence et qui l'on planifiée dans des buts politiques seront arrêtés, et que c'est ce qui justifie l'état d'urgence.
C'est la goutte qui fait déborder le vase, le point de rupture.
Quelques minutes plus tard dans chaque quartier, dans chaque rue, depuis chaque balcon et de tous les coins de rue, les casseroles et les poêles commencent à retentir. Les gens se rendent dans la rue. Plusieurs milliers de personnes convergent vers la résidence présidentielle à Olivos, près de quatre mille personnes se rassemblent devant la maison du ministre de l'économie, Domingo Cavallo, dans la quartier chic de Palermo, dix mille se réunissent devant le palais présidentielle, la Maison Rose, sur la place de Mai, dix mille encore se dirigent vers le congrès et des milliers se rassemblent à chaque coins de rue de quartier, à travers tout le pays. Peu après 23 heures, tombe la nouvelle de la démission du ministre de l'économie Domingo Cavallo.
Il s'agit là d'une protestation dirigée contre une classe dominante qui, depuis trop longtemps, se consacrait au pillage du futur et des moyens de subsistance des argentins.
Une classe dominante qui a mis la nation à la merci d'une politique économique néo-libérale qui profite aux intérêts de quelques "privilégiés" et aux dépends du peuple. Les chants le dépeignent clairement et brutalement: "Imbéciles, l'état d'urgence, carrez-vous le dans le cul, Menem et De La Rua sont les mêmes crapules, etc...".
C'est la rébellion et comme toujours, un gouvernement blessé lorsqu'il est confronté à la rébellion imminente montre les dents et recourt à la seule légitimité qu'il a: la violence.
Certains disent que des provocateurs de gauche ont lancé des cailloux sur la police. D'autres disent qu'il s'agit de railleries mutuelles. Et d'autres encore affirment qu'il s'agit d'une attaque entièrement spontanée.
Sur les chaînes de télévision ont été montrées des images d'officiers de police en train de se recroqueviller derrière les colonnes du Congrès alors qu'ils étaient assiégés par des manifestants. Suite à cela, des fusillades éclatent ainsi qu'une répression brutale au moyen de balles, de gaz et de bâtons visant des centaines de personnes. Cependant, la cause de cette fusillade reste inconnue.
Aux premières heures du 20 décembre 2001, la police de Buenos Aires s'était embarqué dans une orgie de sang et de violence durant 24 heures avec comme résultat des centaines d'arrestations, 7 morts et quelques destructions dont 8 banques et un Mac Donald. A 5 heures environ, Buenos Aires retrouve son calme. Cependant, ceci n'est rien comparé à ce qui va se produire durant le deuxième jour de la bataille de Buenos Aires.
Pendant que l'élite politique argentine pense que la tempête est passée, le peuple de Buenos Aires se repose, pense aux manières de récupérer le contrôle de ses quartiers et espaces traditionnels de rassemblement et se prépare au jour qui verra le renversement d'un président et peut-être, avec lui, d'un système et d'une époque.
Le calme qui a suivi la répression policière au Congrès et à la Place de Mai est tout relatif. C'est le calme avant la tempête. Quelques braves esprits, une ou deux centaines tout au plus, se rassemblent spontanément devant le palais présidentiel tout au long de la nuit. Ils s'accrochent fermement à la conviction que, lorsque le jour s'avancera, les gens les rejoindront à nouveau et que la mobilisation grandira et sera aussi importante voire même plus importante que le jour précédent. Manifestement, ils ne sont pas les seuls à le croire.
A 13 heures, un appel à la marche est lancé par la gauche argentine, plusieurs étudiants et organisations de chômeurs, depuis le Congrès jusqu'à la Place de Mai, pour demander la démission de De la Rua et dénoncer l'état d'urgence.
A 10 heures environ, la police commence lentement à repousser les gens de la Place de Mai, loin du palais présidentiel. Cela se passe dans un calme relatif malgré plusieurs arrestations musclées.
Quelques heures plus tard, le nombre de manifestants augmente à mesure que les gens qui se rendent à leur travail ou en reviennent, se joignent au groupe, rejoins par certains groupes charismatiques (les Mères de la Place de Mai notament). La police déclare qu'elle va "nettoyer la place" et donne quinze minutes aux manifestants pour se disperser mais en vain. La police montée charge la foule qui résiste par tous les moyens possibles: ripostes, sittings, lancers d'objets. Chaque voiture qui croise la manifestation, klaxonne par solidarité. Les gens abandonnent leur bureau et se joignent à la foule. Des voitures contrecarrent la police. Malgré tout cela, la place est "nettoyée". Cependant, des groupes reviennent à la charge régulièrement et en nombre croissant. Il y a deux victimes durant la bataille pour la Place de Mai; l'une d'entre elle a reçu une balle en caoutchouc dans la nuque et l'autre une vraie balle en pleine poitrine.
Pendant ce temps, au Congrès se déroule une manifestation énergique et enthousiaste de l'aile gauche argentine. Plus de deux mille personnes sont présentes et une ambiance de bataille flotte dans l'air; tous les manifestants sont décidés à atteindre le palais présidentiel; la résistance s'organise; les protagonistes se jettent à corps perdus à travers les gaz et les tirs de la police, ne sachant pas si les balles sont en caoutchouc ou réelles.
Ce n'est plus seulement la classe moyenne qui s'est mobilisée mais une foule hétéroclite qui est décidée à se faire entendre coûte que coûte. C'est ce qui effaiera les médias corporatistes et les poussera à mentir sur les événements de jeudi. Malgré ces habituels mensonges, il n'en demeure pas moins qu'on a ici affaire au mécontement légitime d'un peuple fatigué des mensonges, de la corruption et de l'injustice. C'est la bataille de milliers de gens qui souhaitent que s'ouvrent à eux une réalité et un futur neufs. La balance penche cependant en faveur des forces de l'ordre. Les masses sont refoulées et les barricades détruites. L'avancée de la police est rendue difficile par l'édification de barricades enflammées au milieu des rues, les meubles des banques et des multinationales dévastées étant mis à contribution.
De la Rua démissionne et s'échappe par la voie des airs à bord d'un hélicoptère ayant stationné sur le toit du palais. La police a reçu l'ordre de maintenir, par tous les moyens, la foule loin du palais présidentiel. Le pouvoir est laissé aux mains du Parti Justicialiste, tristement réputé pour inclure les "rats" qui infestent les couloirs du pouvoir en Argentine depuis trop longtemps.
A 20 heures, la résistance opère une retraite graduelle. La foule est toujours nombreuse et offensive mais se disperse et les affrontements mutent en pillages éparses et sans distinction de cible; c'est tout autant les banques, les Mac Donalds et les multinationales que les commerçants de quartiers qui sont visés par ces pillages. Bien que des pillages sporadiques surviennent dans le centre ville jusqu'à minuit, c'est ici que s'achève la mobilisation populaire.
Deux jours plus tard, samedi, la gauche appelle à la mobilisation devant le Congrès concernant la nouvelle présidence. A peu près 500 personnes sont réunies à l'extérieur alors qu'à l'intérieur le Parti Justicialiste, malgré une forte résistance de la plupart des partis (surtout de gauche), s'empare du pouvoir et s'approprie sans gêne la victoire du peuple. La cession parlementaire se termine vers 21 heures avec la nomination de Adolfo Rodriguez Saa, gouverneur de la province de San Luis, comme chef d'Etat.
Alors que le pays se remet progressivement de deux jours de pillages et de batailles de rues, il est proche de l'écroulement financier. Adolfo Saa annonce la suspension du paiement de la dette extérieure et l'emploi de l'argent ainsi économisé à la reconstruction de l'économie nationale.
Il annonce aussi la création d'une nouvelle monnaie (l'argentino) qui coexistera aux côtés du dollar et du peso argentin afin que l'exportation demeure compétitive.
De nouvelles protestations surgissent contre Saa; il aurait corrompu des officiels et maintient des restrictions économiques considérées comme impopulaires.
Selon le "Buenos Aires Herald", la censure est appliquée pour dissuader la presse et les médias de diffuser de nouveaux épisodes de pillage pendant l'exercice du pouvoir peroniste.
Le soir du 29 décembre, des barricades sont à nouveau élevées dans les rues de Buenos Aires et une foule spontanée se rassemble devant le parlement. Des milliers de personnes somment le ministre Grosso de quitter l'administration, la Cour Suprême de démissionner et exigent que les dépôts bancaires soient remboursés. Le slogan le plus populaire parmi les manifestants " tout le monde dehors, personne ne doit rester", s'adresse au nouveau gouvernement.
Une autre manifestation spontanée et déterminée déambule sur la Place de Mai. Le drapeau argentin flottant en tête du cortège, la masse continue à grandir si bien que des milliers de personnes tentent de s'introduire dans le palais pour parler au président lui-même. Les autorités envoient deux policiers afin de persuader cette multitude de se disperser, et comme il fallait s'y attendre, la réponse est "non". La répression reprend de plus belle et les balles sifflent à nouveau; la foule se sépare en de multiples groupes dont un reste sur la Place de Mai et un autre dans l'avenue du même nom. Des barricades sont dressées, des banques saccagées.
Pendant ce temps, Place de Mai, la situation devient plus tendue. La plupart des gens sont partis au parlement face auquel des "feux de joie" ont été allumés. Des gens entrent dans l'édifice et commencent à jeter les meubles au feu.
Quelques minutes auparavant l'infanterie était débordée mais à présent les agents des forces de l'ordre sont plus nombreux et les gaz sont lâchés.
Quand les manifestants récupèrent, des cris appellent la foule à se diriger vers la Cour Suprême de justice. Les gens y sont rapidement encerclés par la police mais au bout d'un instant, un grand nombre d'entre eux ayant échappé à la répression, les rues retrouvent leur calme.
Le 30 décembre, Rodriguez Saa démissionne officiellement à cause d'un manque de soutien au sein de son parti.
Le premier janvier 2002, le Congrès élit le sénateur peroniste Eduardo Duhalde comme président pour les deux ans restant du mandat de De la Rua.
Duhalde décide de dévaluer le peso et met fin à 10 ans de parité avec le dollar U.S.
A SUIVRE...