arch/ive/ief (2000 - 2005)

Prix Sakharov 2001
by mag Monday January 28, 2002 at 06:08 PM
mgilkens@hotmail.com

Le prix Sakharov est décerné chaque année afin de récompenser des personnes ou des associations luttant pour le respect des droits l'homme. Le prix 2001 a été décerné à trois lauréats : l'évêque angolais Don Zacarias Kamuenho, le palestinien Izzat Ghazzawi et l'israélienne Nuri Peled-Elhanan. Le fils d'Izzat Ghazzawi est mort dans son école par des balles isréaliennes; la fille de Nurit Peled-Elhanan a été tuée dans un attentat suicide perpétré par de jeunes kamikazes palestiniens... Voici des extraits de leurs discours publié dans "la lettre de confrontations" janvier 2002.(n°53)

Nurit Peled-Elhanan :

"En une telle occasion, je sais qu'il est de bon ton de parler de l'espoir et des qualités humaines qui permettront à l'humanité de triompher. Veuillez donc me pardonner si je ne parle ni de l'un ni des autres.

A Jérusalem, là d'où je viens, l'espoir et l'humanité sont en train de mourir. Israël devient un cimetière de petits enfants et ce cimetière grandit à chaque minute, tel un royaume souterrain qui croît sous nos pieds et transforme tout ce qui nous entoure en terre de désolation.

C'est dans ce royaume que réside ma petite fille, avec son meurtrier palestinien dont le sang se mêle au sien sur les pierres de Jérusalem, qui depuis longtemps sont devenues indifférentes au sang.

C'est là qu'ils reposent avec une multitude d'autres enfants, et tous ont été trompés.

Le meurtrier de ma fille a été trompé, parce que son meurtre et son suicide n'ont rien changé, n'ont pas mis fin à la cruelle occupation israélienne (...) et parce que les gens qui lui ont promis qe son acte aurait un sens se comportent comme s'il n'avait jamais existé.

Ma petie fille a été trompée, parce qu'elle pensait (...) que sa vie était sans danger, que ses parents la protégeaient du mal et que rien ne pouvait arriver aux petites filles qui (...) vont par les rues de leur ville à un cours de danse.

Et on les a tous trompés, parce que le monde continue à tourner comme si leur sang n'avait jamais été versé.

Le poète Dylan Thomas a écrit un jour "Et la mort n'aura pas de royaume". A Jérusalem, là d'où je viens, la mort a reçu un royaume.

Et ceux qui le lui ont donné sont les hommes qui se désignent comme des "dirigeants".

Ils semblent pourtant capable de vivre en paix lorsque c'est réellement nécessaire.

Le vendredi 1er décembre, le principal article du journal local de la Jérusalem exsangue nous apprenait que Jericho vivait dans le calme depuis deux mois: pas de soldats israéliens, pas de policiers, pas de fusillades.

Et ce n'est pas parce que les Américains sont parvenus à convaincre Sharon de ne plus envoyer des garçons israéliens de 18 ans assassiner des Palestiniens innocents, ou à convaincre les Palestiniens de cesser de se tuer eux-mêmes avec des Israéliens innocents.

Non. Jericho est calme parce que les dirigeants israéliens et palestiniens ont décidé de rouvrir le casino dont ils profitent eux-mêmes, avec certains hommes d'affaires allemands et autrichiens.

La pensée qui m'est venue immédiatement à l'esprit (...) a été que ma petite fille valait encore moins qu'un jeton de roulette.

Près de 200 enfants tués dans l'Intifada en cours, dans le massacre en cours, valent moins que des jetons de roulette.

D'une certaine manière, pourtant, je n'ai pas été surprise, car j'ai toujours su que la guerre qui sévit dans notre région n'opposait pas le peuple israélien et le peuple palestinien, mais ces "dirigeants" qui détruisent des vies et les gens des deux bords qui perdent leurs enfants dans les parties de roulette mortelles de ces politiciens.

(...)

Ces êtres rusés utilisent Dieu et le bien de la nation, la liberté et la démocratie, pour nous convaincre de fournir la chair et le sang qui alimentent leurs jeux mortels.

Ce n'est pas une nouveauté dans l'histoire de l'Homme. Les chefs ont toujours utilisé Dieu et toute autre valeur sacrée, comme l'honneur et le courage, pour excuser leurs ambitions mégalomanes.

Et à travers l'Histoire, la seule voix qui s'est élevée pour tenter de s'opposer à eux, a été celles des mères.

(...)


On m'a souvent demandé si je ressentais le besoin de venger le meurtre de ma petite fille, qui a été tuée simplement parce qu'elle était née israélienne, par un jeune homme qui se sentait désespéré jusqu'au meurtre et au suicide, simplement parce qu'il était né palestinien.

(...)

Mais il n'y a pas de vengeance après la mort d'un enfant... car il n'y a plus de mort, plus de vie. Aucune vraie mère ne pensera jamais à se consoler en tuant un autre enfant."

Izzat Ghazzawi

"La lutte de l'homme contre lui-même est le plus noble des combats. Il est regrettable que le conflit actuel oppose des nations et des cultures.

Suivre les partisans de la guerre et des hostilités, c'est accepter que le sang soit versé et que la terreur se répande.

C'est considérer comme un fait acquis que la folie mène notre monde.

Suivre, en revanche, ceux qui font du passé une lecture empreinte de tolérance, c'est comprendre ce dont nous avons besoin, c'est un engagement moral mutuel pour reconnaître les réalités et que le respect de la vie par l'homme est le seul don de prix.

(...)

Toutefois, les peurs qui ont surgi récemment et l'affrontement entre les cultures ont des causes. Le déséquilibre entre les riches et les pauvres est stupéfiant, et de nombreuses injustices mettent en péril le principe même de la tolérance dans le monde.

(...)

Quoi qu'il arrive dans notre région, cela affecte immanquablement toute la communauté internationale.

(...)

L'homme est sacré. Rien d'autre n'est sacré lorsque l'homme est humilié et privé de son droit de vivre dans la dignité."