04 janvier 2002 :Lettre d'un père (Carlo Giuliani) by Roberto Greco/Tatahari Monday January 07, 2002 at 02:25 PM |
La lettre d'un père La lettre du père de Carlo Giuliani au quotidien italien L'Unità Traduction approximative à partir d'un texte publié sur IMC Allemagne et lui même traduit de l'Italien.
Au directeur de l'Unita, avec tout mon respect,
Dans l'Unità du 31 décembre qui est consacré aux événements en 2001, je lis : "le 18 juillet, le jeune manifestant Carlo Giuliani était tué par un Carabinier, alors qu' il participait à une attaque sur une jeep restée seule." Ecrire me demande un effort réel d'exactitude, de concret et d'argumentation. Puisque il s'agit de l'Unità que je tiens pour l'un des quelques journaux qui peut être lu sans envie de vomir, le caractère pénible reste supportable. Ainsi, je m'exprime plus personnellement sur ce que j'ai pu analyser jour après jour à partir de la considération et comparaison attentive des photos et des films. Ils ont été faits en public tous, ils étaient souvent ignorés, parfois volontairement, parfois du fait de l'ignorance, ils étaient censurés ou étaient aussi auto-censurés ce que je tiens pour mauvais.
1) La jeep n'est pas isolée, car un groupe de Carabiniers s'en trouve éloigné seulement de quelques mètres. Les policiers se trouvent un peu plus loin. Personne n'est intervenu; cela est arrivé seulement alors que Carlo fût dépassé par deux fois par la jeep .
2) Autour de la jeep, il y a presque plus de photographes que de manifestants et quelques-uns d'entre eux se comportent de manière complètement désintéressée.
3) Dans la scène de cette tragédie, Carlo apparaît plus comme en retrait.
4) Il prend l'extincteur d'incendie qui a atterri entre ses pieds.
5) Quand il lève l'extincteur d'incendie et que se détache le coup de feu qui le tue (le premier coup de feu n'a pas été tiré en l'air, mais directement vers lui), Carlo se trouve éloigné de la jeep de presque quatre mètres . C'est l'instant saisi par la photo de Marco D ' Auria pour RAINET (http: // http://www.7x7.rai.it sur le net et à voir aussi sur : http://www.7x7.rai.it/online/images/bersagli/foto2.jpg ) Cette photo est la preuve d'une vérité la plus souvent ignorée.
6) Carlo a vu à temps que le pistolet était tendu dans dans une direction précise à même de provoquer la fuite des manifestants; il a voulu désarmer le carabinier.
Les cinq premiers points sont absolument sûrs et ne sont pas discutables. Le sixième point est ma vérité et je n'exige pas qu'elle soit aussi celle-ci des autres. La vérité, toute la vérité est encore à rechercher avec patience et attention. Ici il s'agit d'une histoire de comptage de douilles, du nombre de passagers de la jeep et de doutes quant à l'identité de l'auteur du coup de feu mortel.Cela fait l'objet d'un véritable enquête crimelle.
Mais ce qui se passait sur le Piazza Alimonda doit être vu en rapport avec les évènements. Sûrement il y a matière à interprétations, mais il n'est pas difficile de se rendre compte que ces interprétations correspondent à la réalité. Le 19 juillet, Gênes assistait à la manifestation des immigrants. Elle était très belle, très colorée, amusante et pleine d'humour.Il y a même eu à ce moment là, des épisodes de fraternisation des manifestants avec les forces de l'ordre. Je me souviens le soir, quelqu'un s'est demandé à quoi devait servir les 18000 policiers déployés en force, ainsi que les 250 cercueils prévus, les services d'hôpitaux et les ailes de prison complètement réquisitionnés -sans oublier la mise en scène de la caserne de Bolzaneto.
Le 20 juillet au matin, les Black Blocs "ainsi appelés" apparaissent. Il me paraît important de mettre "ainsi appelé" entre guillemet et de le souligner en gras pour montrer l'ambiguïté de la situation visible en utilisant tous les procédés typographiques. Ils entrent en action à 9H30 le matin. D'après le témoignage sûr de Giulietto Chiesa, dans son livre, un groupe se munit de pierres arrachées à l'asphalte et de barres de fer prises sur les signalisations,Piazza Paolo da Novi.Autour d'eux se trouvent tous les services des forces de l'ordre qui auraient pu les détourner de leur but et les arrêter, comme cela s'entend. Mais au lieu de cela, ils n'ont rien fait. Ils les ont laissé faire. Peut-être, on peut supposer ici en parallèle que c'était une situation très confortable.
Au même moment part les chefs de l' AN (Alleanza Nazionale = les fascistes italiens), parti auquel appartient le vice-président du parlement, apportent leur soutien aux carabiniers du centre opérationnel de Forte San Giuliano. En même temps, se déroule une vraie manifestation, incroyable de solidarité et faîte avec insistance jusqu'à 16 heures 30 .
Concernant le nombre de " Black Bloc ainsi appelé", il y a aussi quelque chose à dire. Au début ils étaient estimés à 300, après à 500, puis 1000, puis au fur et à mesure jusqu'à 5 000, 8 000 - pour le ministre Scajola qui a préféré passer la nuit à Rome,ils étaient 10 000. Cette augmentation me rappelle au trou financier du ministre Tremonti : de 10 000 milliards, il arrivait à 65 000. Alors cela devint évident que rien n'était vrai, que c'était une mise en scène pour se jouer des médias et des crédules, ceux qui oublient vite à chaque fois et qui se réjouissent de ces chiffres tellement incroyables.
La conclusion qui en a été tirée : Si les services de la sécurité ne comptabilisent pas plus d'habituels 300 fauteurs de trouble dans la ville, c'est sérieux. S'ils n'en découvrent pas 10 000, on devrait les renvoyer tous ensemble chez eux, sans qu'ils aient à éprouver les bienfaits de l'article 18. Si j'étais parmi eux, je me sentirais offensé et j'exigerais une indemnisation.
Puis vint le samedi,le fameux samedi soir et la nuit de dimanche dont on a suffisament parlé c'est pourquoi je ne reviens pas dessus. Ce qui reste est un problème du souvenir qui comme Magris le dit, doit être "sans vengeance et sans ressentiment , mais avec le respect de la vérité et de la liberté." Ma famille et l'ami de Carlo s'efforcent sansrepos de garder ce souvenir vivant . J'aurais volontiers souhaité que l'Unità apporte sa contribution personnelle.
Avec tout mon respect
Giuliano Giuliani