Les pédés sont derrière vous by Jérôme / Act Up-Paris Sunday January 06, 2002 at 10:05 PM |
Homophobie et sexisme sur Indymedia et ailleurs
Les pédés sont derrière vous
Je m'appelle Jérôme, je suis pédé, je fais partie d'Act Up-Paris. Je lutte contre l'épidémie de sida, et contre tous les discours et les pratiques qui en font le lit, parmi eux l'homophobie et le sexisme. Je m'adresse à tous ceux qui tiennent des discours homophobes et sexistes sur Indymédias. Ceux-là restent rares, mais je m'adresse aussi à tous ceux, beaucoup plus nombreux, qui les laissent passer sans les contrer.
Mi-décembre, juste après Bruxelles, Indymédia-France a interdit la publication d'un " article " violemment homophobe et misogyne. Il y était question d'infliger aux flics infiltrés dans un cortège " l'humiliation suprême ", à savoir la sodomie par matraque interposée. Pour atteindre cet objectif, des " filles qui mouillent pour les gros bras " ou des " fiottes " doivent nouer un " contact sympathique " avec le flic pour tromper sa vigilance. Pendant ce temps, les hommes, les vrais, se préparent au passage à tabac et au viol collectif.
La violence machiste de ce message n'appellerait pas plus de commentaires. Malheureusement, elle n'est pas isolée. L'homophobie et le sexisme bénéficient même d'une tolérance bienveillante dans les milieux qui se disent progressistes ou révolutionnaires. Ici, on écrit " pédés " pour parler des journalistes ; dans telle manif, on hurle " enculés " aux flics. Là on condamne ceux et celles " qui se couchent " ou " qui se mettent à quatre pattes " devant l'autorité. Et si quelqu'un critique ces propos, on lui rétorque que ce ne sont que des mots et qu'il ne faut pas faire de " politiquement correct ". Comme si la correction politique était une tare.
Je te parle à toi par exemple, qui, au cours de la street party, à Bruxelles, as hurlé aux flics : " enculés ". Tu sais, je me fais enculer, et j'adore ça. Je ne suis pas le seul : hommes, femmes, transgenres, on est nombreux à aimer la sodomie. Tu insultes les flics, qui sont en face de toi, et tu oublies que les enculés, que tu méprises tant, manifestent à tes côtés, derrière toi, même. Pour moi, la sodomie est un vrai plaisir. Pour toi, c'est une marque d'indignité que tu apposes à tes adversaires. Comment veux-tu qu'on soit d'accord ?
Je suis un pédé et, oui, je suis pour la correction politique. Je refuse de me faire insulter, je veux qu'on soit correct avec moi. C'est aussi simple que ça. Je ne supporte pas qu'on parle de moi en disant "fiotte". Moi, j'ai le droit de me dire "pédé", ou "fiotte", ou "tapiole", etc. Je n'ai pas eu le choix, ce sont des insultes que j'entends depuis que j'ai 10 ans. Je suis maintenant fier de me définir par rapport à ces insultes, et de les renvoyer à la gueule des connards homophobes à qui je peux avoir affaire. Tu me traites de "pédé" ? OK, je suis pédé, mais je suis tellement pédé, beaucoup trop pédé pour toi, tu ne peux pas t'imaginer. Par contre, je t'interdis d'utiliser ce terme pour parler de moi. "Pédé", "fiotte", etc, ça m'appartient. Tu trouves ça politiquement correct ? Je t'emmerde et je défends la correction politique : si au détour d'un mail, tu lisais les termes de youpin, négro, bougnoule, face de citron, etc., tu te poserais la question de savoir pourquoi et par qui ces termes ont été utilisés. Tu réagirais immédiatement, en remettant en cause l'auteur du message : raciste, antisémite. Tu aurais raison. Par contre, quand tu lis "fiotte", pour toi, ce n'est pas trop grave, c'est une maladresse, un truc un peu limite, mais surtout pas le signe d'une quelconque homophobie. Tu te dis politiquement incorrect ; tu es juste homophobe.
Je suis pédé, j'ai enterré deux amants et quelques ami-es à cause du sida. Quand je descends dans la rue, c'est pour revendiquer des choses en matière de prévention, d'accès aux traitements, de prise en charge sociale, de lutte contre les discriminations. Je suis heureux quand cette lutte croise les vôtres, je suis heureux de vous rencontrer dans la rue. Mais n'attendez pas que j'accepte que les combats que vous menez, qui pourraient être les miens, s'appuient sur des discours et des attitudes homophobes et misogynes.
Je suis pédé, et je me couche régulièrement devant l'autorité. Ca s'appelle un die-in. Pour moi, c'est une autre manière d'investir la rue, en rappelant notamment que tous ceux qui auraient pu être présents avec nous ne le peuvent pas, car ils sont morts ou à l'hôpital. C'est aussi une façon de révéler la violence de nos adversaires : en les obligeant à marcher sur nos corps s'ils veulent vraiment passer dans les lieux que l'on bloque ; en contraignant les flics à nous ramasser s'ils veulent nous évacuer.
Mais pour bon nombre d'entre vous, " s'allonger ", " se coucher ", c'est une marque de lâcheté et d'allégeance à vos adversaires : quand on s'allonge devant quelqu'un, c'est pour se faire baiser, donc c'est humiliant, pas vrai ?
Qui parmi vous tolèrerait que les luttes qu'il mène passent par des pratiques racistes ou antisémites ? Personne, j'espère. Vous êtes pourtant nombreux à approuver le sexisme et l'homophobie, et même, pour certains, à en faire un système de valeurs sur lequel repose votre image de la résistance, de la révolution, de la lutte : lutte qui ne peut être menée que par le mec, le vrai, sévèrement burné.
Vous ne pouvez pas vous imaginer que des pédés, des enculés, des fiottes, des femelles, des salopes, des gouines, des mal-baisé(e)s, des bien-baisé(e)s, des travelos, des trans, sont à vos côtés et mènent les mêmes luttes que vous, EN PLUS des combats qu'ils et elles doivent mener pour leurs droits. Vous vous trompez : nous sommes dans la rue, avec vous, derrière vous, et aussi, trop souvent, contre vous.
Jérôme MARTIN
Act Up-Paris
Commentaire by red kitten Sunday January 06, 2002 at 10:14 PM |
ladyredkitten@hotmail.com |
[1] Merci pour cet article. J'en profite pour rappeler que, dès ses débuts, http://archive.indymedia.be a affirmé que seraient strictement refusés tout les articles racistes, sexistes ou homophobes.
[2] A l'attention des personnes qui ce sont plein de la "censure" contre la grossièreté, voici un exemple d'article où elle me parait tout à fait ,nécessaire et justifiée.
juste pour rire by Micky Monday January 07, 2002 at 04:53 PM |
micky.bbg@caramail.com |
je suis 100% d'accord sur ton message jérôme, même si je me suis fais éjecter d'un café gay, (car je suis noir et avec une blance) près de la Bourse à Bruxelles, comme quoi l'intolérence c'est vise-versa. Ceci dit, une petite touche d'humour quandtu dit "on est derrière vous dans les manifs" beh quoi de plus normalepour des PEDES... juste pour rire quoi
Micky___Bruxelles___