arch/ive/ief (2000 - 2005)

L'Argentine et le CADTM
by Jeroen Van Erstael Tuesday December 25, 2001 at 02:51 AM

L'engagement politique en Europe à la lumière des événements argentins


Bien avant les émeutes qui ont éclatées en Argentine ces derniers jours, le Comité pour l'annulation de la dette du Tiers-Monde (CADTM) n'avait pas manqué de présenter ce pays comme un "cas d'école", représentant facilement une grande partie des phénomènes économiques dénoncés par divers mouvements "alter-mondialiste". Dans la même ligne générale qu'ATTAC-France, avec laquelle le CADTM œuvre en partenariat, l'association liégeoise fondée par l'historien Eric Toussaint dissèque les mécanismes pervers de l'orthodoxie libre-échangiste professée par le FMI et souligne les conséquences sociales désastreuses de ces politiques, en particulier en Argentine. L'échec et l'hypocrisie du FMI apparaissant aujourd'hui clairement à la lumière de l'actualité sociale de l'Argentine, le CADTM ne se prive pas de nous offrir ses brillantes analyses sur ce sujet qu'il connaît bien. Parallèlement à ses publications et conférences, le CADTM a toujours été présent dans l'organisation des manifestations internationales "contre la mondialisation libérale". Président d'une association politique sans militants, sans "base", Eric Toussaint est en revanche doté d'un impressionnant carnet d'adresses qui le place toujours à l'intérieur des organes décisionnels dans la mise en œuvre des contre-sommets, que ce soit à Nice, Gênes, Göteborg, récemment Bruxelles et bien sur Porto-Allegre ou sa chambre d'hôtel et ses vols sont probablement réservés un an à l'avance. Le CADTM s'est toujours positionné comme radicalement opposé à toute forme d'action "violente" lors des manifestations.

Arnaud Zacharie, que le "Soir" à récemment qualifié de "porte-parole d'Attac-Belgique" en a même fait son credo, multipliant les stigmatisations à l'encontre des "casseurs", ceux qui détruisent le mouvement (son mouvement à l'entendre), ceux qui n'ont aucune stratégie etc. A l'instar de Susan George, les communications du CADTM se sont fait tellement systématiques dans les condamnations des groupes violents que l'on finit par se demander si ceux-ci ne constituent pas leurs véritables adversaires, bien plus que le FMI ou la Banque Mondiale. Et voici qu'en Argentine, pays dont Arnaud Zacharie a longuement étudié la situation, la population descend dans la rue, pille les supermarchés, brises des milliers de vitrines, s'attaque aux bâtiments officiels et menace même l'intégrité physique de personnalités politiques (le ministre Cavallo a exigé la protection de la police pour lui et sa famille). Les protestataires Argentins, chômeurs et précaires mais aussi travailleurs, commerçants, fonctionnaires, se bat contre les dogmes dévastateurs de la mondialisation libérale et particulièrement l'un de leurs emblèmes, le FMI. Son désespoir et sa colère sont les nôtres, nous qui depuis quelques années essayons de comprendre ces phénomènes afin de les affaiblir. Mais le peuple Argentin n'est pas composé de "casseurs", "black-blocs" ou autres sauvageons. Les manifestations argentines ne se divisent pas en manifestants-pacifistes-qui-ont-message-politique-à-faire-passer et crétins cagoulés de noir qui ne rêvent que de casser du flic. Et le site d'Indymedia Argentine n'est pas pollué par d'interminables débats virtuels sur la violence et ses conséquences.

Le cas argentin met en lumière les limites des mouvements de protestation postmodernes tels qu'ATTAC ou le CADTM. On ne peut d'un côté dénoncer avec vigueur les effets négatifs du libre échange et de l'autre passer sa vie à condamner ceux qui s'attaquent physiquement à ces effets. La dernière campagne du groupe Dexia a pour slogan "quand l'argent va, tout va". Les banques belges (dont les agences Dexia) refusent d'ouvrir des comptes aux chômeurs. Les banques, comme le FMI, attendent que l'Argentine paye et tant pis si elle en crève. Les Argentins ne payent plus chez Carrefour et détruisent ses enseignes. Ici, en Europe, il faudra trouver autre chose à faire pour contrer ces phénomènes que des séminaires, des publications ou des manifestations ou l'on espère limiter le nombre de casseurs de banques.

Info sur Argentine
by Jan Versluys Tuesday December 25, 2001 at 03:53 AM
janversluys2@yahoo.com

Pour ceux qui sont intéressés: il y a une texte sur la situation actuelle en Argentine, écrit par Arnaud Zacharie, sur le site du CADTM: users.skynet.be/cadtm

Wat de vergelijking van het geweld in Argentinië met dat hier betreft: volgens mij zijn de omstandigheden niet vergelijkbaar. In Argentinië zorgt de crisis direct voor massale armoede, voor honger ook. Dat kan niet gezegd worden van de ruitengooiers op betogingen in Brussel.

Voor de rest geloof ik ook niet in het nut van de voortdurende veroordelingen van het geweld, al ben ik het niet eens met de redenen erachter.

...
by Zumbi Tuesday December 25, 2001 at 10:02 AM
fleveque@brutele.be

Je rigole, comment oses-tu comparer ce qui s'est passé en Argentine avec des manifs d'altermondialistes. Cela n'a rien à voir...à l'exception que les gens se battent contre un meme système.
En Argentine, ces dernières années, il y a eut plusieurs grèves générales, conflits sociaux très puissants. le "peuple" en a eu marre et s'est réapproprié la marchandise et a fait fuir le président.
Quel point de comparaison avec les blacks blocks, professionnels des manifs et qui cassent une vitrine de banque ou de mercedes!!!
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Une analyse du CADTM sur la violence
by Arty Tuesday December 25, 2001 at 12:17 PM
arty@ARTivisme.net

Jeroen, Jan et Zumbi, avez-vous lu l'article d'Olivier Bailly intitulé "Comprendre et accepter la violence" et publié par le ... CADTM le 15 octobre 2001 ? :

COMPRENDRE ET ACCEPTER LA VIOLENCE
"La violence n'est pas forcément mauvaise"
Olivier Bailly
lix@nirvanet.net

Cette phrase, surtout en ces temps, fera bondir la majorité des lecteurs, extrémistes et provocateurs exceptés.
Dans un élan touchant d'unanimité, Etats et individus, toute tendance philosophique, religieuse, politique confondue, ont condamné les actes de terrorisme qui ont frappé les Etats-Unis. La crainte de représailles disproportionnées a amené ces mêmes intervenants à appeler à la retenue, à un usage limité de la violence, qui ne toucheraient que les " coupables ".
Pourtant, au-delà des manifestations sincères revendiquant un monde sans haine, nous cautionnons tous, certains inconsciemment, une violence. Nous ne réprimandons pas de la même manière les mêmes actes selon les auteurs ou les mobiles. Les assertions 'un résistant français a tué un SS allemand' et 'un terroriste a tué un civil' ne provoquent pas les mêmes réactions. Pourtant, d'un point de vue strictement humaniste, l'acte, l'homicide volontaire, devrait amener la même condamnation. Si la deuxième phrase provoque en effet l'indignation de la majorité d'entre nous, la première suscite l'approbation, voire l'admiration.
Le vocabulaire choisi pour décrire les deux actions porte en lui le jugement de l'acte. Le terroriste a forcément tort, il se bat pour une cause totalitaire, contre le bien-être de tous, tandis que le résistant se bat contre une injustice, une occupation. Et c'est ce jugement qui rend acceptable une mort, et inadmissible une autre.
La violence en soi ne serait donc pas condamnable, seuls ses desseins le seraient ? En fonction des objectifs menés, des degrés de violence seraient acceptables. Ainsi, l'ensemble des interventions occidentales sur les frappes américaines en Afghanistan se résume ainsi : les USA peuvent investir ce pays, dénicher Ben Laden et le ramener, cette mission pourra se faire au prix des vies des talibans, mais si possible avec le moins de victimes afghanes civiles et occidentales militaires.
Deux types de violence s'opposent dans ce " duel " USA - Ben Laden : la violence institutionnelle, étatique, régie par des lois, justifiée par une théorie ou tout le moins une rhétorique, et la violence individuelle, tenue à aucune règle définie si ce n'est celle que s'impose l'auteur ou le groupe d'auteurs.

Frapper de manière réfléchie

La violence a plusieurs visages, plusieurs explications, elle n'est pas cette entité monolithique contre laquelle chacun s'insurge. La violence n'est pas l'apanage du Mal pour s'exprimer. Le Bien y recourt fréquemment !
Dans les discours de circonstances entendus dans la foulée des attentats du 11 septembre, où la nuance a rarement eu droit de cité, la violence a été identifiée comme irréfléchie, imbécile. On ne donne peu de crédit intellectuel à son auteur, aucune vision à long terme, aucune capacité de réflexion. L'homme violent est endoctriné, lobotomisé. Or, ce qui a le plus surpris dans l'attaque qu'a subie les USA est de déceler dans l'identité des terroristes des caractéristiques qui se contredisent : le fanatisme et l'intelligence, l'extrémisme et la patience, le dogme et l'intégration sociale, l'éducation et le choix de la violence.
Dans une même logique (mais sans comparer ou lier ces violences), des discours construits de Black Blocs ont été téléchargés sur le site de " Indymedia Belgique " après les événements gênois. Réfutant l'idée de marionnettes manipulées soit par l'extrême gauche, soit par la police (représentant l'extrême droite), les Black Blocs revendiquaient une pensée sur les phénomènes globaux, mondialistes. Leur démarche s'inscrivait dans une vision du monde. Si on ne peut que craindre une société bâtie sur la violence, les " casseurs " n'étaient pas tous des jeunes désoeuvrés, manipulés, comme l'ensemble des médias les a présenté.

Si l'essentiel des " autremondialistes " sont des pacifistes convaincus, s'ils entendent prendre leurs distances avec ce qu'ils qualifient eux-mêmes d'extrémistes, c'est plus une forme de violence qu'ils condamnent que la violence en elle-même. Ces mêmes pacifistes sont moins nombreux à condamner les arrachages d'OGM dans les champs expérimentaux. Pourtant, la problématique des OGM tient essentiellement dans sa commercialisation, et non dans la recherche. Il est plus logique de s'attaquer alors aux produits OGM déjà commercialisés. Les " autremondialistes " défendent des actes de destruction, ou plutôt de déconstruction. Ils étaient des milliers à demander l'acquittement de José Bové, estimant que les dommages subis par les éleveurs de chèvre justifiaient l'acte commis.

Chacun est donc prêt à accepter une forme de violence en fonction des objectifs menés et de l'ampleur des actes.

Quelles valeurs, quelle violence ?

Une des frontières intangibles qui rend un acte inacceptable est la mort d'un homme.
Pourtant, en reprenant l'exemple précité du meurtre par le résistant et le terroriste, cette violence extrême peut être avalisée, si elle est acceptée en fonction de certains critères, dont l'identité de la victime, et si elle est accomplie au nom de la Justice. Donner la mort peut même, dans certains pays (USA, Arabie Saoudite, Afghanistan…) signifier rendre justice !
Mais nous n'avons pas tous la même vision de cette dame aveugle. Ni de la paix. Chacun la souhaite, mais pas la même. Le Premier Ministre israélien Ariel Sharon n'a-t-il pas " appelé l'Occident, en particulier les Etats-Unis, à ne pas tenter de "s'entendre avec les Arabes aux dépens d'Israël" (AFP, 07/10/01) ? Par ailleurs, dimanche 7 octobre 2001, les frappes américaines sur le territoire afghan ont été qualifiées de " terroristes " par le régime des taliban, alors que l'objectif même de ces frappes était de déloger des " terroristes " ! Qui détient la Justice dans ces deux déclarations ?
Selon Monsieur Verhofstadt, Premier Ministre du pays (Belgique) présidant l'Union Européenne, ces " opérations ciblées " (des USA) avaient un " caractère légitime ". Tony Blair, le Premier Ministre anglais, estimait quant à lui que " nous savons que parfois, pour sauvegarder la paix, nous devons combattre "
Autre exemple, urbain cette fois-ci, de violence justifiée par l'autorité publique, l'application du système " tolérance zéro " du maire new-yorkais Giuliani est l'échange de la sécurité d'un groupe par la répréhension d'un autre. Pendant que la classe moyenne de New-York se félicite de rues devenues plus sûres , une violence systématique, légitimée, cible les groupes sociaux défavorisées (avec contrôles répétées, incarcération pour délit mineur, etc.).

La perception de la guerre et de son pendant, la paix, tout comme la vision de la violence et de la justice, sont profondément liées à nos intérêts, nos références personnelles et socio-culturelles.

Pour le combat citoyen, quelle contestation ?

Depuis les événements de Goëteborg et de Gênes, la question que doit se poser la lutte pour une " autre mondialisation " est : jusqu'où sommes-nous prêts à aller pour nos valeurs, notre combat ? Personne n'étant crédité pour parler au nom de la société civile, aucune réponse ne peut être donnée. Mais au-delà des condamnations aisées et médiatiquement porteuses de la violence, des pistes de violence (ou désobéissance) citoyenne sont tracées.
Le héraut de cette " autre mondialisation " a lui même commis un acte appelé au choix " désobéissance civique ", ou " vandalisme ". Aux yeux de Monsieur Giuliani précité, Monsieur Bové aurait été grossir les rangs des taulards américains. Aux yeux de l'ensemble des mouvements, individus et associations qui se revendiquent de la société civile, l'action de l'éleveur de chèvres était justifiée par le mépris et l'agression que subissaient les producteurs de fromage de chèvre français. D'une certaine manière, José Bové répliquait au 'terrorisme' économique américain en démontant un de ses symboles. Qui, au sein des associations paysannes, qui de Greenpeace à Amnesty, en passant par les associations de consommateurs ou simples citoyens, a jugé cet acte " inacceptable " ? Ils furent peu.
Le monde associatif est donc prêt à accepter une action radicale contenue, que les opposants libéraux identifieront comme " violence ".

Accepter son obscurité

Certes, la majorité des associations structurées comme les ONG ou les syndicats prennent leurs distances avec des mouvements plus belliqueux et développent des techniques de contestation pacifistes, dont le " sit-in ", ou la chaîne humaine.
Le propos n'est pas de mettre ces manifestations d'une opposition sur le même pied que des actes ouvertement violents, comme la destruction systématique de banque ou autre symbole capitaliste. Au contraire, il s'agit d'établir une sorte de hiérarchie de violence et de tracer une ligne précise à ne pas franchir.
Ce champ d'interrogations, de plus en plus investi par les gouvernements et les institutions désireuses de criminaliser l'associatif, l'identifiant comme un mouvement violent et anti-démocratique, doit être présent instiguer par les différents associations " autremondialistes ".
A force d'être méprisés, voire persécutés lors des manifestations de grands sommets européens ou internationaux, des manifestants pacifiques risquent de basculer dans un choix plus radical de contestation, déçus par le peu d'écoute obtenu jusqu'à présent. Monsieur Riccardo Petrella ne disait pas autre chose en annonçant que " de nombreux représentants d'ONG admettent avoir perdu leur virginité démocratique, c'est-à-dire leur croyance dans la possibilité de lutter démocratiquement dans des pays démocratiques " . Si cette foi en un système démocratique vacille, les mouvements citoyens doivent dès lors donner des indications précises à leurs formes de manifestations, sous peine de participer à la confusion actuelle, où on ne sait plus qui est violent, qui est pacifiste, qui est pour la mondialisation et qui est pour la démocratie.

Accepter sa forme de contestation, de violence (quels actes pour quelle lutte ?), la définir, la délimiter, et la revendiquer permettra au monde associatif d'éviter les confusions entre un mouvement organisé, mature dans ses opinions et ses voies pour les exprimer, et un mouvement peut-être tout aussi réfléchi et organisé, mais plus volontairement guerrier.

http://users.skynet.be/cadtm/pages/francais/baillyviolence.htm