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ESCALADE AU PROCHE-ORIENT: LA SOLUTION POLITIQUE OU LE CHAOS?
by par Maximin J. EMAGNA, docteur en science pol Saturday December 15, 2001 at 09:01 PM
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L'escalade de la violence d'un côté comme de l'autre n'appelle que la violence. Nous vivons dans un monde où la guerre contre le terrorisme devient un enjeu et un combat international, et que le gouvernement d'Ariel Sharon ne peut continuer de s'obstiner à vouloir tout seul se faire justice. Il y a lieu de faire appel à une coalition contre le terrorisme au Proche-Orient, terrorisme d'Etat ou terrorisme des extrémistes de tous bords. Mais il est ici plus urgent de mettre en place une "Coalition internationale pour la paix et la sécurité au Proche-Orient".

ESCALADE AU PROCHE-ORIENT: LA SOLUTION POLITIQUE OU LE CHAOS?
par Maximin J. EMAGNA, docteur en science politique (CURAPP-CNRS, Université de Picardie Jules Verne, Amiens, France), actuellement Fulbright Scholar à l'Université de Pittsburgh (USA),
emagna@birch.gspia.pitt.edu
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Personne ne peut soutenir des attentats-suicides aveugles comme ceux dont viennent d'être victimes des jeunes et innocentes populations d' Israël le week-end dernier à Jérusalem et à Haifa? Peut-on soutenir les exécutions extra-judiciaires menées par le gouvernement d'Ariel Sharon depuis son arrivée au pouvoir en février 2001 contre les islamistes palestiniens? Assurément, non. L'escalade de la violence d'un côté comme de l'autre n'appelle que la violence. Nous vivons dans un monde où la guerre contre le terrorisme devient un enjeu et un combat international, et que le gouvernement d'Ariel Sharon ne peut continuer de s'obstiner à vouloir tout seul se faire justice. Il y a lieu de faire appel à une coalition contre le terrorisme au Proche-Orient, terrorisme d'Etat ou terrorisme des extrémistes de tous bords. Mais il est ici plus urgent de mettre en place une "Coalition internationale pour la paix et la sécurité au Proche-Orient". Et il convient urgemment de rappeler que le droit international humanitaire dont on célèbre cette année le centenaire de l'attribution du premier Prix Nobel de la Paix à son initiateur, Henry Dunant, règle la manière "civilisée" de faire la guerre.

1- L'impasse de la solution militaire israëlienne:
Il faudra comprendre les derniers évènements comme une provocation et une volonté délibérées des extrémistes et ennemis de la Paix pour faire échouer la médiation américaine Zinni-Burns actuellement au Proche-Orient. Les attentats des extrémistes palestiniens se produisent après l'exécution de Mahmoud Abou Hanoud, responsable de l'aile militaire du Hamas, le 23 novembre (veille de l'arrivée des émissaires américains). La réponse ferme de Yasser Arafat contre les groupes extrémistes de son camp doit être considéré comme un précédent. Très peu de dirigeants et de médias dans le monde ont salué cet effort.
Par contre la compréhensible réplique israélienne a été largement justifiée par la communauté internationale. A l'exception des désaccords de quelques ministres travaillistes israéliens, dont le prix Nobel de la Paix, Shimon Perez. Se sont aussi démarqués le Chef du gouvernement espagnol et surtout M. Hubert Védrine, le Chef de la diplomatie francaise ont émis le danger de l'escalade de la violence et le risque de voir éliminer l'autorité palestinienne. En effet, avons-nous suffisament mesuré la portée de la disparition de Yasser Arafat, un président "élu", surtout si elle est causée par les tirs israéliens? Nous ne voulons pas nous imaginer cette situation, qui serait comme le qualifie justement M. Vedrine, "l'erreur fatale".

Ce n'est pas la première fois que sont émis des soupçons d'assassinats sur la personne de Yasser Arafat par Ariel Sharon et ses forces spéciales. Des spécialistes de la région, remontent ce conflit à la guerre du Liban, et principalement des évènements de Sabra et Chatila; affaire qui est actuellement pendante devant la justice belge, à la faveur de la loi avant-gardiste dite de "compétence universelle" de 1993 et 1999. Et faudrait-il sacrifier la Paix et l'avenir de jeunes israéliens et palestiniens devant la querelle personnelle entre deux individus, Ariel Sharon et Yasser Arafat, qui restent, avec Shimon Perez, les seuls "tenors" et dirigeants mythiques de ce conflit de plus en plus incertain. Et si le rêve caché d'Ariel Sharon, qui est le seul parmi les trois à n'avoir pas obtenu de prix Nobel de la paix, est de rester aux yeux des siens comme le grand nationaliste, le général ferme face à l'intransigeance des extrémistes palestiniens, qui veulent la destruction de l'Etat d'Israël?

Mais aujourd'hui, Yasser Arafat est piégé et coïncé. Piégé parce que sans moyens économiques et financiers efficaces pour lutter contre le terrorisme des siens. Mais il se trouve coïncé aussi sur plusieurs fronts, d'abord, face à sa jeunesse qui ne voit aucun espoir poindre à l'horizon, et face à son opposition interne radicale. Ensuite face à la pression du gouvernement israélien qui demandent à Arafat de neutraliser davantage ses terroristes sinon il le fera à sa place, et surtout celle d'Ariel Sharon qui cherche sans succès à faire passer l'Autorité palestienne pour une "entité terroriste". Enfin face au gouvernement américain et à l'ONU, qui exigent d'Arafat de tout fqire pour éviter les attentats et conduire les organisateurs des attentats-suicides en justice.

2- Assassinats politiques et escalade de la violence:

Mais, peut-on véritablement attribuer à Arafat la seule responsabilité dans l'escalade de la violence au Proche-Orient? Nous ne le pensons pas. En effet, si Ariel Sharon accuse Arafat de terrorisme, il n'est pas exempt de tout reproche. Par ses actes et actions, il pourrait être accusé d'incitation au terrorisme. Par ses provocations verbales, ses faits et gestes. D'abord, avec sa visite sur l'esplanade des Mosquées, à Jérusalem le 28 septembre 2000, alors qu'il était encore député de l'opposition de la droite nationaliste au gouvernement Barak. Ensuite, par ses actions gouvernementales essentiellement militaires avec surtout les spectaculaires éliminations politiques de dirigeants extrémistes palestiniens. Or, les services spéciaux israéliens connaissent suffisamment la capacité de nuisance des extrémistes du Hamas et Djihad, et ils savent qu'en provoquant ces derniers, ils ne pourront pas se retenir. Enfin, le manqué de moyens économiques et financiers internationaux indispensables pour le développement économique et social de la Palestine. Car, nous l'oublions jamais, le terrorisme se nourrit du désespoir et de la pauvreté.

Il faut parfois expliquer les mutations et la radicalisation des groupes comme le Hamas dont une bonne dizaine d'assassinats des dirigeants du Hamas. A l'origine le Hamas n'est pas une organisation terroriste, et sa suprématie sur les groupes rivaux vient s'explique par ses actions caritatives et d'entraide sociale sur le terrain, qui lui permette de s'assurer une implantation de masse au sein des populations et des instances religieuses palestiniennes. Une concurrence pour l'influence sociale et le leadership nait parmi les différents groupes palestiniens. Ce n'est qu'après la guerre du Golfe et la mise en place de l'Autorité palestinienne, que l'OLP et sa branche politique, le Fatah vont reprendre le contrôle de la situation. Des négociations de paix allaient bon train avec le gouvernement Barak, jusqu'au mois de septembre 2000 avec le déclenchement du cycle violences-répression. Ce jour là en effet, marque le début de la seconde intifada provoquée par Ariel Sharon, par sa visite sur l'explanade des mosquées. A la faveur des crises politiques internes au sein du gouvernement palestinien accusé de corruption, l'incapacité d'action face à l'intransigeance des gouvernements israéliens, l'avènement d'Ariel Sharon au pouvoir en Israël à la faveur des élections de février 2001, et le désespoir des populations palestiniennes, le Hamas a repris du terrain, revigoré par le manque de réplique et à l'incapacité de l'Autorité palestinienne à répondre aux assassinats des ses dirigeants, à la destruction des forces de sécurité palestinienne, aux destructions de maisons et de zones agricoles et aux implantations croissants des colons dans les territoires palestiniens. Les attentats suicides ont ainsi permis aux responsables du Hamas de gagner du terrain et de tenter d'imposer leurs solutions inacceptables pour la résolution du conflit, à savoir, la destruction de l'Etat d'Israël et la reconquête de toute la Palestine.

3- L'impasse d'Arafat et de l'intifada palestinienne:

Yasser Arafat a certes encouragé l'intifada d'Al Aska pour obtenir des concessions, mais cette intifada qui visait à accroitre la pression sur les dirigeants israéliens, s'est retournée contre lui. Celle-ci a ainsi permis l'accroissement d'attaques terroristes, et a été très vite récupérée par les islamistes palestiniens et à Osama Bin Laden lors de son intervention d'octobre 2001.

En outre, pour des raisons de sécurité, l'armée israélienne a déployé un rouleau compresseur, rasant des dizaines de maisons et des hectares entiers de cultures et de vergers, jugés trop proches de ses implantations - sans compensation et interdisant de nombreuses routes aux Palestiniens pour protéger la circulation des colons juifs. L'enfermement accentué par l'asphyxie économique ne peut qu'accroître des sentiments d'injustice et d'isolement au sein de la jeunesse palestinienne. Aujourd'hui, les populations palestiniennes se sentent comme prisonnières dans des territoires de plus en plus exangues, avec un taux d'inactifs grandissants.

Les répresailles israélienne et la répression des extrémistes palestiniens par l'Autorité palestinienne peut aboutir à l'assassinat d'Arafat par les siens. Et si c'est ce que recherche le premier ministre israélien! Ainsi, le rêve secret d'Ariel Sharon, pourrait être atteint; lui qui cherche probablement à passer dans l'histoire israélienne comme celui qui aura réussi à briser le mythe que représente Arafat; et ainsi détruire le rêve de nombreux progressistes isrqëliens et palestiniens, soucieux de paix et de coexistence pacifique. Mais, le problème restera entier et on sera revenu à la case de départ.

4- Quel avenir? La solution politique maintenant!
Arafat a fait arrêté plus d'une centaine de personnes qui pourraient être trainés devant la justice internationale. A court terme, il faut craindre le pire. Car il ne serait pas faux de parier que ce geste puisse le couper de son peuple, et particulièrement par sa frange radicale et même lui coûter la vie, par la main des siens. Déjà les responsables de groupe extremistes qualifient son acte de soutien à Israël. Aux yeux du Hamas, Arafat serait devenu le "gardien d'Israël"!

La solution ne peut être que politique. Yasser Arafat n'a sans cessé en vain de revendiquer des observateurs ou des forces d'interposition internationaux sur le terrain pour mesurer les violations des accords. Pourrons-nous plus longtemps demeurer muets face à cette requête?

Il faudra une intervention internationale claire et nette au Proche-Orient comme on vient de le voir à Bonn pour le problème de l'Afghanistan. Les Nations Unies ont ici un rôle historique à jouer ici. Il s'agit de ne pas accorder du crédit aux propos d'Osama Bin Laden dont la surrenchère est allée jusqu'à qualifier l'instance internationale et son Secrétaire général de l'Organisation mondiale de bourreaux du peuple musulman. La responsabilité revient également aux politiques étrangères des grandes puissances, les Etats-Unis en premier, avec leur partenaire de l'Union européenne. Il faudra y associer les partenaires de l'Organisation de la Conférence islamique, de la Ligue arabe, qui doivent tous se mobiliser contre la surrenchère de l'islamisme palestinien, mais également condamner fermement la politique de terreur du gouvernement d'Ariel Sharon. Car, qu'on le veuille ou non, les principales victimes restent des jeunes innocents israéliens et palestiniens, sacrifiés par les politiques d'escalade de la violence de leurs dirigeants politiques respectifs.

Il faut aussi espérer que soient suivies d'effet, les dernières condamnations par un président américain des occupations d'Israël et du caractère disproportionné des actions du gouvernement Sharon -une première-, la reconnaissance par le président Bush le 10 octobre dernier -suivi par la suite du premier ministre britannique Tony Blair- de la nécessité de la création d'un Etat palestinien indépendant aux côtés d'Israël. Il y a des raisons de croire que la lucidité de plus en plus perceptible dans la diplomatie américaine, permettra de parvenir à une solution équitable et durable à ce conflit.

On ne gagne jamais une guerre, on ne gagne que la Paix. S'il est plus facile de lancer la guerre, de détruire des immeubles, de faire des victimes, surtout civiles, il est plus difficile d'effacer les traces et les blessures de la mort d'un proche, d'un être cher, et surtout, d'installer durablement une culture de la Paix. Or, il n'y a pas d'autres alternatives au Proche-Orient. Il n'y a que la Paix…, la Paix seulement, la Paix maintenent, la Paix durablement. Celle-ci passe par plusieurs conditions: d'abord, un dialogue politique sur la base des résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité de l'ONU et dans un environnement propice aux négociations, libre de toute pression, intimidation ou menace de violence; ensuite, l'acceptation de la coexistence des deux peuples, c'est-à-dire, la reconnaissance mutuelle du droit d'exister; droit d'exister de l'Etat israélien, de la garantie internationale pour sa sécurité, mais aussi et surtout, le respect du droit onusien à l'autodétermination des peuples, avec la création d'un Etat palestinien, fiable, viable et susceptible de porter et d'apporter de l'espoir et d'assurer le développement économique et social à sa jeunesse aujourd'hui désemparée. Enfin, ces actions devront s'accompagner de mesures préventives et punitives: neutralisation des extrémistes de tout bords, justice internationale à l'encontre des responsables d'actes terroristes ou des crimes de guerre. C'est à mon avis, une des conditions du succès du combat de la "Coalition internationale" contre les terrorismes et principalement contre le réseau Al Qaeda d'Osama Ben Laden.