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L'AVENIR DE L'UNION EUROPÉENNE / Déclaration de laeken
by posted by protesta Saturday December 15, 2001 at 05:11 PM

L'AVENIR DE L'UNION EUROPÉENNE / Déclaration de laeken

I. L'EUROPE À UN CARREFOUR

Pendant des siècles, des peuples et des États ont essayé de s'assurer la
maîtrise du continent européen par la guerre et par les armes. Dans ce
continent affaibli par deux guerres sanglantes et par le déclin de sa
position dans le monde, l'idée que le rêve d'une Europe forte et unie ne
pourrait se réaliser que dans la paix et la concertation a fait son chemin.
Pour vaincre définitivement les démons du passé, on a commencé par instaurer
une communauté du charbon et de l'acier, à laquelle se sont ajoutées par la
suite d'autres activités économiques, comme l'agriculture. En fin de compte,
un véritable marché unique concernant les marchandises, les personnes, les
services et les capitaux a été mis en place, auquel on a adjoint une monnaie
unique en 1999. Le 1er janvier 2002, l'euro fera partie de la réalité
quotidienne de 300 millions de citoyens européens.

L'Union européenne s'est donc créée progressivement. Au début, il s'agissait
avant tout d'une coopération économique et technique. Il y a vingt ans, la
première élection directe du Parlement européen a considérablement renforcé
la légitimité démocratique de la Communauté, dont le Conseil était le seul
dépositaire jusque là. Ces dix dernières années, une union politique a été
mise en chantier et une coopération a été instaurée dans les domaines de la
politique sociale, de l'emploi, de l'asile, de l'immigration, de la police,
de la justice, de la politique étrangère, ainsi qu'une politique commune de
sécurité et de défense.

L'Union européenne est une réussite. Depuis plus d'un demi-siècle, l'Europe
vit en paix. Avec l'Amérique du Nord et le Japon, l'Union est l'une des
trois régions les plus prospères de la planète. Grâce à la solidarité entre
ses membres et à une répartition juste des fruits de la croissance
économique, le niveau de vie a fortement augmenté dans les régions les plus
faibles de l'Union, qui ont rattrapé une grande partie de leur retard.

Cinquante ans après sa naissance, l'Union aborde cependant un carrefour, un
moment charnière de son existence. L'unification de l'Europe est imminente.
L'Union est sur le point de s'ouvrir à plus de dix nouveaux États membres,
principalement d'Europe centrale et orientale, et à tourner ainsi
définitivement une des pages les plus sombres de son histoire, celle de la
Seconde Guerre mondiale et du partage artificiel de l'Europe qui l'a suivie.
L'Europe va enfin, sans effusion de sang, devenir une grande famille; il va
sans dire que cette véritable mutation demande une autre approche que celle
qui a été suivie il y a cinquante ans, lorsque six pays ont lancé le
processus.

Le défi démocratique de l'Europe

Simultanément, l'Europe est confrontée à un double défi: l'un en son sein,
l'autre en dehors de ses frontières.

À l'intérieur de l'Union, il faut rapprocher les institutions européennes du
citoyen. Certes, les citoyens se rallient aux grands objectifs de l'Union,
mais ils ne voient pas toujours le lien entre ces objectifs et l'action
quotidienne de l'Union. Ils demandent aux institutions européennes moins de
lourdeur et de rigidité et surtout plus d'efficacité et de transparence.
Beaucoup trouvent aussi que l'Union doit s'occuper davantage de leurs
préoccupations concrètes, plutôt que s'immiscer jusque dans les détails dans
des affaires qu'il vaudrait mieux, compte tenu de leur nature, confier aux
élus des États membres et des régions. Certains ressentent même cette
attitude comme une menace pour leur identité. Mais, ce qui est peut-être
plus important encore, les citoyens trouvent que tout se règle bien trop
souvent à leur insu et veulent un meilleur contrôle démocratique.

Le nouveau rôle de l'Europe dans un environnement mondialisé

Hors de ses frontières, l'Union européenne est également confrontée à un
environnement en mutation rapide, mondialisé. Après la chute du mur de
Berlin, on a cru un moment pouvoir vivre longtemps dans un ordre mondial
stable, sans conflits. Les droits de l'homme en constitueraient le
fondement. Mais quelques années plus tard, cette certitude a disparu. Le 11
septembre nous a brutalement ouvert les yeux. Les forces contraires n'ont
pas disparu; le fanatisme religieux, le nationalisme ethnique, le racisme et
le terrorisme s'intensifient et continuent d'être alimentés par les conflits
régionaux, la pauvreté et le sous-développement.

Quel est le rôle de l'Europe dans ce monde transformé? Maintenant qu'elle
est enfin unie, l'Europe ne doit-elle pas jouer un rôle de premier plan dans
un nouvel ordre planétaire, celui d'une puissance qui est à même de jouer un
rôle stabilisateur au plan mondial et d'être un repère pour un grand nombre
de pays et de peuples? L'Europe, continent des valeurs humanistes, de la
Magna Carta, du Bill of Rights, de la Révolution française, de la chute du
mur de Berlin. Le continent de la liberté, de la solidarité, de la diversité
surtout, ce qui implique le respect de la langue, des traditions et de la
culture d'autrui. La seule frontière que trace l'Union européenne est celle
de la démocratie et des droits de l'homme. L'Union n'est ouverte qu'aux pays
qui respectent des valeurs fondamentales telles que des élections libres, le
respect des minorités et l'État de droit.

Maintenant que la guerre froide est terminée et que nous vivons aujourd'hui
dans un monde à la fois mondialisé et éclaté, le moment est venu pour
l'Europe de prendre ses responsabilités dans la gouvernance de la
globalisation. Le rôle qu'elle doit jouer est celui d'une puissance qui part
résolument en guerre contre toute violence, toute terreur, tout fanatisme,
mais qui ne ferme pas les yeux sur les injustices criantes qui existent dans
le monde. En résumé, une puissance qui veut faire évoluer les rapports dans
le monde de sorte qu'ils produisent des avantages pas uniquement pour les
pays riches, mais aussi pour les plus pauvres. Une puissance qui veut
encadrer la mondialisation selon les principes de l'éthique, c'est-à-dire
l'ancrer dans la solidarité et le développement durable.


Les attentes du citoyen européen

L'image d'une Europe démocratique et engagée dans le monde correspond
parfaitement aux vœux du citoyen. Celui-ci a fait savoir à maintes
reprises qu'il souhaitait que l'Union joue un plus grand rôle dans les
domaines de la justice et de la sécurité, de la lutte contre la criminalité
transfrontière, de la maîtrise des flux migratoires, de l'accueil des
demandeurs d'asile et des réfugiés en provenance de zones de conflit
périphériques. Il demande aussi des résultats dans le domaine de l'emploi et
de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, ainsi que dans le
domaine de la cohésion économique et sociale. Il exige une approche commune
à l'égard de la pollution, des changements climatiques, de la sûreté des
aliments. Bref, à l'égard de tous les problèmes transfrontières dont il sent
d'instinct qu'on ne peut y faire face que par la coopération. Tout comme il
veut aussi plus d'Europe dans les affaires extérieures, la sécurité et la
défense; autrement dit, il demande une action renforcée et mieux coordonnée
pour lutter contre les foyers d'incendie qui couvent au sein même et autour
de l'Europe et dans le reste du monde.

Simultanément, ce même citoyen trouve que l'Union va trop loin et affiche un
comportement trop bureaucratique dans nombre d'autres domaines. Le bon
fonctionnement du marché intérieur et de la monnaie unique doit rester la
pierre angulaire de la coordination de l'environnement économique, financier
et fiscal, sans que la spécificité des États membres ne soit compromise. Les
différences nationales et régionales sont souvent le produit de l'histoire
ou de la tradition. Elles peuvent être enrichissantes. En d'autres termes,
ce que le citoyen entend par "bonne gestion des affaires publiques", c'est
la création de nouvelles opportunités, et non de nouvelles rigidités. Ce
qu'il attend, c'est davantage de résultats, de meilleures réponses à des
questions concrètes, et pas un "super-État" européen ni des institutions
européennes qui se mêlent de tout.

En résumé, le citoyen demande une approche communautaire claire,
transparente, efficace et menée de façon démocratique. Une approche qui
fasse de l'Europe un phare pour l'avenir du monde; une approche qui donne
des résultats concrets se traduisant par plus d'emplois, une meilleure
qualité de vie, moins de criminalité, une éducation de qualité et de
meilleurs soins de santé. Il ne fait pas de doute que l'Europe doive à cette
fin se ressourcer et se réformer.


II. LES DÉFIS ET LES RÉFORMES DANS UNE UNION RENOUVELÉE

L'Union doit devenir plus démocratique, plus transparente et plus efficace.
Et elle doit relever trois défis fondamentaux: Comment rapprocher les
citoyens, et en premier lieu les jeunes, du projet européen et des
institutions européennes? Comment structurer la vie politique et l'espace
politique européen dans une Europe élargie? Comment faire de l'Union un
facteur de stabilisation et un repère dans le monde nouveau, multipolaire?
Pour trouver des réponses, il faut poser une série de questions ciblées.

Une meilleure répartition et définition des compétences dans l'Union
européenne

Le citoyen nourrit souvent à l'égard de l'Union européenne des attentes
auxquelles elle ne répond pas toujours; à l'inverse, il a parfois
l'impression que l'Union en fait trop dans des domaines où son intervention
n'est pas toujours indispensable. Il faut donc rendre plus claire la
répartition des compétences entre l'Union et les États membres, la
simplifier et l'ajuster à la lumière des nouveaux défis auxquels l'Union est
confrontée. Pour ce faire, on peut aussi bien restituer certaines tâches aux
États membres que confier de nouvelles missions à l'Union ou élargir les
compétences actuelles. À cet égard, il ne faut jamais perdre de vue
l'égalité et la solidarité entre les États membres.

Une première série de questions à poser concerne la manière de rendre la
répartition des compétences plus transparente. Pouvons-nous à cet effet
établir une distinction plus claire entre trois types de compétences, à
savoir les compétences exclusives de l'Union, les compétences des États
membres et les compétences partagées de l'Union et des États membres? À quel
niveau les compétences sont-elles exercées le plus efficacement? Comment
appliquer ici le principe de subsidiarité? Ne faut-il pas préciser que toute
compétence que les traités ne confèrent pas à l'Union appartient
exclusivement aux États membres? Quelles en sont les conséquences?

Une autre série de questions a pour but d'examiner, dans ce cadre renouvelé
et dans le respect de l'acquis communautaire, s'il n'y a pas lieu d'ajuster
les compétences. Comment les attentes des citoyens peuvent-elles servir de
fil conducteur à cette fin? Quelles missions pourraient en résulter pour
l'Union? Et, inversement, quelles tâches serait-il préférable de laisser aux
États membres? Quelles sont les modifications nécessaires à apporter dans le
traité aux différentes politiques? Comment formuler, par exemple, une
politique extérieure commune et une politique de défense plus cohérentes?
Faut-il réactualiser les missions de Petersberg? Voulons-nous adopter une
approche plus intégrée en ce qui concerne la coopération policière et en
matière pénale? Comment renforcer la coordination des politiques
économiques? Comment pouvons-nous intensifier la coopération dans les
domaines de l'insertion sociale, de l'environnement, de la santé, de la
sûreté des aliments? Par contre, ne faut-il pas laisser de manière plus
explicite la gestion quotidienne et l'exécution de la politique de l'Union
aux États membres et, là où leur Constitution le prévoit, aux régions? Ne
doivent-ils pas avoir la garantie qu'on ne touchera pas à leurs compétences?

Se pose enfin la question de savoir comment garantir que la nouvelle
répartition des compétences ne conduira pas à un élargissement furtif des
compétences de l'Union ou qu'elle n'empiétera pas sur les domaines qui
relèvent de la compétence exclusive des États membres et, le cas échéant,
des régions. Comment veiller en même temps à ce que la dynamique européenne
ne s'affaiblisse pas? En effet, il faut qu'à l'avenir aussi l'Union soit en
mesure de réagir à de nouveaux défis et développements et de sonder de
nouveaux domaines d'action. A cette fin, faut-il revoir les articles 95 et
308 du traité, à la lumière de l'acquis jurisprudentiel?

La simplification des instruments de l'Union

La question de savoir qui fait quoi n'est pas la seule importante; il
importe tout autant de déterminer comment l'Union agit et quels sont les
instruments qu'elle utilise. Les modifications successives des traités ont à
chaque fois entraîné une prolifération d'instruments. Et les directives ont
progressivement évolué pour devenir des actes législatifs de plus en plus
détaillés. Il est donc essentiel de se demander si les différents
instruments de l'Union ne doivent pas être mieux circonscrits et s'il ne
faut pas en réduire le nombre.

En d'autres termes, faut-il introduire une distinction entre mesures
législatives et mesures d'exécution? Faut-il réduire le nombre des
instruments législatifs: normes directes, législation﷓cadre et
instruments non contraignants (avis, recommandations, coordination ouverte)?
Est-il souhaitable ou non de recourir plus souvent aux législations-cadres
qui laissent plus de latitude aux États membres pour réaliser les objectifs
politiques? Pour quelles compétences la coordination ouverte et la
reconnaissance mutuelle sont-elles les instruments les plus appropriés? Le
principe de proportionnalité reste-t-il le principe de base?

Davantage de démocratie, de transparence et d'efficacité dans l'Union
européenne

L'Union européenne puise sa légitimité dans les valeurs démocratiques
qu'elle véhicule, les objectifs qu'elle poursuit et les compétences et
instruments dont elle dispose. Mais le projet européen tire aussi sa
légitimité d'institutions démocratiques, transparentes et efficaces. Les
parlements nationaux eux aussi contribuent à légitimer le projet européen.
La déclaration sur l'avenir de l'Union, annexée au traité de Nice, a
souligné la nécessité d'examiner leur rôle dans la construction européenne.
Plus généralement, il convient de s'interroger sur les initiatives que nous
pouvons prendre pour créer un espace public européen.

La première question à se poser est de savoir comment nous pouvons augmenter
la légitimité démocratique et la transparence des institutions actuelles, et
elle vaut pour les trois institutions.

Comment peut-on renforcer l'autorité et l'efficacité de la Commission
européenne? Comment doit être désigné le président de la Commission: par le
Conseil européen, par le Parlement européen ou par l'élection directe par
les citoyens? Faut-il renforcer le rôle du Parlement européen? Faut-il ou
non élargir le droit de codécision? Faut-il revoir le mode d'élection des
membres du Parlement européen? Convient-il de créer une circonscription
électorale européenne ou de maintenir des circonscriptions électorales
fixées au niveau national? Peut-on combiner les deux systèmes? Faut-il
renforcer le rôle du Conseil? Le Conseil doit-il intervenir de la même
manière quand il agit en tant que législateur et dans le cadre de ses
compétences d'exécution? Faut-il pour accroître la transparence, que les
sessions du Conseil soient publiques, en tout cas lorsque le Conseil agit en
sa capacité de législateur? Le citoyen doit-il avoir plus d'accès aux
documents du Conseil? Enfin, comment garantir l'équilibre et le contrôle
mutuel entre les institutions?

Une deuxième question, qui a également trait à la légitimité démocratique,
concerne le rôle des parlements nationaux. Doivent-ils être représentés dans
une nouvelle institution, à côté du Conseil et du Parlement européen?
Doivent-ils jouer un rôle dans les domaines de l'action européenne pour
lesquels le Parlement européen n'est pas compétent? Doivent-ils se
concentrer sur la répartition des compétences entre l'Union et les États
membres, par exemple par un contrôle préalable du respect du principe de
subsidiarité?

La troisième question à se poser porte sur les moyens d'améliorer
l'efficacité du processus décisionnel et le fonctionnement des institutions
dans une Union de quelque trente États membres. Comment l'Union
pourrait-elle mieux fixer ses objectifs et ses priorités et en assurer une
meilleure mise en œuvre? Faut-il davantage de décisions prises à la
majorité qualifiée? Comment simplifier et accélérer la procédure de
codécision entre le Conseil et le Parlement européen? Peut-on garder la
rotation semestrielle de la présidence de l'Union? Quel sera le rôle futur
du Parlement européen? Qu'adviendra-t-il à l'avenir du rôle et de la
structure des différentes formations du Conseil? Comment accroître par
ailleurs la cohérence de la politique étrangère européenne? Comment
renforcer la synergie entre le Haut Représentant et le Commissaire compétent
pour ces questions? Devons-nous renforcer encore la représentation de
l'Union dans les enceintes internationales?

La voie vers une Constitution pour les citoyens européens

L'Union européenne fonctionne actuellement avec quatre traités. Les
objectifs, les compétences et les instruments politiques de l'Union se
trouvent dispersés dans l'ensemble de ces traités. Si l'on veut plus de
transparence, une simplification est indispensable.

Quatre séries de questions peuvent être posées à cet égard. La première
concerne la simplification des traités actuels sans en changer le contenu.
Faut-il revoir la distinction entre l'Union et les Communautés? Que faire de
la division en trois piliers?

Il faut ensuite réfléchir à un éventuel réaménagement des traités. Faut-il
faire une distinction entre un traité de base et les autres dispositions des
traités? Cette distinction doit-elle être concrétisée par une scission des
textes? Cela peut-il conduire à faire une distinction entre les procédures
de modification et de ratification pour le traité de base et les autres
dispositions des traités?

Il faut ensuite se demander si la Charte des droits fondamentaux doit être
intégrée dans le traité de base et se poser la question de l'adhésion de la
Communauté européenne à la Convention européenne des droits de l'homme.

Se pose enfin la question de savoir si cette simplification et ce
réaménagement ne devraient pas conduire à terme à l'adoption d'un texte
constitutionnel. Quels devraient être les éléments essentiels d'une telle
Constitution? Les valeurs auxquelles l'Union est attachée, les droits
fondamentaux et les devoirs des citoyens, les relations des États membres
dans l'Union?


III. LA CONVOCATION D'UNE CONVENTION SUR L'AVENIR DE L'EUROPE

Pour assurer une préparation aussi large et aussi transparente que possible
de la prochaine Conférence intergouvernementale, le Conseil européen a
décidé de convoquer une Convention rassemblant les principales parties
prenantes au débat sur l'avenir de l'Union. Compte tenu de ce qui précède,
cette Convention aura pour tâche d'examiner les questions essentielles que
soulève le développement futur de l'Union et de rechercher les différentes
réponses possibles.

Le Conseil européen a désigné M. V. Giscard d'Estaing comme Président de la
Convention et MM. G. Amato et J.L. Dehaene comme Vice-Présidents.

Composition

Outre son Président et ses deux Vice-Présidents, la Convention sera composée
de 15 représentants des chefs d'État ou de gouvernement des États membres (1
par État membre), de 30 membres des parlements nationaux (2 par État
membre), de 16 membres du Parlement européen et de deux représentant de la
Commission. Les pays candidats à l'adhésion participeront à part entière aux
travaux de la Convention. Ils seront représentés dans les mêmes conditions
que les États membres actuels (un représentant du gouvernement et deux
membres du parlement national) et participeront aux délibérations sans
toutefois pouvoir empêcher le consensus qui se dégagerait entre les États
membres.

Les membres de la Convention ne pourront se faire remplacer par leurs
suppléants que s'ils sont absents. Les membres suppléants seront désignés de
la même manière que les membres effectifs.

Le Présidium de la Convention sera composé du Président de la Convention,
des deux Vice-Présidents de la Convention et de neuf membres issus de la
Convention (les représentant de tous les gouvernements qui pendant la
Convention exercent la présidence du Conseil, deux représentants des
parlements nationaux, deux représentants des membres du Parlement européen
et deux représentants de la Commission.

Seront invités comme observateurs trois représentants du Comité économique
et social et trois représentants des partenaires sociaux européens, auxquels
s'ajouteront, au nom du Comité des régions, six représentants (à désigner
par le Comité des régions parmi les régions, les villes et les régions
dotées de pouvoirs législatifs), ainsi que le médiateur européen. Le
Président de la Cour de Justice et celui de la Cour des comptes pourront
s'exprimer devant la Convention à l'invitation du Présidium.

Durée des travaux

La Convention tiendra sa séance inaugurale le 1er mars 2002. A cette
occasion, elle procédera à la désignation de son Présidium et arrêtera ses
méthodes de travail. Les travaux s'achèveront après une année, à temps pour
permettre au Président de la Convention d'en présenter les résultats au
Conseil européen.


Méthodes de travail

Le Président préparera le début des travaux de la Convention en tirant les
enseignements du débat public. Le Présidium aura un rôle d'impulsion et
fournira une première base de travail pour la Convention.

Le Présidium pourra consulter les services de la Commission et les experts
de son choix sur toute question technique qu'il jugerait utile
d'approfondir. Il pourra créer des groupes de travail ad hoc.

Le Conseil se tiendra informé de l'état d'avancement des travaux de la
Convention. Le Président de la Convention présentera un rapport oral sur
l'état d'avancement des travaux à chaque Conseil européen, ce qui permettra,
par la même occasion, de recueillir le sentiment des Chefs d'État ou de
gouvernement.

La Convention se réunira à Bruxelles. Les débats de la Convention et
l'ensemble des documents officiels seront publics. La Convention travaillera
dans les onze langues de travail de l'Union.

Document final

La Convention étudiera les différentes questions. Elle établira un document
final qui pourra comprendre soit différentes options, en précisant le
soutien qu'elles ont recueilli, soit des recommandations en cas de
consensus.

Avec le résultat des débats nationaux sur l'avenir de l'Union, le document
final servira de point de départ pour les discussions de la Conférence
intergouvernementale, qui prendra les décisions définitives.

Forum

Pour élargir le débat et y associer l'ensemble des citoyens, un Forum sera
ouvert aux organisations représentant la société civile (partenaires
sociaux, milieux économiques, organisations non gouvernementales, milieux
académiques, etc.). Il s'agira d'un réseau structuré d'organisations qui
seront régulièrement informées des travaux de la Convention. Leurs
contributions seront versées au débat. Ces organisations pourront être
auditionnées ou consultées sur des sujets particuliers selon des modalités à
déterminer par le Présidium.

Secrétariat

Le Présidium sera assisté par un Secrétariat de la Convention, qui sera
assuré par le Secrétariat général du Conseil. Des experts de la Commission
et du Parlement européen pourront en faire partie.

I. L'EUROPE À UN CARREFOUR

Pendant des siècles, des peuples et des États ont essayé de s'assurer la
maîtrise du continent européen par la guerre et par les armes. Dans ce
continent affaibli par deux guerres sanglantes et par le déclin de sa
position dans le monde, l'idée que le rêve d'une Europe forte et unie ne
pourrait se réaliser que dans la paix et la concertation a fait son chemin.
Pour vaincre définitivement les démons du passé, on a commencé par instaurer
une communauté du charbon et de l'acier, à laquelle se sont ajoutées par la
suite d'autres activités économiques, comme l'agriculture. En fin de compte,
un véritable marché unique concernant les marchandises, les personnes, les
services et les capitaux a été mis en place, auquel on a adjoint une monnaie
unique en 1999. Le 1er janvier 2002, l'euro fera partie de la réalité
quotidienne de 300 millions de citoyens européens.

L'Union européenne s'est donc créée progressivement. Au début, il s'agissait
avant tout d'une coopération économique et technique. Il y a vingt ans, la
première élection directe du Parlement européen a considérablement renforcé
la légitimité démocratique de la Communauté, dont le Conseil était le seul
dépositaire jusque là. Ces dix dernières années, une union politique a été
mise en chantier et une coopération a été instaurée dans les domaines de la
politique sociale, de l'emploi, de l'asile, de l'immigration, de la police,
de la justice, de la politique étrangère, ainsi qu'une politique commune de
sécurité et de défense.

L'Union européenne est une réussite. Depuis plus d'un demi-siècle, l'Europe
vit en paix. Avec l'Amérique du Nord et le Japon, l'Union est l'une des
trois régions les plus prospères de la planète. Grâce à la solidarité entre
ses membres et à une répartition juste des fruits de la croissance
économique, le niveau de vie a fortement augmenté dans les régions les plus
faibles de l'Union, qui ont rattrapé une grande partie de leur retard.

Cinquante ans après sa naissance, l'Union aborde cependant un carrefour, un
moment charnière de son existence. L'unification de l'Europe est imminente.
L'Union est sur le point de s'ouvrir à plus de dix nouveaux États membres,
principalement d'Europe centrale et orientale, et à tourner ainsi
définitivement une des pages les plus sombres de son histoire, celle de la
Seconde Guerre mondiale et du partage artificiel de l'Europe qui l'a suivie.
L'Europe va enfin, sans effusion de sang, devenir une grande famille; il va
sans dire que cette véritable mutation demande une autre approche que celle
qui a été suivie il y a cinquante ans, lorsque six pays ont lancé le
processus.

Le défi démocratique de l'Europe

Simultanément, l'Europe est confrontée à un double défi: l'un en son sein,
l'autre en dehors de ses frontières.

À l'intérieur de l'Union, il faut rapprocher les institutions européennes du
citoyen. Certes, les citoyens se rallient aux grands objectifs de l'Union,
mais ils ne voient pas toujours le lien entre ces objectifs et l'action
quotidienne de l'Union. Ils demandent aux institutions européennes moins de
lourdeur et de rigidité et surtout plus d'efficacité et de transparence.
Beaucoup trouvent aussi que l'Union doit s'occuper davantage de leurs
préoccupations concrètes, plutôt que s'immiscer jusque dans les détails dans
des affaires qu'il vaudrait mieux, compte tenu de leur nature, confier aux
élus des États membres et des régions. Certains ressentent même cette
attitude comme une menace pour leur identité. Mais, ce qui est peut-être
plus important encore, les citoyens trouvent que tout se règle bien trop
souvent à leur insu et veulent un meilleur contrôle démocratique.

Le nouveau rôle de l'Europe dans un environnement mondialisé

Hors de ses frontières, l'Union européenne est également confrontée à un
environnement en mutation rapide, mondialisé. Après la chute du mur de
Berlin, on a cru un moment pouvoir vivre longtemps dans un ordre mondial
stable, sans conflits. Les droits de l'homme en constitueraient le
fondement. Mais quelques années plus tard, cette certitude a disparu. Le 11
septembre nous a brutalement ouvert les yeux. Les forces contraires n'ont
pas disparu; le fanatisme religieux, le nationalisme ethnique, le racisme et
le terrorisme s'intensifient et continuent d'être alimentés par les conflits
régionaux, la pauvreté et le sous-développement.

Quel est le rôle de l'Europe dans ce monde transformé? Maintenant qu'elle
est enfin unie, l'Europe ne doit-elle pas jouer un rôle de premier plan dans
un nouvel ordre planétaire, celui d'une puissance qui est à même de jouer un
rôle stabilisateur au plan mondial et d'être un repère pour un grand nombre
de pays et de peuples? L'Europe, continent des valeurs humanistes, de la
Magna Carta, du Bill of Rights, de la Révolution française, de la chute du
mur de Berlin. Le continent de la liberté, de la solidarité, de la diversité
surtout, ce qui implique le respect de la langue, des traditions et de la
culture d'autrui. La seule frontière que trace l'Union européenne est celle
de la démocratie et des droits de l'homme. L'Union n'est ouverte qu'aux pays
qui respectent des valeurs fondamentales telles que des élections libres, le
respect des minorités et l'État de droit.

Maintenant que la guerre froide est terminée et que nous vivons aujourd'hui
dans un monde à la fois mondialisé et éclaté, le moment est venu pour
l'Europe de prendre ses responsabilités dans la gouvernance de la
globalisation. Le rôle qu'elle doit jouer est celui d'une puissance qui part
résolument en guerre contre toute violence, toute terreur, tout fanatisme,
mais qui ne ferme pas les yeux sur les injustices criantes qui existent dans
le monde. En résumé, une puissance qui veut faire évoluer les rapports dans
le monde de sorte qu'ils produisent des avantages pas uniquement pour les
pays riches, mais aussi pour les plus pauvres. Une puissance qui veut
encadrer la mondialisation selon les principes de l'éthique, c'est-à-dire
l'ancrer dans la solidarité et le développement durable.


Les attentes du citoyen européen

L'image d'une Europe démocratique et engagée dans le monde correspond
parfaitement aux vœux du citoyen. Celui-ci a fait savoir à maintes
reprises qu'il souhaitait que l'Union joue un plus grand rôle dans les
domaines de la justice et de la sécurité, de la lutte contre la criminalité
transfrontière, de la maîtrise des flux migratoires, de l'accueil des
demandeurs d'asile et des réfugiés en provenance de zones de conflit
périphériques. Il demande aussi des résultats dans le domaine de l'emploi et
de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, ainsi que dans le
domaine de la cohésion économique et sociale. Il exige une approche commune
à l'égard de la pollution, des changements climatiques, de la sûreté des
aliments. Bref, à l'égard de tous les problèmes transfrontières dont il sent
d'instinct qu'on ne peut y faire face que par la coopération. Tout comme il
veut aussi plus d'Europe dans les affaires extérieures, la sécurité et la
défense; autrement dit, il demande une action renforcée et mieux coordonnée
pour lutter contre les foyers d'incendie qui couvent au sein même et autour
de l'Europe et dans le reste du monde.

Simultanément, ce même citoyen trouve que l'Union va trop loin et affiche un
comportement trop bureaucratique dans nombre d'autres domaines. Le bon
fonctionnement du marché intérieur et de la monnaie unique doit rester la
pierre angulaire de la coordination de l'environnement économique, financier
et fiscal, sans que la spécificité des États membres ne soit compromise. Les
différences nationales et régionales sont souvent le produit de l'histoire
ou de la tradition. Elles peuvent être enrichissantes. En d'autres termes,
ce que le citoyen entend par "bonne gestion des affaires publiques", c'est
la création de nouvelles opportunités, et non de nouvelles rigidités. Ce
qu'il attend, c'est davantage de résultats, de meilleures réponses à des
questions concrètes, et pas un "super-État" européen ni des institutions
européennes qui se mêlent de tout.

En résumé, le citoyen demande une approche communautaire claire,
transparente, efficace et menée de façon démocratique. Une approche qui
fasse de l'Europe un phare pour l'avenir du monde; une approche qui donne
des résultats concrets se traduisant par plus d'emplois, une meilleure
qualité de vie, moins de criminalité, une éducation de qualité et de
meilleurs soins de santé. Il ne fait pas de doute que l'Europe doive à cette
fin se ressourcer et se réformer.


II. LES DÉFIS ET LES RÉFORMES DANS UNE UNION RENOUVELÉE

L'Union doit devenir plus démocratique, plus transparente et plus efficace.
Et elle doit relever trois défis fondamentaux: Comment rapprocher les
citoyens, et en premier lieu les jeunes, du projet européen et des
institutions européennes? Comment structurer la vie politique et l'espace
politique européen dans une Europe élargie? Comment faire de l'Union un
facteur de stabilisation et un repère dans le monde nouveau, multipolaire?
Pour trouver des réponses, il faut poser une série de questions ciblées.

Une meilleure répartition et définition des compétences dans l'Union
européenne

Le citoyen nourrit souvent à l'égard de l'Union européenne des attentes
auxquelles elle ne répond pas toujours; à l'inverse, il a parfois
l'impression que l'Union en fait trop dans des domaines où son intervention
n'est pas toujours indispensable. Il faut donc rendre plus claire la
répartition des compétences entre l'Union et les États membres, la
simplifier et l'ajuster à la lumière des nouveaux défis auxquels l'Union est
confrontée. Pour ce faire, on peut aussi bien restituer certaines tâches aux
États membres que confier de nouvelles missions à l'Union ou élargir les
compétences actuelles. À cet égard, il ne faut jamais perdre de vue
l'égalité et la solidarité entre les États membres.

Une première série de questions à poser concerne la manière de rendre la
répartition des compétences plus transparente. Pouvons-nous à cet effet
établir une distinction plus claire entre trois types de compétences, à
savoir les compétences exclusives de l'Union, les compétences des États
membres et les compétences partagées de l'Union et des États membres? À quel
niveau les compétences sont-elles exercées le plus efficacement? Comment
appliquer ici le principe de subsidiarité? Ne faut-il pas préciser que toute
compétence que les traités ne confèrent pas à l'Union appartient
exclusivement aux États membres? Quelles en sont les conséquences?

Une autre série de questions a pour but d'examiner, dans ce cadre renouvelé
et dans le respect de l'acquis communautaire, s'il n'y a pas lieu d'ajuster
les compétences. Comment les attentes des citoyens peuvent-elles servir de
fil conducteur à cette fin? Quelles missions pourraient en résulter pour
l'Union? Et, inversement, quelles tâches serait-il préférable de laisser aux
États membres? Quelles sont les modifications nécessaires à apporter dans le
traité aux différentes politiques? Comment formuler, par exemple, une
politique extérieure commune et une politique de défense plus cohérentes?
Faut-il réactualiser les missions de Petersberg? Voulons-nous adopter une
approche plus intégrée en ce qui concerne la coopération policière et en
matière pénale? Comment renforcer la coordination des politiques
économiques? Comment pouvons-nous intensifier la coopération dans les
domaines de l'insertion sociale, de l'environnement, de la santé, de la
sûreté des aliments? Par contre, ne faut-il pas laisser de manière plus
explicite la gestion quotidienne et l'exécution de la politique de l'Union
aux États membres et, là où leur Constitution le prévoit, aux régions? Ne
doivent-ils pas avoir la garantie qu'on ne touchera pas à leurs compétences?

Se pose enfin la question de savoir comment garantir que la nouvelle
répartition des compétences ne conduira pas à un élargissement furtif des
compétences de l'Union ou qu'elle n'empiétera pas sur les domaines qui
relèvent de la compétence exclusive des États membres et, le cas échéant,
des régions. Comment veiller en même temps à ce que la dynamique européenne
ne s'affaiblisse pas? En effet, il faut qu'à l'avenir aussi l'Union soit en
mesure de réagir à de nouveaux défis et développements et de sonder de
nouveaux domaines d'action. A cette fin, faut-il revoir les articles 95 et
308 du traité, à la lumière de l'acquis jurisprudentiel?

La simplification des instruments de l'Union

La question de savoir qui fait quoi n'est pas la seule importante; il
importe tout autant de déterminer comment l'Union agit et quels sont les
instruments qu'elle utilise. Les modifications successives des traités ont à
chaque fois entraîné une prolifération d'instruments. Et les directives ont
progressivement évolué pour devenir des actes législatifs de plus en plus
détaillés. Il est donc essentiel de se demander si les différents
instruments de l'Union ne doivent pas être mieux circonscrits et s'il ne
faut pas en réduire le nombre.

En d'autres termes, faut-il introduire une distinction entre mesures
législatives et mesures d'exécution? Faut-il réduire le nombre des
instruments législatifs: normes directes, législation﷓cadre et
instruments non contraignants (avis, recommandations, coordination ouverte)?
Est-il souhaitable ou non de recourir plus souvent aux législations-cadres
qui laissent plus de latitude aux États membres pour réaliser les objectifs
politiques? Pour quelles compétences la coordination ouverte et la
reconnaissance mutuelle sont-elles les instruments les plus appropriés? Le
principe de proportionnalité reste-t-il le principe de base?

Davantage de démocratie, de transparence et d'efficacité dans l'Union
européenne

L'Union européenne puise sa légitimité dans les valeurs démocratiques
qu'elle véhicule, les objectifs qu'elle poursuit et les compétences et
instruments dont elle dispose. Mais le projet européen tire aussi sa
légitimité d'institutions démocratiques, transparentes et efficaces. Les
parlements nationaux eux aussi contribuent à légitimer le projet européen.
La déclaration sur l'avenir de l'Union, annexée au traité de Nice, a
souligné la nécessité d'examiner leur rôle dans la construction européenne.
Plus généralement, il convient de s'interroger sur les initiatives que nous
pouvons prendre pour créer un espace public européen.

La première question à se poser est de savoir comment nous pouvons augmenter
la légitimité démocratique et la transparence des institutions actuelles, et
elle vaut pour les trois institutions.

Comment peut-on renforcer l'autorité et l'efficacité de la Commission
européenne? Comment doit être désigné le président de la Commission: par le
Conseil européen, par le Parlement européen ou par l'élection directe par
les citoyens? Faut-il renforcer le rôle du Parlement européen? Faut-il ou
non élargir le droit de codécision? Faut-il revoir le mode d'élection des
membres du Parlement européen? Convient-il de créer une circonscription
électorale européenne ou de maintenir des circonscriptions électorales
fixées au niveau national? Peut-on combiner les deux systèmes? Faut-il
renforcer le rôle du Conseil? Le Conseil doit-il intervenir de la même
manière quand il agit en tant que législateur et dans le cadre de ses
compétences d'exécution? Faut-il pour accroître la transparence, que les
sessions du Conseil soient publiques, en tout cas lorsque le Conseil agit en
sa capacité de législateur? Le citoyen doit-il avoir plus d'accès aux
documents du Conseil? Enfin, comment garantir l'équilibre et le contrôle
mutuel entre les institutions?

Une deuxième question, qui a également trait à la légitimité démocratique,
concerne le rôle des parlements nationaux. Doivent-ils être représentés dans
une nouvelle institution, à côté du Conseil et du Parlement européen?
Doivent-ils jouer un rôle dans les domaines de l'action européenne pour
lesquels le Parlement européen n'est pas compétent? Doivent-ils se
concentrer sur la répartition des compétences entre l'Union et les États
membres, par exemple par un contrôle préalable du respect du principe de
subsidiarité?

La troisième question à se poser porte sur les moyens d'améliorer
l'efficacité du processus décisionnel et le fonctionnement des institutions
dans une Union de quelque trente États membres. Comment l'Union
pourrait-elle mieux fixer ses objectifs et ses priorités et en assurer une
meilleure mise en œuvre? Faut-il davantage de décisions prises à la
majorité qualifiée? Comment simplifier et accélérer la procédure de
codécision entre le Conseil et le Parlement européen? Peut-on garder la
rotation semestrielle de la présidence de l'Union? Quel sera le rôle futur
du Parlement européen? Qu'adviendra-t-il à l'avenir du rôle et de la
structure des différentes formations du Conseil? Comment accroître par
ailleurs la cohérence de la politique étrangère européenne? Comment
renforcer la synergie entre le Haut Représentant et le Commissaire compétent
pour ces questions? Devons-nous renforcer encore la représentation de
l'Union dans les enceintes internationales?

La voie vers une Constitution pour les citoyens européens

L'Union européenne fonctionne actuellement avec quatre traités. Les
objectifs, les compétences et les instruments politiques de l'Union se
trouvent dispersés dans l'ensemble de ces traités. Si l'on veut plus de
transparence, une simplification est indispensable.

Quatre séries de questions peuvent être posées à cet égard. La première
concerne la simplification des traités actuels sans en changer le contenu.
Faut-il revoir la distinction entre l'Union et les Communautés? Que faire de
la division en trois piliers?

Il faut ensuite réfléchir à un éventuel réaménagement des traités. Faut-il
faire une distinction entre un traité de base et les autres dispositions des
traités? Cette distinction doit-elle être concrétisée par une scission des
textes? Cela peut-il conduire à faire une distinction entre les procédures
de modification et de ratification pour le traité de base et les autres
dispositions des traités?

Il faut ensuite se demander si la Charte des droits fondamentaux doit être
intégrée dans le traité de base et se poser la question de l'adhésion de la
Communauté européenne à la Convention européenne des droits de l'homme.

Se pose enfin la question de savoir si cette simplification et ce
réaménagement ne devraient pas conduire à terme à l'adoption d'un texte
constitutionnel. Quels devraient être les éléments essentiels d'une telle
Constitution? Les valeurs auxquelles l'Union est attachée, les droits
fondamentaux et les devoirs des citoyens, les relations des États membres
dans l'Union?


III. LA CONVOCATION D'UNE CONVENTION SUR L'AVENIR DE L'EUROPE

Pour assurer une préparation aussi large et aussi transparente que possible
de la prochaine Conférence intergouvernementale, le Conseil européen a
décidé de convoquer une Convention rassemblant les principales parties
prenantes au débat sur l'avenir de l'Union. Compte tenu de ce qui précède,
cette Convention aura pour tâche d'examiner les questions essentielles que
soulève le développement futur de l'Union et de rechercher les différentes
réponses possibles.

Le Conseil européen a désigné M. V. Giscard d'Estaing comme Président de la
Convention et MM. G. Amato et J.L. Dehaene comme Vice-Présidents.

Composition

Outre son Président et ses deux Vice-Présidents, la Convention sera composée
de 15 représentants des chefs d'État ou de gouvernement des États membres (1
par État membre), de 30 membres des parlements nationaux (2 par État
membre), de 16 membres du Parlement européen et de deux représentant de la
Commission. Les pays candidats à l'adhésion participeront à part entière aux
travaux de la Convention. Ils seront représentés dans les mêmes conditions
que les États membres actuels (un représentant du gouvernement et deux
membres du parlement national) et participeront aux délibérations sans
toutefois pouvoir empêcher le consensus qui se dégagerait entre les États
membres.

Les membres de la Convention ne pourront se faire remplacer par leurs
suppléants que s'ils sont absents. Les membres suppléants seront désignés de
la même manière que les membres effectifs.

Le Présidium de la Convention sera composé du Président de la Convention,
des deux Vice-Présidents de la Convention et de neuf membres issus de la
Convention (les représentant de tous les gouvernements qui pendant la
Convention exercent la présidence du Conseil, deux représentants des
parlements nationaux, deux représentants des membres du Parlement européen
et deux représentants de la Commission.

Seront invités comme observateurs trois représentants du Comité économique
et social et trois représentants des partenaires sociaux européens, auxquels
s'ajouteront, au nom du Comité des régions, six représentants (à désigner
par le Comité des régions parmi les régions, les villes et les régions
dotées de pouvoirs législatifs), ainsi que le médiateur européen. Le
Président de la Cour de Justice et celui de la Cour des comptes pourront
s'exprimer devant la Convention à l'invitation du Présidium.

Durée des travaux

La Convention tiendra sa séance inaugurale le 1er mars 2002. A cette
occasion, elle procédera à la désignation de son Présidium et arrêtera ses
méthodes de travail. Les travaux s'achèveront après une année, à temps pour
permettre au Président de la Convention d'en présenter les résultats au
Conseil européen.


Méthodes de travail

Le Président préparera le début des travaux de la Convention en tirant les
enseignements du débat public. Le Présidium aura un rôle d'impulsion et
fournira une première base de travail pour la Convention.

Le Présidium pourra consulter les services de la Commission et les experts
de son choix sur toute question technique qu'il jugerait utile
d'approfondir. Il pourra créer des groupes de travail ad hoc.

Le Conseil se tiendra informé de l'état d'avancement des travaux de la
Convention. Le Président de la Convention présentera un rapport oral sur
l'état d'avancement des travaux à chaque Conseil européen, ce qui permettra,
par la même occasion, de recueillir le sentiment des Chefs d'État ou de
gouvernement.

La Convention se réunira à Bruxelles. Les débats de la Convention et
l'ensemble des documents officiels seront publics. La Convention travaillera
dans les onze langues de travail de l'Union.

Document final

La Convention étudiera les différentes questions. Elle établira un document
final qui pourra comprendre soit différentes options, en précisant le
soutien qu'elles ont recueilli, soit des recommandations en cas de
consensus.

Avec le résultat des débats nationaux sur l'avenir de l'Union, le document
final servira de point de départ pour les discussions de la Conférence
intergouvernementale, qui prendra les décisions définitives.

Forum

Pour élargir le débat et y associer l'ensemble des citoyens, un Forum sera
ouvert aux organisations représentant la société civile (partenaires
sociaux, milieux économiques, organisations non gouvernementales, milieux
académiques, etc.). Il s'agira d'un réseau structuré d'organisations qui
seront régulièrement informées des travaux de la Convention. Leurs
contributions seront versées au débat. Ces organisations pourront être
auditionnées ou consultées sur des sujets particuliers selon des modalités à
déterminer par le Présidium.

Secrétariat

Le Présidium sera assisté par un Secrétariat de la Convention, qui sera
assuré par le Secrétariat général du Conseil. Des experts de la Commission
et du Parlement européen pourront en faire partie.