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Forum des ONG: APPEL AUX CHEFS D?ETAT ET DE GOUVERNEMENT
by Forum des ONG Monday December 10, 2001 at 05:10 PM

APPEL AUX CHEFS D?ETAT ET DE GOUVERNEMENT REUNIS A LAEKEN A L?OCCASION DE LA PRESIDENCE BELGE DE L?UNION EUROPEENNE Nous voulons des actes et pas des belles paroles !

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APPEL AUX CHEFS D?ETAT ET DE GOUVERNEMENT REUNIS A LAEKEN A L?OCCASION DE LA PRESIDENCE BELGE DE L?UNION EUROPEENNE

Nous voulons des actes et pas des belles paroles !

Actives dans divers secteurs (Environnement, Paix, Aide aux Réfugiés et Solidarité Nord-Sud), nos associations partagent un souci commun : celui d?une Europe fondée sur un développement durable et équitable, tant à l?intérieur de l?Union qu?à l?extérieur,

Or, nous constatons que jamais comme en ce début de 21e siècle, le fossé entre le Nord et le Sud n?est apparu aussi large : la richesse du premier est encore basée sur l?exploitation des peuples du Sud - des femmes en particulier- et de leurs richesses naturelles. Nous constatons notamment le démantèlement progressif de politiques qui ont caractérisé le 20E siècle ? indépendances nationales, efforts de redistribution de la richesse produite par des mécanismes de protection sociale et par la création de services publics, normes internationales consacrant les droits fondamentaux dans les domaines politiques, économiques, sociaux et culturels. Même les réglementations émergentes sur l'environnement risquent d'être minées par l'affaiblissement du rôle des pouvoirs publics au profit d'une autorégulation inefficace. Il y a un fossé énorme entre le Nord et le Sud, entre les riches et les pauvres, entre la position des femmes et des hommes, ? .

C?est une nouvelle fois l?inégalité qui marque le siècle qui commence.

Le projet européen a été dévoyé: l?adhésion des citoyens du vieux continent à un ensemble européen pacifié, développant un modèle basé sur ce que les Européens ont produit de meilleur dans l?histoire de l?humanité, ne peut être détournée au profit d?un modèle de plus en plus basé sur des valeurs individualistes et égoïstes. Tout en dissimulant ses intentions derrière un discours humaniste et généreux, l?Europe se construit trop comme une puissance soucieuse d?abord de satisfaire les intérêts de ses entreprises privées qui dictent leur loi aux gouvernements comme aux institutions européennes. Les 15 gouvernements membres de l?Union sont coupables de cette dérive. Le temps est venu de redéfinir un projet européen qui concrétise la primauté de l?intérêt général sur les intérêts privés..

Réorienter une évolution inacceptable signifie tout d?abord penser autrement les relations Nord-Sud. Ce qui signifie avant tout une politique cohérente qui place la lutte contre l'injustice et la pauvreté comme point de référence. Chaque individu, homme ou femme, a droit au développement. Il faut en priorité susciter les mécanismes qui assurent une redistribution des immenses richesses produites dans le monde entre le Nord et le Sud, les riches et les pauvres, les hommes et les femmes. Nous luttons pour : l?annulation de dettes, d?ailleurs déjà largement remboursées, l?instauration d?une fiscalité internationale intégrant une taxation de type « Tobin », la construction d?un commerce équitable, l?augmentation quantitative et qualitative de l?aide au développement. Mais ces mesures indispensables doivent s?accompagner d?une réelle promotion des droits économiques, sociaux et culturels des hommes et des femmes de façon à assurer leur primauté sur les intérêts privés, commerciaux et financiers. Et l?Europe se doit de promouvoir une nouvelle architecture d?institutions internationales transparentes et démocratiques qui concrétisent et garantissent cette primauté.

Une politique européenne cohérente avec les principes du développement durable implique une prise en compte accrue de la capacité de charge des écosystèmes et des conditions sociales. Une amélioration du bien-être peut être atteinte avec quatre à dix fois moins de ponctions sur le milieu naturel et ceci au niveau mondial. L?Union européenne doit non seulement diminuer sa pression sur les ressources naturelles à l?intérieur de ses frontières mais aussi faire baisser sa pression écologique sur le reste du monde. En outre, elle doit soutenir un transfert de technologies propres vers le Sud. En conformité avec la stratégie européenne pour un développement durable adoptée à Göteborg, toutes les propositions politiques européennes doivent être soumises à des évaluations de leurs effets en matière de développement durable au niveau des conséquences tant sociales qu?environnementales. La proposition de la Commission européenne d?internaliser les coûts sociétaux (dus à la pollution et aux problèmes de santé) mérite d?être reprise. Ainsi, il est urgent de travailler à l?introduction d?une taxe sur le CO² et l'énergie. L?Europe doit, enfin, s'efforcer d'assurer la mise en ?uvre des accords multilatéraux sur l?environnement et défendre leur primauté sur les règles du commerce.

L?Europe doit rester conséquente avec elle-même. Elle se présente comme le champion des droits humains face au reste du monde. Mais elle détourne son regard quand il s?agit de l?accueil des réfugiés sur son propre sol. La politique européenne d?asile qui s?échafaude actuellement menace de devenir une politique d?exclusion. Une politique d?asile digne de ce nom doit non seulement confirmer la Convention de Genève de 1951 sur les réfugiés mais elle doit aussi l?adapter dans la pratique. Des déclarations ronflantes ne suffisent plus. A côté d?une définition correcte du réfugié, la politique d?asile européenne doit se porter garante d?une procédure efficace qui permette d?offrir protection à ceux qui en ont besoin et d?un système d?accueil qui garantisse une existence digne aux réfugiés. La politique adoptée doit répondre de manière adéquate aux besoins spécifiques des femmes réfugiées. L?Europe doit résolument sortir d?une politique restrictive qui vise avant tout à limiter l?accès à son territoire. La protection des réfugiés n?est pas une faveur mais un devoir.

Les bombardements sur l?Afghanistan montrent une nouvelle fois que nos responsables politiques considèrent les problèmes de sécurité prioritairement sous l?angle militaire. Au sein de l?Union européenne, un intérêt soutenu et des moyens sont apportés au développement d?une force d?intervention militaire et à l?unification de l?industrie de l?armement au détriment de la mise en ?uvre d?une politique de prévention. La sécurité n?est pas une affaire de militaires. Une politique de sécurité doit agir sur les racines de la violence que sont notamment la pauvreté, les atteintes à l?environnement, le pillage économique, le poids de l?endettement ? C?est pour ces questions que des moyens doivent être libérés d?urgence. En outre, la politique de sécurité de l?Union renforcera sa crédibilité par une condamnation sans appel du viol comme arme de guerre, par l?élimination du commerce des armes vers les régions en conflit, l?imposition du code de conduite européen et la proclamation d?une interdiction des bombes à fragmentation et des armes à l?uranium appauvri.

Entre les citoyens et leurs représentants politiques, un fossé s'élargit. Le déficit démocratique est patent. La légitimité née des procédures électorales doit être renforcée et complétée en donnant plus de poids aux parlements dans la formulation de la politique européenne et par des mécanismes qui assurent la transparence des décisions et la participation des hommes et femmes de toutes les couches de la société. Le contrôle par ces dernier(e)s ne peut être confisqué par des minorités d'acteurs politiques, bureaucratiques ou économiques, s'appuyant notamment sur des armées de lobbyistes qui en viennent à se substituer aux citoyens dans la détermination des grandes orientations de l'Europe.

L'Europe pour cela a besoin de structures et de procédures démocratiques. Les citoyens ont le droit de prendre connaissance des propositions politiques, et de leur justification, dès le lancement des processus de décision. A contrario, il ne peut être question d'interdire l'accès à des catégories entières de documents, comme c'est le cas dans la politique européenne extérieure et de défense. Les organisations de citoyens doivent avoir accès à la Cour de Justice européenne en cas d'infraction aux directives européennes, ou en cas de mise en ?uvre tardive ou incomplète de celles-ci.

Et enfin nous rejetons une politique anti-terroriste lancée après le 11 septembre qui porterait atteinte aux droits fondamentaux des citoyens.

Avec leurs cons?urs d'Espagne dont le pays va assurer la Présidence de l'Union à partir du premier janvier, les organisations belges souhaitent poursuivre les multiples travaux engagés et la défense des propositions avancées pendant cette Présidence belge

Bruxelles, le 8 décembre 2001.