arch/ive/ief (2000 - 2005)

Sommet UE: Interpellation de V. Decroly & réponse du Ministre de l'intérieur
by (posted) Friday November 30, 2001 at 01:41 PM
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Interpellation du député indépendant Vincent Decroly au Ministre de l'intérieur Antoine Duquesne en Commission de l'Intérieur, des Affaires générales et de la Fonction publique ce mercredi 28 novembre.

Vincent Decroly (indépendant) :

Monsieur le ministre, dans sa récente note de politique générale pour l'année 2002, approuvée par la majorité gouvernementale, M. le ministre de l'Intérieur consacre un paragraphe à la prévention de la violence. En page 18 de ce document de la Chambre, nous pouvons en effet lire: "Si la prévention de la violence lors des sommets européens est avant tout un problème de maintien de l'ordre, un volet préventif non policier y sera toutefois adjoint. D'abord, il sera demandé aux communes concernées, qui toutes bénéficient d'un contrat de sécurité et de prévention, d'accorder dans ce cadre une attention particulière aux jeunes des quartiers sensibles afin que ceux-ci ne viennent pas grossir les rangs des groupes extrémistes et autres casseurs qui tenteront de perturber les manifestations pacifiques. En outre, mes services collaboreront avec les autorités communales pour assurer une bonne communication et information des manifestants afin d'éviter que certains d'ente eux ne se retrouvent disséminés à travers la ville".

A la lumière de ce qui s'est passé à Gênes en juillet 2001 (cfr Journal des Procès du 5 octobre 2001, rapport de Me Maesschalk au nom du syndicat des avocats pour la démocratie), force est de constater que la prévention de la violence devrait valoir pour les éventuels casseurs, mais aussi pour certains membres des forces de l'ordre. On se souvient de la mort de Carlo Giulani, du passage à tabac de nombreux manifestants (même non violents) et de la mise à sac du centre de communication des ONG par les policiers de Gênes. On a également en mémoire des débordements caractérisés de policiers de la ville de Bruxelles lors de matchs de l'Euro 2000. Quelles leçons en ont été tirées du point de vue de la prévention des violences policières ou des excès dans ce domaine? Quelle politique le ministre a-t-il mise en œuvre au sein des polices à la suite de ces faits graves?

Quelle perception le ministre a-t-il de la menace lorsqu'il parle des "jeunes des quartiers sensibles"? N'y a-t-il pas là une locution politiquement correcte pour désigner les "jeunes allochtones délinquants" "chers" au ministre de la Justice? Dans la négative, de qui et de quels quartiers s'agit-il au juste? Quelle a été la demande concrète à propos de ces quartiers et de leurs habitants formulée par le ministre aux communes concernées? Quelle fut la réponse des communes jusqu'à présent?

En particulier, comment interpréter la volonté de limiter la liberté de circulation des manifestants exprimée à la fin du paragraphe cité de la déclaration de politique générale du ministre? Sur quelle période ce dispositif de canalisation ou de contention sera-t-il effectif vis-à-vis des manifestants? A quel moment (jour et heure) sera-t-il mis en place? A quel moment sera-t-il levé? Comment la distinction sera-t-elle opérée concrètement sur le terrain entre un passant qui ne manifeste pas et un marcheur manifestant? Comment éviter que même des non-manifestants voient réduits leur droit à la libre circulation? Quid de l'article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (liberté de circulation) et des articles 5 (liberté et sûreté) et 11(réunion et association) de la Convention européenne des droits de l'homme?

Quelle définition M. le ministre a-t-il de l'ordre public en général ou dans le contexte de ce sommet et des suivants? Il serait en effet question, à partir de 2004, que tous les sommets européens se tiennent dans notre capitale. Quelle est la définition du ministre de la notion de proportionnalité, telle qu'elle est définie aux articles de 37 et 38 de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police? Il s'agit de la manière de tolérer ou de permettre l'usage de la violence par les forces de l'ordre dans un cadre strictement proportionné. Que faut-il entendre par là au juste? Le ministre a-t-il connaissance de cet intéressant arrêt de la Cour suprême des Etats-Unis, datant de 1964, qui a consacré la notion d'"expressive conduct" et étendu la liberté d'expression écrite et orale à tout acte manifestement soucieux de faire passer un message par opposition à un acte délictueux ne remplissant pas ce critère d'expression symbolique?

Dans le même registre, la Cour européenne des droits de l'homme, dans un arrêt du 23 septembre 1998, portant sur le blocage d'une route par des activistes reconnaît le caractère délictueux de l'acte posé mais estime avoir à l'apprécier, à le soupeser dans le cadre des articles de la convention qui régissent la liberté d'expression. Quelque chose ou quelqu'un s'opposerait-il en Belgique, monsieur le ministre, à ce que des actes de résistance non violente ou de désobéissance civile - dans ce cas, il s'agit bien du champ de la non-violence et non du champ de conduite violente ou simplement agressive - soient appréciés par les gardiens de la paix comme des expressive conducts au sens donné par la Cour suprême des Etats-Unis?

Par ailleurs, n'est-il pas courant que des "désobéissants" demandent par le geste qu'ils posent l'application d'une loi, d'une convention internationale et parfois même d'une bonne résolution du gouvernement - par exemple le paragraphe de la déclaration gouvernementale relative aux réfugiés de guerre ou aux enfants de l'exil?

On ne peut se départir de l'impression, au vu de la note que je viens de citer des résultats assez aléatoires engrangés jusqu'à présent, que les polices n'interviennent pas autant dans le maintien de l'ordre public économique et dans tout ce qui touche à la criminalité financière qu'il ne consacre d'énergie au maintien de l'ordre public social et citoyen et à la répression corrélative des mouvements idéologiquement considérés comme "dissidents ou subversifs". Cette impression est-elle non fondée? Avez-vous des éléments objectifs qui me permettraient de me convaincre de l'inverse?

Qu'en est-il d'éventuelles écoutes téléphoniques proactives dans la perspective de ces sommets et des manifestations prévues? Un certain nombre de perquisitions qui semblent avoir été menées dans un cadre préventif ont été diligentées à plusieurs reprises, ces derniers temps, auprès de plusieurs associations, groupes et collectifs? Des écoutes téléphoniques proactives pourraient-elles être diligentées éventuellement? Par qui, selon quels critères et sur quelles bases juridiques?

La convention de Schengen, à laquelle vous avez fait allusion lors de l'une ou l'autre intervention publique, à la suite des manifestations de Gênes, pourrait être suspendue. Qu'en est-il aujourd'hui? Si cette annonce est maintenue, pouvez-vous préciser si cette convention serait suspendue en totalité ou sur certains articles seulement? Qu'en sera-t-il des articles de la convention concernée relatifs à l'admission sur le territoire de demandeurs d'asile ou à leur renvoi vers des pays tiers dont ils proviennent ou qui ont la responsabilité de l'examen de leur demande? Des citoyens fichés en Italie par la police de Gênes seront-ils interdits de séjour en Belgique? Les échanges ont-ils eu lieu avec le gouvernement de M. Berlusconi? Sur quelles bases? Sur quoi portaient ces échanges?

Enfin, le ministre peut-il m'indiquer si les mesures suivantes sont d'ores et déjà exclues, programmées ou simplement possibles? La liste est la, suivante:

- arrestations ou perquisitions opérées à titre "préventif"?

- fichage photographique ou fichage vidéo-filmé des manifestants?

- port d'armes à feu par les policiers ou usage d'armes à feu par les policiers?

- présence de policiers en civil parmi les manifestants?

- contrôles renforcés aux frontières?

- surveillance des manifestants par hélicoptère?

- instauration d'un périmètre d'exclusion autour d'un certain bâtiment (en dehors de la zone neutre)?

Antoine Duquesne, ministre de l’intérieur:

Madame la présidente, monsieur Decroly, j'estime n'avoir aucune leçon à recevoir en matière de respect des droits et des libertés. Je suis ministre de l'Intérieur depuis plus de deux ans et je me réjouis de la manière dont mes services sont intervenus, en ayant parfois dû affronter des situations pénibles en affichant beaucoup de maîtrise, de psychologie, ce qui a été reconnu non seulement en Belgique mais également à l'étranger.

Comprenez bien que je n'attends pas votre interpellation pour réfléchir au problème du Sommet de Laeken et pour prendre des dispositions en des matières comparables.

Certains de vos propos m'inquiètent. Je me demande dans quelle mesure vous n'essayez pas de légitimer certains comportements qui seraient de caractère subversif. Vous semblez plus inquiet par le fonctionnement de notre Etat de droit que par le comportement minoritaire de certains dont l'objet est de provoquer la déstabilisation ou la violence.

Les forces de l'ordre à Laeken, comme toujours, seront évidemment disponibles pour intervenir si nécessaire, mais seront le moins visibles possible. Nous souhaitons que tous ceux qui veulent manifester et s'exprimer librement le fassent sans le moindre élément de provocation.

Vous voulez savoir ce que c'est un casseur? J'ai demandé au Parlement européen l'approbation de MM. Krivin et Kohn-Bendit qui, en mai 1968, avaient une certaine expérience de la manifestation violente. Si, pour exprimer une opinion, il est nécessaire de venir casqué, masqué, avec des protections dont vous n'approuvez d'ailleurs pas l'usage quand il s'agit de policiers, en remplissant des sacs à provision de pavés, en ayant des vêtements pour se changer de manière à éviter après tout incident, je ne suis pas d'accord. Monsieur Decroly, je ne crois pas que ces gens-là viennent à ces manifestations dans l'intention d'exprimer une opinion. Au contraire, ils utilisent la bonne foi de tous ceux qui veulent simplement manifester et veulent les associer contre leur volonté à des comportements violents pour créer un amalgame, des réactions en chaîne, des incidents et finalement un risque, que ce soit pour les manifestants ou encore pour les policiers.

Pour ceux-là, c'est vrai, mon intention est bien de les empêcher de nuire. Il existe dans notre réglementation une possibilité de procéder à des arrestations administratives pour éviter que certaines situations dégénèrent dès lors qu'il y a des troubles de l'ordre public. Je n'hésiterai pas, comme le bourgmestre de Bruxelles d'ailleurs, à demander aux forces de police d'intervenir en ce sens.

Pour le surplus, nous avons eu beaucoup de contacts avec des manifestants potentiels, par exemple les organisations syndicales qui ont une grande habitude des manifestations et de leur encadrement. Elles ont vraiment fait des efforts de manière à ce qu'il n'y ait pas de problème ni d'incident et je tiens à leur rendre hommage.

Les mesures de sécurité qui seront appliquées lors du Sommet de Laeken résultent d'un processus d'analyse, d'évaluation et de planification qui a été entamé depuis plusieurs mois. Ce processus inclut non seulement les sommets ayant eu lieu à l'étranger mais aussi ce qui se passe chez nous. Nous appliquons nos lois, nos règlements et nos pratiques mais nous nous sommes intéressés à ce qui s'était passé à l'étranger pour éviter la répétition d'incidents malheureux. Nous tenons compte bien sûr d'autres événements d'envergure non liés à la présidence européenne mais pour lesquels des moyens importants avaient dû être déployés dans le passé. Vous avez parlé par exemple des manifestations sportives. Nous tenons compte aussi du fait que, pendant cette période, nous devrons faire face à l'euro-fiduciaire qui est aussi une occasion de désordre potentiel ou de violence.

Le Sommet de Laeken, tout comme les autres rencontres ayant eu lieu dans le cadre de la présidence belge sera organisé dans le respect du cadre légal existant et des droits démocratiques. Aucune législation spécifique ni d'exception à l'encontre de qui que ce soit n'a été prise, ni ne sera prise.

A vous entendre, on a l'impression que nous sommes en train de préparer tout un arsenal. Il n'en est pas question! C'est peut-être votre objectif, mais je ne voudrais pas que vous insinuiez un doute dans l'esprit de certains. Je vous demande de m'écouter attentivement pour une fois.

Il va de soi que la tenue d'un tel sommet a des conséquences sur la vie quotidienne de la population habitant aux alentours des lieux de réunion. C'est pourquoi les autorités locales ont la responsabilité d'établir les contacts nécessaires avec les différents représentants de la communauté et de définir de commun accord le modus vivendi applicable à cet événement. C'est d'ailleurs dans cet esprit que les autorités de la Ville de Bruxelles ont tenu avant-hier, lundi 26 novembre, une réunion avec les habitants de Laeken. Les éventuelles mesures de police qui devront être prises afin de régler la circulation des personnes ou des véhicules sont du ressort du bourgmestre qui prendra les dispositions nécessaires. Les mesures qui seront prises par les services de police seront le résultat d'une analyse approfondie des informations communiquées, tant par l'organisateur du sommet que par les autres parties impliquées. La qualité de ces informations permettra de mettre en œuvre un nombre approprié de policiers munis de leur équipement réglementaire, ni plus ni moins, et ayant bénéficié d'une formation adéquate. J'ajoute que, depuis de nombreuses années, un module spécifique relatif à la maîtrise de la violence est inclus dans ladite formation. J'ai discuté de tout cela avec le bourgmestre de Bruxelles qui est le premier responsable du maintien de l'ordre. Je n'interviens qu'à titre subsidiaire. J'espère d'ailleurs que, lui comme moi, nous n'aurons pas ou le moins possible à intervenir, ce qui signifiera que les choses se sont passées calmement.

Comme il faut toujours prévoir l'impensable en matière de sécurité, j'ai voulu établir des règles claires de commandement, une unité de commandement en cas d'incidents. Tout cela a été réglé et les forces de police pourront intervenir avec efficacité si nécessaire. Actuellement, sur la base des informations disponibles tant en Belgique qu'à l'étranger, aucune mesure particulière de contrôle ou de restriction d'accès au territoire liée au sommet de Laeken n'est prévue. Des échanges d'informations avec d'autres pays permettront de se focaliser au maximum sur les personnes ayant une réelle volonté de troubler l'ordre public. Au mois de juillet dernier, nous avons tenu un Conseil européen, où nous avons essayé de tirer les enseignements du passé, et pas seulement du sommet de Gênes. Vous pouvez aussi parler de Nice, de Göteborg, de Salzbourg. Une véritable internationale de la violence est en train de se développer. Nous avons arrêté un certain nombre de mesures destinées à renforcer la coopération sur le plan européen et inspirées des idées que nous avions développées à l'occasion de l'eurofoot, de manière à pouvoir accompagner les éventuels casseurs suspects étrangers, avec la collaboration des services étrangers. Le recours à des procédures spécifiques telles que perquisitions ou écoutes téléphoniques est du seul ressort de l'autorité judiciaire et dans les conditions légales qui sont mises à de telles interventions.

A côté de l'aspect plus traditionnel des mesures de police, le ministère de l'Intérieur en partenariat avec la Région de Bruxelles-Capitale a dégagé un budget pour permettre aux communes de Bruxelles bénéficiant d'un contrat de sécurité de développer des dispositifs de prévention durant le sommet de Laeken.

Les communes ne bénéficiant pas de ces contrats ont également eu la possibilité de développer un projet par le biais de la Région de Bruxelles-Capitale. La nature de ces projets relève bien entendu de l'autonomie communale. Je peux néanmoins mettre en exergue quelques axes principaux. Durant le sommet de Laeken, les travailleurs de rue des contrats de sécurité seront sur le terrain. Leur mission n'est nullement d'encadrer les manifestants ou de chercher à dissuader les jeunes de se joindre à la manifestation mais elle consiste, en amont, à expliquer aux jeunes les enjeux du sommet. L'un des dangers du sommet de Laeken est que les manifestations de protestations dont l'objectif est d'exprimer le désir d'une autre mondialisation, deviennent un lieu d'expression de tous les mécontentements, même si ces derniers n'ont aucun lien avec les thèmes qui seront débattus lors du sommet.

Une bonne information peut être un moyen d'éviter les amalgames. Dans le même ordre d'idées, certaines communes ont développé des programmes de sensibilisation à la citoyenneté européenne. Durant le sommet, les travailleurs de rue veilleront à dialoguer avec les jeunes, à les informer, à éviter la désinformation, le développement de rumeurs et le cas échéant à servir de médiateur entre les jeunes et les forces de l'ordre. La rumeur - ce bruit qui court, qui s'amplifie et qui conduit à des réactions injustifiées de la part des manifestants de toute bonne foi - est un risque pour toute opération de maintien de l'ordre. Il faut donc éviter ce genre de mécanisme.

D'autre part, une brochure sera réalisée par Bruxelles-Ville afin d'informer les riverains et les manifestants des parcours et des horaires des manifestations autorisées. Le secrétariat permanent à la politique de prévention mettra sur pied une cellule d'information afin que les travailleurs de terrain soient correctement informés de l'évolution de la situation et des décisions prises par les responsables du maintien de l'ordre.

Les problèmes posés par le sommet de Laeken n'ont aucun lien avec le maintien de l'ordre durant l'Euro-2000. Ces publics ont des intentions tout à fait différentes. Un pavé lancé sur un policier par un hooligan ou un casseur reste un pavé lancé sur un policier. J'imagine que, comme moi, vous vous préoccupez du sort des policiers. Je ne voudrais pas que des manifestants soient blessés et pas plus des policiers.

Vincent Decroly (indépendant):

Evidemment!

Antoine Duquesne, ministre:

Je suis content de vous l'entendre dire à haute voix!

J'ai expliqué tout à l'heure à l'occasion d'une autre interpellation qu'ils faisaient un métier difficile et risqué. Ils ont aussi des familles. Ils ne sont pas volontaires pour recevoir un pavé ou une balle. Je me préoccupe également de leur sort, raison pour laquelle ils sont protégés. Certaines mesures ne sont pas faites pour intimider mais malheureusement, pour les protéger du comportement inadmissible d'un certain nombre de personnes qui n'ont pas un égal respect de la personne selon qu'il s'agit d'un policier ou d'un de leurs amis ou camarade.

Il n'y a pas de comparaison à faire avec l'Euro-2000 mais il y a des techniques policières de maîtrise d'opérations qui sont comparables. Nous avons beaucoup appris à l'occasion de l'Euro-2000 à cet égard. Il est trop simple de retirer l'intervention de la police de Bruxelles, lors de l'Euro-2000, de son contexte pour en faire un argument critique a posteriori. Je me suis expliqué clairement à ce sujet et j'ai exprimé un certain nombre de réserves quant à certaines pratiques qui avaient eu cours à l'époque. Nous tenons compte de cela dans nos évaluations.

Monsieur Decroly, les jeunes de quartiers sensibles comprennent aussi bien des jeunes autochtones qu'allochtones. Les difficultés rencontrées dans ces quartiers sont dues à des phénomènes d'ordres économique et social et nullement à des questions liées à l'origine de ces jeunes. Dans certains cas, à l'égard de Belges d'origine étrangère - nous l'avons déjà observé à d'autres occasions -, certains essayent de développer des phénomènes de violence, de les manipuler. Ces jeunes se comportent pour l'instant avec beaucoup de calme et de sérieux.

En étant attentifs, nous voulons les mettre à l'abri des manifestations malintentionnées auxquelles certains pourraient se livrer. Chaque commune est à même de juger quels sont les quartiers sensibles sur son territoire. Imaginer que le ministère de l'Intérieur indique aux communes sur quels quartiers doit s'exercer leur attention relève d'une méconnaissance totale de la philosophie qui fonde les contrats de sécurité et de la notion démocratique fondamentale de l'autonomie communale.

Pour le sommet de Laeken, comme ce que nous avons l'intention de faire dans toute l'Europe, nous essayons de réconcilier - car il n'y a aucune opposition entre les deux - le droit essentiel de s'exprimer, de manifester même avec humeur ou bruyamment et les exigences de la sécurité. Exprimer des idées n'implique pas nécessairement une violence gratuite qui frappe aveuglément et qui touche des innocents qui n'étaient allés sur place que pour exprimer une opinion.

En effet, exprimer des idées n'implique pas nécessairement une violence gratuite qui frappe aveuglément et qui touche des gens innocents qui ne se trouvaient là que pour exprimer une opinion.

Vincent Decroly (indépendant):

Madame la présidente, monsieur le ministre, j'ai bien entendu les nuances que vous avez apportées dans votre exposé.

Cela dit, j'ai moi-même fait l'expérience, en tant que témoin et victime en octobre 1999 devant le centre fermé 127bis de Steenokkerzeel, de la conception qu'ont parfois les policiers dans certaines situations un peu critiques ou difficiles de la notion de proportionnalité dans le recours à la violence. J'en ai fait les frais physiquement tout comme d'autres manifestants pacifiques qui jouaient de la musique et qui attendaient tout simplement le retour de parlementaires partis rendre visite à certains détenus. Ces personnes ne jetaient pas le moindre projectile et n'interpellaient personne. Ce jour-là, les forces de l'ordre ont surgi subitement de l'ombre avec leur matériel roulant.

En dehors de l'aspect du match de l'Euro 2000, je voudrais faire référence à ce genre de situation. J'ai vu à l'œuvre des policiers qui semblaient mal dirigés et assez peu soucieux de cette notion de proportionnalité, que ce soit vis-à-vis des manifestants ou des parlementaires.

Vous parlez d'une "internationale" de la violence. Je n'ai pas les mêmes informations que vous. Je suis donc bien obligé de me fier aux articles de presse ou à vous puisque je ne sais pas exactement de quoi il s'agit. J'ai cependant le sentiment que certains éléments ultra-minoritaires cherchent à faire dégénérer les manifestations. J'observe également qu'au cours des derniers mois, des tracasseries sont manifestement organisées et concertées à l'égard de collectifs qui, depuis le départ, sont incontestablement pacifiques dans leurs intentions comme dans leurs méthodes. Ils font l'objet de perquisitions, d'arrestations administratives, de convocations pour un oui ou un non à la police fédérale. On espionne leur courrier électronique. Que cela veut-il dire? Ce ne sont quand même pas ces gens, pour la plupart de grands adolescents terminant leurs études universitaires, qui sont assimilables au noyau de l'"internationale" de la violence.

Les choses étant plus claires quand elles sont dites, j'ai déposé une motion tendant à attirer l'attention du gouvernement sur certains de ces aspects et dans laquelle je demande qu'on ne confonde pas le bon grain et l'ivraie. Le bon grain et l'ivraie sont pour moi séparés non pas par l'idéologie, les idéaux ou les buts des manifestants, mais par leurs méthodes.

Je considère qu'il existe des risques aujourd'hui que l'on ne fasse pas la distinction correcte entre des manifestants violents et casseurs et des gens qui opèrent dans une logique strictement non violente que Gandhi et Martin Luther King n'auraient certainement pas réprouvée.

Antoine Duquesne, ministre:

Je n'approuve absolument pas des comportements excessifs ou encore moins, des comportements illégaux de la part des forces de l'ordre. Je n'hésite pas à faire application des dispositions disciplinaires requises en la matière chaque fois que de tels faits sont avérés. Mais j'aimerais que ceux qui sont de l'autre côté de la barrière aient le courage de porter un jugement plus clair sur ceux qui en effet participent à cette internationale de la violence. Ils ne doivent pas hésiter à dénoncer leurs faits et leur comportement aux forces de l'ordre, de manière à ce que, dans certains cas, des poursuites judiciaires puissent être engagées. Mais jusqu'à présent, je n'ai guère vu cela.

Motions

Une motion de recommandation a été déposée par M. Vincent Decroly et est libellée comme suit:

"La Chambre,

ayant entendu l'interpellation de M. Vincent Decroly

et la réponse du ministre de l'Intérieur,

vu le précédent tragique des dérapages policiers ayant entraîné, lors du Sommet du G8 à Gènes, la mort de Carlo Giuliani, le passage à tabac de nombreux manifestants et la mise à sac du centre de communication des ONG du Genova Social Forum;

vu les prochaines réunions du Conseil des ministres européens, notamment à la mi-décembre à Laeken, et le projet de tenir à Bruxelles tous les sommets européens à partir de 2004;

vu la "Lettre ouverte aux anti-mondialistes" adressée par le premier ministre;

vu les perquisitions opérées chez les membres du Collectif contre les expulsions, du Collectif sans tickets et du Collectif sans noms (en août 1998, 20 octobre 1998, 28 août 2001);

vu les manquements observés dans le dossier de Pascal Marchand, monté artificiellement pour l'exemple, et le traitement particulièrement violent dont il a été victime du 2 au 9 février 2000 en prison;

demande au gouvernement,

- de garantir le plein respect de l'article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (liberté de circulation), des articles 5 et 11 de la Convention européenne des droits de l'homme (respectivement droit à la liberté et à la sûreté, et droit de réunion et d'association);

- de prendre toute mesure pour faire assurer le respect le plus rigoureux, par les forces de l'ordre, du principe de proportionnalité dans l'éventuel recours à la violence contre des manifestants (articles 37 et 38 de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police), et en particulier d'interdire l'usage d'armes à feu dans ces circonstances, les écoutes administratives non fondées sur l'article 90ter du Code d'instruction criminelle et les arrestations ou perquisitions 'préventives'."

Le vote sur les motions aura lieu ultérieurement. La discussion est close.

http://www.dekamer.be/commissions/cri/50/3/html/ic601.htm

remerciements
by mouedden mohsin Tuesday December 04, 2001 at 01:57 PM
Mouedden_Mohsin@hotmail.com

heureusement qu'il existe encore des parlementaires "indépendants" osant poser les bonnes questions, je rejoins le point de vu du député Decroly, pour moi, les nuances du ministres ne sont que poudres aux yeux.. courage.

à propos de la violence
by Francis Black Thursday December 06, 2001 at 02:40 PM

Le ministre ne pense pas que ceux qui utilisent la violence ne sont pas là pour exprimer une opinion. C'est faux. Ils ont souvent réfléchi aux causes profondes des problèmes dénoncés par la lutte altermondialiste et s'attaquent à des symbôles de celles-ci (les causes profondes étant liée au système capitaliste) telles que vitrines de grandes firmes,... De plus ils agissent aussi souvent pour protéger la rue de violence policière (barricades,...). Leur problème c'est qu'ils ne pensent plus qu'il y ait en face des interlocuteurs honnêtes. Les politiques sont accrochés à leur pouvoir et sont de collusion avec les grandes puissance financières (voir négociation avec le groupe Lotis pour amender les propositions européennes à l'OMC : http://www.gatswatch.org/LOTIS/LOTISapp1.html). Les grandes puissances capitalistes, quant à elles, n'en ont strictement rien à foutre du bien être humain puisqu'elle recherchent le profit. Les violences contre des manifestants sont déplorables mais celles-ci résultent souvent d'une mécompréhension de l'action des groupes radicaux, mécompréhension produite par les affirmations du types que tient le ministre de l'intérieur qui discrédite a priori les gens qui utilisent la violence comme ayant une opinion à exprimer. Sans doute parce qu'ils ont peur de devoir reconnaître le bien fondé de ces accusations.
Si vous voulez éviter les violences, il est temps de montrer très clairement que les politiques ont encore leur mot à dire et qu'ils peuvent s'opposer aux orientations économiques actuelles. S'ils ne le peuvent, ou s'ils ne le veulent, il ne faudra pas s'étonner que certains estiment ne pas avoir d'autres moyens de pressions sur les puissants que l'utilisation d'une violence symbolique (car elle ne peut pas encore renverser le système). Les violences contre les policiers devraient être un maximum évitées dans ce cadre mais, s'ils interviennent, ils choisissent un camp : défendre une vitrine et taper pour cela un manifestant, c'est affirmer que les marchandises ont plus de valeurs que l'homme, et c'est bien ce que nous contestons. Cessons d'être hypocrite, le système économique est beaucoup plus violents que quelques jeunes lors des manifs. Il est grand temp de s'interroger sur le pourquoi de la violence plutôt que de la discréditer à priori. Après, il sera trop tard....

Qui sont les vrais terroristes ?
by vandome Wednesday December 12, 2001 at 12:26 PM
vandome@netcourrier.com

Bravo pour l'article de Francis BLACK. avec lequel je
partage toutes ses opinions.
Pour ce qui concerne les débordements de violence vis vis des vitrines, prenez exemple sur les carnavals annuels
uniquement réservé aux plaisirs et aux épicuriens. Allez-y
et vous verrez à Kuln (Cologne) toutes les vitrines barri-
cadées de bois pendant ces périodes de débordement. J'ai meme vu de mes propres yeux un "acteur costumé ou chamaré" sur char fleuri envoyer ou jeter en l'air une plaquette de chocolat à son ami ou supposé tel, et brisant ainsi une grande fenetre roulante d'appartement situé au premier étage.
Lorsque les larbins serviles : CRS, police, gendarmerie se retourneront contre les vrais terroristes aux cols blancs et aux gants blancs siègeant dans les lieux de pouvoirs occultes et de décisions criminelles la partie commencera à s'inverser. Ils tuent cent mille fois plus avec
leurs stylos que les révoltés avec leurs bâtons.
Les personnes respectables sont obligés de travailler
dans l'ombre pour se protéger des mafias. Les humanitaires
sont salis et pollués par des politico-merdouillards tels
que Georges W...C. Bouche ... d'égout qui a osé les souiller et les discréditer dans le monde entier.
Eclairons partout et toujours les zones criminogènes.

anthologie
by Pax Thursday January 03, 2002 at 07:28 AM
doubabil@skynet.be

Positivement digne d'anthologie, la réponse du ministre Duquesne à V. Decroly. Dès le premier paragraphe, tout y
est : ronflante auto-congratulation à la limite de l'obscène, hypertrophie de l'indignation patricienne, et d'emblée ce ton qui indique sans ambiguité de quel tonneau sera la suite, à savoir, manoeuvres de désamorçage et d'évitement de toutes les questions posées.
Bravo Mr Decroly, il faut du courage pour s'adresser à quelqu'un équipé d'une pareille panoplie.