arch/ive/ief (2000 - 2005)

Femmes socialistes en Afghanistan
by Alan McCombes Friday November 23, 2001 at 01:47 PM
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Alan Mc Combes, dirigeant du Parti socialiste écossais (SSP, gauche radicale) a voyagé au Pakistan, invité par le Parti du travail du Pakistan (LPP). Il y a rencontré des militants réfugiés de l'Organisation révolutionnaire du travail d'Afghanistan (RLOA) qui militent dans la clandestinité.

Le jour où j'ai rencontré Mahsooda dans sa maison avec d'autres camarades du RLOA - une organisation socialiste clandestine active en Afghanistan - ils venaient de recevoir de tragiques nouvelles. Huit de leurs camarades et sept de leurs enfants étaient morts deux jours plus tôt sous un bombardements étasunien dans la ville de Karkhana. Si Mashooda et ses camarades n'ont pas pu me donner les véritables noms des victimes (parce qu'ils militent tous dans le secret et dans des conditions très périlleuses) ils m'ont donné leurs noms de guerre et l'âge des camarades décédés. "Ce sont désormais des martyrs, ils ne pourront pas être assassinés deux fois" m'ont-ils dit.

Parmi les militants qui sont mort, quatre étaient des femmes: Llayama (31 ans), Marzia (25 ans), Rabia (30 ans), et Gulmaco (40 ans). Les hommes étaient Abdul Karin (21 ans), Abdul Faruk (47 ans), Abdul Rahman (51 ans) et Abdullah (38 ans). Ils n'étaient pas encore certains de l'identité et de l'âge des enfants.

Clandestinité

Il est facile d'être un militant socialiste en Ecosse, où l'on peut défendre publiquement nos idées, imprimer des tracts et des revues, organiser des campagnes et se présenter aux élections. Mais la vie d'un militant socialiste en Afghanistan est totalement différente. Ils n'ont pas d'argent pour leur tracts, de pages web ou d'ordinateurs. Tous les jours ils doivent lutter pour leur survie parce qu'ils sont en permanence des condamnés à mort. Même Mahsooda, qui vit éxilée de l'autre côté de la frontière, à Peshawar, peut être assassinée par les Taliban ou par quelconque autre extrémiste religieux si l'on découvre sa véritable identité.

Les femmes qu'organise Mahsooda doivent se réunir clandestinement, en se cachant y compris de leurs maris et de leurs famille. "Beaucoup de femmes se résignent à leur rôle traditionnel". Mais beaucoup d'autres veulent apprendre, étudier et être actives et indépendantes" dit Mahsooda, qui est mère de quatre enfants.
"Les femmes en Afghanistan ont une longue histoire de participation et de lutte politique. Mais aujourd'hui, les hommes ne veulent pas qu'elles aillent dans des réunions ou qu'elles étudient. Beaucoup de camarades doivent militer en secret, sans que leur mari, frère ou père le sachent. Elles doivent leur dire qu'elles vont au marché ou faire des achats pour pouvoir venir dans cette maison ou dans d'autres."

Ce même jour, j'ai rencontré deux autres militantes qui ne connaissaient pas Mahsooda parce qu'elles militent dans de petites cellules clandestines. Shalhala a 27 ans et vient de la province de Bamiyan au centre de l'Afghanistan - où la majorité shiite de la population a souffert de terribles persécutions sectaires de la part des Taliban sunites. Au début de cette année, les Taliban ont ravagé la région où ils ont détruits les deux grandes statues de Buddha et massacrés beaucoup de personnes. Shalhala a perdue un oncle et quatre cousins, exécutés par les Taliban dans les villages de Darali et de Naick. "A Darali, les gens étaient sortis de leurs maisons pour regarder l'arrivée des Taliban. Mais ces derniers ont pris tous les hommes, les ont attachés et les ont emmenés sur la place du village. Personne ne pensait qu'ils allaient les tuer. Mais ils les ont tous assassinés: 180 à Darali et 220 à Naick."
Shalhala pense que le choix entre les Taliban et l'Alliance du Nord est un choix entre Frankenstein et Dracula. Sa région fut autrefois une enclave de l'Alliance du Nord, ensuite capturée par les Taliban. Shalhala raconte que l'Alliance du Nord a été responsable de terribles brutalités à l'égard des femmes, avec les enlèvements et les viols habituels. "Ils sont très cruels. Une jeune fille, appelée Shukria, a été attaquée chez elle par des dirigeants de l'Alliance du Nord. Ils ont essayé de la violer mais elle a réussi à s'échapper par une fenêtre. Ils l'ont tuée à coup de fusil."

Hilla a 22 ans et est responsable de l'organisation des femmes du RLOA dans la ville de Herat, dans la partie occidentale de l'Afghanistan, près de la frontière avec l'Iran. Elle parle parfaitement l'anglais. Elle me raconte que 99% des femmes n'ont reçu aucune éducation. Une grande partie de son travail consiste à organiser de petites écoles de base pour les femmes. Hilla et ses camarades réunissent les femmes dans des maisons et donnent des cours clandestins. Elle encaissent des sommes dérisoires pour pouvoir acheter des crayons et des cahiers.
"Dans chaque classe il y a 10 ou 15 femmes. Je donne cours à cinq groupes distincts. Mais il y a beaucoup plus de classes dans la région et dans tout le pays d'organisations comme le RLOA ou RAWA. La première des choses et d'apprendre à lire. Avant d'éduquer politiquement les femmes, il faut leur apprendre à lire et à écrire. Nous leur apprenons également des notions sanitaires et de couture. Plus tard nous parlons de politique".
Malgré la répression souffert sous les Taliban, selon Hilla, toutes les femmes sont contre les bombardements étasuniens. "Elles ne croient pas que c'est une guerre entre les Etats-Unis et les Taliban, mais bien une guerre entre musulmans et non-musulmans. Dans ma région, la majorité est chiite et ils sont contre les Taliban. Mais s'il y a une invasion terrestre du pays, la majorité des gens résistera avec les Taliban contre les Américains. Les Américains veulent battre les Taliban et Al Quaeda. Mais leur véritable objectif est de contrôler l'Asie Centrale, comme ils l'ont déjà fait avec plusieurs pays arabes. Les Etats-Unis pensaient que ce serait facile, mais la guerre durera deux ou trois ans. Mais même si les Talian sont défaits et qu'un nouveau gouvernement se forme, la gauche devra continuer à militer dans la clandestinité parce les américains n'apportent pas la démocratie mais bien une nouvelle dictature".

Alan Mc Combes
(traduc: Ata pour La Gauche)


Campagne de solidarité avec les travailleurs afghans

Le Parti du travail du Pakistan (LPP), en étroite collaboration avec le RLOA, a décidé de lancer une Campagne de solidarité avec les travailleurs afghans.Le SSP a décidé de soutenir activement cette campagne.
Le LPP et le RLOA appellent toutes les organisations de gauche et syndicales à l'échelle internationale de soutenir cette campagne. Le but de cette campagne est d'aider les travailleurs afghan dans leur lutte pour la survie. Il s'agira de récolter du matériel d'aide pour les travailleurs afghans, aide qui sera distribuée en Afghanistan et dans les camps de réfugiés au Pakistan. Il s'agira également d'apporter une aide concrète aux organisations progressistes des travailleurs afghans, de quoi leur apporter le nécessaire quotidien.
La suppression par les fondamentalistes religieux de tous les droits démocratiques et humains en Afghanistan au cours de ces dernières années a considérablement affaibli les organisations de gauche. Beaucoup de militants ont perdu la vie pour la cause du socialisme en Afghanistan. Les autres se sacrifient quotidiennement pour leur lutte dans la clandestinité ou dans l'exil. Leurs familles ont été torturées et condamnées à mort par les fondamentalistes religieux. La soi-disante victoire des forces impérialistes n'offre en aucune façon de meilleures perspectives pour les forces afghanes de gauche. Elles doivent toujours lutter dans des conditions difficiles pour répandre les idées du socialisme.
Pour aider les forces de la gauche afghane dans leur lutte pour survivre et faire connaître leurs organisations nécessitent un soutien international actif. Le LPP est engagé depuis plusieurs années dans ce soutien. Il tente actuellement de produire une revue en langue Pashtoue pour aider la gauche afghane à faire connaître ses idées et sa stratégie.
Le LPP récolte également des vêtements, des médicaments, des couvertures, des chaussures et de la nourriture pour être distribués dans les camps de réfugiés où sont présents le RLOA et d'autres groupes de gauche. Un premier convoi de matériel partira le 24 novembre.

Que pouvez-vous faire?

1. Soutenez cette campagne en versant la somme de 300 dollars US pour les organisations et de 100 dollars US pour les individus.
2. Collecter du matériel et envoyez-le à "Education foundation", 40 Abbot Road, Lahore, Pakistan.
3. Si vous avez du temps et des moyens pour voyager, venez au Pakistan pour nous aider à construire cette campagne, nous avons besoin de volontaires. Contactez-nous très vite pour cela.
4. Envoyez tous vos dons (en dollars US) en les addressant à "Education Foundation Donation", Account number 01 767128, Standart Charted Grindlays Bank, Gulberg Branch. Main Boulevard, Gulberg Lahore, Pakistan.
e-mail: labourparty@gmx.net. Website: http://www.labourpakistan.org. Tél: 92.42.6315162 ou 6301685. Fax: 92.42.6303808.


Interview avec Adel, dirigeant de l'Organisation révolutionnaire du travail d'Afghanistan (RLOA)

Shoaib Bhatti, membre du Labour party of Pakistan (LPP) a interviewé Adel, dirigeant du (RLOA) pour la revue du LPP "Mazdoor Jeddojuhd" (Lutte Ouvrière) peu avant la chute de Kaboul.
l Shoaib Bhatti

Pourqoi Oussama Bin Laden et lesTaliban ont-ils été accusés d'être responsables des attentats terroristes du 11 septembre?
Adel: Oussama Bin Laden était déjà recherché par les étasuniens pour sa participation dans les attaques contre l'ambassade des Etats-Unis en Tanzanie et contre un bateau de guerre de ce pays au Yémen. De la même façon, on le tient pour responsable des attaques terroristes du 11 septembre. Sur cette base, les Etats-Unis et l'ONU ont imposés des sanctions économiques à l'Afghanistan pour faire pression sur les Taliban pour qu'ils livrent Bin Laden. En même temps, ils ont fait pression sur le Pakistan en conditionnant leur aide économique à la collaboration pour l'arrestation d'Oussama et la création d'un gouvernement de coalition en Afghanistan.
Les sanctions économiques et les pression du gouvernement pakistanais ont divisé les Taliban en trois groupes. Mais la majorité des forces militaires et l'appui économiqe d'Al Quaeda aux Taliban ont empêché que ces derniers n'expulsent Bin Laden d'Afghanistan. L'assassinat d'Ahmad Shah Massoud le 9 septembre par deux militants islamistes arabes a également été l'oeuvre d'Al Quaeda. Massoud était l'unique seigneur de la guerre qui aurait pu être d'une grande utilité pour les Etats-Unis dans leur offensive contre les Taliban après les attaques du 11 septembre.

Est-il possible d'arrêter Bin Laden et les principaux dirigeants taliban?
Adel: Il n'est pas difficile d'arrêter un homme qui pèse seulement 55 kilos. Il n'est pas non plus difficile de capturer Kaboul ou Mazar-e-Sharif. Les Etats-Unis exercent déjà une présence importante dans la région et ils veulent en même temps donner une leçon à l'Alliance du Nord pour leur faire comprendre que sans leur appui cette dernière ne pourra pas conquérir l'Afghanistan ni se maintenir au pouvoir. Les Etats-Unis veulent aussi avoir une forte présence en Afghanistan pour contrebalancer l'influence de la Chine et de la Russie.
Les Taliban sont divisés. Il y a un groupe modéré sous la direction du ministre des affaires étrangères Wakeel Ahmad Mutwakl. Ce groupe a disparu de la scène pour le moment. Dans la province de Paktia, les chefs tribaux, malgré l'opposition des Taliban, se sont affrontés avec Al-Quaeda et sa principale base y a été détruite. La même chose s'est passée à Organ où les partisans d'Hamid Kargi ont expulsé de leur zone les Taliban et Al-Quaeda par peur surtout des bombardements. Dans beaucoup de zones cette peur des bombardements s'exprime dans le fait que les leaders locaux expulsent les Taliban ou s'en vont avec leurs groupe. C'est cette perte d'appuis qui oblige les Taliban a se retirer.

La solution d'un gouvernement de coalition post-Taliban sera-t-elle durable?
Adel: Même si les Taliban ne sont pas complètement défaits, il est possible qu'un de leur secteur rejoigne le gouvernement sous la pression externe. D'autres secteurs, avec l'appui d'Al-Quaeda, vont tenter de soutenir une guerre de guérilla. Il est donc possible qu'un gouvernement de coalition comprenne des Taliban modérés et évidemment des leaders tribaux pashtouns. Il existe déjà une formule qui circule d'une assemblée de 240 délégués (dont 50% de Pashtouns). Dans quelques jours il y aura une réunion pour décider de la composition du nouveau gouvernement. Beaucoup de dirigeants tribaux ont participés aux réunions préparatoires. Mais ce gouvernement ne sera ni stable ni durable. Quelle que soit sa formule finale, il défendra les intérêts des Etats-Unis et non ceux des peuples d'Afghanistan. Et il ne sera pas non plus acceptables par les pays limitrophes de la région.
Le Pakistan a ses propres intérêts et il veut les défendre. Mais ni le gouvernement d'Islamabad ni ses services secrets (ISI) ne seront capable d'apporter la même aide militaire et financière qu'ils avaient donné aux Taliban. Mais ils tenteront malgré tout et par tous les moyens d'assurer leur influence et leur intérêts. En Iran, les monarchistes partisans de Raza Shah voyent le retour du roi Zaher en Afghanistan comme un exemple à suivre pour leur pays. Le gouvernement islamique iranien considère donc le retour de Zaher comme une menace et il cherche à consolider propre sa zone d'influence.
Le gouvernement de coalition ne sera incapable de résoudre les problèmes clés de l'Afghanistan et il ne sera pas un gouvernement représentatif. Il y aura de nouvelles contradiction internes au pays et dans la région. Il ne sera ni fort ni capable d'assurer la paix. Il servira seulement à défendre les intérêts étasuniens dans la région et leur tentative de contrôle des exportations de pétrole et de gaz. Les oléoducs ne passeront pas par l'Iran. Le plus probable est qu'ils passerons par le Pakistan et ce seront les Américain qui en tirerons tout les bénéfices, pas les peuples afghans et pakistanais. Le Pakistan veut se transformer en route d'accès à l'Asie centrale et à ses sources d'énergie.
En Afghanistan, si les expécatives des leaders tribaux ne sont pas satisfaites, une nouvelle guerre civile se déclenchera. Le production d'opium deviendra de nouveau un motif d'affrontements entre eux et les Etats-Unis.

Quelle est la position du RLOA par rapport au gouvernement de coalition?
Adel: Notre organisation n'appuyera aucune formule imposée du dehors. Le nouveau gouvernement défendra les intérêts américains car ces derniers ne permettrons pas un gouvernement qui ne soit pas "ami'. Les problèmes du peuple afghan ne figurent pas dans ses priorités. Tout le discours sur le roi Zaher Shah, la convocation d'élections ou le gouvernement de transition sont un piège. Le désespoir et les massacres peuvent faire que les Afghans appuyent au début cela mais ils se désillusionnerons très vite. Le neveu de Zaher Shah, Mustafa Zaher et sa niève, Humera Wali font ouvertement campagne pour la restauration de la monarchie.
Notre parti s'est opposé à Zaher Shah depuis 1964. Tout comme d'autres, il a massacré des centaines de nos camarades. Nous ne pouvons pas oublier nos martyrs. Nous ferons tout ce qui est possible pour dénoncer cette fraude et créer un mouvement en faveur d'un authentique gouvernement du peuple afghan. Bien que plusieurs groupes appuyent Zaher Shah comme un moindre mal, il s'agit là d'une erreur que nous ne pouvons nous permettre. Nous devons lutter sur deux fronts et avoir confiance dans la victoire des pauvres et des femmes d'Afghanistan.