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La Désobéissance Sociale envahit l'Italie
by Gus Tuesday November 20, 2001 at 01:05 AM

OCCUPATIONS ET MANIFESTATIONS : CRÉER CONFLIT ET CONSENSUS Choses dites, choses faites !

OCCUPATIONS ET MANIFESTATIONS : CRÉER CONFLIT ET CONSENSUS
Choses dites, choses faites !
Les Désobéissants italiens avaient annoncé une ample journée de mobilisation et de rébellion à la guerre militaire, économique et sociale devant se traduire par de multiples actions organisées sur toute la péninsule.
Succès total : il est pratiquement impossible de restituer dans le détail l'ampleur de cette journée qui a vu des milliers de personnes désobéir de Vintimille à Trieste, de Tarente à Palerme, de Bologne à Naples.
Occupations de nombreux lycées (Milan, Naples, Padoue, Venise, Rome.) ayant donné lieu à des assemblées fortement participées, au cours de nombreuses d'entre elles ont été projetées des vidéos sur Gênes, et qui dès aujourd'hui, lundi, se transformeront en auto-gestion. Des cortèges lycéens et étudiants ont parcouru spontanément le centre de plusieurs villes (Venise, Milan, Turin) dénonçant la guerre mais aussi la future réforme scolaire et universitaire voulue par le gouvernement Berlusconi. A Milan, la banderole d'ouverture du cortège affirmait : " Multitudes étudiantes ". A Venise, alors que douze établissements scolaires étaient occupés le cortège a décidé de se rendre devant le consulat britannique lequel a essuyé une pluie d'oeufs remplis de peinture rouge. A Trieste, les étudiants ont bloqué L'Institut d'Art afin de revendiquer que " L'art aussi se rebelle à la guerre ". A Turin le passage du cortège étudiant aura laissé quelques traces (de sang. animal) sur les vitrines des banques belliqueuses. Les statues en mémoire à la guerre ont été couvertes de papier et carton. A Tarente, les lycéens désobéissants sont intervenus au Rectorat et ont ainsi interrompu une réunion de l'équivalent du Conseil Général qui exceptionnellement se tenait dans ces lieux. La ville est dans un contexte très particulier puisque c'est de son port que partiront les navires de guerre italiens pour rejoindre l'Afghanistan.
Diverses occupations d'édifices publics ont eu lieu afin de relancer le problème des espaces sociaux et culturels manquants mais aussi pour s'opposer à la spéculation immobilière. A Gênes, les désobéissants avaient décidé d'anticiper la date pour lancer leur première action dès vendredi. La cible, le chantier d'un futur méga centre commercial a été occupé pour protester contre la privatisation du patrimoine public. A Ancône, plus de deux cents manifestants ont occupé un cinéma du centre ville pour protester contre la spéculation immobilière ; ce cinéma créé dans un palais antique risque de fermer pour laisser place à une grande opération immobilière. Ou encore à Monselice (petite ville de la province de Padoue) où le " Laboratorio sociale No War " a occupé un édifice public laissé à l'abandon par la Mairie et qui dès aujourd'hui devient un lieu de rencontres autogéré. Même type d'action à Benevento, à Caserta et à Naples. A Bologne c'est un édifice de propriété d'une banque qui a fait l'objet d'une occupation. A Vicenza, alors que la Mairie, il y a quelques semaines, avait expulsé et détruit le " centro sociale Ya Basta " en utilisant la force et la répression (de nombreux blessés et deux personnes ont passé plus d'une semaine en prison en détention préventive), un nouvel espace social a été ouvert.
De nombreuses initiatives ont eu pour objet la question de la régularisation des sans papiers. Ainsi à Rome, la Basilique Santa Maria a été occupée par plus d'une centaine de personnes dont de nombreux immigrés(en particulier, indiens, pakistanais et bengalais). Une banderole tendue sur l'église résumait tragiquement leur situation : " Permis de séjour nié = peine de mort !).Un rendez-vous avec la Préfecture de Rome a été obtenu afin de relancer les procédures de régularisation et de renouvellement des titres de séjour. A Trévise (ville " administrée " par le trop célèbre Gentilini, celui-là même qui conseillait, entre autres, de renvoyer les " clandestins " dans des trains plombés !) un édifice public a été occupé en réponse aux évacuations de nombreux édifices abandonnés occupés par des immigrés ne trouvant pas de logements. La police a du renoncer à l'intervention quand le cortège des lycéens en grève est venu soutenir l'initiative. De nombreux immigrés ont donc pu investir ces locaux en attente de réelles habitations. A Gorizia (ville plus que frontière avec la Slovénie puisque coupée en deux par la frontière !) un cortège a pendant toute l'après-midi sillonné les deux parties de la ville s'insérant ainsi dans l'initiative lancé par le " No Border social forum ".
De nombreuses agences bancaires ont été la cible d'actions de désobéissance. Ainsi, à Milan plusieurs centaines de manifestants ont bloqué l'accès à une agence pour dénoncer sa participation au financement belliqueux. Nombreux ont été les passants qui se sont arrêtés pour témoigner de leur solidarité et avoir plus d'informations sur les banques finançant l'économie de guerre. A Palerme c'est le siège de " Banco di Sicilia " qui s'est trouvé encerclé par de très nombreux manifestants.
La question de la précarité et du revenu a suscité l'activité de nombreux groupes de désobéissants. Ainsi à Rome, des centaines de personnes ont réussi à imposer grâce à leur détermination l'accès gratuit pendant plusieurs heures à toutes les personnes voulant visiter le Palais des Expositions. A l'extérieur du Palais des Expositions on pouvait lire sur une immense banderole : " le savoir, un bien public global. Libre accès. Revenu pour tous ! ". Les désobéissants génois ont occupé un centre de formation professionnel, symbôle de la précarité et de la privatisation des savoirs. Le début de l'occupation a connu un moment de fortes tensions avec les forces de l'ordre qui ont du cependant rebrousser chemin. A Padoue, ce sont différents logements qui ont été occupés. Toujours à Rome, un autre groupe de désobéissants intervenait dans un magasin Block Buster afin de rappeler que cette chaîne de locations de vidéos représentait, comme le rappelait un communiqué de presse lancé au cours de cette occupation, " un des symboles de la pensée unique. Non à l'homologation de la culture, désertons l'industrie belliqueuse cinématographique ". Durant l'occupation, une vidéo sur les journées de Gênes a été passée en boucle sur le circuit interne du magasin.
Alors que le parti des Ds était en plein congrès national à Pesaro, ils se sont vus encerclés par les membres du Pesaro social forum, leur rappelant ainsi leur abject choix belliqueux.
D'autres avaient fait le choix d'organiser des manifestations locales contre la guerre. Ainsi, à Teramo, ce sont dix mille personnes qui ont manifesté pour exiger la fin des bombardements et pour la globalisation des droits. A Cosenza, ce sont deux mille personnes qui se sont retrouvées pour manifester et ont fini sous les fenêtres du Maire lequel avait essayé d'interdire la manifestation ; de nombreux immigrés dont la communauté Rom composaient la manifestation. Des objectifs militaires ont été symboliquement attaqués. Ainsi, à Reggio Emilia, ce sont plus de trois cents personnes qui ont mis à jour, munis de pelles et de pioches, le pipeline qui fournit gaz et énergie à plusieurs bases militaires de l'Otan dans la Région. Un dispositif policier impressionnant à tenter de s'opposer à cette action mais elle a pu se dérouler tout de même. Plusieurs casernes milanaises ont reçu, dans la nuit de vendredi à samedi, des drapeaux italiens plein de sang. Toujours à Milan, quatre banderoles gigantesques (2x25 mètres) ont été déployés dans des points stratégiques de la ville ; on pouvait y lire : " Déserter la guerre de l'Empire " ou encore " Vos drapeaux coulent de sang ". A Padoue, la caserne a subi l'attaque de nombreux fumigènes et pétards.
Les questions d'environnement ont su elles-aussi mobiliser les désobéissants. Plusieurs actions de blocus de trafic routier ont été organisées dans les centres villes, comme à Milan et à Bologne. De nombreux comités contre le smog et écologistes depuis longtemps impliqués sur ces questions ont décidé de souscrire activement à cette journée de désobéissance sociale. A Rome, ce sont les lignes à hautes tensions qui ont été la cible. Un centre culturel a été ouvert à Cinecittà Est, après l'occupation d'un édifice public abandonné, juste à coté d'un de ses piliers de la mort. Ce quartier est depuis longtemps en lutte contre l'electro-smog. Les associations contre les lignes hautes tensions ont donc désormais un local Cette action a vu la participation de certains élus du Conseil Municipal de quartier et son président a revendiqué la rupture des cadenas comme un " acte de gouvernance permettant ainsi la restitution des espaces abandonnés aux citoyens ". A Marghera (Venise), un rassemblement s'est réuni devant le siège des industriels pour s'opposer à la sentence juridique proclamant l'irresponsabilité des dirigeants locaux et nationaux des industries chimiques ayant provoqué au cours des décennies de nombreux morts parmi les employés. Plusieurs kilos de boues toxiques ont été déposés devant l'entrée du siège du patronat. A Gênes, une gigantesque table avec de nombreux aliments biologiques a été dressée devant l'un des Mc Donald's de la ville permettant ainsi une large information contre la multinationale et lui faisant perdre une grande partie de ses clients et donc pas mal d'argent !
Journée mémorable donc, mettant fin, s'il en était encore nécessaire, à toute tentative d'analyse du mouvement italien contre la guerre comme un mouvement anti-impérialiste américain ou idéologiquement mué par des relents de pacifisme bêlant. Les désobéissants italiens ont frappé fort contre la logique impériale de la Guerre Globale et Permanente et ils ne s'arrêteront pas là. Ils espèrent aussi être rejoints par d'autres désobéissants.
A bon entendeur salut !

G.