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10.000 à Sabena: "Emploi=Oui, Plan social=Non"
by david pestieau Sunday November 11, 2001 at 08:19 PM

10.000 personnes ont manifesté ce dimanche après-midi pour la Sabena. La majorité était des Sabéniens en colère contre le gouvernement. "La Sabena est à nous" scandaient des milliers de Sabéniens devant un cordon de policiers empêchant à la manifestation l'accès à l'aéroport de Bruxelles.

15.000 pour la Sabena
"Emploi=Oui, Plan social=Non"

10.000 personnes ont manifesté ce dimanche après-midi pour la Sabena. La majorité était des Sabéniens en colère contre le gouvernement. "La Sabena est à nous" scandaient des milliers de Sabéniens devant un cordon de policiers empêchant à la manifestation l'accès à l'aéroport de Bruxelles. "Emploi= Oui, plan social=Non", "Sabena sacrifiée sous l'autel de l'Europe" pouvait-on lire sur de nombreuses pancartes.

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A l'arrivée dans le village de Zaventem, des dizaines d'affiches "solidarité avec les Sabéniens" étaient aux fenêtres. A l'arrivée des manifestants, des délégués appelent les Sabéniens à se mettre au début de la manifestation. Ils distribuent un tract avec un appel clair: " Malgré nos années d'efforts et de contributions personnelles, la Sabena a finalement été assassinée. Les gouvernements successifs s'y sont bien employés. Leur but est atteint! Rien ne justifiait une telle descente aux enfers! Nous avons l'infrastructure, l'aéroport, les avions, le personnel qualifié et les passagers… Voilà pourquoi nous demandons le maintien de nos emplois dans la capitale de l'Europe, et donc l'existence d'une compagnie belge d'envergure internationale. Si mercredi soir, le gouvernement ne nous propose pas de solutions concrètes pour récupérer nos emplois, nous durcirons nos actions, et ce dès jeudi."

Devant la manifestation, sur le pont surplombant la manifestation des pilotes, des hôtesses, des membres du personnel au sol sont massés. Ils sont venus souvent en famille. Sur une affiche qu'arbore de nombreux manifestants, un avion symbolisant la Sabena est avalé par un monstre: "Nourissons la mondialisation" peut-on y lire.
La colère est immense contre le gouvernement: "Etat=terroriste" entend-t-on. Trahi, volé pendant des années de restrictions, les Sabéniens en ont assez des mensonges de spoliticiens comme Verhofstadt.
Un prépensionné de Sabena me dit: "J'ai pris ma prépension en 1985 pour laisser ma place à des jeunes, en laissant 17% de son salaire et tout ça pour rien. Non ça ne passera pas."
Contre l'actuel plan social, le rejet est unanime. Mais beaucoup ne veulent pas d'un réengagement dans une compagnie comme DAT avec des conditions misérables. Une pancarte l'exprime: "Sabena, liquidation totale, aujourd'hui on engage à moins 20%, ça jamais". Giacomo Incamicia du Catering: Nous sommes mis sur le carreau. Mais me faire réamenbaucher avec 30%-40% de salires en moins, non. On fait parfois 200km pour venir travailler ici. Alors dans ces conditions, je préfère un très bon plan social, pas celui qu'on a pour l'instant"
Anne Delier travaillait au Cleaning: "Je n'espère plus être reprise mais on veut encore se battre pour un plan social car celui qu'on nous impose maintenant, est inacceptable. 50 d'entre nous seulement sont reprises aujourd'hui." Et elle ajoute ironiquement: " Voyez comme ils sont sociaux, ils ont même repris 6 couples."
Plus loin, je rencontre la section japonaise de la Sabena: "Nous sommes 43. 17 d'entre nous travaille avec un permis de travail B, ils perdent leur emploi mais ils perdent aussi alors leur titre de séjour. Ils ne savent pas encore si on va leur payer leur billet d'avion pour le retour." Un travailleur ajoute: " Et On ne parle pas non plus des 2000 personnes qui travaillent pour la Sabena en Afrique. Pour eux, rien n'est prévu."
Derrière chaque visage rencontré, il y a une histoire qui montre que la catastrophe sociale à la Sabena est immense et démontre la profondeur de la crise qui commence à toucher tous les secteurs du pays.
C'est pourquoi derrière les Sabéniens, de nombreuses délégations venus de tout le pays, tant FGTB que CSC, sont venues appporter leur soutien. En moins de trois jours, via les emails, ils se sont mobilisés. On a pu ainsi voir un grand contingents de cheminots (SNCB) et de postiers de la FGTB et CSC; les délégations de la FGTB-VW, Sidmar, Avia-Partner, Caterpillar; des groupes importants de Belgacom, du SETCa-Liège, de l'ACOD-Anvers, de la CSC-ACV Bruxelles, de la LBC-Leuven, de la CMB-Leuven, de la CMB-Pays de l'Escaut, de l'ACV-textile, de la Centrale Générale du Hainaut et d'Anvers, de la FGTB Luxembourg, de Cockerill-Sambre …


Cette solidarité est appréciée même si chez les Sabéniens, d'autres syndicalistes, si on peut les appeler ainsi, ne font pas l'unanimité. Un incident significatif le démontre au début de la manifestation. Un dirigeant syndical bien connu, Karel Gacoms, dirigeant de la CMB-Vilvorde et signatire du plan social, cherche à se mettre en première ligne de la manifestation devant le camion des manifestatnts suscitant la colère des Sabéniens. L'un l'interpelle: "Que viens-tu faire ici, toi qui a été chez les ministres pour signer ce torchon de plan social?" Un responsible des pilotes ajoute: "Tu n'étais pas à l'Intersyndicale, tu n'es pas là quand on se bat et maintenant tu te mets devant. Ici, ce sont les gens qui ont perdu leurs emplois et qui se battent qui ont leur place. Ceux qui veulent exprimer leur solidarité, ils se mettent derrière. "Le ton monte et Gacoms, pas très sûr de lui, téléphone pour appeler du renfort: "dites-leur qui'ils doivent venir devant"
Un délégué de base furieux l'interpelle alors: "C'est au début qu'il fallait être de notre côté, toi maintenant tu continues à toucher ton salaire, nous on a plus rien." Et un autre: "Et ton salaire, c'est nous qui le payons" Un autre encore: "Tu as déjà saboté Renault, c'est nous les ouvriers, tu peux passer à la télé mais tout derrière!"
Il faudra l'intervention d'un responsable des pilotes pour éviter qu'on en vienne aux mains mais cet incident exprime le fossé total entre une certaine direction syndicale, plus soucieuse de défendre le gouvernement que l'emploi des travailleurs, et la base qui veut se battre.
La manifestation dévie du trajet prévu et monte sur l'autoroute qui mène à l'aéroport. Des milliers de manifestants sont alors bloqués par des dizaines de policiers et des canons à eau. Pendant une heure et demi, les manifestants restent devant ce déploiement policier. "On ne passera pas aujourd'hui mais ils entendront encore parler de nous" me dit un Sabénien sur le chemin de retour.