arch/ive/ief (2000 - 2005)

Reportage au Pakistan
by Alan McCombes Friday November 09, 2001 at 11:25 PM
plantin@skynet.be 29 rue Plantin 1070 Bruxelles

Alan McCombes, dirigeant du Scottish Socialist Party, s'est rendu à Peshawar, au Pakistan. Dans un reportage publié le 2 novembre par la "Scottish Socialist Voice", il témoigne des conditions de vie dramatiques des réfugiés afghans. Nous en reproduisons ici de larges extraits.

Les réfugiés afghans constituent la moitié de la population de Peshawar. Des millions de personnes ont fui pendant l'occupation soviétique. Plus encore sont partis dans les années 1990, quand la guerre des moudjahidine déchirait le pays. Puis les taliban sont arrivés, en 1996, et une nouvelle vague de réfugiés a passé la frontière. Certains tentaient d'échapper à la tyrannie du nouveau régime; la plupart ont quitté l'Afghanistan parce qu'ils mouraient de faim. Pendant les 24 années de guerre, l'économie s'est effondrée et le pays a été mis à genoux.

A Peshawar

Dans la rue, des femmes, tenant des bébés minuscules, mendient quelques roupies. Des enfants en haillons, pieds nus, cherchent entre les étals des restes de nourriture.
Même en temps normal, Peshawar est un "chaudron", avec sept puissants partis islamisques organisés. Mais nous ne sommes pas en temps normal. Les grèves et manifestations organisées par les partis religieux font désormais partie de la routine hebdomadaire. Dans les bazars, le visage d'Oussama Ben Laden est partout - sur les porte-clés, les posters, les autocollants. Les bombardements US en Afghanistan ont transformé le leader d'Al-Qaida en Che Guevara de l'Est, un héros aux yeux d'une partie non négligeable de la jeunesse de la ville.
Dans une boutique du bazar Saddar, un groupe de jeunes Pakistanais s'approche de moi. Depuis le 11 septembre, les occidentaux se font rares dans les rues de Peshawar, et ils veulent savoir d'où je viens. J'explique que je suis Ecossais. Dans cette ville, il n'est pas conseillé d'utiliser le terme "britannique". Le plus vieux du groupe parle anglais, mais il semble dérouté. Puis il me fait un sourire de reconnaissance: "Ah, Mel Gibson. Braveheart. J'ai vu ce film sur la lutte de libération de l'Ecosse." Il compare la guerre de William Wallace contre l'Angleterre au Jihad au Cachemire contre l'Inde et en Afghanistan contre les Etats-Unis. "Nous voulons aller en Afghanistan, combattre et mourir pour Oussama", dit-il. Il me demande pourquoi les Etats-Unis refusent de combattre face à face. "Ils sont lâches. Ils ont peur de mourir, mais nous, nous n'avons pas peur de mourir. Nous gagnerons."

New Shamashatou

Je quitte la ville pour visiter le camp de réfugiés de New Shamashatou, à une heure de route. La campagne environnante est désolée. Les villages sont composés de huttes de terre. Des familles entières, réfugiés venus d'Afghanistan, travaillent dans les fours à briques. Un homme travaille avec ses deux garcons, âgés de neuf et dix ans. Ils commencent le travail à six heures du matin, puis vont à l'école. Quand ils en reviennent, ils travaillent jusqu'à la tombée de la nuit.

Plus loin, le camp de New Shamashatou héberge 51 000 personnes. Mais il n'y a pas de routes, pas de magasins - juste un fatras d'étals vendant du riz, du pain, des fruits et des légumes. Il n'y a pas d'eau courante. Les gens vivent dans des tentes. L'école et l'hôpital sont constitués de grandes tentes; ce dernier ne distribue que de vieux médicaments qui ont dépassé leur date de péremption.
Abdullah, douze ans, nous invite dans la tente de sa famille. Son père est mort. Il vit avec ses frères et surs, sa mère, sa grand-mère et son arrière grand-père. La mère d'Abdullah berce dans ses bras un enfant fiévreux. La fillette a trois ans, elle est gravement malade, sa mère l'est également. "Nous n'avons pas d'argent pour les emmener dans un bon hôpital", dit la grand-mère. "Hier, nous avons attendu à l'hôpital toute la journée, mais ils n'ont pas pu nous prendre." Je donne à Abdullah un peu d'argent, mais je sais que ca ne sert pas à grand-chose. Des centaines d'enfants meurents dans les camps de réfugiés de la province de la frontière Nord-Ouest.
Je m'arrête au petit marché du camp, où un jeune homme, Baidullah, me parle en anglais. Il me dit sa colère face aux bombardements sur son pays. "Deux membres de ma famille ont été tués par les bombardements. Je déteste Oussama et les taliban, mais l'Amérique est en train de bombarder des innocents, et non les taliban. Nous voulons simplement rentrer chez nous et vivre en paix dans un pays uni, où nous pourrions vivre et travailler."

J'entends sans cesse le même discours de la part des Afghans vivant au Pakistan. Désormais, ce qui reste de leur pays brisé est pulvérisé par des bombes qui coûtent des millions, pendant que les enfants meurent dans les camps de réfugiés, faute des quelques livres nécessaires pour payer des médicaments. Quand je rentre du camp, Peshawar est plongé dans l'obscurité. Mais pour de nombreux Afghans, l'obscurité est tout ce qu'ils ont connu, et tout ce qu'ils risquent de connaître pour encore longtemps.

A Peshawar, Alan McCombes

- Alan McCombes a rencontré là-bas des militants de l'Organisation révolutionnaire des travailleurs afghans, qui vivent, des deux côtés de la frontière, dans des conditions politiques et économiques extrêmement précaires. Le SSP entame une campagne de soutien à leur endroit. Les dons sont à envoyer au SSP, 73, Robertson St., Glasgow G2 8QD; chèques et mandats à l'ordre de "SSV". Noter sur l'enveloppe: "Afghanistan Solidarity Appeal".