arch/ive/ief (2000 - 2005)

reportage de 3 délégués étudiants à la SABENA
by antoine Wednesday November 07, 2001 at 12:07 AM
antoine.hermant@euronet.be

Trois étudiants délégués de la haute école P.H. Spaak (ISIB) ont participé à l'action menée par les travailleurs de la Sabena suite à la faillite annoncée de la Sabena.

Cette après midi, près de 200 travailleurs étaient présents dans le hall de départ de l'aéroport de Bruxelles Nationale pour manifester la rancoeur et la révolte qui les anime, suite à la fermeture annoncée de leur entreprise. On parle de 8000 personnes mises à la porte. C'est un désastre social d'une ampleur encore inégalée.

Un travailleur du Ground Handling : « Jamais on aurait pu imaginer que ça pouvait crouler. L'État, actionnaire majoritaire a spolié la Sabena. Maintenant, ils n'ont qu'à assumer ce qui va se passer. Les gens ont une famille, des enfants... Ils doivent d'abord nous donner notre dû. Ce pourquoi nous avons travaillé pendant tant d'années.
<B>Ils ont aussi profité de vous, les étudiants jobistes, pendant toutes ces années. Il faut que ça bouge ! »</B>

En tant qu'étudiants ingénieurs dont certains dans le secteur aéronautique, nous avons demandé aux travailleurs quel était le message qu'ils voulaient faire passer aujourd'hui parmi ces jeunes.

Un pilote accuse, très ému, le gouvernement : « Comment un gouvernement élu par les gens peut-il accepter ce qui s'est passé ! Nous avons toujours fait beaucoup d'effort pour la compagnie. (plan Bluesky, Müller,etc.). Si la Sabena est en faillite aujourd'hui, ce n'est certainement pas à cause des gens qui travaillent ! Nous avions vu que ce plan n'était pas viable. Nous avons même dit, à l'époque, que si les pilotes travaillaient gratuitement, le plan ne marcherait quand même pas !
L'État a peur de l'Europe, la communauté européenne refuserait que l'État réinvestisse de l'argent puisque ce serait enfreindre les lois de la libre concurrence. »

Quelle est donc cette Europe qui autorise un État à mettre tant de gens au chômage ?

Il faut inverser la tendance. La seule solution viable à long terme, c'est la re-nationalisation de la Sabena pour en refaire un véritable service public. Il faut faire reculer l'Europe de ces gens qui organisent la société pour qu'une telle catastrophe soit possible.

Le 20 octobre 1998, le Etats-Unis demandaient à l'OMC la libéralisation de l'éducation « pour pouvoir être compétitifs dans l'économie mondiale ». La déclaration de Bologne, au niveau européen a les mêmes objectifs lorsqu'elle parle d'harmonisation européenne.

De quelle voix parlent-ils tous ? En 1995, les plus grands patrons d'entreprises européennes unis au niveau européen par la Table Ronde des Industriels Européens (ERT) concluaient, à propos de l'enseignement supérieur, que « la responsabilité de la formation doit en définitive être assumée par l'industrie. » Documents à l'appui, c'est cette organisation qui mène la politique européenne d'enseignement [1].

Comme pour la Sabena, l'enseignement est donc bel et bien en danger. Lorsque pour des raisons de concurrence entre établissements publics et privés, l'État ne pourra plus aider une école publique comme elle le faisait, combien payeront les étudiants ?

Aussi, si une école (ou un cours) ne permettra pas une rentabilité immédiate pour l'entreprise qui la (le) finance, elle disparaîtra comme on tente de la faire pour la Sabena. Une année d'étude coûte, pour la haute école PH Spaak ISIB, 250 000 frs par étudiants. Le calcul est donc très simple, si ces études doivent être rentables, elles doivent au moins rapporter les dépenses qu'elles engendrent. Par exemple, dans notre pays, depuis que les études de pilote de ligne ont été privatisées, les étudiants payent 3 000 000 frs pour deux ans d'étude. Le système élitiste américain en est la meilleure preuve vivante de ce que nous ne voulons pas.

La Sabena était un service public vendu aux pirates privés qui ne visent que le profit. L'enseignement est en passe de tomber dans leur filet.

Les étudiants ne doivent pas accepter le désastre qui est en train de se passer à la Sabena parce que le grand danger de privatisation de l'enseignement aboutira aux mêmes injustices. S'ils n'ont pas peur de licencier 8 000 (probablement 20 000 personnes indirectement), ils n'hésiteront pas, pour ces mêmes raisons (recherche du profit maximum et de « libre concurrence ») à licencier des étudiants qui ne pouront pas payer le minerval exorbitant.

Un pilote, 2500 heures de vol : « Des milliers de pilotes sont sur le marché du travail, nous, on ira probablement au chômage. La situation de la Sabena était déjà catastrophique avant le 11 septembre. Cette date est un prétexte pour accélérer ce qui s'est passé. La faillite était planifiée. Les gens sont furieux. La direction a longtemps menacé de fermer l'entreprise si les travailleurs s'ils faisaient grève. Mais aujourd'hui, on voit le résultat ! C'est de la mauvaise gestion, on a vu qu'il y avait un problème mais on a pas réagit à temps. »

Un travailleur du ‘load control' : « J'ai une seule chose à dire aux jeunes, soyez critique tout le temps, soyez méfiant. Il ne faut pas attendre pour réagir, il faut agir tout de suite. Nous avons trop attendu, nous n'avons pas réagit à temps. Il ne faut pas se faire entuber. Les gens ont fait tout leur possible pour la Sabena. Les gens étudient de plus en plus mais il y a de moins en moins de travail. Est-ce qu'on va nous entendre ? Tous les gens ont donné dans cette entreprise. On a aucun remerciement. On va être licencié ! C'est un drame incroyable !
Lors de la marche blanche, des milliers de personnes sont allés dans les rues mais ça n'a rien changé, il y a toujours autant de problèmes. Nous devons réagir. »

Un jeune bagagiste, 25 ans, « Un délégué (Partick Francescini) a été exclu parce qu'il disait la vérité. Il allait disait à la direction ce qu'on pensait vraiment. Lui, c'était vraiment quelqu'un en qui on avait confiance. La direction lui a dit qu'il compromettait la sécurité nationale. Alors ils l'ont viré. Nous savons que la sécurité n'est pas établie, la preuve, c'est qu'on a vu qu'il était possible de faire des hold up sur le tarmac de la piste ! Il n'y a pas de sécurité ici. Ou tu fermes ta gueule, ou bien t'es viré. La structure syndicale n'a pas voulu défendre Patrick. La situation est vraiment très critique ici. On a accepté plein de plans (baisses de salaires, etc.). Il y a des gens qui sont ici depuis 15 ou 20 ans. <B>On a tous en commun notre travail.</B> Tout ce qu'on a produit a été bouffé par Swissair.
La Sabena croule alors que le monde entier a besoin de se développer. Il y a plein de pays qui doivent encore construire de nombreux aéroports. C'est du vol légalisé qui a eu lieux à la Sabena. »

[1] L'Enfer ou le Paradis ? L'enseignement en Europe après la déclaration de Bologne, Etudes Marxistes – décembre 2001