arch/ive/ief (2000 - 2005)

Sabena : Résistance légitime au scandale d'une faillite programmée
by olivier coussaert et nadine rosa-rosso Tuesday November 06, 2001 at 06:27 PM
Sabena : Résistance légitime au scandale d'une faillite programmée

Aujourd'hui, la toute grande majorité des travailleurs de la Sabena s'est mise en grève.

Sabena : Résistance légitime au scandale d'une faillite programmée


Aujourd'hui, la toute grande majorité des travailleurs de la Sabena s'est mise en grève. Dans la logique des plaintes déposées par Maria Vindevoghel et Patrick Willeputte, délégués à la Sabena, ils exigent que les sacrifices consentis depuis quinze ans soient utilisés comme on le leur avait promis : à sauver leur entreprise. Dans la logique de la plainte déposée par Philippe Doyen, autre délégué, ils n'acceptent pas d'être les victimes de dizaines d'années de gestion frauduleuse et irresponsable. Et il faut être courageux aujourd'hui pour résister au climat de capitulation que les hommes politiques tentent d'imposer au monde du travail, que ce soit par leurs silences, leurs discours ou leurs gendarmes.

Face à la catastrophe sociale et économique imminente, face à la colère et au désespoir du personnel, les hommes et les femmes politiques au pouvoir n'ont strictement rien à dire. Et c'est bien normal. Quand Renault a fermé, le gouvernement s'est réfugié derrière l'argument qu'il ne pouvait rien contre une multinationale privée française. Quand Clabecq, entreprise à majorité publique wallonne a fait faillite, les responsables politiques se sont réfugiés derrière l'argument de la vétusté de l'outil. Mais aujourd'hui, que peuvent-ils inventer encore: Sabena est une entreprise nationale, l'Etat est encore toujours son actionnaire principal, la productivité des travailleurs est parmi la plus haute dans les compagnies aériennes, le matériel est flambant neuf.

Ce que devraient dire les libéraux Verhofstadt et Daems, la socialiste Onkelinkx et l'écologiste Durant s'ils avaient un milligramme d'honnêteté politique.

Voici ce que les hommes et les femmes politiques de ce pays devraient dire si le mot vérité avait un sens pour eux : " Depuis quinze ans, l'Etat belge a imposé aux travailleurs de la Sabena pour trente milliards de sacrifices sous prétexte de sauver l'entreprise. En réalité, pendant tout ce temps, les gouvernements belges ont participé pleinement à la politique européenne de dérégulation du secteur aérien. La dérégulation a détruit tous les monopoles d'Etat, tous les monopoles nationaux sous prétexte d'ouvrir la concurrence. Le résultat est la création dans le secteur aérien, comme dans beaucoup d'autres, de monopoles multinationaux européens qui exercent une dictature totale : British Airways, Lufthansa, Air France, principalement. Tous les gouvernements de l'Union européenne, emmenés allègrement par les socialistes, ont participé à cette liquidation totale des droits des travailleurs, de leurs salaires, de leurs conditions de travail, de la notion même d'entreprise publique et de services publics. " Voilà ce que devraient dire les libéraux Verhofstadt et Daems, la socialiste Onkelinkx et l'écologiste Durant s'ils avaient un milligramme d'honnêteté politique.

Toute la politique de l'Etat belge dans la Sabena a été de préparer cette faillite qui permettra aux multinationales du secteur de s'approprier à très bon marché les outils, le savoir-faire, la force de travail des " ex-Sabéniens " dont ils auront besoin et de livrer les autres au chômage.
Avec la faillite de la Sabena, la plus grande faillite de l'histoire de la Belgique, le gouvernement belge aura préparé la voie à la privatisation accélérée de tous les autres services et entreprises encore publics.

C'est exactement ce que l'administration américaine a fait à la fin des années septante : la dérégulation du secteur aérien a été la préparation politique, économique et sociale à la destruction de tous les acquis sociaux des travailleurs américains. Comme l'a déclaré l'ancien patron d'Eastern Airlines, la dérégulation du secteur aérien aux USA aura été essentiellement une attaque contre les droit syndicaux.

Le monde politique belge a été un acteur très consentant de la liquidation de la Sabena. En 1995, Dehaene (CVP) et Di Rupo (PS) sablaient ensemble le champagne pour l'entrée de Swissair dans la Sabena. Depuis, le SP avec Haeck, le PRL avec Van Der Stiechele, le PS avec Suinen, ont siégé au conseil d'administration. Quoiqu'actionnaires majoritaires, les représentants de l'Etat ont laissé la direction des affaires au privé, à Swissair ; même après la faillite de Swissair, ils ont laissé Müller prendre toutes les orientations. Mais qui est ce Müller ? Un haut cadre allemand, qui a déjà rendu ses services professionnels à la Lufthansa, à Airbus et à Daimler-Benz Aerospace notamment. Bref, un homme au-dessus de tout soupçon…

La Commission européenne veut en finir avec toutes ces compagnies nationales.

La Commission européenne, qui ne trouve son inspiration que dans la littérature des plus grosses multinationales européennes, veut en finir avec toutes ces compagnies nationales. L'objectif final est que le ciel européen soit dominé par trois ou quatre grandes multinationales, le reste des compagnies ne jouant plus qu'un rôle purement régional. Il est particulièrement intéressant de remarquer que la stratégie de la Commission européenne dans le secteur unit des objectifs civils et militaires. Les investissements massifs dans le super Airbus A380 (plus de 520 milliards de FB) cadrent parfaitement dans cette stratégie : produire des avions capables de concurrencer Boeing, le concurrent américain, de transporter de 500 à 800 passagers et dont la version militaire est idéale pour le transport des troupes. Quelle coïncidence ! Le trio des multinationales appelées à dominer le ciel européen, British Airways, Lufthansa, Air France rappelle étrangement la troïka qui dirige aujourd'hui la participation européenne à la guerre en Afghanistan. Notez que quand il s'agit d'investir dans ces avions-là, il n'y a aucun problème pour mélanger les investissements privés (Daimler par exemple) et publics (l'Etat français par exemple).

Le dossier Sabena et la faillite honteuse de cette entreprise publique montrent à quel point tous les travailleurs européens ont intérêt à lutter contre la construction européenne. C'est la construction des multinationales, de la liquidation sociale sur toute la ligne, de la répression et des aventures militaires. Déjà hier, lors de leur conférence de presse, les délégués de la Sabena qui ont déposé plainte contre le groupe Sabena et Swissair, ont appelé les travailleurs à manifester à Bruxelles en décembre prochain contre le sommet de Laeken.

Le Parti du Travail de Belgique soutient totalement toutes les actions entreprises par les travailleurs, sur le plan juridique et sur le terrain, pour s'opposer à la faillite de la société. Prévoyant celle-ci, notre parti a élaboré, avec l'aide de nombreux Sabéniens, un plan des travailleurs, qui repose sur l'idée que c'est aux travailleurs eux-mêmes, qui ont investi des dizaines d'années de travail dans cette entreprise de décider de son sort, que les travailleurs, avec toutes les catégories de personnel, peuvent opérer une meilleure gestion que les actionnaires privés ou publics du passé.
Les travailleurs n'ont rien eu à dire sur la stratégie de la Commission européenne, ni sur celle de Swissair, et pas même sur celle des représentants de l'Etat belge.

C'est en tenant compte des leçons du passé que le Plan des travailleurs prévoit, notamment, les mesures urgentes suivantes :
1. crédit immédiat de 100 milliards à la Sabena pour permettre la poursuite des activités
2. constitution d'une commission des membres du personnel pour déterminer les responsabilités de l'actuelle direction et détermination exacte de tout ce qui a été volé de la poche du personnel
3. tous ces avoirs de la Sabena doivent servir à reconstruire une entreprise publique avec les 13 000 travailleurs actuels et le maintien de tous les droits syndicaux
4. cette entreprise doit être placée sous contrôle du personnel
5. cette entreprise doit avoir des missions de service publique bien déterminée.

Déclaration du Parti du Travail de Belgique à propos de la Sabena (06.11.01, 18h30)