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Journée Internationale de la Jeunesse, Sous le signe de la désobéissance civile
by Julien Versteegh Thursday November 01, 2001 at 04:09 PM
juversteegh@hotmail.com

Aperçu du workshop désobéissance civile. Terchniques et conseils des Jeugd Natuur en Milieu

Sous le signe de la désobéissance civile

Qu'est-ce que l'Europe ? C'est sur ce thème qu'a débuté le second jour des Journées Internationales de la Jeunesse. Après une matinée de formation, la pratique reprend le dessus. Nous avons suivi le workshop désobéissance civile, ou comment résister passivement aux forces de l'ordre.

Julien Versteegh

La journée commence en compagnie de Marc Vande Pitte (D14 Anvers - ATTAC), auteur de Cette Europe que nous ne voulons pas et de François Gobbe de D14, collaborateur de l'association Kairos. Il s'agissait de comprendre quelle Europe nos chers ministres et chefs d'état sont en train de nous construire. A tout ceux qui aurait encore des doutes sur l'unité politique au sein de l'Union, la conférence du matin a de quoi largement relancer le débat. Ainsi les personnes présentes ont-elles pu constater qu'à l'heure actuelle 6 lois sur 10, votées dans les parlements nationaux, sont des lois d'harmonisation européenne. Ainsi des domaines comme l'agriculture, le budget ou encore le commerce sont entièrement gérés au niveau européen, les gouvernements nationaux n'ayant absolument rien à dire sur cette question. Par exemple, la question de la Sabena est intéressante à plus d'un titre : la commission européenne a tout décidé, le gouvernement belge n'a absolument rien eu à dire.
L'Europe, c'est seulement un travailleur sur cinq qui a un emploi normal de 38h semaine, tout le reste tombe dans les emplois à temps partiels ou hyper flexibles. L'Europe, ce sont 20 millions de chômeurs, soit une personne sur 6 ; 2 millions d'enfants qui travaillent ou encore 58 millions de pauvres. L'Europe, c'est également un manque absolu de démocratie. Ainsi, le parlement européen est sans doute le seul au monde à ne pas émettre de lois. Son seul pouvoir consiste à pouvoir en bloquer certaines. Tout se joue dans les coulisses où 10.000 lobbyistes de 500 groupes industriels font pression sur 200 parlementaires, soit 5 lobbyistes par parlementaire.
Les interventions de la salle soulèvent quelques questions pertinentes. Ainsi un représentant des Marches Européennes (photo 3) : « Un des problèmes principaux de l'Europe est le développement de la précarité. C'est à dire que les gens ont effectivement un travail mais ne savent plus payer le loyer, les frais médicaux ou les soins de santés. Nos décideurs se mettent tous des salaires mirobolants dans les poches. Il n'y a pas un seul précaire parmi eux. C'est donc normal qu'ils sont incapables d'apporter des réponses à cette question. C'est pour les jeunes que nous voulons une autre Europe. Je suis admiratif quand je vois tous ces jeunes qui se mobilisent. Soyez déterminés. Je suis sûr que vous y arriverez ». Pour un autre (photo 4), « l'unification européenne est réactionnaire. Aujourd'hui la question se pose de la remise en question du système capitaliste qui n'a plus rien à offrir et qui freine le développement et le progrès de l'humanité ».
Il est clair que cette matinée de combat aura poussé la plupart des manifestants vers le workshop désobéissance civile animée par une équipe de Jeugd Natuur en Milieu. Le principe provient en droit ligne de Seattle et de Gênes et a déjà fait ses preuves. Il s'agit de manifester d'une manière résolue mais non violente en utilisant son corps, bien protégé, comme seule arme de défense. Le principe est la démocratie de base, c'est à dire privilégier le groupe et la discussion au sein du groupe sur l'individu, de manière à développer une cohésion au sein de groupes d'affinité d'une quinzaine de personnes. Cela permet de définir une attitude commune par rapport à la violence et à son emploi, cela permet également à chacun d'exprimer ses craintes, ses envies, ses questions en toute liberté, le groupe étant là pour y répondre.
Les groupes d'affinités constituent la base des manifestations. C'est au sein de chaque groupe que se gère démocratiquement les situations tendus à même d'impliquer de la violence.
Jonas des JNM : « Notre but est de développé des alternatives aux actions traditionnelles qui ne répondent plus aux attentes des gens. Pour l'instant, il existe une série de règlement qui limitent les actions. La désobéissance civile permet d'aller plus loin dans les actions. C'est également lié à la non-violence. Mais il ne s'agit pas d'être pour ou contre la violence, il s'agit de juger, en groupe d'une stratégie sur le long terme ». Il s'agit surtout d'une guerre de l'image. Quelle image allons-nous faire passer dans les médias ? Donner le moins d'occasion possible aux médias de décrédibiliser le mouvement. Etre résolu dans ses actions mais sans montrer de signe de violence, tout en résistant le plus efficacement possible à la répression. A travers différents jeux et exercices, les jeunes de JNM tentent de montrer au participant quelle attitude adopter dans telle ou telle situation. Ils appellent à la réflexion personnelle et lance le débat sur la violence. Par exemple, la salle est divisée en 4 zones : violent, non-violent, à faire ou à ne pas faire. Un scénario et avancé et chacun doit prendre une position. Par exemple, une entreprise de chaussure fait travailler des enfants. Malgré toutes les démarches de protestation légale, rien n'y fait. Une action est décidée pour aller réveiller le patron de l'entreprise en pleine nuit. Est-ce de la violence ? Chacun s'exprime sur le sujet et avance ses arguments. Autre exercice, les « 2 lignes de bordel » : 2 rangées de personnes se font face. L'une joue le rôle de la police chargée de convaincre l'autre, les manifestants, de ne pas jeter de pavés. Comment réagit-on face à l'argumentation de l'autre ? Et croyez moi, ce petit jeu porte très bien son nom, un bordel général dans la salle du Vaartkapoen, sous l'œil amusé d'une caméra de la RTBF (l'Hebdo).
Les JNM ont également des techniques très concrètes de résistance : comment bloquer une route en s'agrippant par groupe de 10-15, mains et pieds entremêlés. Le truc: se tenir très fort l'un l'autre sans offrir aucune prise au policier. Comment rendre une arrestation le plus difficile possible en se faisant le plus lourd possible ou la technique du sac de pomme de terre…Une expérience riche en enseignement ! Et en avant pour la simulation. Alors qu'un petit groupe joue les pandores patibulaires, le gros du groupe s'assied par terre et s'entremêlent solidement jambes et pieds. Leur but, bloquer une route pour en empêcher l'accès à la police. C'est la mêlée. Les uns scandent « police partout, justice nulle part » tandis que les autres, prenant leur nouveau rôle très à cœur (matraque factice à l'appui), tentent de les déloger avec relativement de facilité. L'erreur des manifestants étaient d'avoir fait un grand groupe compact, alors qu'il s'agit de faire une série de petit groupe dispersés. Autre erreur, avoir offert à la vue des « policiers » les zones de liens et donc les points faibles : mains, bras, jambes....
Milou est à l'Insas en première année mise en scène. Elle a suivi avec grand intérêt l'atelier désobéissance civile : « J'ai surtout aimé l'exercice où il fallait s'accrocher l'un l'autre pour contrer les flics. Il aurait fallu peut-être plus d'exercices concrets, même si c'est difficile de se mettre vraiment en situation. A Gênes on fonçait tête baissée, poussés par les pulsions du moment. » Le principe de la démocratie de base a une grande importance : « Tout le monde parle quand il a envie de parler tout en respectant les autres. C'est utile pour apprendre à oser s'exprimer, à parler et à vivre en groupe. Cela crée de la solidarité au sein d'un groupe et permet d'inverser les rapports de force. Si la désobéissance civile est bien menée cela peut complètement modifier l'opinion des gens sur le mouvement. C'est utile pour apprendre à gérer des situations différentes. Avant, j'étais profondément non-violente. Mais après Gênes, je me suis rendu compte qu'il ne s'agit pas d'être pour ou contre la violence, mais de savoir quand l'utiliser ». Va-t-elle mobilisé pour les manifestations de décembre ? Plus que jamais. « On est en train de monter un comité d'élève à l'école pour s'occuper des problèmes de l'écoles, comme les locaux qui sont dans un états lamentables. A partir de là nous voulons mobiliser autour de D14. Rien que dans ma classe, 8 personnes se bouge sur D14 alors que nous sommes 15 en classe. Je pense que dans chaque classe il y a la même proportion de gens intéressés ».

La désobéissance civile n'était évidemment pas les seules activités de la journée. Les autres workshops décrits hier ont continué. Mais aujourd'hui, une nouveauté de taille : la tenue d'un atelier écriture rap animé par un membre de Starflam, rien que ça. De quoi mettre l'ambiance et d'envoyer quelques vers free style à la figure de l'Europe des riches.

Le soir enfin, soirée Tiers-Monde. L'Algérie, la Palestine, la Turquie, la Colombie et le Brésil avaient la parole pour expliquer la situation dans leurs pays. Divisés en petit groupe par pays, les participants ont pu débattre du rôle de l'Europe en Palestine, des prisons d'isolement en Turquie ou encore du plan d'interventions militaires US en Colombie. Il ne s'agissait pas de s'appesantir sur leur sort mais bien de réfléchir à des alternatives, dont l'une d'entre elle est sans doute le modèle cubain dont le représentant fut vivement applaudi.