arch/ive/ief (2000 - 2005)

Le Rat, la Loi et la Liberté
by Ata Monday October 22, 2001 at 04:59 PM
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Petite "anecdote" ce vendredi 19 octobre pendant la mobilisation contre l'Eurotop à Gand... ou comment la police fédérale trouve n'importe quel prétexte pour violer le droit de manifester

J'ai eu la malchance, bien involontaire, de ne pas pouvoir participer à la Manifête du 19 octobre à Gand. Vers 18H30, Alors que je me dirigeait (seul, grosse erreur) vers le lieu de départ de la manifestation, dont je n'était plus qu'à 300 mètres à tout casser, plusieurs flics m'ont interpellé parce que je portais trois panneaux avec des affiches contre la guerre. Pas question selon eux de passer avec ça: les courts bâtons fixés dessus pouvant servir d'"armes", de même que les panneaux eux-mêmes! Malgré mes protestations, hop, tout est confisqué.
Un flic commence alors à fouiller mon sac où se trouvait "Molotov", un sympathique rat domestique, docilement endormis au creux d'un masque anti-poussière (on ne sait jamais). Surprise des flics et regards plus que soupçonneux: "Un rat?! Mais ça porte la peste!" déclare l'un d'eux. Du coup, j'étais devenu une sorte de terroriste bactériologique préparant une attaque sournoise contre l'Eurotop à l'aide d'un rat infecté de je ne sait quelle maladie! Ni une ni deux, n'écoutant que leur devoir, les flics me déclarent en état d'arrestation, me collent contre le mur, bras et jambes écartées pour me fouiller et me fixent ensuite leurs charmantes menottes en plastique. Un officier m'interroge sur la raison de ma présence à Gand "avec un masque à gaz (sic!) et un rat vivant en plus". Je lui répond que je voulais simplement participer à la manif', que le rat appartenait à une amie qui l'avait oublié chez moi et m'avait demandé de le lui rapporter et qu'enfin ils n'avaient pas le droit de m'arrêter pour ça mais que s'ils insistaient à m'arrêter, ils n'avaient qu'à me permettre de téléphoner via mon GSM à la propriétaire du rat pour qu'elle puisse le récupérer. "Pas question! De toute façon, vous ne pouvez pas avoir de rat avec vous, c'est sale et ça porte des maladies, vous pouvez lui dire adieu, on vous embarque et lui avec"! Que les rats domestiques soient en vente légale et que même des gosses en ont, ça, nos savants policiers s'en tapent.
Je suis donc emmené en combi (avec le rat, plutôt inquiet) au commissariat d'Ekkergem. Arrivé-là, on me coupe les menottes, me confisque tous mes objets personnels et on m'inscrit au gros marqueur bleu un énorme numéro "9" sur la main droite. Assez indigné, je leur demande s'ils comptent me déporter en avion ou s'ils sont des fans de la série "Le Prisonnier" ("je ne suis pas un numéro"!), mais la culture générale des flics laisse décidemment fort à désirer. Quant à "Molotov", que je sens aussi mal à l'aise que moi dans ces lieux souriants, ils le laissent enfermé dans mon sac à côté de mes objets personnels emballés dans des sacs en plastique avec "mon" numéro écris dessus.
Après une nouvelle fouille, je suis enfermé dans une cellule de 12 mètres sur 6 avec d'autres personnes, toutes avec un numéro sur la main. Bizarrement, il n'y a pas de numéro "8" (savent pas compter?). Tous et toutes sont jeunes, de Gand ou des environs, et ont été arrêtées au cours de la journée sous les prétextes les plus farfelus. Quatre anarchistes qui voulaient participer à la street party sont là depuis 11h du matin, les autres personnes ont été arrêté après la manifestation anticapitaliste de 12H00 alors qu'ils marchaient tranquillement dans la rue. Ces dernières avaient demandé aux flics (francophones) qui les ont arrêtées de quelle sorte de justice pratiquait-on dans ce pays ce à quoi les flics ont répondu "la justice, on s'en fout". Une autre personne a simplement prise une photo de flics et s'est vu arrêté pour ça et son appareil confisqué (il n'a d'ailleurs pas pu le récupérer à la sortie). Par la suite, vers 21H00, d'autres personnes nous ont rejoint dans notre cellule dont deux avaient subies un contrôle d'identité très musclé: parce qu'elles ont protesté, elles ont été arrêtées. Au total, j'ai vu 13 personnes arrêtées administrativement. Plus le rat évidemment, bien qu'aucune fiche d'arrestation n'a été rédigée à son égard (est-ce légal d'arrêter un rat?). Le traitement au commissariat a été relativement correct. Détail cocasse, si le brave "Molotov" a fait pousser des cris de dégoût de la part des fliquettes lors de son arrivée, on m'a permis par la suite de sortir de la cellule pour lui donner à boire et à manger, entouré par une quinzaine de flics nous regardant avec des regards d'étonnement, de dégoût ou... attendris! Mais j'insiste sur le "relativement", puisque nous avions tous été arrêtés et enfermés pendant de longues heures sans motif. Ceux qui avaient été arrêtés le matin et au début de l'après-midi ont été libérés à partir de 22H00, soit presqu'au terme des 12 heures d'arrestation administrative "légales". Quant au autres, nous avons été libérés vers minuit. On m'a alors restitué mes objets personnels ainsi que mon dangereux complice, "Molotov", légèrement traumatisé par l'expérience puisqu'entre temps il avait eu droit à une cellule adaptée à sa taille, en l'occurence une petite boîte en plastique. Pour ce qui est des trois panneaux pour lesquels je m'était fait interpellé; refus catégorique de me les restituer.
Au final; une grosse frustration de n'avoir pas pu participer à ce qui fut une bien belle et importante manif' et surtout une rage redoublée face à un appareil policier et législatif répressif qui permet dans l'arbitraire le plus total d'enfermer des gens pendant de longues heures sans motif sérieux. On peut imaginer facilement ce que cet appareil répressif aurait donné comme rendement s'il y avait eu des incidents lors de la Manifête. Dans le cadre des mobilisations contre l'Europe du capital, nous devons sans cesse réaffirmer en acte le droit de manifester et d'expression et l'arrêt des arrestations préventives. Quant à la question de l'armement de la police, je peux vous dire qu'ils n'en manquent pas: l'entrée du commissariat était gardé par des flics armés de mitrailleuses de guerre.
Ata