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Génération Gênes
by collectif Wednesday August 22, 2001 at 04:12 PM
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L'ampleur de la moblisation génoise contre le G8 tout comme la répression à son égard marquent un nouveau tournant dans la croissance ininterrompue du mouvement contre la mondialisation capitaliste. Ce tournant confirme que nous sommes entrés à une échelle globale dans un nouveau cycle politique. Loin d'être "morte", la lutte des classes a de beaux jours devant elle...

1. Gênes est un EVENEMENT au sens fort du terme. Par l'ampleur des manifestations de masse. Par le large front d'organisations rassemblées au sein du Genoa Social Forum. Par la jonction qui s'est opérée dans la société italienne entre le mouvement contre la mondialisation néolibérale, le mouvement de la jeunesse et la gauche du mouvement syndical (métallos de la CGIL et COBAS). Par l'échec de la tentative - commencée à Göteborg - de criminalisation de la contestation au moyen d'une répression policière sauvage, délibérément organisée. Par l'image désastreuse - pour l'impérialisme ! - des «maîtres du monde » obligés de suspendre les libertés fondamentales et de décréter l'état de siège afin de prendre des décisions à la fois très minces et totalement inacceptables. Par les répercussions en Italie (plus de 300.000 manifestants contre la répression le 24 juillet, le gouvernement Berlusconi ébranlé trois mois à peine après sa formation, la social-démocratie déstabilisée) et à l'échelle internationale (face à l'ampleur de la protestation, « ils » ne pourront plus continuer à tenir des sommets de ce genre !).
Bref: si le prix payé à été terriblement lourd (un mort, six cents blessés, des gens torturés), la bataille de Gênes a été gagnée par les contestataires. Présent depuis le retrait de l'Accord Multilatéral sur les Investissements (AMI) et le blocage du nouveau round de l'OMC à Seattle, l'espoir en sort renforcé qu'il est possible de lutter contre la machine néolibérale, de l'enrayer, et de créer ainsi les préconditions d'une autre politique.

2. On le sait depuis la mobilisation victorieuse à Seattle contre l'OMC : nous sommes entrés dans une conjoncture politique nouvelle. La politique néolibérale est de plus en plus contestée. Une partie de la nouvelle génération la rejette et peut, de là, passer à un rejet du système capitaliste en tant que tel. Cette nouvelle radicalisation est d'autant plus prometteuse qu'elle se déploie d'emblée à l'échelle internationale, et s'exprime notamment à travers une contestation des instances internationales du capitalisme. Gênes marque un approfondissement qualitatif de cette crise de légitimité de la globalisation néolibérale.
Mais il y a plus que cela : Gênes révèle et impulse une ample radicalisation dans la jeunesse. Entamé aux Etats-Unis depuis quelques années, le phénomène touche à présent l'Europe. Le mouvement est très inégal, quasi-inexistant dans certains pays. Mais il est en plein essor , et ne peut que se généraliser. C'est «l'événement dans l'événement». A Gênes, les ONG, associations, secteurs syndicaux de gauche et partis anticapitalistes ont tracé ensemble le cadre politico-organisationnel, unitaire et souple, du "Social Forum" et de ses activités. La jeunesse radicalisée - étudiante et travailleuse - s'y est engouffrée massivement, au point de constituer l'immense majorité des manifestants et d'occuper l'avant-scène pratique de la lutte.
Les médias ont fait le reste, propulsant à l'échelle mondiale l'image d'un véritable soulèvement de la nouvelle génération, brutalement réprimé par la police. Du coup, ce n'est plus seulement la conjoncture politique qui change, mais aussi la conjoncture sociale qui se modifie : un climat de lutte tend à se recréer. Cela encourage toutes les couches opprimées et exploitées de la société à relever la tête et à résister.

3. La nouvelle vague de radicalisation de la jeunesse plonge ses racines dans la formidable crise de société (à la fois sociale, écologique, morale, économique) à laquelle le capitalisme est incapable de répondre. Elle exprime fondamentalement le refus de voir l'humanité continuer tête baissée vers plus d'inégalités, plus de pauvreté, plus d'exploitation, plus de destruction de l'environnement, plus de pouvoir de l'argent et des mafias, plus de guerres et de course aux armements, plus de racisme et d'apartheid planétaire; et moins de droits sociaux, moins de démocratie, moins d'égalité des droits, moins de diversité culturelle ou biologique. Elle traduit la conscience grandissante que les progrès scientifiques et techniques offrent des possibilités d'alternatives concrètes, dont seule la course effrénée au profit empêche la mise en oeuvre. Elle n'a pas seulement pour ressort une indignation "morale", mais aussi la révolte des jeunes face à leurs propres conditions matérielles d'existence; la cherté des loisirs et des transports; la flexibilité, la précarité et les bas salaires pour les jeunes qui travaillent ; le coût de l'enseignement et sa subordination croissante au business pour les jeunes qui étudient.
Cette dimension de la radicalisation est très importante. D'une part elle attise la radicalité dans la lutte (« la rage »). D'autre part, en renvoyant aux coupes sombres dans la sécurité sociale, aux nouvelles formes d'organisation du travail et au restrictions dans l'enseignement, elle met la question sociale à l'ordre du jour. Ainsi, la nouvelle vague de radicalisation de la jeunesse contient en germe de grandes possibilités de dynamiser la lutte de la classe ouvrière, qui est dramatiquement bloquée sur des positions de plus en plus défensives.

4. Deux caractéristiques du mouvement contre la mondialisation néolibérale sont particulièrement importantes: l'internationalisme et le recours à l'action directe de masse. Par ces deux caractéristiques, la jeunesse radicalisée indique au mouvement ouvrier le moyen de sortir de l'impasse dans laquelle il se trouve. Elle montre en pratique qu'il est possible de reconstruire des rapports de forces face au capital et même de remporter des victoires contre celui-ci (le retrait de l'AMI et l'annulation du sommet de la Banque Mondiale à Barcelone, par exemple). Mais, à eux seuls, la jeunesse et le "mouvement antimondialisation" ne peuvent remporter que des victoires relativement limitées (même si elles sont très importantes sur le plan symbolique). Pour aller au-delà, pour que la nouvelle conjoncture politique se transforme pleinement en nouvelle conjoncture sociale, il faut que le monde du travail entre à son tour dans la lutte. Lui seul dispose du rapport de forces permettant de mettre véritablement le capitalisme mondial sur la défensive et de lui imposer des revendications. Expliquer au mouvement ouvrier qu'il est de son propre intérêt de s'allier au mouvement contre la mondialisation néolibérale et d'internationaliser sa propre action sont par conséquent des tâches de toute première importance stratégique.

5. Après Seattle et Prague, Gênes montre que de larges couches de la jeunesse veulent inventer de nouvelles formes d'actions massives de désobéissance civile qui visent à empêcher - ou au moins à perturber sérieusement - le fonctionnement "normal" - c'est-à-dire de plus en plus despotique - des institutions capitalistes internationales. La nécessité d'actions de ce genre découle directement de l'expérience, qui montre que les manifestations traditionnelles, même massives et radicales, restent sans effet.
Ces actions sont pleinement légitimes du point de vue de l'exercice des droits démocratiques, de l'occupation de l'espace public, voire même du point de vue de la défense de la démocratie face à la dictature "des marchés". Elles sont la réponse à l'escalade de violence sociale légale et au déficit démocratique croissant dans le cadre de la mondialisation libérale. Il est inacceptable de les assimiler à du "hooliganisme", à du "terrorisme", ou de mettre sur le même pied "la violence" de ces manifestants et celle de la police. En effet, si ces actions entraînent de la violence, c'est uniquement en raison du fait que l'ordre bourgeois ne peut tolérer la désobéissance à ses diktats, et déchaîne la répression contre celle-ci.
Nous établissons une distinction radicale entre cette « violence » pleinement légitime et celle des dits « black blocks ». Nous sommes opposés à ceux-ci pour des raisons politiques: leurs méthodes sont un obstacle au caractère de masse du mouvement; de plus, la preuve est faite qu'elles se prêtent facilement à l'infiltration, aux manipulations et aux provocations policières. Mais il serait simpliste de voir ces «black blocks» comme une "émanation de la police": il s'agit d'un phénomène de société qui doit être analysé en tant que tel. D'autre part, ce serait une grave illusion de croire qu'en "se débarrassant" des ces groupes minoritaires le mouvement serait à l'abri de la répression.

6. Défiée et contestée par la nouvelle génération, la classe dominante reste soudée en un consensus néolibéral sans faille: aucune autre politique de la bourgeoisie ne se profile à l'horizon. Du coup, les seules réponses de l'establishment sont la répression, la récupération (dans le cadre du concept de "gouvernance") et une combinaison de ces deux méthodes. Après le sommet de Nice, une ligne de confrontation et de criminalisation de la contestation (la « tolérance zéro » pour les « hooligans politiques ») a été élaborée à l'échelle internationale. Cette ligne a été mise en pratique avec succès à Göteborg, puis à Gênes - où elle a échoué. Le gouvernement italien et ses ministres « postfascistes » ne sont donc pas seuls en cause.
Tous les gouvernements impérialistes portent une part de responsabilité pour le fait que Gênes a été le théâtre de scènes de répression dignes de Pinochet. Toutefois, Berlusconi a appliqué la ligne avec tant de zèle, et en sous-estimant à tel point la mobilisation, que le résultat se retourne contre lui, contre le G8 et même contre l'Union Européenne. Celle-ci se dévoile clairement comme un Etat policier en construction, au point que d'autres gouvernements ont dû se démarquer du gouvernement italien. Face à l'indignation de l'opinion publique contre la répression, les porte-parole les plus intelligents de la bourgeoisie plaident pour la prudence, c'est-à-dire pour mettre l'accent surtout sur la récupération politique. Les responsables du gouvernement belge n'appartiennent pas à cette catégorie (les attaques de Verhofstadt contre les "antimondialistes" et celles de Michel contre "les ONG" sont là pour en témoigner) mais les médias les incitent à changer de ton.
Il faut profiter de cette situation pour mener mener une campagne sur la défense des droits démocratiques, du droit de manifester et de circuler librement. Il faut en profiter aussi pour démasquer le soi-disant nouveau visage démocratique et « éthique » de la diplomatie belge sous l'arc-en-ciel. En réalité, ce nouveau visage servait uniquement à «réconcilier les citoyens avec les institutions», pour restabiliser la Belgique au coeur de l'Europe. Il a suffi que la stabilité des institutions soit menacée sur un autre front pour que le masque tombe.

7. Nul ne peut prévoir quand et comment la radicalisation de la jeunesse touchera massivement d'autres pays, ou produira des effets visibles dans la classe ouvrière et le mouvement ouvrier. Cela dépend en effet de nombreux facteurs. La conjoncture économique jouera un rôle important (la récession qui commence aux USA, la perspective d'un nouveau rétrécissement des "marges budgétaires"). En Europe, le cap difficile du passage à l'Euro physique pourrait aussi favoriser un regain d'agitation. Des facteurs plus proprement politiques peuvent intervenir également, ou des événements spectaculaires (par exemple une nouvelle répression brutale). Enfin, la manière concrète dont les effets se feront sentir dépendra beaucoup des caractéristiques du mouvement ouvrier et syndical dans les différents pays: force de la domination bureaucratique, existence ou non de courants ou de secteurs de gauche dans le mouvement syndical, bilan des luttes dans la période récente, etc.
La Belgique est clairement à la traîne entre autres parce que les mouvements sociaux sont encore traumatisés par des échecs relativement récents : la défaite du mouvement des enseignants et des étudiants dans la partie francophone du pays, le grave échec des grèves contre le Plan Global, l'incapacité du mouvement antiraciste d'endiguer la percée du Vlaams Blok en Flandre...
C'est pourquoi il est particulièrement important dans notre pays d'oeuvrer à des convergences entre mouvements sociaux et politiques différents et surtout de créer les cadres d'action les plus unitaires possibles, les plus ouverts possibles aux forces neuves, politiquement vierges, qui cherchent à s'engager dans la lutte. Tels sont les défis qui doivent être relevés, en perspective notamment des manifestations dans le cadre de la présidence belge de l'UE.

8. Plus de trente ans après mai 68, et plus de dix ans après la Chute du Mur, la nouvelle vague de radicalisation de la jeunesse balaie les prétentions des idéologues du capitalisme. Loin de s'être arrêtée sur une quelconque « fin », l'Histoire s'accélère sous nos yeux ! Le vaste mouvement social qui se déploie à l'échelle mondiale n'est plus seulement anti-néolibéral : il est potentiellement, voire explicitement, anticapitaliste, au mois au niveau de ses composantes les plus conscientes. Du coup, le fossé se creuse à vive allure entre les forces vives de la contestation et les forces traditionnelles, confortablement installées dans la gestion du système.
La social-démocratie est au bord d'une rupture pratique spectaculaire avec les soi-disant «valeurs de gauche» dont elle continue hypocritement de se réclamer, et qui lui sont indispensables pour entretenir son fonds de commerce électoral malgré sa conversion au libéralisme. L'Histoire s'accélère aussi pour les Verts, surtout dans les pays où ils participent au pouvoir! «Ce sont nos valeurs» pour lesquelles on manifestait à Gênes, disent en choeur PS-SP et Ecolo-Agalev. Mais eux n'y étaient pas, à Gênes, et cela fait toute la différence. Une page est en train de se tourner, il faut être dans la rue pour écrire la suivante.

9. Plus de trente ans après Mai 68 et plus de dix ans après la chute du Mur, la nécessité d'une alternative de société au système capitaliste resurgit en pleine lumière. Elle ne sera pas facile à résoudre, tant le formidable gâchis de la social-démocratie et du stalinisme continue de discréditer le projet socialiste aux yeux des larges masses. En même temps, face au capitalisme basé sur la course au profit, le salariat et la propriété privée des moyens de production, il n'est pas d'autre issue possible qu'une société basée sur la propriété collective de l'économie et la satisfaction des besoins sociaux démocratiquement déterminés.
Le socialisme est cela, ou aurait dû être cela. Il est plus nécessaire que jamais pour sortir de la logique de mort dans laquelle l'humanité est entraînée à l'aveuglette par les cavaliers de l'apocalypse capitaliste. La nouvelle période qui s'ouvre offre la nécessité de le réinventer. Par la seule méthode qui ait une chance de succès:dans l'action, dans la lutte, tous ensemble. Loin des démiurges, des «modèles à suivre», et des «guides» autoproclamés.?

Alain Tondeur, David Dessers, Vincent Scheltiens, Ataulfo Riera (membres du Parti Ouvrier Socialiste - IVe Internationale)

Antimondialisation capitaliste: de Gênes à Bruxelles, tel est l'énoncé d'un débat qui se tiendra à l'occasion de l'école d'été de la Fondation Léon Lesoil
Ce débat aura lieu le samedi 1er septembre à 20H00, avec des militants et des activistes présents à Gênes: Han SOETE (Indymédia), David Dessers, Ataulfo Riera (et d'autres).

Le programme complet :

Ecole d'été de la Fondation Lesoil
Vendredi 31 août (soir), samedi 1er,
dimanche 2 septembre. A Borzée (La Roche).

PTB-POS: quand est-ce qu'on cause et pour faire quoi ensemble?
Mini-événement lors des élections communales à Anvers: pour la première fois, POS et PTB se rencontrent et envisagent la possibilité d'une unité électorale. Les progressistes de la métropole suivent les discussions avec espoir ou avec méfiance parfois, avec intérêt toujours. Les discussions n'aboutissent pas, en partie faute de temps. Ne serait-ce pas le moment de les reprendre?
Avec: Vincent SCHELTIENS (SAP), Frank STAPPAERTS (journaliste, candidat d'ouverture PTB+ à Anvers aux communales, Peter MERTENS (Président PTB-Anvers). Vendredi 31 août, 20H-22H


Sexualité: entre puritanisme et ultra-libéralisme
Le puritanisme n'est plus le seul adversaire d'une sexualité libérée et émancipatrice. Comment lutter sur deux fronts à la fois? Quelles conséquences du néolibéralisme sur la sexualité?
Avec: Anke HINTJENS (porte-parole de la Fédération flamande des gays et lesbiennes FWH) et Marco ABRAMOVICZ (psychologue, fondateur de "Aimer à l'ULB"). Samedi 1 septembre, 9H30-12H


Malbouffe: quelle alternative à l'agrobusiness?
Les ravages de l'agrobusiness ne sont plus à démontrer. Quelle(s) alternative(s) proposer? Avec quelles conséquences sur la société, sur les modes de vie, sur les relations Nord-Sud?
Avec: Luc VANKRUNKELSVEN (Wervel), Thierry KESTELOOT (Oxfam-Solidarité), Rémy SCHIFFELEERS (producteur bio).
Samedi 1 septembre, 15H-17H30


Ecolo: de la pastèque au melon
Selon Jean Gol (PRL), Ecolo était une pastèque: vert dehors, rouge dedans. Selon Claude Demelenne, la pastèque au pouvoir est devenue melon: vert pâle à l'extérieur, orange à l'intérieur. Demelenne est un des initiateurs de l'appel à Ecolo: "Cessez de faire du libéralisme autrement". Ecolo peut-il revenir en arrière? Quelle perspective politique à gauche?
Avec: Claude DEMELENNE (journaliste), Vincent DECROLY (député Ecolo), Christophe DERENNE (permanent Ecolo), Alain TONDEUR (POS).
Dimanche 2 septembre, 9H30-12H

Viva musica!
Le samedi soir: concert de musique bérbère (chants et guitare) avec Ahmed TOUZANI

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