arch/ive/ief (2000 - 2005)

Six thèses et une proposition d'action
by APOYO MUTUO (Entraide) Tuesday August 21, 2001 at 08:53 PM

Après le sommet de l'UE de Bruxelles, en juin 2002, le sommet suivant aura lieu à Seville. Des camarades de l'Etat espagnol lancent cet appel à la réflexion, au débat, à l'auto-organisation et la mobilisation.Et si l'on faisait de Seville un moment-clé de la convergence de toutes les luttes anti-capitalistes du vieux continent (et au delà...) ?

Six thèses et une proposition d'action


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En 2002, la monnaie unique de l'Union Européenne (UE) sera dans les commerces, les banques, les rues et les maisons du vieux continent. L'"euro" représente symboliquement le triomphe du projet capitaliste et l'articulation matérielle d'une infrastructure "régionale" au service de la globalisation économique.

Le Traité de Maastricht signé en 1992 par les Etats membres de l'UE traçait la route d'une longue traversée sans fin qui, dix années plus tard, devait atteindre le Port-Euro, avec des escales importantes à Amsterdam (1997) et Nice (2000).
La main qui a défini ce cap obéit au lobby des entreprises multinationales et a toujours pu compter avec de fidèles pilotes au sein de la Commission Européenne. En suivant les directives de la ERT, la table ronde où s'assoient les entreprises d'origine européenne les plus puissantes (Unilever, Fiat, Siemens, Nestlé, British Petroleum, Daimler Benz, Philips, Cepsa, Iberdrola, Repsol, Telefónica, Shell... au total, 45 sociétés), les chefs d'Etats de l'UE réunis à Maastricht établirent une série de conditions pour accéder à la monnaie unique et décidèrent de créer la Banque Centrale Européenne (BCE) qui aura en charge de diriger la politique monétaire commune.
Ces conditions impliquaient de déployer une politique de réductions des dépenses sociales, de privatisations des entreprises et services publics, d'investissements dans de grandes infrastructures pour faciliter le marché unique et de dérégulation sociale dans chacun des pays membres. La politique monétaire, instrument fondamental pour le capital financier, était placée dans les mains de la BCE, laquelle n'a de compte à rendre à aucun gouvernement ou parlement, et doit servir docilement les capitaines sur la route à suivre, à savoir les grands marchands.

Les référendums convoqués pour ratifier le Traité de Maastricht peuvent se compter sur les doigts d'une seule main, et encore il reste des doigts. Gagnés avec de faibles marges ou perdus comme au Danemark, malgré les moyens inégaux entre les partisans du oui et du non, ils ont reflété l'étroitesse des habits démocratiques dans laquelle se pare la politique dictatoriale décidée à Maastricht. Comme dans le régime d'usine, l'ordre hiérarchique et le commandement résident dans le conseil d'administration ; les institutions communautaires et les parlements nationaux ne sont qu'une représentation formelle équivalente aux réunions des conventions collectives ou des comités d'entreprise et la direction des affaires communautaires échappe au moindre contrôle démocratique.

Le Traité d'Amsterdam de 1997 aborde le problème du chômage et des coûts salariaux élevés dans l'UE par rapport aux autres parties de la planète dans un marché mondial férocement compétitif et décide l'organisation d'une Conférence Extraordinaire sur l'emploi au Luxembourg où seront spécifiées les caractéristiques du nouveau marché du travail multinational : mobilité, flexibilité, politiques "actives" de l'emploi, en définitive précarité du travail pour les personnes qui entrent sur le marché de l'emploi, jeunes, femmes, immigrés et dérégulation de la grande partie de la législation sociale qui protégeait les travailleurs à emploi fixes. Si à tout cela nous ajoutons le poids du travail "noir" de l'économie souterraine dans le marché du travail (autour de 20% de la population active), les plans nationaux pour l'emploi supervisés par l'UE à partir d'Amsterdam ne visent qu'à masquer des réalités plus profondes où l'euro régnera au prix de la détérioration des conditions de vie pour de larges couches de la population.

A Nice en décembre 2000, ils ont accouché d'un autre Traité. Présenté formellement comme un pas dans l'élaboration d'un texte constitutionnel européen, les accords de Nice recommandent, légitiment et ratifient les différences de droits du travail et sociaux dans chaque pays de l'UE, facilitant ainsi le dénommé dumping social permettant aux entreprises de s'installer où cela leur convient le mieux et imposant des facteurs de discrimination entre les travailleurs selon le territoire où ils travaillent. Le marché du travail se structure en se segmentant encore plus avec des droits différents (ou sans droits) pour le secteur public, les travailleurs fixes, les précaires, les sans papiers et dorénavant selon les pays, ils bénéficieront ou pas d'un salaire minimum interprofessionnel, d'allocations de chômage ou de pensions plus ou moins élevées, de revenus sociaux différents et de droits à la santé ou à l'éducation les plus divers.
Le Traité de Nice ébauche un texte constitutionnel basé sur l'inégalité sociale et spatiale.

Pour se protéger des vagues migratoires venues d'Afrique, d'Asie et d'Amérique Latine, l'Europe riche a commencé la construction de sa forteresse le 14 juin 1985 : Pays-Bas, Belgique, Luxembourg, France et Allemagne signèrent les accords de Schengen. Le fort accroissement des flux migratoires au cours des premières années de cette décade amenèrent plusieurs pays européens à établir un contrôle commun en la matière : suppression des contrôles aux frontières communes et transferts de ceux-ci aux frontières externes. Pour cela, furent prises des mesures complémentaires qui se résument à la mise en place d'un contrôle policier renforçant les frontières du territoire "Schengen", qui aujourd'hui s'étend à tous les pays de l'UE plus la Norvège et l'Islande.
A partir de 1989, la forteresse Europe doit construire un nouveau mur avec les pays de l'Est européen pour empêcher la déferlante migratoire. A partir des années 80, tous les pays faisant partie de l'UE se sont dotés de lois sur l'immigration ou durcissent celles déjà existantes. A Dublin, en 1990, les pays membres de la CE - aujourd'hui UE - ont établis un critère de répartition des demandes d'asile qui parviennent à être présentées sur le territoire de l'UE. Il fut créé le système EURODAC qui contrôle les empreintes digitales des demandeurs d'asiles et des immigrants détenus. Le Traité de Maastricht déclare que les citoyens européens sont les nationaux des Etats membres, rejetant ainsi d'un trait de plume le droit à la citoyenneté à tous les réfugié et immigrés, indépendamment de leur situation légale. Plus tard, en 1999, avec l'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam, l'immigration et l'asile deviennent compétence de l'UE, se donnant l'échéance de 2004 pour disposer d'une norme réglementaire complète.
A l'automne 1999, à Tamper (Finlande) les ministres de l'Intérieur et de la Justice se réunirent pour harmoniser les mesures en matière de politique migratoire et commencer l'élaboration du dispositif réglementaire qu'une Conférence Intergouvernementale devra approuver 5 ans plus tard.
Les lois sur les étrangers et la forteresse-Europe sont perméables aux réseaux mafieux de trafic d'immigrants. En les transformant en sans-papiers, le demi-million de personnes qui annuellement traversent illégalement les frontières de l'UE grossit les rangs de la classe travailleuse multinationale la plus précarisée : celle employée dans l'économie souterraine.


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La résistance sociale au projet capitaliste de l'UE au cours de la dernière décennie s'est traduite par d'importantes luttes qui n'ont pas empêché l'arrivée de l'"euro" et l'instauration de la majeure partie des conditions imposées par les Traités dans chacun des sommets des chefs d'Etat. Cette résistance sociale a cependant considérablement discrédité et détérioré les institutions européennes.
La vague de grève de 1995 en France contre la privatisation des services publics, l'apparition sur la scène d'un mouvements de chômeurs dans différents pays la même année, l'okupation de logements par des jeunes dans toutes les villes du vieux continent, les grèves des transports sur toutes les routes européenne en 1997 et 2000, les luttes ouvrières contre les restructurations de la production, les licenciements de masse et les privatisations d'entreprises publiques pendant cette dernière période montrent que les luttes sociales ont manqué de la puissance nécessaire pour mettre en déroute les intérêts des grandes entreprises représentées dans l'UE.
La guerre sociale n'est pas terminée et les assauts du capital obligent la résistance sociale à redoubler d'effort, à gagner en puissance et à perfectionner ses stratégies.
L'utopie du capital est de terminer la guerre par la victoire absolue de son projet. Mais là où il y a domination, toujours apparaît l'insubordination, là où il y a pouvoir, la vigueur de la lutte sociale surgit, comme en témoigne le mouvement anti-globalisation de ces deux dernières années.

Le syndicalisme institutionnel et les formations politiques de la gauche traditionnelle ont perdu une grande partie de leur crédit au cours de la dernière décennie. Leur alliance avec le projet de l'UE a empêché que les luttes ouvrières contre les privatisations, les licenciements massifs et le travail précaire s'étendent au-delà de conflits ponctuels.
Sociaux-démocrates, communistes, Verts gouvernent en coalition dans plusieurs Etats et régions de l'UE et sont ainsi coparticipants de l'ensemble des Traités. Quant à leurs courroies de transmission syndicales ou sociales respectives, elles ont agis en pompiers, désarticulant les luttes sociales là où elles pouvaient influer et pactisant sur tout ce qu'on leur donnait à signer, légitimant ainsi les politiques de l'UE.

Cependant, les luttes des sans-logis, sans-papiers et sans-emplois ont été des expressions novatrices dans l'Europe du capital de ces dernières années. Avec peu ou pas de liens avec la gauche traditionnelle, ils sont devenus l'anomalie sauvage car l'auto-organisation, la réappropriation sociale de la richesse et des identités sont impossibles à domestiquer.
Autre phénomène nouveau qui se répand entre clandestinité et grève ouverte : le résistance ouvrière dans des secteurs précarisés que les entreprises de télémarketing, de la mal-bouffe(1) ou parmi les employées et employés de l'agriculture intensive.
Le sabotage, l'anti-label (action mettant sur la place publique les effets négatifs pour les consommateurs de produits ou services des entreprises) et les grèves illégales (selon le patronat) contre les licenciements massifs sont des formes de lutte totalement étrangères au syndicalisme institutionnel, d'ailleurs sans présence significative dans le monde du travail précaire.

De toutes les luttes opposées au projet de l'UE, il faut mettre en relief les Marches européennes contre le chômage, la précarité et l'exclusion sociale. La première eu lieu en 1997, avec plusieurs colonnes partant de différents points d'Europe (et une depuis Tanger) pour confluer toutes vers Amsterdam où des milliers de personnes ont demandé dans la rue le partage de la richesse et du travail. La seconde marche européenne avait comme destination finale Cologne en 1999. Elle fut spécialement consacrée à la lutte contre les attaques racistes subies par les immigrés en Allemagne au cours des années 1998 et 1999. Une fois de plus, des milliers de personnes crièrent "des papiers pour tous" de Bruxelles à Cologne et d'une certaine manière, ce fut là le germe de la lutte des sans-papiers dans l'Espagne de 2000 et 2001.
Une nouvelle marche sur Nice eut lieu en décembre 2000 revendiquant une Charte des droits sociaux européens.
Les Marches ont obtenu que des centaines d'organisations sociales les plus diverses (associations de chômeurs, syndicats, organisations politiques, collectifs d'immigrés, de femmes, écologistes, etc...) confluent pour impulser la mobilisation de dizaines de milliers de personnes tous les deux ans dans les pays de l'UE avec des objectifs communs : revenu social et droits sociaux pour toutes et tous, liberté de circulation. La perplexité et la peur des représentants du Sommet d'Amsterdam apparurent clairement lorsqu'ils s'aperçurent qu'il n'y avait aucun interlocuteur "valide" de la gauche traditionnelle parmi les 300 organisations qui avaient mobilisé plus de 50000 personnes dans la rue.

En 2002, la Marche aura comme objectif Séville, au mois de juin, coïncidant avec le sommet des chef d'Etats de l'UE, dans une des capitales de la précarité, pour le dixième anniversaire de l'Exposition universelle, grande vitrine annonciatrice de la globalisation.


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Le projet de l'UE a été et est très coûteux en matière d'environnement et de santé publique. Le Traité de Maastricht faisait le pari - avec des fonds communautaires - de créer un réseau d'infrastructures transeuropéennes de transport, avec construction de nouvelles autoroutes, superports, grands aéroports, lignes ferroviaires à Haute Vitesse pour faciliter le marché unique, la circulation rapide des marchandises et des services, principe de base de l'autovalorisation du capital.

En plus des impacts environnementaux directs sur le territoire, ces réseaux transeuropéens de transport vont accroître annuellement les émissions de CO2, le plus important - par la quantité - des gaz à effet de serre, cause du réchauffement de la planète.
Ainsi, l'UE qui dans les forums internationaux se présente comme le plus grand défenseur du Protocole sur le Changement Climatique, est en train de faire exactement le contraire avec la taille croissante et démesurée de son système de transport par route.
Mais il y a plus ; les pays riverains de la Méditerranée accueillent dans leur bande littorale sensible et dans les terrains proches des côtes une des plus importante industrie touristique du monde ainsi que le jardin maraîcher et fruitier européen avec prolifération des cultures sous plastic. Les autoroutes et autres voies rapides, l'urbanisation de presque tout le littoral méditerranéen en Espagne, France, Italie (qui accueille 80% du tourisme de toute l'aire méditerranéenne), l'agriculture intensive, mettent en danger les écosystèmes côtiers. La mer Méditerranée elle-même est affectée par la surexploitation aquifère contaminant les eaux en surface et souterraines, l'érosion des sols et la construction en bord de plage d'immenses masses de béton qui constituent le "paradis" gériatrique européen. La Méditerranée agonise entre les rejets polluants des agglomérations et des industries, la surexploitation de la pêche et les faibles apports en eau douce et en sédiments : seuls trois fleuves (l'Ebre, le Rhône et le Pô) se jettent en elle et ils sont de plus en plus régulés et pollués.
Les activités économiques de la bande côtière méditerranéenne nécessitent d'énormes quantités de ressources hydrauliques. Pour y faire face, la solution logique du capital est la construction de grandes conduites de transvasement pour amener le liquide là où il est le plus rentable et donne les plus grands bénéfices économiques. Le jardin potager de l'Europe a très soif et l'industrie touristique aussi. De sorte qu'en Espagne, le gouvernement et le parlement ont fini par approuver un Plan Hydraulique National (PHN) qui vise à transvaser l'eau de l'Ebre(2) vers le littoral méditerranéen, travaux pharaoniques qui coûteront des milliards(3) financés par des fonds de l'UE.

L'opposition sociale au PHN dans la région de l'Ebre est totale : organisation d'intenses mobilisations pour arrêter un désastre écologique qui est aussi social, car une fois l'eau emmenée, les gens et les villages disparaîtront, seront forcés d'émigrer vers les grandes villes et... le littoral méditerranéen, là où se concentrent les activités économiques et la population. Pour que les salades et les poivrons d'Almeria, les oranges valenciennes et les citrons de Murcie parviennent sur toutes les tables européennes et que le classe moyenne de l'UE puisse profiter d'une semaine de vacances dans les eaux chaudes de la Méditerranée, le patrimoine naturel est en train d'être ruiné à tel point que la "poule" aux œufs d'or elle-même se retrouve en danger. Mais cela n'a guère d'importance pour les multinationales qui dominent l'"agrobusiness" et les "tour operators" : quand les affaires déclineront, le monde globalisé leur offrira d'autre parages, d'autres poules à plumer.

Et plus encore : les phénomènes comme le poulets belges à la dioxine, les vaches folles, le bétail bourré d'antibiotiques et d'hormones, l'autorisation des aliments transgéniques précarisent la santé des personnes vivant dans l'UE. Les affaires de l'industrie agro-alimentaire sont bien défendues dans les institutions communautaires et seuls des scandales comme ceux cités plus haut, authentiques bombes à retardement, attentats criminels contre la santé publique perpétrés par de "respectables" dirigeants d'entreprises terroristes, parviennent à ce que toute la pourriture du système capitaliste si bien défendue par l'UE, soit mise sur la place publique et provoque un rejet social de la part des consommateurs. Conséquence : les instances communautaires ont bien été obligées de créer l'Agence de Sécurité Alimentaire Européenne, mais en faisant cela, ils ont mis un renard pour veiller sur le poulailler !

Le projet capitaliste de l'UE triomphe mais n'a pas d'avenir, la précarisation de l'environnement nous pousse à lutter contre la barbarie.


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Dans le monde de l'économie globale, les institutions "régionales" comme l'UE servent aux entreprises multinationales pour les lancer dans de nouveaux espaces. Pour cela, elles utilisent d'amples territoires comme "arrière-cours" où peut être localisée la production la plus polluante et celle nécessitant de grandes quantités de main d'œuvre, obligeant la population - exceptées les minorités privilégiées - à vivre dans la précarité ou à émigrer si leur vie en dépendait.

Les pays européens de l'Est, de l'Afrique méditerranéenne et d'Amérique latine sont les "arrière-cours" de l'UE.
De l'Est sont importés sur le territoire communautaire des mineurs polonais, des journaliers lithuaniens, des mécaniciens tchèques et des femmes ukrainiennes ou russes afin d'alimenter le marché de la prostitution. De l'autre bord de la Méditerranée viennent les travailleurs maghrébins et subsahariens pour laver les rues et ramasser les ordures, travailler dans les chantiers et les champs, et dans leur pays respectifs, ceux qui ont plus de chance s'incorporent dans des entreprises manufacturières avec des salaires de misère et des journées de travail interminables. Nos frères et sœurs d'Amérique latine viennent comme employées domestiques, travaillent dans les champs, dans l'hôtellerie ou "font" le trottoir. Dans les entreprises subsidiaires ou absorbées par REPSOL, ENDESA, TELEFONICA, EL CORTE INGLES et autres multinationales d'origine espagnole au Maroc, en Algérie, en Amérique latine, la surexploitation et le travail précaire sont le lot quotidien.
Le projet l'élargissement de l'UE vers l'Est, la signature d'un accord de libre échange avec l'aire méditerranéenne à partir de 2005 et les accords préférentiels avec l'Amérique latine serviront à amplifier et consolider les marchés des entreprises multinationales et à précariser encore plus les conditions de vie de la population travailleuse.
Dans les "arrière-cours", il n'est pas nécessaire de respecter les formes pour défendre les intérêts pétroliers et gaziers des grandes entreprises : les rebellions sont écrasées en Equateur ou noyer dans un bain de sang comme en Algérie. Les grèves menées par les travailleurs argentins de AEROLINAS, les attaques menées aux intérêts "espagnols" en Argentine et les révoltes berbères dans la Kabylie algérienne montrent que la résistance sociale s'affronte à la précarité imposée par l'UE.
Le travail précaire dans les "arrière-cours" est la condition déterminante pour l'obtention de grands bénéfices économiques de la part du capital transnational. Depuis l'année 1975, la dette extérieure de l'Amérique latine a été multipliée par 10 atteignant le chiffre astronomique de 697,8 milliards de dollars en 1998. Une seule entreprise, REPSOL, multinationale d'origine espagnole, a réalisé, en 2000, 400 milliards de pesetas (4) de profits, desquels les deux tiers proviennent de sa production en Amérique latine.

L'UE a une énorme "empreinte écologique"(5) qui s'étend à ses "arrière-cours". En construisant de grands barrages, des exploitations minières, pétrolifères et gazières, en installant des industries polluantes et des décharges de résidus dangereux, en taillant les forêts et en construisant des autoroutes, en imposant la monoculture du cacao et du café,
la production et la consommation dépendante de l'UE sont en train de dégrader et de détruire les forêts équatoriennes, l'Amazonie brésilienne et péruvienne, les montagnes et les bois colombiens et guatémaltèques, les rivières chiliennes, argentines et paraguayennes, le désert algérien et la rive sud de la Méditerranée, les ressources minières et agraires des pays de l'Est.
Les empreintes écologiques laissées par l'UE, les Etats-Unis et le Japon menacent la vie sur la planète. Nous nous installons dans la précarité environnementale et les institutions comme l'UE aspirent uniquement à gérer la catastrophe.


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Les institutions internationales et les entreprises multinationales sont la cible de la colère des manifestants lors des campagnes anti-globalisation. L'UE en tant qu'institution "régionale" au service de la globalisation n'échappe pas à ce phénomène et ces deux dernières années, les deux réunions annuelles ou sommets des chefs d'Etats ont toutes été le théâtre d'une contestation sociale sous la forme de marches, de contre-sommets ou de manifestations.

Il y a une tentative de criminaliser les mouvements anti-globalisation. Ainsi, en décembre 2000, le gouvernement français "de gauche" n'a pas hésité à utiliser les clauses exceptionnelles des accords de Schengen pour rétablir les contrôles aux frontières nationales et à transformer Nice en une ville fortifiée, comme les gouvernements belges et espagnols n'ont pas tarder pour annoncer qu'ils utiliseront eux aussi des règles exceptionnelles pour contrôler les mobilisations anti-globalisation contre les sommets de l'UE qui se dérouleront dans leur territoires.
Les gouvernements suédois et espagnols n'ont pas non plus hésité à ordonner une répression dure pendant les manifestations de Göteborg et à infiltrer des policiers provocateurs dans les affrontements de Barcelone pendant la mobilisation contre la Banque mondiale. A Gênes un jeune manifestant a été assassiné par les coups de feu tirés depuis un fourgon de la police et le gouvernement de Berlusconi avait préparé toute une armée pour défendre la forteresse du Palais Ducal où se réunissaient les leaders mondiaux du G8.
Au cours des derniers mois, l'appareil médiatique au service de la société de contrôle a fabriqué la figure démoniaque de l'ennemi : "l'anarchiste violent membre d'un bloc noir qui se protège dans les manifestations anti-globalisation pour déchaîner sa folie destructrice..." ; l'épouvantail noir qu'ils introduisent dans nos esprits leur sert pour qualifier de "malheureux incident" le crime du 20 juillet dans les rues génoises et occulter les millions de personnes qui meurent tous les ans à cause des politiques homicides du capitalisme globalisateur. Un rapport de la police allemande signale et traite de violents les groupes qui selon eux font partie du black bloc : Reclaim the streets, Tutte Bianche, Globalization from below et les réseaux libertaires. Groupes qui tous ont saisi le drapeau de l'action directe mais pas celui de la violence organisée : ce sont les Etats qui ont le monopole et exercent légalement la violence et des organisations armées leur répondent violemment parce qu'elles aussi aspirent à légitimer leur violence par la constitution de nouveaux Etats. Les groupes signalés par la police sont anti-étatistes et la violence ne fait pas partie de leurs stratégies, ce qui n'empêche pas que des actes violents imprègnent certaines de leurs actions directes, comme ne sont pas exempts de violence les grèves pacifiques, l'insoumission ou la désobéissance civile pratiquée par le pacifisme militant.

La violence qu'exerce les entreprises multinationales sur les communautés locales, les morts du SIDA dans le continent africain et les tentatives criminelles des grands laboratoires pharmaceutiques pour empêcher la fabrication de médicaments génériques, les milliers d'assassinats du gouvernement algériens, les milliers de morts perpétrés par l'aviation des Etats-Unis et ses alliés de l'OTAN dans la guerre du Golfe et dans les conflits yougoslaves
sont des actes violents au service de la globalisation capitaliste : en comparaison, les bris de vitrines d'entreprises multinationales ou d'établissements financiers, les destructions de cabines téléphoniques et de mobilier urbain occasionnés par les protestations anti-globalisation peuvent être considérés comme un soulagement irréfléchi de colère devant les vitrines obscènes de la globalisation. Irréfléchi parce que cela n'est guère utile pour démasquer le capital et les institutions à son service. Ces actions ne peuvent être dangereuses pour le capital si ses propres forces policières s'y mettent avec des provocateurs.
Dans la lutte contre la globalisation capitaliste, les grandes manifestations et les contre-sommets ne sont qu'une petite partie - fut-elle la plus visible - de la guerre sociale qui se livre tous les jours sur de multiples fronts, dans toutes les parties du monde : occupation de terres, de maisons, d'entreprises, défense des communautés, des forêts, des rivières, actions de hackers ou sur des piquets, ou les grèves contre les privatisations et la précarisation du travail : sur tous ces fronts les blocages et la résistance sociale à la globalisation sont nécessaires, et dans toutes ces luttes affleurent la colère et la rébellion lorsque les dominés ressentent leur puissance face au pouvoir.

Mais, dans les contre-sommets, tous se passe comme sur une scène, en essayant d'enlever les masques de la globalisation capitaliste et ce qui peut avoir le plus d'effets n'est pas précisément de casser des vitrines, des bancs ou des pots de fleurs. La grande beauté des contre-sommets et des manifestations de la multitude est sa diversité d'options et de couleurs ; beauté qui se transforme en base stratégique face à la pensée unique et à l'action monocorde du capital. Diversité d'options qui exclut les agressions violentes contre les personnes et qui s'exprime dans une manifestation unique avec des cortèges séparés, ou en ateliers et actions publiques pour tous les goûts. Affronter nettement le commandement unique avec la diversité sociale n'est pas un menu qui réjouit le gouvernement du moment et c'est pour cela qu'ils essaient d'"égaliser" le combat, de réduire la pluralité des options en présentant les anti-globalisations comme violents, criminels, et en mettant en scène médiatiquement la bataille entre l'Ordre et le Chaos.
Il n'y a pas de violence contre les personnes ni crimes entre manifestants contre la globalisation - tout au plus quelques destructions matérielles des symboles du capitalisme globalisateur - par contre il y a bien une réponse violente de la part des forces de l'Ordre pour réprimer et dissoudre les preuves de la diversité et de la liberté qui gênent tant les gouvernements.
Depuis Seattle, il a été démontré que les sommets des gouvernements et des dirigeants des institutions internationales peuvent être bloqués par les manifestants. Les grands hôtels, les restaurants de luxe et les larges avenues ne sont plus des endroits tranquilles pour les criminels qui étalent le monopole légal de la violence ou se font servir par elle. Il est certain qu'aujourd'hui, les chefs d'Etats de l'UE ne passeraient plus dans les rues - vides et fortifiées - à bicyclette comme ils le firent à Amsterdam en 1997 pour vendre une image de proximité en opposition à la distance des gouvernements et des institutions internationales.
La répression violente des contre-sommets et les affrontements de rue sont transformés en une marchandise médiatique et la nouvelle s'nvole autour du monde. Des millions de personnes se réjouissent de voir que la pensée unique et la globalisation capitaliste aient des milliers de jeunes opposants et dans leurs cœurs les clameurs des rues du monde font leur nid.

Parmi les manifestants anti-globalisation il y a aussi des partisans de l'ordre, de la réponse civique, d'utiliser les grandes démonstrations comme support médiatique à des fins électorales : le travail fondamental de quelques organisations politiques consiste à réformer les institutions, démocratiser les Etats. Ils considèrent comme accessoires les luttes quotidiennes contre la globalisation, tout juste des appendices permettant d'accumuler les envies, les désirs et des gens pour des actions de masses qui en définitive pourront donner les meilleurs spots publicitaires de leurs campagnes électorales. Ces organisations n'aiment pas qu'on leur casse les photos bucoliques d'une représentation dans laquelle il y a trop d'acteurs et où beaucoup préfèrent jouer leur propre rôle imprévisible. C'est pourquoi, s'ils le peuvent, ils amènent leur propre service d'ordre pour réprimer ceux et celles qui ne suivent pas le bon chemin et sont toujours prêts à dénoncer les minorités qui provoquent la réponse violente de la police.
Parmi les forces anti-globalisation, il existe de multiples opinions et la diversité des options est plus que garantie. A grands traits, il y a deux options stratégiques défendues par deux blocs : l'anti-capitaliste et anti-étatique et le réformisme fort, anti-néolibéral et partisan de plus de pouvoir pour les Etats.
Le bloc anti-capitaliste - dont fait partie le "black bloc" de la police allemande - est cordonné majoritairement dans le réseau Action Globale des Peuples (AGP) né dans la chaleur des rencontres Contre le Globalisation et pour l'Humanité lancées par les zapatistes et se donnant comme objectif central la lutte contre l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Dans ce réseau se retrouvent de nombreuses communautés indigènes, des organisations paysannes (comme le MST du Brésil ou le KRRS de l'Inde), des écologistes et des libertaires. Il ne considèrent pas le lobbying comme une manière d'agir, ni ne participent aux élections politiques : ils plaident pour la confrontation.
Le réformisme fort est coordonné dans plusieurs réseaux, ATTAC étant un des plus important. Née en France sous l'impulsion du Monde Diplomatique, elle a une présence dans presque toute l'Europe et petit à petit s'étend aux autres continents. Elle agglutine la gauche traditionnelle radicale (trotskistes, syndicalistes alternatifs, militants d'organisations populaires, etc...). Au début, la demande principale d'ATTAC était la mise en place de la taxe Tobin (impôt sur le capital financier) mais aujourd'hui ils ont élargi leur champ d'intervention (abolition de la dette extérieure, anti-OMC, etc.) et se déclarent partisans de renforcer le pouvoir des Etats-nations face à la globalisation.
Le réformisme fort était très bien représenté au Forum de Porto Alegre (Brésil, 2001) où confluèrent ATTAC, les restes des partis communistes autrefois puissants, quelques forces politiques Vertes et des secteurs liés à l'AGP (comme le MST), tous invités par le maire de la ville, dirigeant connu du Parti du Travail brésilien. En choisissant les mêmes dates que le Forum de Davos où se réunissent les laquais les plus sélects de la globalisation, il se sont présenté comme une alternative non pas à la globalisation capitaliste mais comme ce qu'ils sont en train de devenir : une solution de rechange au néolibéralisme.

Le réformisme fort sait trop bien que son unique façon de se convertir en alternative au néolibéralisme est de s'allier avec le réformisme faible - la social-démocratie - ce qui les transformerait en alternative de gouvernement, comme cela se passe déjà dans quelques villes, régions et dans plusieurs Etats du monde où ce type de coalitions est aux commandes. A Porto Alegre, le réformisme fort fit bien les choses ; ouvrant largement la porte au réformisme faible (pour lui donner un nom) il peuvent présenter en bonne compagnie au monde globalisé un nouveau Forum - le Forum Social de Barcelone ou de Paris ? - dans lequel pourront briller de mille éclats la social-démocratie et le syndicalisme institutionnel.
Les politiques réformatrices face à la globalisation peuvent être synthétisées dans un programme en trois points :
1) Approfondir les mécanismes démocratiques pour obtenir la gouvenabilité de la globalisation
2) Mettre en place des régulations sur le marché des capitaux au moyen d'un impôt ou une taxe qui module leurs mouvements
3) Palier les inégalités entre les pays et les personnes au moyen de l'abolition de la dette extérieure des pays "pauvres" et avec la mise en place d'une allocation basique de citoyenneté.
En premier lieu, ils centrent leurs efforts dans le renforcement du rôle de l'Etat comme collecteur d'impôts et redistributeur de rentes par l'intermédiaire des services publics. Le capital financier dispose d'une infinité de moyens pour échapper à un contrôle imposé par les Etats, ce qui explique qu'aujourd'hui la crise fiscale soit si évidente. Les Etats empruntent auprès des banques et la part des budgets des Etats destinée à payer les intérêts de la dette publique va en s'accroissant. Les services publics sont privatisés et leurs prestations en devenant des marchandises commerciales sont monétarisées.
Le réformisme prétend recouvrer des impôts auprès du jeu financier qui se développe dans le casino mondial mais la grande partie de jeu peut continuer d'engranger de gros bénéfices car, entre autres choses, elle ne désire aucunement se soumettre à la moindre légalité étatique, aussi caritative que soit l'aumône Tobin.

D'autres comme nous, en revanche, veulent faire sauter la banque du casino, en finir avec le jeu financier qui ruine la vie de centaines de millions de personnes au profit de quelques-uns uns, même si elles sont plusieurs millions les classes moyennes qui parient en bourse.
En second lieu, comme dans l'histoire de la marchande de lait, dans les rapports des conseillers économiques de Jospin, dans le programme du PSOE, dans les écrits trotskistes et dans ceux de quelques universitaires, dans les proclamations de diverses organisations chrétiennes, ont fait ses comptes et on calcule : taxes, échelle d'imposition, rente basique pour éviter la "pestilence" de l'exclusion sociale. Une rente, qui rappelle dans sa fonction les lois sur la pauvreté de l'Angleterre du XVIIIè siècle, compatible avec la globalisation.
La face "verte" des demandes de plus d'Etat, on la trouve dans l'écotaxe : payer pour polluer, mettre à prix le milieu ambiant, monétariser les ressources naturelles. Alors que les restes dispersés de l'Etat-providence ne subsistent que dans quelques pays du monde, l'utopie du réformisme fort, combatif et vert, est celle de l'Etat-providence social et environnemental universel.
Dans les institutions régionales comme l'UE ils sont les plus grands partisans d'une Europe socialement et environnementalement responsable. Utopie qui ne dépasse pas le stade de la rêverie et s'il fallait la rabaisser à des politiques "réalistes", elle servirait d'alibi dans des situations où la précarité sociale et écologique interdisent le futur et rendent le présent très difficile à vivre.
Comme l'eau avec le vin, la globalisation capitaliste et l'UE sont incompatibles avec la vie communautaire, avec la liberté. Le réseau libertaire veut contribuer par des stratégies anti-capitalistes et anti-étatiques à la résistance sociale contre la globalisation, en luttant pour l'autogestion, la défense des communautés locales, contre la précarité, pour la liberté.

C'est le moment d'avancer, et dans les moments où la lutte anti-globalisation se fait plus visible - dans les marches, les grandes mobilisations, les contre-sommets - nous devons descendre des généralités vers les questions les plus concrètes
et exprimer les revendications centrales de la lutte sociale contre le travail précaire, la précarité sociale et environnementale.

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Dans les pays membres de l'UE il existe différents types de rentes ou d'allocations d'insertion : en France, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, dans les régions et communautés de l'Etat espagnol, au Danemark, etc.. : elles sont toutes un moyen de poser une feuille de paie sur la misère. Ce sont là des concessions faites aux pauvres exclus du marché du travail, la finalité est l'insertion dans la société et non l'intégration sociale car celle-ci passe obligatoirement par la présence sur le marché du travail en échange d'un salaire.

Les Marches européennes contre le chômage, la précarité et l'exclusion sociale ont mis le Revenu Social pour tous ceux qui n'ont pas d'allocation ou de salaire en tête de leurs revendications, et cela dès les premières marches vers Amsterdam en 1997. Elles recueillaient ainsi les aspirations des mouvements de lutte contre chômage qui avaient émergé quelques années auparavant, surtout en France dans les années 1995-96. Cette revendication s'est maintenue et répétée lors des Marches à Cologne (1999) et Nice (2000).
Mais le Revenu Social que réclament les Marches est quelque chose de totalement différent des allocations ou revenus d'insertion. Il ne s'agit pas de partager un peu d'argent entre les pauvres, ni d'établir un nouveau droit de citoyenneté par le fait de naître, une allocation basique universelle qui dans ses versions social-démocrates et possibilistes peut être un complément idéal pour la globalisation capitaliste. Non, le revenu social est lié à une répartition plus juste de la richesse, c'est un droit social. La richesse est aujourd'hui le fruit de tous (bien que sa plus grande partie soit appropriée par quelques-uns uns, les dénommés entrepreneurs), pas seulement des salariés mais aussi du travail des étudiants et des femmes qui ne reçoivent aucun salaire. Les premiers travaillent durement pour acquérir des connaissances nécessaires qui ensuite permettront une "valeur ajoutée" dans la production des marchandises, biens et services ; les secondes, les femmes, sont en charge des tâches les plus ardues de la reproduction sociale (travail ménager, s'occuper des enfants, des malades, etc.) et les plus sensibles (production d'harmonie, d'affectivité...) sans aucune rémunération.

Tout au long de leur vie professionnelle, les chômeurs et les retraités ont travaillé, beaucoup d'entre eux et elles travaillent occasionnellement dans l'économie souterraine à des emplois beaucoup plus rentables et productifs que bien d'autres emplois salariés. Si la richesse est produite socialement, nous voulons donc un salaire ou revenu social pour toutes les personnes qui ne reçoivent ni allocation, ni rémunération monétaire.
Avec la médiation salariale, le capital met les femmes dans la précarité car elles sont dépendantes du salaire de leurs maris, pères, frères ou fils. De la même manière, la vie de l'étudiant se caractérise par la précarité sociale pendant ses années d'études, dépendant toujours de maigres bourses et des revenus familiaux.
Parce qu'il n'ont pas ou peu de prestation chômage, les chômeurs et précaires doivent accepter tout type de travail au noir ou avec des sous-contrats, des salaires minables et des journées de travail interminable.
La médiation salariale liée à l'emploi sert à développer la précarité, à flexibiliser et à imposer la mobilité du marché du travail, dans lequel le bas de l'échelle est occupé par les immigrés.
Les revenus ou allocations minimales d'insertion qui existent dans l'UE correspondent à des niveaux minimaux de subsistance pour certains pays ou régions et parfois ne dépasse même pas le seuil de pauvreté défini par les technocrates communautaires.

Le revenu social réclamé par les Marches est de caractère individuel : un salaire suffisant pour vivre dignement et pourquoi pas égal dans tous les pays de l'UE. Pour commencer, nous pourrions revendiquer un revenu social égal à celui des Pays-Bas qui est le plus élevé de tous les pays communautaires.
Il devrait s'appeler Revenu Social Européen, s'appliquer dans tous les pays de l'UE et être alimenté par des fonds communautaires. De cette manière, la répartition de la richesse serait plus équitable socialement et territorialement.
L'UE destine plus de la moitié de son budget aux fonds FEOGA subventionnant les entreprises agricoles. Elle consacre aussi une quantité moindre, mais très importante, aux Fonds Structurels pour la construction d'infrastructures qui facilitent la pénétration du marché unique dans les régions où le niveau d'allocation est le plus faible. Seule une "pincée" de millions sont alloués au Fonds Social Européen dont la finalité est de financer l'occupation des chômeurs par des formations.
Nous réclamons moins de subventions pour les entreprises et plus de fonds européens directement pour les personnes sans revenus.

Le Revenu Social est une revendication centrale contre la précarité du travail et la précarité sociale que le capital nous impose : avec cette exigence, la lutte sociale doit articuler une redoutable coalition d'exploités, qui petit à petit, dans un processus plus ou moins long dépendant de l'accumulation et des rapports de forces, pourra placer la revendication du salaire pour une meilleure répartition de la richesse là où elle devrait être aujourd'hui : au niveau social, au niveau de toute la société.
Le Revenu Social sera l'objet d'une longue bataille comme c'est le cas pour le salaire dans les lieux de travail. Mais il ne cesse pas pour autant d'être une médiation salariale ; il ne nous conduit pas directement à la révolution sociale ni n'est anti-capitaliste comme l'affirme les exégètes du "revenu garanti contre le capital". Il n'est ni plus ni moins qu'une revendication qui améliorera la répartition de la richesse et les conditions de vie des personnes, en les libérant de l'entrave des situations les plus précaires pour lutter contre la globalisation capitaliste.
Il faut également garantir la répartition de la richesse avec des droits sociaux pour toutes les personnes : l'accès gratuit au logement, à l'enseignement, à la culture, à la santé, aux transports et à la communication. Les droits sociaux sont inclus dans la plate-forme revendicative des marches, de même que les "papiers" pour tous, immigrés et travailleurs en général de l'économie souterraine.

Revendication centrale contre la précarité environnementale : villes durables(6), transports publics, énergies renouvelables, défense du patrimoine naturel, production propre, etc...
Ces thèmes qui appartiennent à la lutte de l'écologie sociale, visent à générer de la proximité face aux grands réseaux d'infrastructures économiques, hydrauliques et de transports européens et à déstructurer les mégapoles productrices d'empreintes écologiques si profondes et si larges sur l'ensemble de la planète.
Seule la Proximité et l'ensemble des mesures qui en découlent sont capable de freiner le changement climatique.
Ecoagriculture et alimentation saine contre élevage industriel et agriculture intensive remplie de produits chimiques et de modifications génétiques.
Il faut ouvrir un grand front de la lutte sociale en vue d'autogérer et garantir une alimentation saine.

Mais au-delà des revendications, les Marches ont toujours opté pour appuyer les réappropriations sociales de la richesse et du territoire : les sans-toîts, sans-emplois, sans-terres, sans-voitures ont le droit d'occuper des logements et des terres, de cultiver leur jardin, d'occuper la rue pour se promener ou en bicyclette, de voyager gratuitement dans les transports publics, de remplir le caddie de leur courses dans les supermarchés, et même de festoyer dans des restaurants de luxe sans payer la note ; ce sont là les pratiques sociales des mouvements SANS, générant de la communauté autogérant ses besoins.
L'extension de la réappropriation sociale de la richesse dépasse les médiations salariales et oriente la répartition vers l'équité, questionnant ainsi le caractère parasitaire du capital.

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Les Marches européennes ont commencé en 1997 à partir du ferment social qui donna lieu à un mouvement réel contre le chômage en de nombreuses villes du continent au début des années 1990 quand le taux moyen de chômage dans l'UE dépassait les 18% et où dans certains pays comme l'Espagne il atteignait le double.

A partir de la mise en œuvre de nouveaux plans sociaux pour l'emploi en 1999 qui ont réformé le marché du travail en échangeant du chômage contre du travail précaire, les pourcentages officiels du chômage ont été en diminuant dans l'UE et avec eux l'activité du mouvement social des chômeurs : il est entré dans une espèce de reflux pour laisser place à la lutte sociale contre la précarité, l'exclusion sociale et le racisme (slogan de l'Euromarche Cologne '99) avec des campagnes fortes contre les Entreprises de Travail Temporaire (ETT) et les contrats précaires ou celle des "Papiers pour toutes et tous" les immigré-e-s.
Si les luttes contre le chômage nous ont servi à nous mettre en marche la première fois jusqu'à Amsterdam, la résistance sociale contre la précarité et les luttes des sans-papiers pendant les deux dernières années doit nous conduire à marcher contre la précarité vers Séville en juin 2002.
Les revendications fondamentales des Marches, le Revenu Social et les droits sociaux pour toutes et tous sont aujourd'hui plus d'actualité que jamais et autour d'elles il faut nous commencer à tisser le réseau des SANS qui pourra mettre mouvement la lutte contre toutes les précarités.

Si au début du XXè siècle, au sein du mouvement ouvrier, ils furent capables de construire le syndicalisme révolutionnaire en partant des mutuelles, des bourses du travail, des sociétés ouvrières et des syndicats de métiers en centrant l'action dans l'usine (figure émergente dans la nouvelle organisation du travail après la seconde révolution industrielle), sur le salaire, la journée et les conditions de travail, au début du XXIè siècle, la résistance sociale et les réseaux organisés ne se concentrent plus sur le seul emploi salarié, l'usine et le syndicat mais s'étend à tout le travail (avec ou sans rémunération) et à l'ensemble du territoire.
Le réseau a pour objectif d'articuler toutes les expressions organisées des SANS : sans-toîts, sans-papiers, sans-emploi, sans-droits parce que ce sont ces carences, les besoins et les désirs qui donnent les signes d'identité à un mouvement qui vise à bannir la précarité au moyen des revendications du Revenu Social, des droits sociaux et environnementaux, et la réappropriation de la richesse, du temps et du territoire.

Voilà le défi, la formidable proposition d'action que nous vous proposons : faire un premier pas en organisant la Marche de Séville en juin 2002 sous le slogan : MARCHE DE LA RESISTANCE SOCIALE, en ayant comme point de départ quatre revendications de base que nous devons populariser parmi des millions de personnes sur le parcours de la marche :
Revenu Social
Papiers pour toutes et tous
Egalité des droits pour toutes les personnes
Agriculture et élevage écologique pour une alimentation saine

Ceci est un pari ferme, de travail continu dans chaque endroit, d'alliance entre toute la gauche rebelle et anti-capitaliste, pour lequel nous appelons particulièrement les organisations européennes du réseau libertaire à participer au débat et à étendre cette proposition d'action. Nous demandons aux libertaires vivant et luttant contre l'Etat espagnol un engagement organisé contre toutes les précarités en construisant le réseau APOYO MUTUO dans chacune des villes ou nous sommes présents.

Juillet 2001
APOYO MUTUO

Pour plus d'informations : olapili@airtel.net
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Notes du traducteur :

1. Le terme espagnol couramment utilisé, "comida-basura" est plus fort, littéralement : alimentation-ordure

2. En fait, cela concerne l'Aragon

3. D'euros, pas de pesetas...

4. Un dollar vaut autour de 200 pesetas

5. D'après une définition qui semble faire autorité dans le milieu des chercheurs en écologie : "L'empreinte écologique est la surface correspondante de terre productive et d'écosystèmes aquatiques nécessaires à produire les ressources utilisées et à assimiler les déchets produits par une population définie à un niveau de vie matériel spécifié, là où cette terre se trouve sur la planète" William E. Rees, Professeur de Planification Communautaire et Régionale à l'université de British Columbia à Vancouver.

6. Au sens de développement durable : "un développement est durable s'il permet de satisfaire aux besoins des populations actuelles sans compromettre ceux des générations futures" d'après une définition courante, c'est-à-dire prenant en compte l'économique, le social et l'environnemental.
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Pour plus d'informations : olapili@airtel.net

[ Version en castillan : (ca) APOYO MUTUO: SEIS TESIS Y UNA PROPUESTA DE ACCIÓN ]

[ Version en anglais : (en) EuroMarch to Sevilla 2002 ]