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Le Black Bloc et Loft Story
by deroc@tiscalinet.be Saturday August 11, 2001 at 11:23 PM
deroc@tisaclinet.be

Exclusif! Une analyse en profondeur des enjeux de la violence en manif (20 lignes)

Ca n'arrête pas. Depuis le retour de Gênes, les témoignages des membres du fantasmatique Black Bloc sont légions sur le Web. Ils sont généralement assez hautains et condescandants envers ces gentils petits militants idéalistes, qui rêvent encore de non-violence, et à qui ils font l'honneur de s'adresser, eux qui sont incontestablement les stars de toutes les manifs. Eux qui sont au dessus de tous, des médias, des dirigeants et surtout des organisations sois-disant contestataires qui, c'est évident, font le jeu du pouvoir. Faut-il le préciser, ces organisations n'ont jamais contesté la légitimité de la destruction physique des symboles du capitalisme. L'un des plus célèbres militants européen, José Bové, à bâti sa réputation sur la destruction de matériel. Simplement, il a eu l'intelligence et le courage de le faire chez lui, sans impliquer qui que ce soit d'autre que lui et ses compagnons. Mais lui aussi, n'est-ce pas, n'est qu'un valet des médias "réformiste à pâte molle". Ceux qui cassent les vitrines des banques, profitant du fait que quelques milliers de réformistes fassent le jeu du pouvoir à côté et que cela permet un anonymat salutaire, avant de rentrer chez sois en laissant ces idiots se faire tabasser (comme ça au moins ils savent ce que c'est), ceux la ont véritablment compris les enjeux de la contestation. Certes les trusts finnanciers ne sont pas véritablement démantelés après le saccage de deux ou trois vitrines, mais c'est le symbole qui compte et ça au moins, c'est radical. Certes les millions d'imbéciles collés à leur télé ne verront rien d'autre que du sang à l'heure du dîner (alors que pour une fois ils auraient pu voir autre chose), mais c'est toujours mieux que si ils entendaient les idées stupides des réformistes(qui font le jeu du pouvoir). Et puis ça fait des souvenirs, on demande à Maman d'enregsitrer le JT et puis on joue à se reconaître en dessous des cagoules. Le rêve des casseurs est le même que celui des candidats de "loft-story": sortir des sentiers battus, passer à la télé et être critiqué par ceux qui ne comprennent rien à rien...

Vive les analyses en profondeur!!
by Arnaud Sunday August 12, 2001 at 11:56 PM
arnaudleblanc@swing.be

Excuse moi de prendre ta profonde analyse à contre-pied mais je dois avouer qu'elle m'insupporte au plus haut point.
A l'heure actuelle, il y a un acharnement des autorités et des médias envers les "méchants casseurs". Du côté des autorités, on les accuse d'être "violents" et extremistes, chaque personne qui prend part aux émeutes face à la police est qualifié de "Black Blok" et ce, quelle que soit sa couleur politique (si il en a une...).
Plus inquiétant, des participants aux manifestations (qui ne connaissent jamais de confrontation avec ces "casseurs") vont les accabler de la responsabilité de la violence policière. En quelques sortes, ces associations (Attac France par exemple) font le jeu du pouvoir et de ceux qui sont derrière les violences policières en les légitimant de la sorte (je sais ce n'est certainement pas leur intention...mais bon).
Et tous cela se fait sans que personne ne cherche à savoir ce qu'en pense les principaux concernés, c'est à dire les anarchistes ( ou autre) habillés de noir.
De plus, tu les accuses de montrer du sang à la Tv et ainsi réduir le mouvement à cela. Pire encore, tu les condamnes comme responsables des attaques policières.

Mais que crois tu?

Les médias fonctionnent selon l'importance de l'évènement, c'est à dire l'aspect spectaculaire. Les médias sont avides de violence, ca excite le spectateur/consommateur au plus profond de lui-même. Avec une manifestation de type "syndicale" sans plus, les médias belge auraient uniquement parlé de se qui se passait dans le palais Ducal de Gênes. La RTBF n'avait envoyé qu'un seul journalistes qui a décidé de sortir de la zone rouge que dès le moment où il y avait un mort et du sang à montrer (le dernier jour).
Des manifestations non-violentes, il y en a tous les jours dans le monde mais ne crois jamais que les journalistes vont s'y intérresser en profondeur tant qu'elle le resteront.

La police quant à elle n'a certainement pas été excitée par le Black Bloc. Ses principaux méfaits ont été commis là où le pouvoir pouvait craindre les voix populaires. Le cortège des Tute Bianche faisait peur alors qu'il était non-violent. Va demander aux parlementaires en tête de cortège si ils ont encore envie de pratiquer la non-violence face aux matraques et aux gaz (sans parler des balles) des forces de l'ordre...

Stp mesure tes propos et respecte autant que tu peux tous ceux qui se battent (quel que soit leurs moyens) pour un monde meilleur.
Ensemble, en se connaissant, je suis persuadé que ça peut changer.

In solidarity

NB: Je n'ai jamais lancé de ma vie un seul pavé. Je suis apolitique et je respecte au même niveau les militants PTB, POS, Attac, Oxfam, libertaires, Ecolo... et tous ceux qui individuellement se déplacent ou soutiennent le mouvement en tant que citoyens de ce monde.
Ma plus grande peur est que le manque de connaissance des autres ne provoque la fin de toute résistance.

Continuons le débar, on est sur la bonne voie
by Aline Monday August 13, 2001 at 11:38 AM
a_soline@hotmail.com

C'est important qu'on continue ainsi à débattre, à retourner ces problématiques dans tous les sens, et surtout qu'on conserve toujours de la nuance et de la tolérance dans nos prises de position. Sinon, tous ces échanges se limitent à des provocations/réactions, le ton monte et chacun se cantonne dans son clan, persuadé d'avoir raison et de n'avoir rien en commun avec ces "casseurs", ou ces "réformistes", ou ces "endoctrinés". Mais quoi, merde, écoutons-nous un peu, on se bat pour la même chose! Les méthodes diffèrent et sont difficiles à concilier entre elles, pourtant tant qu'à l'intérieur des mouvements sociaux on n'arrive pas à respecter les singularités des uns des autres, on n'arrivera pas non plus à trouver une unité pour agir.

Bref, dans le cas de ces deux interventions sur cette page, mon avis est que:
1) Le premier n'a pas complétement tort, moi aussi j'en ai marre qu'on me taxe de "réformiste", sous-entendu de politiquement molle, inefficace, voire naïve. Je ne me sens pas moins radicale que la plupart des militants, même si je n'agis pa

Continuons le débar, on est sur la bonne voie
by Aline Monday August 13, 2001 at 11:57 AM
a_soline@hotmail.com

C'est important qu'on continue ainsi à débattre, à retourner ces problématiques dans tous les sens, et surtout qu'on conserve toujours de la nuance et de la tolérance dans nos prises de position. Sinon, tous ces échanges se limitent à des provocations/réactions, le ton monte et chacun se cantonne dans son clan, persuadé d'avoir raison et de n'avoir rien en commun avec ces "casseurs", ou ces "réformistes", ou ces "endoctrinés". Mais quoi, merde, écoutons-nous un peu, on se bat pour la même chose! Les méthodes diffèrent et sont difficiles à concilier entre elles, pourtant tant qu'à l'intérieur des mouvements sociaux on n'arrive pas à respecter les singularités des uns des autres, on n'arrivera pas non plus à trouver une unité pour agir.

Bref, dans le cas de ces deux interventions sur cette page, mon avis est que:
1) Le premier n'a pas complétement tort, moi aussi j'en ai marre qu'on me taxe de "réformiste", sous-entendu de politiquement molle, inefficace, voire naïve. Je ne me sens pas moins radicale que la plupart des militants, même si je n'agis pas toujours de la même façon, ou plutôt si je n'ai pas encore une idée bien précise de comment agir. Loin des certitudes, et pourtant pleins d'espoir et de révolte, la plupart des gens sont, je crois, dans mon cas. Il faut pouvoir leur laisser une place dans nos mouvements, sinon il ne restera au bout du compte qu'une élite militante qui "sait comment il faut agir".Or, tout le monde ne se sent pas prêt pour LA Révolution, et il est tout aussi naïf de croire que dans l'Europe d'aujourd'hui, les masses (les vraies, pas seulements les étudiants, syndicalistes et autres ONG)vont se soulever armes à la main pour renverser les Grands Méchants. J'ai bien peur qu'il faille trouver d'autres solutions...

2) Cela dit, j'approuve totalement la réaction d'Arnaud, qui demande à ce qu'on ne juge pas trop vite non plus les "violents". Eux aussi ont leur mot à dire, il faudra s'organiser avec eux pour que les interactions se passent mieux la prochaine fois (personnellement, ça ne me dérange pas qu'ils détruisent toutes les banques qu'ils veulent tant que ça ne sert pas d'excuse à la police pour attaquer le cortège pacifiste d'à côté, qui n'a rien demandé et n'a pas voulu se mêler à ce type d'actions!), et donc j'étais impatiente depuis mon retour de Gênes de pouvoir lire des réactions de membres du Black Bloc, que je trouvais un peu trop silencieux alors qu'on ne parlait plus que d'eux. Je trouve ça beaucoup plus sain de pouvoir savoir comment ils se définissent et ce qu'ils veulent exactement, au lieu de fantasmer sur eux et d'en bâtir tout un mythe. Pour ma part, ça ne me rassurait pas beaucoup quand je les croisais à Gênes, mais je crois que maintenant j'en ai une image beaucoup plus "humaine". En tous cas, Arnaud, merci pour ta réaction, je suis d'accord avec toi dans ta préoccupation qu'on ne rentre pas dans les stéréotypes faciles et les rancunes stupides.

Distingo
by Ataulfo Tuesday August 14, 2001 at 03:54 PM
Plantin@skynet.be

Au fait, combien de Black Blok, y avait-il réellement à Gênes? Combien de gens se reconnaissant dans cette méthode et ces idées se sont effectivement auto-organisés pour détruire des symboles du capitalisme? Pas des masses. Par contre, des centaines et des milliers d'autres ont résisté au charges et aux gazages policiers, que ce soit avec de simples boucliers en plexis et en utilisant leur corps protégé de mousses comme les Tute Bianche, ou en jettant des pierres et des pavés ou tout "bêtement" en renvoyant à l'expéditeurs les bombes lacrymo de tous types et de tous calibres qui ont été massivement utilisées. La distinction me semble importante parce qu'on amalgame ces deux types d'attitude. Autant la première me semble politiquement critiquable (quoique, comme Aline, un banque qui brûle ne m'arrache aucun regret) autant la seconde me paraît tout à fait légitime.
Je suis donc 100% d'accord avec Arnaud. D'autant plus que le discours qui amalgame Black Blok, "violents" et tous ceux et celles qui ne font que résister légitimement à la répression policière a un but politique. Pour les autorités, il s'agit évidemment de discréditer tout le mouvement. Pour certains "penseurs" du mouvement, style Susan George pour ne pas la citer, c'est carrément un moyen d'exclure les composantes plus radicales.
Après Göteborg, les "violents" étaient des "petits cons". Après Gênes, c'est des "flics infiltrés". Sans minimiser cette réalité de l'infiltration policière, aussi vieille que la police elle-même, certains se servent de cela pour stigmatiser une frange du mouvement, occultant par là que si violence il y a dans les rangs des manifestants, elles ont avant tout des racines sociales et politiques.
Ces tentatives de délimiter les "bons" et les "mauvais" manifestants au nom de l'image du mouvement est d'autant plus idiote que, même sans Black Blok ou "casseurs", les manifs type Gênes seront quand même réprimées. A Gênes, comme l'a relaté Aline, avec ou sans Black Blok, mêmes les cortèges les plus pacifistes étaient massacrés par la police. Et cela parce que le mouvement actuel est un véritable danger pour le système. "Ceux d'en haut" le savent. Ce qui s'est passé à Gênes n'est donc pas seulement dû à la nature du gouvernement italien ni à la présence de fachos dans la police, c'était clairement décidé par les plus hautes instantes policières internationales, elles-mêmes au ordres des autorités politiques des principales puissances impérialistes réunies dans le G8.
Pour revenir au débat, je pense, comme Quadrupani dans un texte publié il y a peu sur ce site, que la véritable ligne de démarcation n'est pas entre "violents" et "non-violents", mais bien entre ceux qui acceptent et ceux qui refusent la légitimité de l'Etat bourgeois et de ses institutions, non seulement en paroles, mais aussi en actes. On peut donc prôner la non-violence, comme le font les Tute Bianche, et être pratiquement et directement en confrontation avec l'Etat bourgeois et subir ainsi ses foudres.
La "violence" et la non-violence" ne peuvent être des principes intangibles et abstrait. Se dire absolument "violent" ou "non-violent" n'a au fond pas de sens. Des pacifistes purs jus n'ont pas hésité à commettre des actes pas très doux envers des soi-disants "violents" par exemple. Je pense que tout dépend du contexte, du moment, du rapport de forces. Si résister à la répression policière étatique, qu'elle qu'en soit la forme, est de la "violence", alors je suis "pour".
Je me dis parfois que le débat interminable sur la "violence" et la "non-violence" (qui pourrait être enrichissant en soi) est, au-delà du leurre ou de la division qu'il peut semer, un luxe dans un certains sens. Pourriez-vous imaginer un tel débat en juillet 1936 en Espagne par exemple au moment ou les militaires fascistes massacraient le peuple et où ce dernier réclamait des armes pour se défendre? On n'en pas là, heureusement, mais lorsque l'on voit ce qui s'est passé à Gênes, on ne peut plus jurer que tout cela, "c'est de l'histoire ancienne"...