Violence ou démocratie: est-ce si simple? by Peter Mertens Wednesday August 01, 2001 at 11:49 AM |
Nuages de fumée au-dessus de la ville, véhicules en feu, vitrines ravagées, jeunes masqués et policiers menacés. C'est l'image livrée par certains médias. Des politiciens l'utilisent habilement pour tenter de diviser le mouvement. Gênes et la violence: une réponse de l'intérieur du mouvement de juillet.
Violence ou démocratie: est-ce si simple?
Quand il y a des vagues, il y a de l'écume
Nuages de fumée au-dessus de la ville, véhicules en feu, vitrines ravagées, jeunes masqués et policiers menacés. C'est l'image livrée par certains médias. Des politiciens l'utilisent habilement pour tenter de diviser le mouvement. Gênes et la violence: une réponse de l'intérieur du mouvement de juillet.
Parce que les 'grands' du G8 s'y réfèrent eux-mêmes, il nous faut d'abord parler de la démocratie, avant de parler de la violence. C'est l'énorme désir de participation traversant la planète qui a rassemblé 300.000 personnes dans le plus grand port d'Italie: des ouvriers coréens aux paysans brésiliens, des travailleurs italiens à statut précaire au mouvement écologiste de Kyoto.
Les responsables du G8 prétendent nous représenter: «Nous avons toujours respecté les droits des peuples à protester de manière légitime. Nous reconnaissons et estimons le rôle joué par les protestations et les arguments pacifiques. Mais nous condamnons avec force et de manière absolue la violence et l'anarchie d'une petite minorité ici à Gênes. Il est vital que les dirigeants élus démocratiquement et qui représentent des millions de personnes puissent se rencontrer pour discuter d'intérêts communs.»1
Les balles étaient celles de la police
Mais quel est le résultat de ce sommet? Verhofstadt a persisté à affirmer froidement que les gouvernements des huit pays les plus riches poursuivraient imperturbablement leur politique désastreuse. La libéralisation a produit des résultats, nous devons poursuivre dans la voie prise, décrète-t-il.
Et où sont les droits démocratiques lorsque les dirigeants du G8 créent une zone rouge, ferment les accès de la ville et suspendent les accords de Schengen? Au désir de démocratie, la classe dirigeante a répondu en engageant 18.000 policiers, quinze hélicoptères et sept navires de guerre. Aux protestations massives, ils ont répondu par le gaz lacrymogène, les prisons et les deux balles qui ont tué le jeune manifestant Carlo Giuliani.
Il est donc normal que face à cette violence dans la rue, la résistance se renforce, des manifestations de syndicalistes casqués des Cobas et du Cub aux fanfares de Reclaim The Street en passant par les militants de Tute Bianche qui veulent préserver leurs droits par des actions: «Nous ne voulons plus nous lamenter, mais passer à la contre-attaque».
Il en résulte que le monopole de la violence est lui aussi remis en question. Un certain Soy4life m'écrivait: «N'est-il pas prévisible que les jeunes se révoltent contre le monopole de la violence détenu par l'armée et la police auquel ils sont confrontés? C'est avec regret que je constate que beaucoup de gens sont ancrés dans une vision bourgeoise du monde: 'la violence ne peut être exercée que par les forces de répression', et nous n'avons qu'à nous laisser écraser ou même abattre de manière pacifique et correcte politiquement. J'étais moi-même très critique par rapport à la violence, surtout après Nice. Mais après Gênes, je dirais plutôt: 'Eh bien qu'on leur donne une bonne raclée à eux aussi'. Faut-il en déduire que je suis manipulé par des provocateurs de la police? Pas du tout. On pourrait tout aussi bien parler de manipulation lorsqu'on entend des pacifistes répéter les analyses prémâchées des médias.»2
Des milliers de manifestants ont essayé de percer le rideau de fer dressé autour du G8. En utilisant des cordes, des crochets en acier, des cisailles et des cocktails molotov, ils ont essayé de renverser les barrières dressées par le pouvoir. Cette résistance est justifiée.
Un camarade m'écrivait: «Lorsque des manifestants se dirigent vers les lieux où se réunissent les puissants, il est inévitable que les forces de l'ordre tentent de les en empêcher. La confrontation est inéluctable. De telles confrontations sont une école pour la lutte et la révolution. Aujourd'hui, mai 68 est présenté de manière romantique par la bourgeoisie et comme appartenant au passé? Mais n'oublions pas que tant Paris Match que Le Figaro et la télévision condamnaient de manière quasi unanime la violence des 'gauchistes'».
Evidemment, il y a eu et il y a des provocations et du vandalisme inexcusable lors de pareils mouvements. Mais lorsqu'il y a des vagues, il y a de l'écume: tout mouvement social produit des provocations. Si les communistes ont la direction d'un tel mouvement, ils mettent tout en œuvre pour les éviter.
A Gênes, ce n'est pas un mouvement révolutionnaire qui a occupé les rues, mais un mouvement de masse en quête de participation et d'une alternative sans oppression. Le chemin vers une autre société, le socialisme, est encore long. Dans cette perspective, il faudra trouver une réponse à la question de savoir comment briser et vaincre le monopole de la violence détenu par le G8.
Depuis cent ans, des dirigeants socialistes nous expliquent qu'un mouvement populaire peut conquérir le pouvoir dans un Etat capitaliste à condition qu'il soit suffisamment large et fort. Mais comme à l'époque de Daens, il apparaît que plus un mouvement populaire est large, plus la police et l'armée répriment ouvertement les masses.
«Lorsque la bourgeoisie et ses fonctionnaires recourent à des mesures de répression extrême, cela effraie les intellectuels, écrit Lénine. Ils seraient 'disposés' à reconnaître le socialisme, si l'humanité y entrait d'un seul coup, sans fracas, sans combat et sans grincements de dents des exploiteurs. Sans tentatives multiples de la part des exploiteurs en vue de maintenir l'ancien état des choses ou de le rétablir en silence par un détour. Sans également les contre-attaques répétées de la violence révolutionnaire contre ce genre de tentatives.»3
Tout mouvement social qui veut une autre société devra vaincre les forces de répression. Celui qui refuse de voir cette vérité se prive de la possibilité de réaliser une société sans exploitation.
Diviser pour régner
Berlusconi, Bush, Verhofstadt et Schröder espèrent diviser le mouvement en lançant le débat non pas sur la violence structurelle de l'impérialisme mais sur les pierres lancées par ceux qui résistent. Verhostadt exige que les ONG se distancient officiellement des jeteurs de pierres.
«Il n'y a pas les 'bons' opposants à la globalisation 'reconnus' par les gouvernements, organisateurs de manifestations bien canalisées, admis dans les salons de la diplomatie internationale et les 'mauvais' opposants, qui lancent des pierres sur les forces de l'ordre et lapident les commerces symboles d'un monde marchandisé», déclarait Marc-Raoul Jennar de Oxfam à la veille du sommet de Gênes.4 Cette attitude conséquente a fait la force du mouvement. Les représentants du G8 l'ont très bien compris et c'est ce qui explique pourquoi ils ont tellement mis l'accent sur les 'bons' et les 'mauvais' résistants dans leur déclaration de clôture.
1 http://www.usembassy.it. • 2 http://archive.indymedia.be • 3 Lénine, Oeuvres, tome 26, p. 416. • 4 Libération, 16 juillet 2001.
Dossier spécial sur Gênes dans Solidaire (http://www.solidaire.org)
- Que signifie Gênes pour la lutte des travailleurs? (http://www.ptb.be/solidaire/article.phtml?lang=1&obid=5519)
- Un arsenal de mesures contre les manifestations (http://www.ptb.be/solidaire/article.phtml?lang=1&obid=5545)
- Journal de Gênes de Lise et Brecht (http://www.ptb.be/solidaire/article.phtml?lang=1&obid=5516)
- Voici la génération de la justice sociale (http://www.ptb.be/solidaire/article.phtml?lang=1&obid=5521
- Participez à la préparation du sommet de Laeken (http://www.ptb.be/solidaire/article.phtml?lang=1&obid=5525)
- L'autre monde porte un nom: le socialisme (http://www.ptb.be/solidaire/article.phtml?lang=1&obid=5526)
- Le rôle du Forum social de Gênes: plus de mille associations (http://www.ptb.be/solidaire/article.phtml?lang=1&obid=5527)
- Le G8: qui sont-ils? (http://www.ptb.be/solidaire/article.phtml?lang=1&obid=5531)
- La stratégie de la tension contre le mouvement de l'espoir (http://www.ptb.be/solidaire/article.phtml?lang=1&obid=5533)
- Raid de nuit sur le Forum social de Gênes (http://www.ptb.be/solidaire/article.phtml?lang=1&obid=5538)
- Vincent a été torturé (http://www.ptb.be/solidaire/article.phtml?lang=1&obid=5539)
- «Ma fille a été torturée» (http://www.ptb.be/solidaire/article.phtml?lang=1&obid=5543)
- Des avocats contestent la terreur policière (http://www.ptb.be/solidaire/article.phtml?lang=1&obid=5544)
quelle réponse violente? by JM Sunday August 12, 2001 at 10:29 PM |
jmleclercq@hotmail.com |
Affronter les forces de l'ordre... mais il s'agit ici des forces de l'ordre des Etats les plus puissants. Il y a vraiment de quoi se faire écraser. Dès lors je me méfie des naives tentatives de combat. D'autant qu'elles fournissent un alibi en or à tous ces chefs d'etat pour criminaliser tout le monde et taper dans le tas.
J'avoue ne pas connaitre la solution mais les confrontations sont à réinventer si on veut éviter un carnage tel que celui de Gênes : des centaines de blessés qui permettent aux chefs d'etat de dormir sur leurs deux oreilles parce que la plupart de l'opinion publique soit n'y aura vu que du feu (c'est le cas de le dire) soit, c'est le cas de beaucoup, se sera dit "à quoi bon manifester, ils n'écoutent pas et ne font que frapper".
Pour contrer ce pouvoir là, il faudra une nouvelle lutte.