Le « magical mystery Tour » des faux Black Block à Gènes by Wu Ming Tuesday July 24, 2001 at 06:05 PM |
Le « magical mystery Tour » des faux Black Block à Gènes
Le « magical mystery Tour » des faux Black Block à Gènes
Par Wu Ming
Nous ne devons pas criminaliser les BB ou accuser les anars pour les
évènements de Gènes qui correspondent peu à leurs tactiques ; il est encore
plus évident que les pillards les plus archarnés étaient des flics déguisés.
J'étais à Gènes et j'en reviens crevé, énervé, déçu, fiévreux avec les
ligaments de mes genoux détruits et complètement aphone, et je dis : ne
tapez pas sur les anars, ne criminalisez pas le Black Block.
C'est notre devoir de faire la distinction entre le BB et ce qui est arrivé
à Gènes. C'est notre devoir de ne pas accuser ceux qui ont fait de l'action
directe à Gènes d'être des flics déguisés. Les pogroms et les théories du
complot ne font pas partie de notre culture.
Vendredi dernier, il y avait des anars allemands du Schwartze Block. Ils ont
frappé des cibles précises comme des banques ou des bureaux officiels. Ils
n'avaient pas l'intention d'attaquer d'autres manifestants. Samedi, un
journaliste hollandais du Vrij Neederland magazine les a rencontrés alors
qu'ils étaient en train de plier bagage et peut-être de rentrer en
Allemagne. Ils ont dit qu'ils étaient dégoutés de ce que les « hommes en
noir » avaient fait. En fait, ce qui s'est passé samedi a peu à voir avec
les méthodes du BB : les BB ont une méthode. On peut la désapprouver mais
ils en ont une, et ils savent mener des actions de leur côté sans géner
d'autres types d'interventions. Au contraire, à Gènes, les carabiniers ont
escorté les pillards tout le long de la journée, sans les charger, non parce
qu'ils étaient rapides ou mobiles, comme quelqu'un l'a dit. Non, ils ont eu
tout le temps d'attaquer les banques, les saccager et les brûler, une
opération qui nécessite plus d'un quart d'heure. Pendant ce temps, les flics
glandaient dans la rue, les attendant. Quand les pillards sortirent, le
magical mystery Tour commença. Les flics accompagnèrent tranquillement les
pillards aux endroits où les autres manifestants (appartenants au GSF) se
trouvaient, comme s'ils promenaient leurs chiens. Il y a des centaines de
témoignages. Tout le long du chemin, les hommes en noir ont attaqué des
petits magasins, ont brûlé des voitures qui n'appartenaient certainement pas
à des millionnaires, et détruits des petites stations service. Puis ils
furent « détachés » dans un square où des centaines de membres du réseau
Lilliput faisaient un sit-in. Les flics les suivirent et frappèrent femmes
et enfants, boys scouts, manifestants pacifiques.
Les flics et les pillards partirent et rejoignirent le centre de convergence
Place Kennedy. Les flics donnèrent l'assaut à la place, après la « joyeuse
bande » se dirigea vers Brignole et rentra dans le cortège des «
désobéissants », qui étaient encore loin de la zone rouge. Les flics
chargèrent la manif. Pendant ce temps, les faux BB pénétrèrent dans le
cortège des Tute Bianche et assaillirent quelques camarades. Un très gros
camarade du squatt de Venise « Rivolta » a été frappé par un mec très calé
en arts martiaux. Après ça, les flics ont attaqué la manif durant sept
heures, alors que les gens tentaient de rentrer au stade Carlini. La
dernière attaque se produisit 600 mètres avant le camping. Les hommes en
noir avaient complètement disparu. Cela n'a rien à voir avec la praxis des
BB. En fait, beaucoup de gens ont vu ces faux hommes en noir descendre des
cars de flics, les pillards discuter avec des officiers, les flics donner
des plans aux faux hommes en noir etc. La presse rapporte ces théories et
la télé nationale en montre des images choquantes.
Le 19 juin, après Gothenburg, les Tute Bianche de Bologne et le Collectif Wu
Ming ont mis en circulation un document intitulé « Arrétons l'encerclement
du Black block ». Le voici :
« Le Black Block n'est pas de la merde. Il ne doit pas être trivialement
associé avec le vandalisme ni la destruction gratuite. C'est un réseau
informel de groupes affinitaires, majoritairement mais pas exclusivement-
anar et qui s'étend de l'Amérique du nord à l'Europe continentale. Ils sont
actifs depuis des années, élaborant des stratégies et des tactiques, et
prennent en compte les contextes, les alliances et les objectifs. Il devrait
être clair que le BB n'a jamais manifesté en Italie. Ainsi que le prouve
l'histoire récente du mouvement, les BB ne sont pas statiques, peuvent
adopter plusieurs tactiques et cherchent la « fertilisation croisée » comme
ils l'ont fait à Québec durant la manif contre le Sommet des Amériques. A ce
moment, ils ont agit en respect total avec la ville et les habitants, et
concentré leurs efforts à faire tomber le « Mur de la honte ». Ils ont même
choisi de reprendre les symboles et les pratiques des Tute (protections,
boucliers, positionsŠ) et ont coopéré avec les autres groupes affinitaires
dans les rues. A Gothenberg, le BB a parlé avec les Tute Bianche et ils
décidèrent de faire des actions dans un cadre commun avec des manifestants
pacifiques. Les problèmes ont commencé quand les porte-paroles et les
coordinateurs ont été « préventivement » arrêtés durant le raid de jeudi
soir. Le matin suivant, les flics ont coupé la manif en deux et isolé un
groupe qui a été étiquetté BB. Ces manifestants ne pouvaient que se défendre
en jetant des pierres et quelques magasins furent cassés [Š] La répression
policière fut la plus forte à un moment apparemment tranquille : vendredi
soir, quand les flics encerclèrent un parc où des centaines de jeunes
avaient organisé une rave. Ils ont attaqué la rave, qui a essayé de résister
de façon peu esthétique (on ne peut pas toujours avoir du style), et la
police a tiré. La rave n'était certainement pas organisée par le BB. Les BB
sont des activistes politiques, on peut être en désaccord avec leur praxis
et idées, mais nous ne les considérons pas comme des chiens pavloviens sans
cervelle bavant à la vue des matraques. En plus, ils sont plus imaginatifs
que les gens se l'imaginent : il y a quelques mois les BB quittèrent une
manif à Buffalo, entrèrent dans un quartier pauvre et ramassèrent les
ordures. Quand les journalistes leur demandèrent ce qu'ils faisaient, ils
répondirent : « vous écrivez que nous allons salir la ville, nous avons
décidé de ramasser les ordures » Nous témoignons de l'existence d'une
tentative sérieuse de criminaliser ce mouvement. Nous refusons de sauver
notre peau sur le dos du BB, nous les considérons comme une composante
légitime du mouvement et refusons la distinction entre bons et mauvais
manifestants. »
- Tute Bianche de Bologne/Wu Ming
Mon opinion n'est même pas une opinion, parce qu'elle est étayée par les
témoignages et les images : vendredi dernier, six ou sept infiltrés ont
manipulé la rage de centaines de jeunes anars. La même chose a dû se
produire samedi. Nous avons décidé à contre-c¦ur de garder loin de notre
cortège les gens avec des pierres et des barres. Nous avons sûrement évité
l'infiltration de ceux qui nous traitent de flics et qui sont des flics
eux-mêmes. Peut-être qu'on s'en est pris à des mecs qui n'y étaient pour
rien, qui sait ? Si c'est le cas, nous en sommes désolés mais nous devions
défendre nos choix et éviter les infiltrations et provocations. Un BB a dit
à un copain de Wu-Ming : « Tu aimes donner des ordres. T'es un communiste !
» Oui, ça fait mal. Mais je peux vous assurer que nous n'aimons pas donner
des ordres.
Avant de commencer la chasse aux sorcières, nous devons garder en tête que
tous les anars ne sont pas des BB, que tous les BB ne sont pas des flics
déguisés. D'un autre côté, nous devons repenser une tactique qui a pu être
infiltrée et manipulée si facilement. Cela concerne les gens qui ont choisi
cette ligne d'action mais aussi ceux qui ont souffert de cette perméabilité.
[ Traduction samizdat.net à partir de l'angalis ]
Faiblesse historique by Joshua Wednesday July 25, 2001 at 05:02 PM |
slokumkum@hotmail.com |
Relevez-moi si je me trompe, mais une faiblesse historique des anarchistes est leur difficulté à éviter les infiltrations par des agents de l'Etat. Cela tiendrait à leur faibles structures et à leur tempérament spontané.
A nouveau, les erreurs du passé...
je te relève by thitho Thursday July 26, 2001 at 11:15 AM |
thierry3@brutele.be |
Je te relève sans problème: une faiblesse permanente des mouvements d'extrême-gauche est d'être infiltré par les autorités. Y'a qu'à se souvenir des mouvements communistes aux USA, dont les budgets étaient souvent du seul fait des cotisations des membres infiltrés par les services secrets -qui étaient les seuls à avoir suffisamment de pognon... Mais ce n'est pas le plus grave.
Le plus grave est probablement que l'image qui entoure l'anarchie, aussi bien dans les milieux officiels qu'au sein de l'extrême-gauche "étatique" (pour éviter autoritaire) est la même: anarchie = désordre = incapacité à s'organiser. C'est triste: comment voulez-vous que nous accordions notre confiance à des tenants de tels présupposés?