ONG = attardés et casseurs ?

Le Centre National de Coopération au Développement (CNCD) est choqué par les propos tenus par Monsieur Louis MICHEL, Ministre des Affaires Etrangères, dans le quotidien " Le Monde " du samedi 21 juillet 01.

En s’adressant à l’opinion publique européenne, le Président en titre du Conseil des Ministres des Affaires étrangères dénigre l’action des nombreux mouvements citoyens en tentant d’en limiter leur portée à la simple consultation.
Cette vision réductrice du rôle des sociétés civiles est inacceptable. Au-delà de la consultation pure et simple, le CNCD-Opération 11.11.11 revendique, une fois de plus, le droit des ONG à s’associer activement aux décisions prises par les responsables politiques.
Le fameux modèle de la concertation sociale en Belgique démontre clairement que les grandes décisions politiques, dans le domaine de l’économie, ont toujours été prises en associant les syndicats et les employeurs. En matière de relations internationales, cette dynamique devrait aussi s’appliquer.

Les propos de Monsieur Louis MICHEL discréditent le mouvement citoyen et risquent de ternir son image. Nous ne pouvons l’accepter.

Ils vont d’ailleurs en totale contradiction avec les signes encourageants que le Gouvernement a montrés depuis plusieurs mois, dans le cadre de la préparation de la Présidence belge.

De plus, les multiples accusations adressées aux ONG sont non-fondées.

Monsieur Michel se pose la question de contrôle de la transparence des ONG.

- Concernant la transparence financière, la loi sur le financement des ONG est précise en Belgique. Les mécanismes de subventions répondent à tous les critères de transparences demandées. Les rapports annuels des ONG et de leurs plans d’actions sont remis, pour approbation, aux instances politiques. Les comptes et bilans des ONG, comme le prévoit la loi de 1921 sur les Associations Sans But Lucratif (ASBL), sont déposés au Greffe du Tribunal de Première Instance et donc sont consultables par la population.
- Concernant la transparence politique des ONG, et donc la représentativité de celles-ci, rappelons que toutes les instances sont élues démocratiquement, que les dirigeants du CNCD, par exemple, sont élus par les 95 organisations membres - qui ne sont pas toutes engagées exclusivement dans la coopération au développement - et par les 300 comités locaux. Ces derniers représentent les milliers de bénévoles qui militent au sein du CNCD.

Puisque Monsieur Michel semble s’attacher à la transparence des organisations, nous l’invitons à s’informer sur la représentativité démocratique des instances de la Banque mondiale, du Fonds Monétaire International (FMI) ou encore de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et sur le contrôle de celles-ci par les parlements nationaux.

En outre, les coûts du dernier Sommet du G8 atteignent des sommes astronomiques : Nous sommes en droit de nous demander comment le contrôle démocratique de ceux-ci est-il exercé, d’autant que les résultats de ce Sommet sont quasi inexistants.

- Concernant les objectifs poursuivis par les ONG, le CNCD rappelle que les principales avancées en matières sociales se sont déroulées grâce aux impulsions données par la société civile, dont les ONG. La lutte contre l’Apartheid, la commercialisation sauvage des OGM, la détérioration de la couche d’ozone, les mines anti-personnelles, l’insoutenable dette des pays du Tiers Monde, la poursuite des contacts avec les ONG locales en République Démocratique du Congo ou en Palestine, sont autant d’engagements qui ont été menés sur la scène internationale par les ONG.
- Par ailleurs, les pouvoirs publics ont bien compris le rôle primordial de la société civile (et donc des ONG) puisqu’aujourd’hui la consultation de ce vaste secteur représentatif des opinions du peuple devient un gage, comme un autre, de démocratisation des pays du Sud (les récents Accords de COTONOU obligent les Etats membres des pays ACP à consulter la société civile lors de la conception de programmes de coopération)

Au contraire de Monsieur MICHEL, nous sommes persuadés que le combat mené par les ONG pour un monde plus social, replaçant l’être humain au centre des priorités, passe par une écoute plus attentive des responsables politiques.

Il est pour nous, ainsi, inacceptable de maintenir la situation de l’endettement des pays du Sud.
En vingt ans, les pays du Sud qui avaient une dette de 600 Milliards d'EUROS en ont déjà remboursé 4.000 Milliards. Et ils doivent encore en rembourser 2.350 Milliards d'EUROS ! Cette dette insoutenable asphyxie plus de deux milliards d’êtres humains, privés d’éducation, de soins de santé, d’alimentation variée.

La faillite de la politique néolibérale, imposée par les grands de ce monde, est criante.
Malgré les réticences de Monsieur Michel, les ONG lui rappèleront ce constat d’échec lors de ces six prochains mois.
Or, un des meilleurs outils pour exercer ce rôle de contre-pouvoir reste, pour le mouvement associatif, le droit de manifester. Dans les années quatre-vingts, les ONG mettaient des centaines de milliers de personnes dans les rues pour manifester, entre autres, contre l’installation des missiles. Jamais aucun incident grave n’a été à déplorer.
Tout en condamnant la violence, le CNCD estime que les centaines de milliers de citoyens ont le droit d’exprimer leur opinion.

Enfin, à la lecture des dramatiques événements qui ont entaché le sommet du G8 de Gênes, les propos de Monsieur Michel apparaissent d’autant plus provocateurs. Malgré l’agressivité inégalée des forces de l’ordre italiennes, l’image d’une société civile " casseuse et irresponsable " n’a pas encore réussi à faire son chemin, dans l’opinion publique européenne.
Par contre, les citoyens retiendront qu’une fois de plus, les Puissants de ce monde ont fait appel aux forces de l’ordre contre le peuple.

" L’émergence du mouvement citoyen est ce qui est arrivé de mieux ces dernières années " estimait récemment Monsieur Ricupero, Secrétaire Général de la CNUCED. Espérons que sa voix fasse écho dans les hémicycles européens.

Dominique WEERTS Pierre GALAND
Secrétaire général Président

Pour plus d’informations :

Olivier Bailly, Chargé de communication
CNCD-Opération 11.11.11
02 250 12 45 – olivier.bailly@cncd.be

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