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Retour du travail forcé en Belgique ?
by Section de Bruxelles de la LDH - Comité des c Wednesday July 18, 2001 at 09:33 AM
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Un avant-projet de loi « concernant le droit à l'intégration sociale » a été rédigé par le ministre Johan Vande Lanotte (SP); déjà discuté, selon des sources fiables, en réunion « intercabinets » au niveau fédéral, ce texte pourrait figurer à l'ordre du jour du Conseil des Minisres de ce 19 juillet. L'intention du Ministre étant de faire adopter au plus tôt ce texte.

Retour du travail fo...
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Texte
by LDH/CCES Wednesday July 18, 2001 at 03:25 PM

RETOUR DU TRAVAIL FORCE EN BELGIQUE?

Conférence de presse
Mardi 17 juillet 2001

Un avant-projet de loi « concernant le droit à l'intégration sociale » a été rédigé par le ministre Johan Vande Lanotte (SP); déjà discuté, selon des sources fiables, en réunion « intercabinets » au niveau fédéral, ce texte pourrait figurer à l'ordre du jour du Conseil des Minisres de ce 19 juillet.
L'intention du Ministre étant de faire adopter au plus tôt ce texte.
Dans la précipitation, nos deux associations ont souhaité diffuser une analyse, dans le but de bloquer le processus en cours et de fournir des éléments à celles et ceux qui ont le pouvoir d'intervenir dans le processus actuel. Nous ne saurions assez insister sur l'importance des modifications aux principes de l'aide sociale que le Ministre entend apporter. Nous présentons, dans ce qui suit, quelques éléments de critique du texte. Notre
réflexion n'est assurément pas exhaustive, en raison notamment du peu de temps dont nous disposions, et elle gagnera a être approfondie, notamment par des juristes spécialisés en droit social sur certains points bien précis. D'autres analyses existent par ailleurs, comme celle des Marches européennes contre le chômage.
Ce texte du Ministre, qui ne repose nullement sur les constats établis par le Rapport général sur la Pauvreté (1994), réalisé à la demande du ministre de l'Intégration Sociale de l'époque, n'a pas été le fruit de la réflexion
des personnes concernées qui n'ont aucunement été consultées, sinon pour la forme et par la suite de sa rédaction, ni même de la société civile. Il est étonnant, peut-on penser, qu'un texte dont on sait l'importance, sur une matière aussi sensible que l'aide aux personnes démunies de notre société, qui met en jeu les notions de solidarité sociale, d'égalité, d'équité, puisse ainsi faire fi de l'opinion des premiers intéressés. Puisqu'on ne nous demande pas notre avis, nous nous voyons contraints de le faire connaître via la presse.

SOYEZ RESPONSABLES!

Le Ministre, dans l'exposé des motifs, revenant sur la loi de 1974 instaurant le minimex, considère comme négatif que cette loi accorde un droit à un revenu vital, ce qui lui semble insuffisant. « Une existence conforme à la dignité humaine requiert en effet plus que l'attribution d'une
aide financière ». En d'autres termes, la loi sur le droit au minimex est dépassée: il faut ce minimum vital... plus autre chose. On pourrait se dire à juste titre que le Ministre va ensuite affirmer que le montant du minimex
actuel est dérisoire et doit être augmenté. En fait, non; est ensuite remise en cause l'idée que l'on puisse disposer de moyens financiers pour vivre dans la dignité, car « ce n'est pas suffisant ». On verra comment le Ministre passera de « non suffisant » à « non nécessaire ». Pour nous, il
est évident que l'aide sociale doit être un facteur d'émancipation, et que cette aide doit permettre aux personnes de s'épanouir sur les différents plans qui font sa vie : relationnel, affectif, financier, culturel,
économique, psychologique, médical, … Par ailleurs, à une époque ou il y a pénurie d'emploi, il est d'autant plus nécessaire de renforcer la vie sociale des personnes dans un cadre non professionnel.

Le Ministre juge, reprenant à son compte les idées et conceptions en vogue chez certains auteurs, que l'attribution financière n'est pas nécessairement
un élément d'intégration. Plusieurs préceptes font le socle de ces théories, selon lesquelles, grosso modo: l'Etat providence, créé à l'issue de la Seconde Guerre Mondiale, c'est à dire l'Etat qui a pour mission de pourvoir
au bien-être social de la population dès lors qu'il ne se réalise pas de lui-même, a créé un homo irresponsabilis; un être passif, qui manque de créativité, récuse la prise de risque, l'action non protégée socialement, bref, un assisté. Un contre-modèle est alors proposé: la vraie intégration, dira le Ministre.
« Chacun a droit à une existence indépendante mais également responsable. »
C'est alors toute une ancienne conception, travailliste ou paternaliste, qui refait surface, qui en vient à montrer du doigt le pauvre comme une personne à qui il manque essentiellement une activité, un travail; non pas une
rémunération ou un salaire, non: un travail, une occupation. Ces dernières années, c'est sous le couvert de la notion morale de responsabilité que cette idéologie s'est prononcée. Qui ne se souvient des grands discours sur
la « citoyenneté responsable »? Fréquemment est accolé à ce type de discours celui de « valeur du contrat », supposé symboliser une relation égalitaire et constructive entre le bénéficiaire de l'aide et l'institution, qui masque en fait généralement une conditionnalisation accrue de l'aide. Car il ne suffit pas d'être pauvre, encore faut-il être méritant... en somme, un bon pauvre. On s'en doute, le Ministre reprend ces idéologies à son compte, et la nouvelle mouture de l'aide sociale présente cette particularité d'imposer comme préalable à l'octroi la signature d'un contrat qui fixe bien les obligations du demandeur. Désormais, le minimexé devra accepter toute mise
au travail que le CPAS lui imposera. Ce travail n'est pas relié a priori à la notion de revenu, le texte de loi prévoit tout au plus que la rémunération ne devra pas être inférieure… au minimex. Plus étonnant : dès lors qu'il y aurait rémunération, le CPAS pourra en déduire le montant de
son intervention financière pour cette mise au travail…
La grande nouveauté est, ici, l'emploi d'une notion, celle de « droit », pour signifier « obligation ». En effet, nulle part il n'est, dans le texte de loi, mentionné la moindre obligation du CPAS à l'égard du demandeur, tout
au plus le CPAS peut-il proposer une mise au travail (que le demandeur ne peut refuser), jamais il n'y est forcé par le demandeur. Quant aux jeunes de moins de 25 ans, il est tout bonnement mentionné que les obligations qui leur seront faites ne devront pas même tenir compte de leurs avis. Faut-il rappeler au Ministre que la notion de dignité hulmaine signifie que les personnes doivent pouvoir influer sur le cours de leur vie?
Ce droit, par ailleurs, s'exerce dès lors qu'est signé un contrat avec le CPAS, censé matérialiser un "contrat avec la sociéé". On sait ce que cela signifie. La notion de contrat entre deux parties égales est absolument inadaptée à la situationn du demandeur d'aide. Il suffit de se rendre dans n'iilmporte quel CPAS pour se rendre compte que l'introduction d'une demande d'aide n'est pas chose aisée. Plusieurs éléments sont là pour pousser à ne pas aller au terme du processus: longue attente, mauvaise informatioon,
demande d'une foule de documents administratifs ou informations qui parfois passent simplement pour une intrusion dans la vie privée du demandeur, visite domicilaire, ...

Suite du texte
by LDH/CCSE Wednesday July 18, 2001 at 03:27 PM

LE POSITIF ET LE NEGATIF

Il est à signaler un élément positif, à savoir le fait que désormais l'aide sociale ne se distinguera pas dans sa forme selon que les personnes sont titulaires d'une nationalité de l'Union européenne ou non. Certes le
Ministre ne voit là qu'un moyen de pouvoir contraindre à la mise au travail les non-ressortissants de l'UE, ce qui n'était pas possible à l'heure actuelle. En effet, seuls les minimexés (donc les personnes ressortissant d'un Etat membred de l'UE) de moins de 25 ans doivent établir un contrat avec le CPAS qui les force à accepter différentes obligations. En généralisant la contractualisation et le droit à tous et toutes, les mêmes obligations seront imposées aux non-ressortissants. Nous pensons que
l'égalité est un beau principe et qu'il y a là un très grand acquis. Dont le ministre, dont on sait la sympathie modérée pour les personnes d'origines étrangères (se reporter à sa gestion de la question des sans-papiers) se
maudira sûrement par la suite... Ceci dit, nous sommes toujours dans une certaine perspective : les étrangers ne seront admis au droit que s'ils sont inscrits au registre de la population, donc pas les sans-papiers.

L'idée du droit à l'intégration sociale est une très bonne chose, mais encore faudrait-il que ce droit invoqué soit un réel droit, et donc qu'il entraîne une obligation du CPAS à ce sujet. Si le droit à la mise au travail est affirmé dans l'exposé des motifs, pour les jeunes de moins de 25 ans, il
n'est pas évident que ce droit soit inscrit dans la loi elle-même. Il semble plutôt que le CPAS ait le pouvoir de mettre au travail, mais non l'obligation de le faire. Le minimexé est de son côté astreint à faire ce que dira le CPAS.
Le montant du minimex est indécent. L'augmentation annoncée (4%) est largement insuffisante, et qui plus est conditionnée, se dit-il, par le Ministre, à l'adoption de son texte. Il est évident que ce montant est insuffisant pour vivre; or il sera le montant réservé à des personnes mises au travail dans bien des cas, ce qui est inacceptable. Il convient que l'objectif du travail, s'il peut apporter un épanouissement personnel des individus, ce qui est bien sûr préférable, vise avant tout à obtenir un
salaire qui doit permettre d'accéder à un standard de vie socialement acceptable, et accéder à la sécurité sociale.
La loi ne tient pas compte de l'évolution de la société et conserve la notion de cohabitant. Cette notion vise essentiellement à réduire, dans les faits, les revenus des femmes et est un réel motif de séparation des familles. Ce statut cohabitant est une entrave au droit de nouer des
relations, en somme.
Le texte renforce les mécanismes de récupération des aides. D'une part il est dit que « l'intervention financière du centre peut être imputée sur la rémunération du travailleur » (art. 8, &3). D'autre part une véritable épée
de Damoclès menace les CPAS : le Ministre peut en effet refuser de payer la subvention ou diminuer cette subvention au CPAS s'il n'a pas respecté les dispositions relatives à la récupération du revenu vital (art. 45). Le minimexé est pris en tenaille !

CONCLUSIONS
Nous souhaiterions qu'il soit instauré un droit à l'intégration sociale. Ce doit droit, selon nous, comprendre un volet financier (on ne peut, en 2001, vivre dans la dignité en Belgique sans autonomie financière), un volet social et un volet culturel. L'insertion est un droit et doit être un atout positif pour les personnes, non une punition ; le retour à l'emploi ne peut être réduit à une mise au travail forcé. Nous sommes très inquiets face à ce
que pourrait occasionner une loi qui rend possible toutes les servitudes.
Nous considérons que l'insertion sociale doit résulter du choix librement consenti du minimexé.
Nous nous étonnons de l'absence d'évaluation de l'action des CPAS en matière de réinsertion socio-professionnelle. Sont-ils bien outillés pour cette tâche, y parviennent-il ? L'ensemble des programmes d'activation, qui ont un coût élevé, ont-il un résultat positif sur la situation professionnelle des bénéficiaires ou non ?
Nous souhaitons que soit réaffirmé le principe qui veut que toute personne a le droit de vivre dans la dignité et qu'un mécanisme d'allocation d'un revenu minimum d'existence, revenu financier, soit en vigueur. En aucun cas le fait de ne pas être compétitif sur le marché de l'emploi, voire le fait de refuser d'être mis au travail sans intérêt financier par rapport aux autres salariés, en aucun cas cela n'entraîne une indignité qui justifie la suppression du minimex, les sanctions prévues allant jusqu'à 6 à 12 mois !
Nous récusons le principe selon lequel les minimexés n'auraient pas le droit de revendiquer un vrai emploi avec les garanties usuelles de la chose ; il doit valoir la peine de travailler. Selon le principe « à travail égal,
salaire égal » il est indispensable qu'il ne soit pas créé un régime de travail dérogatoire qui soit défavorable aux minimexés (qu'il s'agisse de la rémunération, le préavis, les congés annuels, …) ou au financement de la sécurité sociale. Nous craignons l'augmentation des sous-statuts et la généralisation des travaux précaires et sous-payés.
Nous demandons qu'il soit mieux tenu compte des droits des minimexés et que, dans le cadre de la demande ou de la révision de la demande d'aide, soit fourni à l'issue de tout entretien avec un intervenant du CPAS, tout procès
verbal rédigé en vue d'évaluer l'opportunité de l'octroi ou de la suppression de l'aide.
Nous demandons la suppression du statut cohabitant, qui est une véritable atteinte à la dignité des allocataires. Cela vaut pour les allocations sociales et pour le minimex.
Nous demandons qu'il soit tenu compte de l'avis des organisations représentatives de chômeurs, minimexés, des syndicats, pour les matières qui les concernent. On ne peut se prévaloir du nom d'Etat social actif et tourner le dos au social.

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