Aventis sacrifie les OGM sur l'autel de la rentabilité by GRÉGOIRE BISEAU Thursday July 12, 2001 at 06:59 AM |
Le groupe pharmaceutique s'était déjà séparé de ses activités chimiques.
Le mardi 10 juillet 2001, Libération;
Entre l'ONU et les industriels, il y a comme un problème de tempo. Alors que les Nations unies sonnent la mobilisation générale sur les OGM, les industriels, eux, ne veulent plus en entendre parler. En scellant définitivement le sort de
sa filiale agrochimique Cropscience, le groupe franco-allemand Aventis confirme, après ses concurrents, un recentrage sur sa bonne vieille pharmacie. Hier après-midi, un conseil de surveillance du groupe s'est tenu pour choisir le candidat exclusif à la reprise de Cropscience. Les dernières rumeurs annonçaient le groupe Bayer comme grand vainqueur de ce concours de beauté. Fruit de la
fusion du français Rhône-Poulenc et de l'allemand Hoechst, Aventis maintient un cap, amorcé depuis quelques mois, avec la cession de ses activités chimiques, puis de sa division nutrition animale.
Abandon.
En se séparant de Cropscience (15 000 personnes dans le monde dont 1500 en France), le groupe abandonne toutes ses ambitions dans les «science de la vie». Un concept vendu en 1999 au moment de la fusion du français et de l'allemand pour célébrer le mariage définitif des technologies du vivant animal, végétal et bien sûr humain. A l'époque, les industriels rêvaient à l'enfantement des «alicaments» du futur: la betterave qui soignerait le cholestérol, ou encore
le fameux golden rice, ce riz riche en bétacarotène qui pourrait soigner la cécité.
Stars.
Evalué à plusieurs centaines de milliards de dollars, le marché des OGM (organismes génétiquement modifiés) faisait saliver toute la profession, tandis que les biotechnologies étaient encore les stars du marché financier. Mais le
soufflet OGM est retombé. La mobilisation des opinions publiques européennes a tué dans l'œuf ce projet industriel. A l'image du suisse Novartis ou de l'américain Pharmacia, les groupes pharmaceutiques se sont mis à se séparer de leurs filiales agrochimiques (celles qui regroupent la production d'OGM).
Aventis n'a pas échappé à ce mouvement. D'autant que son incursion sur le terrain des OGM s'est soldée par un très mauvais dérapage. La trace de son maïs transgénique, Starlink, exclusivement développé pour la consommation animale, a été retrouvée aux Etats-Unis dans des tacos d'une chaîne de restauration mexicaine. «Cet épisode ne nous a pas aidés pour plaider notre cause», reconnaît
un syndicaliste de Cropscience. C'est en fait l'ensemble de la planète OGM qui ne se porte pas très bien.
Retrait.
Seul le soja transgénique a réussi à se faire une belle place aux Etats-Unis et en Argentine. «Pour l'instant toute l'industrie des OGM est bloquée. Les producteurs de semences reviennent à des technologies de croisement
classiques», affirme Rodolphe Clerval, analyste financier chez Natexis Capital.
Retour dans la pharmacie.
Avec un taux de croissance d'environ 10 % et une rentabilité qui peut dépasser les 20 %, le marché mondial du médicament est, lui, en grande forme. Dans la grande course à la taille, tout est encore possible, puisque le leader mondial Pfizer ne détient que 7 % du marché.
C'est exactement le pari que prend Aventis. Du moins pour l'instant. «Cela ne veut pas dire que le projet de science de la vie est définitivement mort. Il reviendra sûrement, mais dans dix ou quinze ans», soutient un porte-parole du groupe. Autant dire une éternité...