Les centres fermés, un système concentrationnaire by A. Devries Thursday June 28, 2001 at 09:12 PM |
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La principale fonction des centres fermés et des expulsions n'est pas de réguler les flux migratoires comme on le répète jusqu'à la nausée.
Ni prison, ni prisonnier, mais régime carcéral sous haute surveillance. Droit de visite très limité, violation
de la correspondance, abus de pouvoir constants et totale irresponsabilité de l'administration. Cette dernière n'a de
compte à rendre qu'à elle-même et se sent systématiquement couverte par les autorités. Même après la mort de plusieurs
pensionnaires (Sémira Adamu, Xevdet Ferri) aucune sanction n'a été prise et aucune modification du processus d'enfermement et d'expulsion n'a été apportée.
Les centres fermés et les expulsions permettent aussi d'instaurer un système d'apartheid envers les immigrés non européens.
-De toute façon après l'expulsion, il est impossible aux pensionnaires de se plaindre-
Cette population que l'on fait venir par les moyens d'une économie maffieuse et parallèle est maintenue dans une situation d'esclavage par l'absence de possibilité de résidence légale (les fameux papiers) et par une inflation de mesures répressives spécifiques.
Trois aspects - l'enfermement dans un lieu hors du monde, l ' éloigne - ment confinant à l'oubli et la terreur exercée sur les restants - sont les principales
caractéristiques de la politique des camps. Les camps de concentration n'ont pas eu comme seul exemple les camps
d'extermination nazis. Ceux-ci visaient en plus des trois éléments décrits le génocide d'une population. Or tous les camps ne sont pas liés à un génocide ; les camps anglais de la guerre des Boers visaient à isoler une population de son armée, les camps soviétiques et chinois à créer une main d'œuvre bon marché et à briser des opposants au régime. En outre, le génocide rwandais démontre qu'un système
concentrationnaire n'est pas forcément nécessaire pour commettre un génocide.
Les centres fermés, pièce maîtresse de la politique d'expulsion, permettent de visualiser la répression commise à l'égard de toute la population immigrée. Ils sont au
centre d'une politique gouvernementale basée sur la discrimination envers les étrangers et visant à briser l'ensemble des solidarités entre travailleurs.
Le centre fermé fait tache d'huile : la généralisation
de sa logique concentrationnaire à l'ensemble de la procédure d'asile, les droits sociaux dont ne peuvent plus bénéficier les demandeurs, la mise sous tutelle des acteurs de l'accueil par les acteurs de la répression. Toutes ces mesures institutionnalisent la xénophobie et rompent la chaîne de solidarité par son maillon le plus faible.
Le dépérissement de l'état social, pilier de la démocratie passe aussi par le centre fermé. Cela renforce le contrôle de toute la population car cela lui donne à voir l'autre, l'étranger comme une menace pour son confort de vie. L'abandon de la lutte pour une réelle justice sociale entraînant la régression des acquis sociaux est le pire des
effets de la politique de xénophobie institutionnalisée.
Le droit d'asile, la convention de Genève doit nous préserver de la honte que furent l'attitude des pays européens vis-à-vis des réfugiés, Espagnols, Allemands,
Juifs et autres apatrides lors de la seconde guerre mondiale. Ce droit d'asile se rétrécit chaque jour sous les coups d'une procédure dont l'expulsion est la règle et
l'asile la trop rare exception.
On ne construira de politique d'immigration saine que si l'on se débarrasse de la machine répressive et concentrationnaire d'enfermement et d'expulsion. Tant qu'elle se maintient, elle grève toute tentative de construction d'une solidarité étendue à l'ensemble de la population et nous plonge de plus en plus vers une barbarie que nous pensions pouvoir dépasser.
Sa fonction est de concentrer en un lieu clos, loin des yeux et des oreilles du monde, des personnes jugées indésirables et que l'on a décidé de faire disparaître.