D'où venons-nous, où allons nous, etc... by Malvira Tuesday June 05, 2001 at 12:09 PM |
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Pour en finir avec un trompe-l'oeil de mouvement social dénommé "anti-mondialisation"
D'où venons-nous, où allons nous, etc...
Pour en finir avec un trompe-l'oeil de mouvement social dénommé "anti-mondialisation"
Par tous les canaux d'information de masse, on le professe : un nouveau mouvement social est né, il porte le nom d'anti-mondialisation - anti-globalisation en anglais, ce qui signifie précisément la même chose et est parfois retranscrit tel quel . Son existence est révélée et authentifiée par des rassemblements de masse organisés pour protester contre des institutions internationales, plus ou moins étatiques ou plus ou moins privées, aux appellations souvent acronymiques et également obscures (FMI, OMC, G8, Banque Mondiale, ...).
En France, ses interlocutrices dans les médias conventionnels sont la confédération paysanne incarnée par l'illustre moustachu et l'association pour la taxation des transaction financières et l'aide aux citoyens, plus familièrement nommée Attac.
Que signifie ce mouvement, qui rassemble-t-il, contre quoi, pour quoi et comment combat-il? Ce sont là des questions essentielles à partir du moment ou l'on considère que l'énergie de résistance qui agite les rues depuis quelques mois peut s'organiser suffisamment pour avoir un retentissement qui dépasserait le phénomène de mode rapidement réintégré à son silence initial.
Après mon retour de Nice (décembre 2000, protestation contre une réunion des chefs d'état de l'union européenne), qui constitua un fiasco particulièrement exemplaire de contre-sommet, je me posais des questions d'ordre essentiellement stratégiques sur la pertinence de ce type de rassemblement.
En rentrant de Nice où le grand rassemblement de contestation contre le sommet de l'UE avait vite tourné au bordel parfumé de gaz lacrymogène et où le déploiement d'imposantes forces répressives avait paralysé toutes nos velléités d'action autres qu'émeutières, j'ai ressenti une sale impression de foncer dans des panneaux trop visibles et trop évidents. Un peu à l'image du taureau, lors de ces séances de cruauté publique, qui fonce tête baissée sur le chiffon coloré qu'on lui tend.
Il me paraissait distinguer dans ce brouillard qui nous piquait les yeux et nous brûlait les poumons une possibilité d'organiser notre résistance de manière plus stratégique et réfléchie que celle, intuitive et brute, qui nous avait rassemblé-e-s devant ces barrières défendues par des CRS.
Ce malaise que j'avais commencé à ressentir concernant un manque de réflexion stratégique cohérente continuait de me coller aux baskets, renforcé par un sentiment de défomation médiatique extrême, ainsi que par l'observation de l'augmentation de l'organisation policière à notre égard.
En janvier 2001, j'ai effectué un petit périple en Suisse, histoire de ne pas louper le rendez-vous de Davos qui nous était proposé dans l'"agenda du militant", nouvelle rubrique un peu caricaturale du site indymedia France.
Pour s'attaquer au "forum économique mondial", une série d'actions variées et ludiques avaient été préparées pour bloquer l'accès des délégués à la station de ski ultra-chic ou ils prévoyaient de fomenter leurs crimes à grande échelle et autres contrats d'exploitation pour tel ou tel pays… tout cela entre les couloirs d'hôtels de luxe, les salles de réunion feutrées et cocktails mondains.
La coordination anti-OMC de Suisse, ne faillissant pas à l'image d'épinal de leur confédération (pas paysanne celle-là), avait préparé les plans de bataille dans les moindres détails et avait diffusé très largement l'appel à venir participer aux festivités militantes prévues.
Cette fois, à la différence du grand cafouillage de Nice, on ne pourrait plus invoquer le manque de préparation.
Et pourtant, toute notre vaillante organisation fut globalement mise en échec ( dans son objectif formulé de freiner ou d'empêcher les réunions en tous les cas) par le déploiement de forces de police démesurées. Tout avait été mis en place pour acceuillir de dangereux terroristes internationaux, depuis le bouclage généralisé des frontières à la fermeture de l'accès de la vallée menant à Davos par tous les corps de maintien de l'ordre immaginables (même des tanks de l'armée avaient été réquisitionné dans la zone).
Une question qui me semble importante à éclaircir avant toute velléité d'interrogations prospectives sur l'efficacité des actions : qui les fait et pourquoi?
Pour être plus précise : qui se cache derrière ce mouvement nommé "anti-mondialisation" par les journalistes et que revendique-t-il?
Autant vous décevoir tout de suite : point de grand rassemblement unitaire, de beau mouvement juste et pur où jeunes et anciens de tous bords et de toutes étiquettes idéologiques font avancer, dans un grand élan salvateur, l’humanité sur son chemin de pierres et de fleurs (oui, j’aime le lyrisme désuet).
Mais bien la convergence ponctuelle d’un foisonnement de manières de fonctionner, d’envisager le changement social et les luttes… et des gens, des intuitions et des sensibilités qui se rencontrent en se renforçant ou s’entrechoquant.
Avant d'avancer, observons sa dénomination car le terme d'"anti-mondialisation" ne me parait pas refléter l'essence de la contestation qu'il porte.
Il serait plus correct de considérer l'expression "anti-mondialisation" comme un fourre-tout totalement vague qui ne déplaît ni ne plaît à personne (sauf peut-être aux nationalistes) puisqu'il ne signifie rien précis. C'est donc un terme commode et nullement subversif dont se sont emparés les journalistes.
Mondialisation doit signifier quelque choses comme extension de l'échelle des interactions d'un niveau national ou régional vers un niveau mondial et donc sans doute le fait que si l'on veut agir sur une sphère de ces interactions, il faut prendre en compte des paramètres à l'échelle mondiale.
Mais en réalité, la mondialisation peut s'effectuer dans un tas de domaines aussi larges que culturel, humain, économique, politique, écologique,...
Et je ne pense pas que les personnes venues protester à Nice ou à Davos s'élèvent par exemple contre le renforcement des échanges humains et culturels à l'échelle mondiale (type de position qui relèverait plutôt de thèses racistes et nationalistes).
De la bouche des manifestants, si certains se revendiquent contre la mondialisation, c'est contre la mondialisation néo-libérale précisent-ils, nuance sémantique assez fondamentale me semble-t-il.
Cette critique de la mondialisation néo-libérale repose sur une mise en lumière du regroupement à l'échelle mondiale des détenteurs du pouvoir capitaliste, ainsi que de l'aspect totalitaire de la pensée unique qui constitue leur socle idéologique.
Ce petit rappel éclaircit au moins la question de l'origine des cibles prioritaires visées par les actions de grande envergure appelées contre sommets.
On pourrait considérer cette question de vocabulaire comme secondaire et somme toute pas si préoccupante. Pourtant, après la brillante métaphore de la novlangue développée par Aldous Huxley dans 1984, il n'est plus vraiment nécessaire de démontrer l'importance des mots et du language dans la formation des idées et la possibilité d'envisager des concepts. Il me semble dès lors urgent de ne pas se laisser piéger par l'altération médiatique de notre agitation sociale. Arrêtons de participer à cette déformation de ce que nous sommes et proscrivons tant que possible ce terme anti-mondialisation pour nous désigner nous-mêmes.
Je n'ai hélas pas trouvé de formulation de remplacement aboslument convaincante. Parce qu'il me semble qu'il y a quelque chose à désigner au-delà des termes anticapitaliste ou anti-néolibéralisme (selon le niveau ou l'on se place). Les seules pistes ou m'ont menées mes cogitations donnèrent des résultats du genre "joyeux insoumis autonomes" ou "résistants unis en expérimentation d'utopie". A vous de voir.
Ayant éclairci cette question de vocabulaire, peut-être pourra-t-on approcher plus pertinemment le contenu de ce supposé mouvement.
Gardons à l'esprit que cette vague d'agitation est fort récente. Les manifestations et actions de blocage contre la réunion de l'organisation mondiale du commerce à Seattle, événement fondateur du mythe -médiatique ou non- de l'anti-mondialisation, datent de novembre 1999 et donc à peine un an et demi avant l'instant ou je tape ces lettres sur un clavier. Elles ne constituaient pas la première manifestation publique contre ces institutions puisque en 98 Genève avait déjà vu ses rues s'animer par des manifestations contre l'OMC et en juin 99 un défilé de plus grande envergure encore eut lieu à Cologne contre sommet du G8.
Au risque de glisser dans des considérations tarte à la crème, il me paraît utile de rappeler en quelques mots le contexte d'où émerge cette ébullition.
En 1989, la chute du mur de Berlin a consacré et révélé dans sa splendeur la déliquescence de toutes les utopies qui avaient agité les passions et polarisé la société au XX ème siècle. La mise en pratique du marxisme à grande échelle avait donné lieu au gâchis et aux errements que l’on sait. De son côté, la social-démocratie et le compromis entre l’état et le marché qu’elle instituait se décomposait sous les attaques orchestrées du néo-libéralisme, grandement poussé par les deux gouvernements phares des années'80 en la matière, à savoir Reagan aux États-Unis et Thatcher en Grande-Bretagne. Les vieilles idéologies du XX ème siècle, malgré les nombreux fragments qu'on peut en retenir, perdaient tout intérêt mobilisateur dans leur cohérence.
Sur cette toile de fond de désert idéologique dont héritait l'occident, de nouvelles formes de luttes et aussi de nouvelles revendications allaient émerger au sein du paysage politique qui se recomposait.
Surgirent au cours des années'90 (énumération totalement spontanée, aléatoire et non exhaustive, s'entend) : le mouvement des chômeurs, l'apparition d'une réflexion sur le néo-libéralisme dans les écrits du monde diplomatique, la lutte contre le transgénique, l'influence de la lutte zapatiste au Chiapas avec son célèbre "Ya basta" et son message que chacun-e commence à résister à la domination dans les réalités ou il/elle se trouve, la lutte aux côtés des sans-papiers, la critique du syndicalisme corporatiste traditionnel, …
Au milieu de ce bouillonnement survient l'événement phare, le mythe fondateur des manifs de Seattle contre l'OMC ("la plus grande mobilisation de rues aux Etats-Unis depuis les manifs contre la guerre du Vietnam" nous annoncent les médias marchands).
A propos de Seattle, il serait intéressant de se pencher sur la manière dont l'importance symbolique de cet événement est apparue pour nous. Il existe un rapport complexe et tortueux sur l'influence de l'écho médiatique par rapport à nos propres analyses. Puisque à la fois Seattle a été le révélateur de la mise en place à grande échelle de stratégies d'action directe par groupes affinitaires organisés de manière décentralisée dans les manifestations… Et à la fois l'écho démesuré qu'en ont donné les grands médias peut avoir aveuglé notre jugement sur l'ampleur de réalité stratégique de l'événement.
Est-ce que le spectacle médiatique peut à un moment donné se faire dépasser par "événements réels"? C'est à dire en quelque sorte refléter un événement d'une manière qui ne soit pas purement inféodée aux desseins de l'extension du monde marchand?
Dans le sillage de Seattle, l'enthousiasme se répand comme une traînée de poudre. Chose qui ne s'était plus vue depuis longtemps, l'espoir renaît quand à la possibilité d'un mouvement consistant de lutte et de résistance international contre le système marchand en vigueur et qui lui ne perd aucune occasion pour se renforcer et afficher partout sa suprématie.
Les dates de ce qu'on appelle désormais "contre sommets" commencent à s'aligner, mais rapidement, le chœur des voix de la résistance sonne faux et les frictions entre formes de lutte et d'organisation ou au niveau des revendications font résonner leurs notes discordantes de ci et de là.
Le premier élément qui déclencha les passions, et ce fut déjà le cas à Seattle : la question de la violence (ou ce qui est considéré comme tel) de certains manifestants fait immanquablement la une des médias et constitue une source de polémiques passionnées et inépuisable.
S'il existe un réel débat à entretenir sur notre rapport à la violence, la manière dont l'abordent les médias commerciaux est totalement tronquée.
Cette violence supposée ou réelle des manifestants contre les réunions qui matérialisent l'ordre dominant et le légitiment constitue le principal thème de discrédit. C'est elle qui permet de qualifier de vandales sans réflexion politique ceux et celles qui se livrent à la destruction de biens matériels pendant les manifestations. Les groupes et individus principalement visés par ce déchaînement anti-violence sont ceux et celles qui se revendiquent de près ou de loin des idées et principes du black bloc.
Le black bloc n'est ni une organisation, ni un groupe de personnes en particulier. C'est un ensemble de principes et de modes d'action diffusés par différents moyens et que des personnes ou groupes se réapproprient. Ils s'articulent autour de l'organisation par groupes affinitaires, un costume sombre avec le visage masqué, et la mise en œuvre de destructions de biens matériels symboliques de la société marchande et industrielle. Leur discours politique est radical et la construction de leurs pratiques plutôt efficace et cohérente.
"Nous affirmons que la destruction de la propriété n'est pas un geste violent si cela ne met pas de vie en cause ou n'entraîne aucune blessure. Cette définition de la propriété privée (…) signifie qu'elle est infiniment plus violente que toute action portée à son encontre".
Cette stigmatisation et réduction en vandalisme d'un mode d'action ne doit pas être comprise comme le fruit d'une incompréhension mais bien le reflet d'objectifs politiques différents.
Ce qui fait peur aux groupes qui critiquent et pointent du doigt la violence, ce n'est pas celle-ci en tant que telle mais plutôt le fait que de telles actions illégales et incontrôlables puissent mettre en question possibilité de discussion avec le pouvoir en place.
"(…) la violence est contreproductive, car elle nuit à l'image des opposant-e-s qui veulent discuter. Les ONGs, les chefs des pays pauvres et les représentants autoproclamés des mouvements sociaux doivent dialoguer avec les magnats du pouvoir et travailler main dans la main pour trouver des solutions constructives. Celles et ceux qui refusent de discuter sont méchants, utopiques, chaotiques, des casseurs. Ils/elles ne comprennent rien et ne respectent pas les règles du jeu." ( Et bing dans l'œil! : recueil de textes pour contribuer aux luttes contre la globalisation et le capitalisme, Lausanne, janvier 2001)
Le meilleur exemple de cette confusion des genres est qu'on a vu à plusieurs reprises les personnes se réclamant de non-violence agresser physiquement des membres de black blocs pour les empêcher d'être violents.
Si la question de ce qui est nommé comme violence renvoie plutôt à celle de la respectabilité, quelles sont les divergences de vue qui peuvent se jouer à ce niveau?
Actuellement, les pouvoirs contestés adoptent une position marketing jouant sur le discours d'ouverture démocratique, la volonté de dialogue constructif. La banque mondiale se préoccupe du développement, le world economic forum des inégalités planétaires ou le fond monétaire international d'environnement. Ils sont prêts à écouter les critiques de leurs opposants et entamer un dialogue.
La réaction des protestataires est nettement divergeante entre les nostalgiques du keynésianisme perdu et les radicaux qui veulent changer les valeurs même qui orientent la société.
Les citoyennistes sont bien sur tentés par cette possibilité de rétablir la place de l'état régulateur des excès trop visibles de la loi du profit, de la concurrence et de l'accumulation matérielle sans limite. Pour que ce dialogue puisse s'instaurer de manière pacifique, il ne faut naturellement pas mettre en question réellement le pouvoir de ceux qui gouvernent.
C'est bien là que se situe la fameuse respectabilité.
D'autres groupes considèrent qu'il n'y a pas lieu d'entamer de discussions ou de négociations avec un pouvoir auquel ils ne reconnaissent aucune légitimité. Arguant une mise en question radicale du système social en vigueur, ils considèrent que le changement social ne passera pas par une négociation de modifications progressives des règles appliquées mais bien par la prise en main ici et maintenant de leur quotidien et leurs choix par les gens qui résistent. Et adaptent leurs moyens d'action en cohérence avec ce choix politique. La désobéissance civile et l'action directe non-violente prennent leur signification à cet endroit.
Evidemment, considérer ces deux conceptions avec un dualisme intransigeant relèverait d'une forme d'intégrisme quelque peu grossier. La frontière entre compromis utile dans une vision défensive ou de stratégie d'urgence et compromission sur les buts fondamentaux se module à la manière d'un art subtil et périlleux.
Le pouvoir en place (médiatique ou répressif) joue sur cette opposition pour justifier sa criminalisation. Il n'est pas anti-démocratique puisque les groupes constructifs sont reconnus et ont le droit de s'exprimer. Mais que faire de ceux qui ne sont que contestataires et destructeurs? D'autant plus s'ils sont violents… En toute logique, ils doivent être neutralisés pour être mis hors d'état de nuire.
C'est là qu'apparaît le volet inquiétant de ce que nous nommons répression et qui s'abat sur nous sous forme de violence policière, renforcement de l'utilisation du fichage, condamnation et emprisonnement pour motifs montés de toutes pièces et autres formes d'intimidation.
Le deuxième point de division importante, directement lié au premier est la question de la stratégie face aux médias. S'il est question de déformation et d'illusion, c'est bien à ce niveau que les choses se jouent. Et si le piège commence au moment ou l'on nomme les choses (anti-mondialisations de tous pays…), les sirènes de la reconnaissance médiatique peuvent aussi nous faire perdre la boule sur le contenu de notre identité.
René Riesel, dans un entretien accordé au journal No Pasaran, résumait de manière très précise le danger qu'il y a à se laisser mettre en scène.
"Quiconque observe de bonne foi l'évolution de cette société n'échappe pas à la conclusion qu'une de ses forces est de savoir répondre, par anticipation s'il le faut, aux nouveaux problèmes de gestion, de régulation et de contrôle sociaux que lui pose son incontestable victoire historique : elle est, pour l'essentiel, venue à bout de toutes les formes connues de résistance à son empire.(…) Elle a appris qu'il sera toujours avantageux de mettre en scène les conflits fictifs où elle laisse aux adversaires factices qu'elle se choisit le soin de rédiger leur cahier de doléances et la liste des aménagements qu'elle a besoin de mettre en œuvre."
L'évidence du piège de ce jeu médiatique ne semble pas forcément largement partagée.
Il s'en trouve toujours pour vous soutenir à grands coups de réalisme que l'avantage des stars hyper-médiatisée serait de faire passer le message contestation aux masses abruties par le nouvel opium du peuple. Si les médias en parlent, ca va toucher beaucoup de gens et peut-être les faire réfléchir, alors c'est bien.
Bien évidemment, la question de toucher des gens hors d'un cercle de convaincus est essentielle. Mais vouloir refiler ce boulot aux médias sous prétexte qu'on n'a pas l'énergie de le faire ou par peur d'assumer un côté prosélytiste serait faire preuve d'une naïveté bien étrange.
La manipulation médiatique s'effectue autant par le choix des sujets abordés ou non que par l'angle de vue développé. Croire qu'on pourrait introduire une subversion conséquente dans l'homélie objective des médias par une bonne manière de se présenter à eux, c'est se tromper de terrain de combat.
Le développement de médias indépendants et à plus large diffusion paraît une arme beaucoup plus efficace pour contrer la censure médiatique. L'apparition de la déesse internet a donné un coup d'accélérateur appréciable à la diffusion d'informations subversives et au débat en temps réel. La création du site indymedia.org à Seattle et la manière très rapide dont ce projet a été repris dans une flopée d'endroits du monde est très révélatrice de ce phénomène. Il suffit pour s'en assurer d'observer en France l'importance en tant que lieu d'information et de débat qu'a pris le site france.indymedia.org en à peine un an d'existence.
Evoquer les écueils des diverses manipulations exercées contre une résistance qui s'entête à se construire dans un contexte ou elle peut sembler désespérée ne constitue rien de très original.
Le sentiment imprécis mais dérangeant de ne pas forcément focaliser notre énergie sur les cibles importantes et aussi d'agir dans un cadre ou toutes les aspirations sont subtilement tronquées est palpable et s'exprime de différentes manières. Depuis les appels à radicalité qui fleurissent partout dans la presse militante jusqu'au monde diplo qui consacre la 2ème page de son numéro d'avril à récupération, tout le monde sent de manière diffuse qu'on ne joue pas forcément dans le jeu ou l'on croit et que les matraques ne sont pas nécessairement nos ennemies les plus redoutables.
Et contrairement aux grands cris des perpétuels enthousiastes et autres toxicomanes du mouvement de masse, je ne pense pas qu'il soit forcément stratégique de diluer les contradictions opposant ceux qui luttent sur les mêmes terrains et globalement face aux mêmes ennemis (en tous cas certains d'entre eux). Ni de les réduire à des conflits de personnes ou de concurrence de pouvoir entre des groupes.
L'enjeu de cette réflexion critique n'est pas d'agiter l'épouvantail de la récupération pour masquer une vacuité de projet et de construction d'alternative radicale. Mais bien d'ouvrir la voie pour commencer sérieusement à s'atteler à cette construction.
"On n'alimente pas son impatience de renverser la dictature de l'économie sans faire l'effort de comprendre ses principaux ressorts réels, en collant une phraséologie et des déchets idéologiques hors d'âge (du temps que la gauche n'aurait pas été contre-révolutionnaire ?) sur le programme de l'économie à visage humain". (René Riesel)
A nous de défnir maintenant collectivement : que signifie ce mouvement, qui rassemble-t-il, contre quoi, pour quoi et comment combat-il ?