arch/ive/ief (2000 - 2005)

Grande-Bretagne, Australie; unité sans précédent de la gauche radicale
by Ataulfo Riera Thursday May 24, 2001 at 01:35 PM
Plantin@skynet.be POS, 29 rue Plantin 1070 Bruxelles

Dans toute l'Europe la gauche radicale doit faire face au défi de se réorganiser pour faire face aux nouvelles conditions politiques qui émergent.

Grande Bretagne

Le plus grand défi électoral de la gauche radicale depuis la guerre
par Alan Thornett*

Dans toute l’Europe la gauche radicale doit faire face au défi de se réorganiser pour faire face aux nouvelles conditions politiques qui émergent. La chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’URSS au début des années 1990, comme la montée des luttes ouvrières au cours de la seconde moitié de la décennie — en particulier les grèves massives en France à la fin 1995 — ont inscrit ce défi en caractères gras à l’ordre du jour. Le développement du mouvement contre la mondialisation capitaliste à la fin de la décennie a élevé cette exigence d’un nouveau cran.
Comme résultat de la pression de ces différents événements nous avons pu voir l’émergence du Parti de la refondation communiste en Italie, de la Gauche unie en Espagne et plus récemment du Bloc de gauche au Portugal. Au niveau électoral nous avons vu la campagne commune de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) et de Lutte ouvrière (LO) en France, qui a permis l’élection de cinq député(e)s au Parlement européen. Et en Grande Bretagne nous avons assisté à l’émergence du Parti socialiste écossais (SSP) et enfin à celle des Alliances socialistes en Angleterre et dans le pays de Galles.

Développement spectaculaire

Le développement spectaculaire de l’Alliance socialiste en Angleterre — qui présente des candidats aux prochaines élections législatives aux côtés du Parti socialiste écossais en Écosse et de l’Alliance socialiste dans le pays de Galles — constitue le phénomène le plus récent . Il a été déclenché par le succès de l’Alliance socialiste de Londres (1) — lors de l’élection du Conseil du Grand Londres l’an dernier (lorsque Ken Livingstone a défié Blair en se présentant comme candidat au poste de maire), qui obtint les meilleurs résultats électoraux que l’extrême gauche britannique ait obtenus depuis de longues années — et par la décision du Socialist Workers Party (SWP), la principale organisation de l’extrême gauche britannique, de s’investir pleinement dans l’Alliance.

La décision de Blair de reporter les élections du 3 Mai au 7 Juin (2) constitue pour l’Alliance une bonne nouvelle. Elle lui laisse plus de temps pour compléter ses préparatifs. Car si l’Alliance pouvait mener une campagne plausible pour le 3 mai, elle sera mieux préparée et pourra présenter plus de candidats pour le 7 juin. Cela non seulement parce que la croissance de l’Alliance a dépassé les espoirs de la plupart de ceux qui en sont à l’origine, mais aussi parce que son potentiel ne s’était pas encore pleinement développé le jour de clôture du dépôt des candidatures pour le scrutin, si celui-ci devait avoir lieu le 3 mai.

L’Alliance c’était fixé le but de présenter 88 candidats — le nombre requis pour bénéficier de l’accès à la campagne radiotélévisée. Ce but a déjà été atteint, sans qu’on ait eu besoin de présenter des “candidatures de témoignage”, ce qui semblait nécessaire au début. Et les candidatures continuent à être sélectionnées dans les circonscriptions par de nouveaux groupes locaux qui assureront une campagne viable. En fin de compte il y aura probablement autour de cent candidatures en Angleterre — loin des cinquante qui étaient envisagées lorsque l’Alliance socialiste anglaise fut lancée voilà 7 mois.

Les quelque cent candidatures anglaises, auxquelles il faut ajouter les 72 candidatures présentées par le SSP dans toutes les circonscriptions écossaises et les 9 candidatures de l’Alliance socialiste galloise, représentent le plus grand effort électoral de la gauche radicale lors d’une élection législative depuis la dernière guerre.

Rupture de la tradition travailliste

On assiste à un approfondissement de l’hostilité feutrée des électeurs travaillistes traditionnels et l'on perçoit leur sentiment d’avoir été trahis par le New Labour (3), qui s’est déplacé à droite et est devenu le principal véhicule du néolibéralisme en Grande- Bretagne et en Europe. D’autant que si le New Labour est un exemple du tournant droitier de la social-démocratie dans toute l’Europe, il a été plus loin que les autres partis-frères avec l’objectif avoué de transformer le parti travailliste en un parti capitaliste semblable au parti démocrate des États-Unis.

En ce qui concerne les privatisations comme en ce qui concerne toute une gamme de questions sociales, depuis la santé jusqu’au droit d’asile, le Premier ministre travailliste Tony Blair est plus à droite que son prédécesseur conservateur. Il a tissé de nouvelles relations avec les employeurs et une large part des finances de son parti provient aujourd’hui des dons des plus grandes fortunes. La campagne et la victoire de Ken Livingstone à la mairie du grand Londres l’an passé a témoigné de la désaffection de la base sociale travailliste traditionnelle, même si Livingstone lui-même a tourné le dos aux aspirations qui s’étaient identifiées à sa campagne, en mettant en place une administration interclassiste avec les conservateurs et les libéraux démocrates, et n’a pas tenté d’offrir une alternative politique à ceux qui se sont tournés vers lui.

Le New Labour est cependant donné encore gagnant dans les prochaines élections, car la perte des voix parmi ses partisans traditionnels est plus que compensée par le gain des électeurs conservateurs que la politique de Blair satisfait. Il occupe en effet le terrain politique qui était auparavant identifié au parti conservateur, alors que ce dernier a évolué vers la droite xénophobe et traverse une grave crise qui le prive de l’espoir de pouvoir emporter les élections. Il est vraisemblable qu’après les élections on assistera à un violent éclatement de la direction du parti conservateur.

Développement de l’Alliance socialiste

L’important développement que connaît l’Alliance socialiste en Angleterre ne peut être mesuré uniquement à l’aune du nombre des candidats présentés. Son développement organisationnel et politique au cours des derniers mois mérite d’être également souligné. De nouvelles Alliances se forment toujours dans les endroits où elles n’existaient pas auparavant. En voyant la nouvelle unité forgée par la gauche et la possibilité de construire une alternative sérieuse à la marche rétrograde du blairisme, les gens reprennent de la vigueur, s’investissent à nouveau dans l’activité politique.

La décision de la dirigeante de la gauche du Labour, Liz Davies, de quitter le parti travailliste, après avoir passé deux ans au Comité national exécutif en tant que membre du regroupement de la gauche connu sous le nom d’Alliance de la base (Grass roots Alliance), et de rejoindre l’Alliance socialiste, a donné des idées à bien d’autres. Ceux-là reconnaissent que la gauche travailliste ne va pas se renforcer à court terme et que la principale opposition au blairisme va être bâtie hors du Labour Party, au travers des campagnes de masse telles les mobilisations anticapitalistes et les mouvements sociaux. Des militants individuels, des groupes de militants ou d’ex militants travaillistes, des syndicalistes rejoignent de plus en plus l’Alliance socialiste. Louise Christian, une avocate connue pour son engagement en faveur des droits humains, est candidate de l’Alliance. Mark Serwotka, le nouveau secrétaire général du grand syndicat de la fonction publique PCS (Public an Commercial Services union) est un chaud supporter de l’Alliance, tout comme Dave Toomer, le président du syndicat national des journalistes (NUJ). La décision des travailleurs impliqués dans la longue lutte contre la privatisation de l’hôpital de Dudley (West Middlands) de mettre en avant l'un d’entre eux comme candidat de l’Alliance socialiste est le symbole de ce que l’idée de l’Alliance, qui est un défi électoral pour le New Labour, se développe parmi ceux qui luttent contre la politique blairiste.

Les Alliances locales sont devenues plus structurées et se sont développées en tant qu’organisateurs des campagnes locales autour des questions telles que le logement, les droits des immigrés, l’éducation ou les retraites, tout en mobilisant pour les initiatives nationales et pour les mobilisations internationales contre la mondialisation capitaliste, comme celle prévue à Gênes en juillet. L’Alliance a aussi un important impact au sein du mouvement syndical, comme en témoignent les débats qui se développent en leur sein autour de la question du financement du Labour Party. Ce dernier ayant été construit autour et par les syndicats, ceux-ci le financent traditionnellement, mais la question est ouverte aujourd’hui de savoir si les syndicats ne devraient pas tenir compte du nouveau rôle du parti travailliste en ce qui concerne par exemple l’emploi ou le soutien apporté par ce parti aux lois antisyndicales imposées par les conservateurs et s'ils ne devraient pas financer d’autres formations politiques. L’Alliance a joué un rôle important dans les congrès syndicaux tenus cette années, en particulier lors du récent congrès du syndicat enseignant NUT. L’existence de l’Alliance a aussi exercé une forte pression en faveur de l’unité de la gauche syndicale, qui était divisée depuis de longues années.

En même temps on assiste à un déclin profond de la gauche travailliste alors que le Parti communiste — dans le passé un opposant efficace tant face à l’extrême gauche que face à la gauche syndicale — a éclaté et est devenu insignifiant. Cette mouvance présentera quelques candidats — tout comme le Socialist Labour Party d’Arthur Scargill, stalinoïde et sectaire — mais sera éclipsée à gauche par l’Alliance.

Malgré la croissance et l’impact de l’Alliance, le vote en sa faveur sera réduit par le système électoral britannique, particulièrement antidémocratique (4), qui désavantage les formations petites et moyennes. De toute manière ce qui importera, ce sera non ce que l’Alliance fera le jour de l’élection, mais ce qu’elle fera au lendemain et comment elle organisera sa base en dehors d’une campagne électorale.

Les débats de l’Alliance

Le plus important pas en avant déjà accompli par l’Alliance a été réalisé lors de sa conférence nationale tenue à Birmingham le 10 mars. Cette conférence était en elle-même un événement historique, car la quasi-totalité de l’extrême gauche britannique y était présente. Elle a adopté un long manifeste électoral (3000 mots), qui sera une carte de visite de l’Alliance non seulement dans la campagne électorale, mais aussi au cours du stade suivant de sa construction.

Ce manifeste est le produit d’une journée de débats, menée principalement par les organisations politiques faisant partie de l’Alliance : le SWP, le SP, l’ISG, Workers Power, Workers Liberty, Communist Party of Great Britain et le Revolutionary Democratic Group (5). Le manifeste a été adopté chapitre par chapitre. La question politique clé, qui dominait ce débat, était celle de la définition politique de l’Alliance. Certaines organisations — en particulier le WP, le CPGB et le RDG — voulaient que l’Alliance adopte immédiatement un programme révolutionnaire complet, incluant le pouvoir des conseils et les escadrons ouvriers armés d’autodéfense, à partir d’un point de vue ultra-gauche propagandiste. A leurs yeux l’Alliance devait se transformer immédiatement en parti révolutionnaire et tout manifeste qui ne serait pas le programme complet de la révolution socialiste serait à leurs yeux une capitulation face au réformisme.

La majorité, dont nous-mêmes (l’ISG), le SWP et le WL, a expliqué qu’un tel choix isolerait l’Alliance de ceux qui constituent aujourd’hui son audience principale : ceux qui rejettent le blairisme mais qui pour autant ne sont pas des révolutionnaires. Nous souhaitons tous voir apparaître un nouveau grand parti révolutionnaire avec une base de masse en Grande-Bretagne, mais cela ne peut se faire en forçant de manière prématurée l’Alliance à adopter des slogans qui ne correspondent pas à la conscience de la majorité de ses membres et sympathisants. Ce dont l’Alliance a besoin aujourd’hui, c’est d'un programme d’action, incluant nombre de demandes transitoires, qui reflète son niveau actuel de développement et représente une alternative claire au blairisme. C’est cette approche qui fut finalement adoptée, non sans débat difficile, car la majorité de ceux qui étaient présents à Birmingham — comme sans doute la majorité des membres actifs de l’Alliance à tous les niveaux — étaient des révolutionnaires socialistes. Mais si on prend en compte la longue histoire du sectarisme de la gauche britannique, le degré de maturité dont a fait preuve la conférence de Birmingham pour résoudre ces divergences fut en tout point remarquable. Et l’engagement de ceux qui s’étaient prononcés pour une approche différente fut vérifié lorsque le texte entier du manifeste a été finalement soumis au vote à la fin de la journée : une seule personne a voté contre. L’importance de cette bataille tient au fait que si l’Alliance a été initiée par des organisations d’extrême gauche, elle a d’ores et déjà acquis une qualité propre. Elle n’est pas seulement un bloc électoral à l’image de la liste LCR/LO en France. Elle est déjà une alliance politique qui entraîne un large spectre d’opposants au blairisme. Les organisations politiques en forment le cœur et jouent un rôle indispensable dans sa direction et son organisation, mais elle est déjà plus que la somme de leurs militants.

Le seul facteur négatif que la conférence a reflété a été l’isolement croissant du SP, qui n’avait pas 20 membres parmi les délégués, alors qu’en septembre dernier, lors de la précédente rencontre nationale qui avait permis la constitution de l’Alliance, ils avaient été 150. Le SP souligne pour sa part que l’Alliance n’est pas une nouvelle formation politique en devenir, mais seulement un accord électoral entre les organisations membres. Et si Dave Nellist, membre du SP et président national de l’Alliance, a joué pleinement un rôle positif, son parti est intervenu à côté du débat, privilégiant son point de vue ésotérique particulier en politique et n’étant pas présent dans le débat général, même si les membres du SP ont voté le manifeste à la fin. Au niveau local, si les membres du SP se placent comme candidats de l’Alliance, ils conduisent leur propre campagne et en général ne s’intègrent pas à la campagne de l’Alliance dans son ensemble.

Comment continuer ?

Cette ombre ne doit cependant pas voiler la remarquable réussite de l’Alliance jusqu’à aujourd’hui. Le manifeste doit être publié sous forme de brochure qui sera vendue par les militants pratiquant le porte-à-porte, dans les campagnes, sur les lieux de travail et dans les rues. Il sera également diffusé dans les maisons de presse. cela nous donnera l’opportunité d’approfondir les questions sur lesquelles nous avons des choses à dire et de présenter largement une vision de société qui est fondamentalement différente de la Grande-Bretagne affamée de profit et étouffée par la pauvreté que propose le New Labour. Notre campagne télévisée sera réalisée par le grand cinéaste Ken Loach et une petite équipe de l’Alliance. L’objectif que nous visons est de faire entrer chez les électeurs une image de l’expérience, du talent et des idées que nos candidats représentent dans tout le pays et de mettre l’accent sur les sujets prioritaires de notre campagne.

La question de l’engagement à long terme du SWP dans l’Alliance socialiste continue à être débattue en son sein. Mais ceux qui doutent de l’engagement du SWP et de sa volonté de poursuivre la construction de l’Alliance au-delà des élections ignorent le changement profond déjà réalisé par ce parti. Le degré de collaboration déjà atteint entre le SWP et le reste de l’extrême gauche n’aurait pu être imaginé il y a deux ou trois ans. Cela pourrait sans doute être remis en cause si au sein de l’Alliance on observait des phénomènes négatifs, mais au contraire tous les signes indiquent que non. Qui plus est, le SWP en Écosse a rejoint le Parti socialiste écossais (SSP) le 1er mai, ce qui est à la fois un pas en avant pour le SSP (6) et un résultat direct du développement de l’Alliance en Angleterre.

Le SWP a vu à juste titre que deux facteurs remodelaient la gauche britannique. Il s’agit d’une part de l’émergence d’un mouvement anticapitaliste militant à l’échelle internationale, qui répond aux ravages du marché néolibéral mondialisé. C’est un mouvement qui est là pour durer et qui attire largement les jeunes faisant de l’anticapitalisme un mot du vocabulaire populaire. On espère atteindre les 100 000 personnes lors de la prochaine manifestation à Gênes. L’initiative Globalise Resistance (“Mondialiser la résistance”), lancée par le SWP sur une base large et ouverte, attire de plus en plus de monde dans ses manifestations et réunions et devient lui-même un nouveau facteur de la politique britannique, déplaçant le centre de gravité du mouvement anti-mondialisation des franges anarchisantes vers la gauche radicale. D’autre part, l’Alliance socialiste remobilise la gauche et construit une large alternative au blairisme. Ces deux facteurs peuvent provoquer une réorganisation fondamentale de la gauche britannique. Les anciennes références perdent leur validité et de nouveaux acteurs apparaissent pour occuper la place.

Il est vrai que le SWP ne partage pas notre vision que l’Alliance socialiste en Angleterre devra, à moyen terme, tenter de se transformer elle-même en un nouveau parti de la gauche, similaire au SSP en Écosse. Mais il va dans cette direction. Il s’est prononcé en faveur de la poursuite de l’Alliance après les élections. Dans les faits il est en faveur du renforcement de ses structures, les rendant de plus en plus similaires à celles d’un parti. Il considère cependant qu’appeler l’Alliance « parti » ou la présenter comme un « parti » à ce stade peut limiter son développement en rendant plus difficile de la rejoindre à ceux qui se séparent du New Labour.

Il s’agit à notre avis d’un souci légitime, mais déplacé, comme l’expérience du SSP le montre clairement. En fait si l’Alliance continue à développer ses structures dans la bonne direction en tant qu’Alliance, même ceux qui tiennent particulièrement à une « structure de parti » ne comprendront plus ce que le SWP veut en particulier.

Cela soulève également la question de l’impact de l’Alliance socialiste sur la gauche en général et celle — séparée mais non indépendante — du regroupement des révolutionnaires. Déjà l’existence de l’Alliance socialiste en Angleterre et celle du SSP en Écosse restructurent la gauche en Grande-Bretagne et dissolvent les anciennes frontières qui ont été en place si longtemps.

Le regroupement des révolutionnaires est un processus difficile et compliqué, mais il est objectivement mis à l’ordre du jour par l’apparition des regroupements plus larges. Comment la gauche révolutionnaire peut-elle être la force motrice d’un large regroupement contre le blairisme, si elle reste elle-même incapable de dépasser ses propres divisions ? Dans tous les cas l’art de la politique est de saisir les occasions lorsqu’elles se présentent. Sinon la prochaine occasion pourrait se faire attendre, longtemps...

* Alan Thornett fait partie de la direction de l’International Socialist Group (ISG), section britannique de la IVe Internationale et est rédacteur de son mensuel Socialist Outlook. Syndicaliste dans l’industrie automobile, il a dirigé la grève historique de l’entreprise Morris à Cowley dans les années 1970. Il a publié notamment From militancy to marxism, éd. Left view books, 1987.

Plus de 3000 personnes se sont engagées dans la campagne de la London Socialist Alliance (LSA), qui avait obtenu jusqu’à 10 % des voix dans certains quartiers, qui correspondent à des circonscriptions élisant les membres du Parlement. Cf. Inprecor n° 448 de juin 2000.
Au moment où nous mettons sous presse la date officielle des élection législatives n’est pas encore connue, car le Premier ministre britannique dispose du pouvoir extraordinaire de convoquer les élections lorsque cela lui convient, pourvu qu’il ne dépasse pas la durée de la législature. Tony Blair attend donc le dernier moment pour annoncer la date qui lui conviendra le mieux. Le 7 juin fait cependant l’unanimité de la presse britannique.
Arrivé à la tête du Parti travailliste (Labour Party) en 1994, Tony Blair s’est attelé à le “moderniser”, c’est-à-dire à en faire un appareil politique crédible aux yeux de la bourgeoisie financière britannique. C’est lui qui a lancé le slogan du “New Labour” (nouveau travaillisme), avec une connotation supposée “moderne” et donc “positive”. Mal lui en a pris, ses opposants ont retourné contre lui l’étiquette, devenue aujourd’hui le symbole d’une rupture du parti avec le passé idéalisé de la classe ouvrière britannique.
Appelé “first past the post” (“le premier prend la place”) c’est un scrutin uninominal à un tour par circonscription, qui induit le bipartisme travaillistes-conservateurs, car les votes en faveur des candidats des partis qui ne sont pas donnés gagnants par les sondages risquent d’être tout simplement perdus. Il est ainsi possible qu’un parti obtienne 30 % des suffrages et ne dispose d’aucun élu si les deux autres partis se sont partagés les 70 % restants.
Le Socialist Workers Party (SWP, Parti socialiste ouvrier) est la principale organisation de l’extrême gauche britannique, forte de plusieurs milliers de militants (cf. en p. … et en p. … les articles présentant sa position politique actuelle) ; le Socialist Party (SP, Parti socialiste), anciennement Tendance Militant au sein du Labour Party, est une organisation trotskiste qui fut à l’origine du lancement de l’Alliance socialiste et a depuis pris un cours plus sectaire et auto-proclamatoire. Bien qu’actuellement en déclin (pas plus d’un millier de militants), le SP a imposé de pouvoir présenter 20 % des candidats de l’Alliance en y menant une campagne en partie séparée de la campagne unitaire ; l’International Socialist Group (ISG, Groupe socialiste international, ex-IMG, Groupe marxiste international) est la section britannique de la IVe Internationale. Après avoir joué un rôle important dans l’extrême gauche britannique dans la période post-1968, l’ISG s’est affaibli au cours des années 1980, lorsque la classe ouvrière britannique fut défaite par le gouvernement Thatcher ; Workers Power (WP, Pouvoir ouvrier) et Workers Liberty (WL, Liberté ouvrière) sont deux petites organisations d’origine trotskiste ; le Communist Party of Great Britain (CPGB, Parti communiste de Grande Bretagne) est issu d’une scission du traditionnel PC britannique qui évolue en direction du trotskisme ; le Revolutionary Democratic Group (RDG, Groupe révolutionnaire démocratique) est une scission du SWP, dont la spécificité consiste à vouloir une Constitution de l’État britannique (il n’y a pas de Constitution en Grande-Bretagne…). En dehors du SWP et du SP, les militants des autres organisations se comptent par dizaines ou, au mieux, par centaines.
Le Parti socialiste écossais (Scottish Socialist Party, SSP) est lui-même issu du regroupement d’une partie de la gauche radicale et de l’extrême gauche écossaise au sein de l’Alliance socialiste écossaise. Cf. Inprecor n° 447 de mai 2000 et n° 456 de mars 2001.

Australie

Unité sans précédent de la gauche radicale
par John Tully*

L’Alliance socialiste (SA) a été officiellement lancée le 10 avril au cours de deux meetings publics à Sydney et à Melbourne, les deux principales villes d’Australie. Environs 300 personnes s’étaient réunies dans le Trades Hall de Sydney. Le meeting de Melbourne a rassemblé un nombre similaire de personnes en banlieue, dans l’hôtel de ville de Brunswick. Les deux réunions ont appuyé avec enthousiasme le projet de l’Alliance socialiste et beaucoup de ceux qui y assistaient ont rejoint l’Alliance sur place. De nombreuses personnalités ont tenu à apporter leur soutien au lancement de la SA, dont Jack Mundey, le légendaire dirigeant du mouvement Green Beans de la fin des années 1960. Le dirigeant du syndicat des métallurgistes, Craig Johnston, un des orateurs annoncés, s’est fait excuser au dernier moment, terrassé par la fièvre.
L’apparition de l’Alliance socialiste est un phénomène sans précédent dans l’histoire de la gauche australienne. Neuf organisations de la gauche radicale (1) — dont la plupart étaient en conflit dans le passé — devaient se mettre d’accord pour présenter en commun des candidats aux élections fédérales de cette année. Presque toutes les organisations de la gauche radicale, dont les deux principales — l’Organisation socialiste internationale (ISO) et le Parti démocratique socialiste (DSP), ont rejoint l’Alliance. Les plus grandes organisations ont déclaré ne pas vouloir tenter de dominer l’Alliance par le poids de leurs membres. Les militants australiens de la IVe Internationale se sont également engagés dans le projet, au travers de l’organisation dont ils font partie, Démocratie socialiste (SD), un des groupes fondateurs de l’Alliance.

Tant les membres individuels que les organisations peuvent adhérer à l’Alliance. Il y a un accord général sur le fait que l’Alliance, si elle veut obtenir un succès, doit dépasser le niveau d’une simple coalition électorale des organisations préexistantes. Pour révéler son potentiel, elle doit tenter de recruter des milliers de membres individuels et pour cela elle doit être capable de les accueillir dans une structure où ils pourront se sentir à l’aise. L’Alliance cherche à devenir une représentante politique de la classe ouvrière dans sa diversité : des “cols bleus” et des “cols blancs”, des salariés et des chômeurs, des hommes et des femmes, des homos et des hétéros, des blancs et des noirs, des immigrés et des natifs.

Comme le stipule sa déclaration, l’Alliance doit être capable de « convaincre les électeurs potentiels que nous sommes sérieux lorsque nous parlons d’élire des députés au Parlement. Une fraction parlementaire de la gauche radicale sera un complément du mouvement de masse anticapitaliste extraparlementaire. Elle signifiera une reconnaissance pour ce mouvement, qui montrera ainsi qu’il est une force avec laquelle on doit compter. Après tout, au cours de la période récente, des marxistes ont été élus dans des pays aussi divers que la France, l’Écosse, l’Allemagne et l’Irlande. Au Brésil, les marxistes ont formé le gouvernement provincial au Rio Grande do Sul. »

Comme l’a dit David Glanz, dirigeant national de l’ISO, lors du meeting de Melbourne, l’Alliance est devenue possible parce que le Parti travailliste australien a dérivé très loin à droite au cours des dernières années et qu’il s’est parfaitement adapté aux exigences néolibérales — au « rationalisme économique » comme il le prétend. La gauche doit donc s’unir pour relever le défi de l’hégémonie néolibérale. Selon Glanz, l’Alliance socialiste deviendra « la voix de la génération S11 » (2). Les autres orateurs ont insisté sur le fait que l’Alliance proposera également une alternative socialiste authentique à la démagogie populiste du parti raciste One Nation party de Pauline Hanson.

Les meetings du lancement de l’Alliance auront lieu dans les autres villes au cours des prochaines semaines. Dans les banlieues industrielles de Sydney et de Melbourne la structuration des sections locales a déjà commencé.

Bien que l’Alliance ne soit pas encore un nouveau parti, elle représente une percée sur le terrain de l’unité de la gauche radicale et pourrait constituer un grand pas en avant vers un nouveau parti. Elle permettra à la gauche d’apparaître comme une alternative crédible face aux partis actuellement dominants. Les organisations partie prenantes de l’Alliance adhèrent à une plate-forme commune, mais chacune reste libre de diffuser son propre matériel. Dans une histoire obscurcie par les querelles sectaires, pour une fois l’esprit du pluralisme socialiste a été mis en évidence.

* John Tully, membre de l’organisation Socialist Democracy (Démocratie socialiste) et militant de longue date de la IVe Internationale, fait partie du Comité national provisoire de liaison de l’Alliance socialiste.

Les neuf organisations qui se sont unies au sein de l’Alliance socialiste sont : le Parti démocratique socialiste (DSP, une organisation qui a quitté la IVe Internationale en 1986, tout en continuant à maintenir des liens avec elle), l’Organisation socialiste internationale (ISO, qui fait partie de la Tendance socialiste internationale dont le SWP britannique est la principale composante), Pouvoir ouvrier (WP) et Liberté ouvrière (WL) — deux organisations trotskistes liées aux organisations portant le même nom en Grande-Bretagne, Démocratie socialiste (DS, un regroupement récent au sein duquel militent les partisans australiens de la IVe Internationale), le Parti de la liberté socialiste (FSP, une petite organisation liée à l’organisation de même nom au États-Unis, issue d’une scission du SWP américain au cours des années 1960), l’Alternative socialiste et le Parti communiste ouvrier d’Irak (section d’immigration en Australie).
En septembre 2000 des dizaines de milliers de personnes se sont mobilisées en Australie contre le Forum économique mondial à Melbourne. Cette mobilisation — dans la lignée des manifestations contre la mondialisation capitaliste — avait été nommée « S11 ».

Ces articles sont tirés du site de la revue Inprécor (IVe Internationale): http://www.inprecor.org