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lettre ouverte à José BOVE
by Jel Saturday March 31, 2001 at 02:06 PM

Bien Cher José, Nous t'écrivons parce que nous venons de lire un article dans le journal « Le Monde » daté du 25 mars qui nous plonge dans l'incompréhension la plus totale. Comme nous ne sommes pas de ceux qui aboient avec les chiens et comme nous préférons vérifier auprès de l'auteur d'un propos plutôt que de faire confiance à ceux qui le rapportent, nous nous permettons de te demander des clarifications qui s'imposent.

Bonjour,

Soixante militants, représentatifs d'ONG des cinq continents, viennent de se
réunir, à Genève, pour arrêter la stratégie de l'internationale citoyenne
dans la perspective de la 4e conférence ministérielle de l'OMC qui doit se
réunir au Qatar en novembre. Ils se sont accordés sur le mot d'ordre "pas de
nouveau round de négociations" avant que les accords existants aient été
évalués et adaptés afin de mettre fin aux déséquilibres mondiaux qu'ils
engendrent et avant que l'OMC ait été réformée afin de mettre fin à son
caractère oligarchique et aux iniquités qu'elle impose.

Parallèlement, une initiative en sens opposé était annoncée à l'occasion de
la création d'une "Global Citizen Initiative"(GCI). Le journal "Le Monde" en
fait état dans ses éditions du 25 et du 31 mars.

Accepter, comme le font les protagonistes de cette GCI, le principe de
nouvelles négociations sur les matières actuellement - et de manière
contestable - de la compétence de l'OMC et, selon le voeu de l'Union
européenne, sur des matières nouvelles constitue une capitulation en rase
campagne. C'est adopter la position inverse de celle de l'immense majorité
des pays du Sud et de l'immense majorité des mouvements de l'internationale
citoyenne. C'est aussi, au moment où à l'OMC même, on doute de réunir une
majorité pour ce nouveau cycle de négociations - Mike Moore a déclaré qu'il
attendait fin juillet pour en décider-venir au secours d'une institution
chancelante.

Consternés par le parrainage que José Bové a apporté à cette initiative,
nous lui avons adressé la lettre que vous trouverez en attachement. Il nous
a répondu, par téléphone, qu'il estimait ne pas être en contradiction avec
les termes de notre lettre. Force nous est de constater à la lecture du
journal "Le Monde" de ce jour, que la contradiction est pourtant bien réelle
entre le refus non équivoque d'un nouveau cycle de négociations et
l'acceptation ambigüe de celui-ci.

C'est ce qui nous amène à rendre publique notre lettre du 27 mars. Nous
pensons qu'il appartient à chacun de se déterminer dans la clarté.

Quant à nous, dans la continuité des appels lancés avant et après Seattle,
nous adhérons sans réserve à l'appel lancé depuis Genève par les ONG réunies
à l'initiative de Public Citizen, appel que vous trouverez ci-dessous.

Pour l'URFIG,

Mme Jamila EL IDRISSI
Dr Raoul Marc JENNAR
site Web : http://www.urfig.org


NGOs URGE GOVERNMENTS TO CALL OFF "NEW ROUND" PROPOSAL
Director-General of WTO should also stop his New Round campaign

Joint NGO Statement
Geneva, March 19, 2001

We, the undersigned NGOs from the South and the North involved in
development, poverty, environment and human rights issues, affirm our
objection and opposition to proposals put forward by some countries to
launch a "comprehensive New Round" in the WTO this year.

In particular, we are strongly opposed to the introduction of new issues,
namely investment rules, competition policy rules and government procurement
(even in its initial phase of transparency), in the WTO. We do not want the
4th Ministerial conference to be made use of as an occasion to inject these
new areas into the WTO. We believe these issues are not trade issues and are
not appropriate for the WTO to handle. These issues, if located in the WTO,
would lead to disastrous consequences socially, environmentally,
economically and for human rights, for people worldwide. Negotiations in
these issues will be particularly disastrous for people in developing
countries, as their possibility for development will be closed.

We also are opposed to the tactic of the EU in proposing a plurilateral
approach to investment and competition as this is seen by us, not as a
change of heart but only a tactic to draw countries into a New Round. These
issues do not belong to WTO and should not be brought in either multilateral
or plurilateral mode.

After many of us met many delegations in Geneva to discuss WTO issues, we
have found that although some delegations are in favour of a New Round,
there are even more countries that are not in favour of a New Round and
several are also strongly opposed to it, and especially to the new issues.

The proposal for a New Round, especially by the EU, is causing serious
divisions and destabilising the multilateral trading system. We call on the
proponents to call off their offensive for a Round.

We are also concerned and appalled to find that the Director-General of the
WTO has been actively campaigning for a New Round, including his visits to
many countries and regions. Since many WTO members are not in favour of a
new Round, or are against it, it is unacceptable for a staff member of an
international organisation to take sides with some Members against other
members. This is what the Director-General has been doing. He must stop this
biased behaviour and remain neutral, so as not to further damage the
credibility of his office and the Secretariat.

The existing WTO agreement and rules, especially on agriculture, TRIPS,
services and TRIMS, are very harmful to consumers' access to essentials, to
livelihood of farmers, to food security, to development interests, to the
poor everywhere and to the environment. These agreements must be changed,
and some (for example, TRIPS) should even be taken out of the WTO. This
should be the focus of the WTO talks in the next years.

We therefore call on all governments in the WTO to reject a New Round and
instead focus on solving the serious and disastrous problems, caused by the
WTO agreements and their implementation.

Statement endorsed by:

Africa Trade Network (Ghana)
Alternative Information and Development Centre (AIDC) (South Africa)
Alliance for Democracy (United States)
Arab NGO Network for Development
Consumers' Association of Penang (Malaysia)
Corporate Europe Observatory (Netherlands)
Council of Canadians (Canada)
DAWN Caribbean
ECOROPA (Europe)
EQUATIONS (India)
Focus on the Global South (Thailand)
IBON Foundation, Inc. (Philippines)
International NGO Forum on Indonesia Development (INFID) (Indonesia)
Institute of Agriculture and Trade Policy (IATP) (United States)
Instituto del Tercer Mundo (Uruguay)
Legal Resources Centre (Philippines)
Polaris Institute (Canada)
Public Citizen (United States)
Solon Foundation (Bolivia)
Third World Network
URFIG (Brussels-Paris-Geneva)
World Development Movement (UK)


NOTE: For more information, and for endorsement of this statement, please
write to Cecilia Oh, Third World Network, at EM twnet@po.jaring.my.

Paris, le 27 mars 2001


A l’attention de José BOVE


Bien Cher José,

Nous t’écrivons parce que nous venons de lire un article dans le journal « Le Monde » daté du 25 mars qui nous plonge dans l’incompréhension la plus totale.

Comme nous ne sommes pas de ceux qui aboient avec les chiens et comme nous préférons vérifier auprès de l’auteur d’un propos plutôt que de faire confiance à ceux qui le rapportent, nous nous permettons de te demander des clarifications qui s’imposent.

Dans cet article, qui te cite à plusieurs reprises, tu sembles étroitement associé à la création de Global Citizen Initiative (CGI). Or, toujours selon cet article, CGI semble se résigner au lancement d’un nouveau cycle de négociations à l’OMC. CGI considère l’adaptation de l’OMC à la nouvelle dimension des problèmes comme « inévitable et logique ». L’OMC serait même, grâce à son universalisation progressive, contrainte inéluctablement à instaurer la « démocratie économique en son sein ». Selon « Le Monde », tu apporterais ta caution à cette analyse.

Il nous semble pourtant que cette analyse s’éloigne terriblement des constats partagés par tous ceux qui se sont lancés dans la remise en cause de l’OMC, que ce soit avant Seattle ou après.

Un nouveau cycle de négociations n’est pas inéluctable. Ce qui est incontournable, c’est la réunion statutaire d’une conférence ministérielle. Mais la formidable résistance des pays du Sud, si elle se maintient, notamment grâce au soutien de tous les mouvements, peut faire barrage à un nouveau cycle de négociations et imposer ce qui a été exigé sans relâche sous le slogan des 3 R : review, repair, reform.

L’OMC ne se réformera pas d’elle-même. Elle l’aurait déjà fait. Au contraire, et les propositions de réformes avancées par la Commission européenne vont dans ce sens, c’est le renforcement du statu quo qui est l’obsession de ses responsables. Mike Moore a déclaré qu’on ne renoncerait jamais à la technique de la « green room » et la Commission européenne, en langage plus diplomatique, ne dit rien d’autre.

Les pays du Sud ont eu la preuve éclatante de l’égoïsme et du cynisme des acteurs influents de l’OMC tout au long des épuisantes négociations sur la mise en œuvre des accords existants au terme desquelles ils n’ont quasi rien obtenu. Comment placer dès lors sa confiance dans la capacité d’une telle institution à prendre en considération le point de vue de la majorité de ses membres ?

Ce n’est pas de démocratie économique dont a besoin le commerce mondial et tu l’as dit toi-même si souvent et avec quelle éloquence. C’est de démocratie tout court. Les règles du commerce doivent être insérées dans une hiérarchie des droits qui font passer le vivant (animal, végétal et humain) avant l’argent. L’OMC doit cesser de concentrer des pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires, concentration qui est à l’origine de son caractère oligarchique. L’Organe de règlement des différends doit être sorti de l’OMC et réformé de telle sorte qu’il obéisse aux principes généraux du droit. Certains accords doivent échapper à la compétence d’une OMC même réformée.

Rien ne peut être acquis à l’OMC si, d’emblée, on cède sur le principe d’un nouveau cycle de négociations, ce à quoi se résigne GCI. Les ambassadeurs d’un certain nombre de pays du Sud viennent de le redire, arguments à l’appui, lors d’un séminaire organisé par Third World Network (voir SUNS du 16 mars 2001).

Au même moment où, avec la bénédiction du directeur général adjoint de l’OMC, était lancé GCI, à l’initiative de Public Citizen se réunissaient soixante militants venus des cinq continents pour préparer la stratégie en vue de la conférence ministérielle au Qatar. Au même moment aussi, et pour la première fois, c’est l’OMC qui réagissait à une initiative de l’internationale civile en publiant 16 pages d’une argumentation spécieuse et fallacieuse pour dénoncer notre campagne contre l’AGCS. Dans une tel contexte, la démarche de GCI apparaît comme une brèche dans une résistance qui offrira désormais les marques de la division. Pascal Lamy et Mike Moore doivent être fous de joie !

Voilà, Bien Cher José, ce que nous pensons et ce que nous ressentons. Nous souhaitons vivement que l’article du journal « Le Monde » ne corresponde pas à la réalité. Mais dans cette hypothèse, à laquelle nous osons encore espérer, il t’appartient de mettre les choses au point.

Reçois, Bien Cher José, l’expression de nos sentiments fraternels

Mme Jamila EL IDRISSI Dr Raoul Marc JENNAR