Sharon et la mémoire. by @den Monday March 19, 2001 at 01:32 PM |
gilamaison@skynet.be |
Israël a choisi ‘démocratiquement' de donner le pouvoir à un criminel de guerre : Ariel Sharon.
C'est également la première fois que les travaillistes s'allient avec un parti d'extrême-droite dans le gouvernement. Un des dirigeants de cette extrême-droite, le général Zeevi, prône le " transfert " des Palestiniens, et l'autre, M. Avigdor Lieberman, a récemment menacé de " bombarder Téhéran et le barrage d'Assouan ". Se lève alors une question centrale. Comment Sharon a-t-il pu faire oublier qu'il était ce sinistre criminel qui porte sur les mains le sang des camps palestiniens de Sabra et Chatila.
Y répondre, c'est entamer une réflexion sur la mémoire. Comment les maîtres du monde font oublier leurs forfaits ? Comment la France a fait disparaître de l'histoire un million d'Algériens tués par son armée dans les années 50 ? Comment les Etats-Unis ont fait passé à la trappe différents massacres ? ( Le bombardement de Panama en 89, par exemple, fait 7000 morts dans les quartiers pauvres de la ville.)
L'historien Hobsbawm explique que "La mémoire historique n'est plus vivante. La destruction du passé, ou plutôt des mécanismes sociaux qui rattachent les contemporains aux génération antérieures, est l'un des phénomènes les plus caractéristiques et mystérieux de la fin du XXème siècle. De nos jours, la plupart des jeunes grandissent dans une sorte de présent permanent, sans aucun lien organique avec le passé public des temps dans lesquels ils vivent." (1)
Un rôle fondamental dans ce processus est joué par la presse qui rappelle à merveille les crimes des ennemis des maîtres du monde mais qui oublie sans cesse de regarder la poutre dans l'œil de ses propres dirigeants. Ainsi, la presse traditionnelle s'accommode bien de la léthargie générale. Les médias organisent eux-mêmes l'amnésie qui autorise : " en permanence les inconséquences et les incohérences."(2) Logique de retrouver dans la bouche de Rents, l'anti-héro de Trainspotting, toxico et symbole d'une jeunesse poussée à l'extrême par une société néo-libérale, cette pensée terrible: "Rien n'existe dans la vie sinon mon moi-même." ou encore " il n'y a rien hors de l'instant présent. Mais je ne peux même pas accepter cette philosophie puisqu'elle est, au mieux, à la périphérie de l'instant présent." (3) Comme disait Goya, " Le sommeil de la raison engendre des monstres. "
(1): E.J. Hobsbawm, L'âge des extrêmes, Editions complexe, p21
(2): Serge Halimi, Les nouveaux chiens de garde, Liber-Raisons d'Agir, p7
(3): Irvine Welsh, Trainspotting, Points, pp27 et 28