Le projet Guerre des Étoiles le "bras armé de l'économie mondialisée" by Grain de sable (posted by Arnaud) Friday March 16, 2001 at 12:45 PM |
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Les États-Unis cherchent à "avoir le contrôle de l'espace", et, à partir de l´espace, à "dominer" la Terre; "contrôler" et "dominer" sont des mots fréquemment utilisés dans les documents militaires américains. L'armée américaine voudrait de plus installer des armes dans l'espace.
______________________________ ______________________________ Les États-Unis cherchent
à "avoir le contrôle de l'espace", et, à partir de l´espace,
à "dominer" la Terre; "contrôler" et "dominer"
sont des mots fréquemment utilisés dans les documents militaires américains.
L'armée américaine voudrait de plus installer des armes dans l'espace.
La nouvelle administration Bush, va-t-en guerre, s'enthousiasme pour
le projet américain de développer sa puissance militaire spatiale. Comme
on peut le lire dans le rapport du mois dernier de la "Commission
Spatiale", présidée par le nouveau Secrétaire à la Défense Donald
Rumsfeld : "Dans un avenir proche, les États-Unis vont mener des
opérations en direction de, à partir de, et dans l'espace, pour défendre
ses intérêts nationaux, sur la Terre et dans l'espace." C'est le
retour de la Guerre des Étoiles. Mais il y a une différence par rapport
à la Guerre des Étoiles lancée sous Ronald Reagan en 1983. Il était
alors prétendu qu'elle était nécessaire pour contrer ce que Reagan appelait
"l'empire du mal", l'Union Soviétique. Il n'y a plus d'Union
Soviétique. Et une raison majeure pour la Guerre des Étoiles maintenant,
nous disent les documents militaires américains, est l'économie mondialisée
dont les États-Unis sont le moteur. Ceux-ci voudraient, à partir du
"terrain le plus haut placé" qu'est l'espace, "dominer"
la planète au-dessous, entre autres pour maintenir l'économie mondiale
sur ses rails. Comme le dit le rapport "Vision pour 2020"
du Commandement Spatial américain, dont la couverture représente une
arme laser envoyant un rayon de l'espace vers une cible en bas : "La
mondialisation de l'économie mondiale va également se poursuivre avec
un écart de plus en plus grand entre les ¨possédants¨, et les ¨exclus¨".
À partir de l'espace, les Etats-Unis pourraient maintenir les ¨exclus¨
dans le rang.
2- Le projet Guerre des Étoiles le "bras
armé de l'économie mondialisée"
Le U.S. Space Command (Commandement Spatial américain), instauré
par le Pentagone en 1985, se décrit ainsi lui-même dans "Vision
pour 2020" : "Le Commandement Spatial américain contrôle la
dimension spatiale des opérations militaires dans le but de protéger
les intérêts et les investissements américains. Il intègre les Forces
Spatiales dans les moyens de combat pour toutes les sortes de conflits."
"Vision pour 2020" compare l'effort américain pour "contrôler
l'espace" et la Terre au-dessous, au fait qu'il y a des siècles
"les nations ont développé leur force navale pour protéger leurs
intérêts commerciaux", faisant référence aux grands empires européens
qui contrôlaient les mers, et donc la Terre, pour entretenir leur économie.
Considérez le "Plan à long terme" du Commandement Spatial
américain. "Les États-Unis demeureront une puissance mondiale et
auront un pouvoir de décision mondial", dit-il. "Les États-Unis
ne pourront pas toujours baser leurs forces à l'avance. Le développement
des communications va mettre en évidence les inégalités en terme de
ressources et de qualité de vie, entraînant des troubles dans les pays
en voie de développement. L'économie mondialisée sera de plus en plus
interdépendante. Les alliances économiques, ainsi que la croissance
et l'influence des multinationales, vont brouiller les accords portant
sur la sécurité. L'écart entre nations ¨possédantes¨ et ¨exclues¨ va
se creuser, créant des troubles régionaux. L'un des avantages des plates-formes
spatiales communément admis depuis longtemps est de pouvoir survoler
une nation depuis l'espace sans restriction et sans autorisation préalable."
Le Commandement Spatial américain cherche à devenir "le bras armé
de l'économie mondiale", comme l'a déclaré l'an dernier Bill Sulzman,
directeur de Citizens for Peace In Space (Citoyens pour la paix dans
l'espace), à la conférence internationale du Global Network Against
Weapons and Nuclear Power In Space (Réseau mondial contre les armes
et l'énergie nucléaire dans l'espace). Les citoyens américains ne sont
pas conscients des vastes plans militaires des Etats-Unis concernant
l'espace à cause de la bonne politique de Relations Publiques qui entoure
la nouvelle Guerre des Étoiles (il s'agit de se protéger contre un "Pearl
Harbor spatial",comme le déclare la Commission Rumsfeld, il s'agit
"juste" de "missiles de défense"), et à cause des
média qui sont trop paresseux, voire pire.
Mais les autres pays, eux, comprennent. C'est pourquoi le 20 novembre
dernier, aux Nations Unies, a été proposée une résolution pour la "Prévention
d'une course aux armements dans l'espace", pour laquelle 163 pays
ont voté oui. Elle réaffirmait la loi internationale fondamentale sur
l'espace, le Traité sur l'Espace de 1967, et particulièrement la clause
selon laquelle l'espace doit être réservé pour des "objectifs pacifiques".
Les États-Unis se sont abstenus.
Un pays qui dirige l'effort international pour contrer les plans américains
en renforçant le Traité sur l'Espace et en interdisant toute arme dans
l'espace est le Canada, qui n'est pas un rival potentiel.
Comme l'a dit Marc Vidricaire, représentant le Canada, aux Nations Unies
l'an dernier : "Il a été suggéré que notre proposition n'est pas
pertinente car l'analyse sur laquelle elle se base est soit prématurée
soit alarmiste. À notre avis, elle n'est ni l'un ni l'autre. Il suffit
de regarder ce qui se passe maintenant."
De plus, comme souligné dans la déclaration canadienne, "Il ne
fait pas de doute que la technologie pour installer des armes dans l'espace
peut être développée. De même il ne fait aucun doute qu'aucun état ne
peut espérer conserver un monopole sur de telles connaissances - ou
de telles compétences - pour toujours. Si un état se lance activement
dans l'armement de l'espace, on peut être sûr que d'autres le suivront."
Mais l'état voyou appelé États-Unis bloque l'initiative canadienne.
Car les États-Unis pensent qu'ils peuvent être les "Maîtres de
l'Espace", comme le dit la devise du Air Force Space Command (Commandement
Spatial des Forces Aériennes). "Maîtres de l'Espace". C'est
écrit en lettres de 1 mètre de haut à l'entrée de la cinquantième Aile
Spatiale des Forces Aériennes. Cela résume fort bien la position des
États-Unis envers l'espace.
Les entreprises aérospatiales importantes travaillent en lien étroit
avec l'armée américaine pour atteindre cet objectif. Ainsi, le "Plan
à long terme" commence par expliquer comment pour le Commandement
Spatial américain cela a été la "priorité numéro 1. Investir presque
20 années pour en faire une réalité" et : "Le processus de
développement et de production a impliqué à dessein des centaines de
personnes, et environ 75 entreprises".
Le "Plan à long terme" se poursuit avec la liste des ces 75
entreprises, en commencant par Aerojet, en passant par Boeing,
Lockheed Martin, Raytheon et Sparta Corp. jusqu'à TRW et Vista
Technologies.
Dans son "discours d'adieu" en 1961, le Président Dwight Eisenhower
a mis en garde contre l'influence du "complexe militaro-industriel".
Maintenant, l'armée américaine se vante de ce que les entreprises géantes
contribuent à établir la doctrine militaire américaine. La Guerre des
Étoiles, avec ses partisans puissants, n'a en fait jamais été abandonnée.
Le financement des activités militaires spatiales à hauteur de 6 milliards
de dollars par an, plus ce qui n'était pas officiel, s'est poursuivi
sous l'administration Clinton. En décembre dernier, le Département de
la Défense de Clinton a ouvert la voie au développement de la "Démonstration
de la faisabilité du laser basé dans l'espace", un projet de Lockheed
Martin, Boeing et TRW avec un budget total de 20 à 30 milliards de dollars.
Une deuxième arme laser à base spatiale dont le développement s'est
poursuivi pendant les années Clinton est le "Laser à Haute Énergie
Alpha", qui a déjà fait plus de 20 tirs d'essai.
C'est le Secrétaire Adjoint de Clinton à la "U.S. Air Force for
Space", Keith Hall, qui a déclaré : "En ce qui concerne la
domination spatiale, nous l'avons, nous l'apprécions, et nous allons
la garder".
Et la situation est bien pire maintenant avec Bush et Cheney, leur administration
étant intimement liée d'une part aux companies aérospatiales - Cheney
étant lui-même un ancien membre dirigeant de TRW, sa femme Lynn une
ancienne dirigeante de Lockheed Martin –et d'autre part aux "thinks
tanks" de l'ultra-droite qui, avec l'armée américaine, ont défendu
la Guerre des Étoiles.
La nouvelle administration se bat dur pour faire de l'espace un nouveau
terrain de guerre.
Le rapport du mois dernier de la "Commission Spatiale" Rumsfeld
réclame le déploiement de la puissance américaine dans, depuis et par
l'espace. Il cherche pour les États-Unis la suprématie spatiale. Il
déclare que le président américain devrait "avoir la possibilité
de déployer des armes dans l'espace". Il souligne qu'il est "possible
de déployer des forces en passant par et depuis l'espace en réponse
à des événements partout dans le monde. Contrairement aux armes lancées
depuis des avions, des forces terrestres ou des bateaux, des missions
spatiales lancées depuis la terre ou l'espace pourraient être menées
avec très peu de délai dû aux conditions météo, aux temps de transit
et de transfert d'informations. Pouvoir disposer de ceci donnerait aux
Etats-Unis un pouvoir de dissuasion beaucoup plus fort et, dans un conflit,
un extraordinaire avantage militaire." Il propose que le Commandement
Spatial américain devienne le noyau d'un Space Corps (Corps Spatial)
américain, analogue au Marine Corps (Corps des Marines), pour éventuellement
évoluer dans quelques années en une Space Force (Force Spatiale) bien
séparée, ou un "Space Department" (Département Spatial) au
même niveau que l'Army, la Navy et l'Air Force. Comme le Sénateur du
New Hampshire Bob Smith, l'homme qui a fait voter l'instauration de
la "Commission Spatiale" Rumsfeld, l'a déclaré dans une interview
que je viens d'enregistrer avec lui pour l'inclure dans mon prochain
documentaire vidéo "Le retour de la Guerre des Étoiles", la
nouvelle "destinée manifeste" desÉtas-Unis est en cause. "C'est
notre destinée manifeste", dit le Sénateur Smith. "Vous savez
que nous sommes allés de la Côte Est à la Côte Ouest de l'Amérique en
colonisant le continent et on appelle cela la destinée manifeste; le
prochain continent si vous voulez, la prochaine frontière, c'est l'espace,
et cela continuera toujours." Maintenant c'est la "destinée
manifeste" cosmique des États-Unis.
Le livre "L'avenir de la Guerre : la Puissance, la Technologie
et la Domination du Monde Américain au 21ème Siècle", par les membres
de Think-Tanks George et Meredith Friedman, se conclut par : "Tout
comme vers 1500 il était clair que l'Europe ferait l'expérience du pouvoir
par la domination des mers du globe, il n'est pas bien dur de voir que
la puissance américaine va reposer sur la conquête de l'espace... Tout
comme l'Europe a répandu la guerre et sa puissance sur les océans du
globe, les Etats-Unis répandent la guerre et leur puissance dans l'espace.
Tout comme l'Europe a façonné le monde pendant un demi millénaire, les
Etats-Unis vont aussi façonner le monde pendant au moins aussi longtemps.
Pour le meilleur ou pour le pire, l'Amérique tient maintenant dans ses
mains l'avenir de la guerre, et avec lui
pour un temps l'avenir de l'humanité."
Le reste du monde ne va pas rester assis sans rien faire et accepter
la "domination américaine du monde" depuis l'espace. Si les
Etats-Unis progressent dans ce programme astro-impérialiste, déploient
des armes dans l'espace, d'autres nations, la Chine et la Russie les
premières, se mesureront aux États-Unis sur ce terrain. Il y aura une
course aux armements et inévitablement une guerre dans l'espace. Comme
le Premier Secrétaire de la délégation chinoise à l'ONU, Wang Xiaoyu,
l'a déclaré : "L'espace est l'héritage commun des êtres humains.
Il devrait être utilisé exclusivement à des fins pacifiques et pour
le développement économique, scientifique, et culturel de tous
les pays ainsi que pour le bien-être de l'humanité. Il ne doit pas être
armé et devenir un autre terrain de la course aux armements." "La
domination de l'espace", a-t-il affirmé, "est un concept hégémonique.
Son essence est le monopole de l'espace et le refus d'en laisser l'accès
aux autres." Si les États-Unis insistent, "d'autres pays lanceront
en réponse leur propre" programme militaire spatial, a juré la
Chine. Cependant, pour l'instant, la Chine attend et, tout comme le
Canada, demande une interdiction internationale des armes dans l'espace.
Mais les États-Unis ont également repoussé l'initiative chinoise. Accessoirement,
les armes que les Etats-Unis veulent déployer dans l'espace, en particulier
les lasers, vont nécessiter beaucoup d'énergie. Et l'armée américaine
voit l'énergie nucléaire comme la source d'énergie "naturelle"
pour eux. Comme "Perspectives d'un nouveau monde : pouvoir dans
l'air et dans l'espace au 21ème siècle", un rapport du bureau de
l'Air Force, l'affirme : "Au cours des deux prochaines décennies,
de nouvelles technologies vont permettre d'utiliser l'arsenal des armes
basées dans l'espace, d'une efficacité dévastatrice, pour donner de
l'énergie et du poids à un déploiement de forces dans un conflit tactique
et stratégique. Ces avancées vont permettre à des lasers de poids et
de coût raisonnables de faire énormément de morts." Mais les "limitations
en énergie imposent des restrictions" à de tels systèmes d'armement,
les rendant "relativement infaisables. Une technologie naturelle
pour disposer d'une grande énergie", il continue, "est l'énergie
nucléaire dans l'espace."
"Si on met de côté les problèmes émotionnels liés à l'énergie nucléaire,
cette technologie offre une alternative viable pour disposer de grosses
quantités d'énergie dans l'espace", affirme "Perspectives
d'un nouveau monde." Le Traité sur l'Espace est un document visionnaire.
C'est un pacte pour garder la guerre hors de l'espace. Les États-Unis,
au fait, furent un des premiers à le promulguer. Il est maintenant signé
par la plupart des pays du monde. Basé sur le Traité sur l'Antarctique,
il réclame une "exploration et un usage de l'espace pour le bénéfice
et dans l'intérêt de tous les pays" et interdit le "placement
en orbite autour de la Terre de tout objet portant des armes nucléaires
ou tout autre type d'armes de destruction de masse." Pendant près
de quatre décennies, il a gardé l'espace à l'écart de la guerre.
Quel héritage va-t-on laisser à nos enfants et à leurs enfants à l'aube
d'un nouveau siècle, d'un nouveau millénaire, si les Etats-Unis parviennent
à s'asseoir sur le Traité sur l'Espace et font de l'espace un nouveau
terrain de guerre ? Personne n'en profitera à part Boeing, Lockheed
Martin et Raytheon et TRW, etc. Nous avons une marge étroite pour garder
l'espace en paix, pour renforcer le Traité sur l'Espace et interdire
toutes les armes dans l'espace. Nous devons nous joindre aux peuples
du monde entier et bloquer cette action des États-Unis pour faire des
cieux une zone de guerre.
Chercher et répandre les informations sur ce qui se passe est capital.
Et ensuite : agir, agir, agir. Je vous encourage fortement à rejoindre
le Global Network Against Weapons and Nuclear Power In Space (Réseau
mondial contre les armes et l'énergie nucléaire dans l'espace) et à
lutter contre ce qui se passe. Nous devons contester l'économie mondialisée
anti-environnementale, anti-démocratique et nous devons contester son
"bras armé" en puissance, la nouvelle armée spatiale américaine.
Présentation au Technology and Globalization
Teach-In, New York City,
24 février 2001.
Karl Grossman, professeur de journalisme à l'Université d'État
de New
York/College à Old Westbury, et responsable du Global Network Against
Weapons and Nuclear Power In Space 352-337-9274 /
http://www.space4peace.org / E-mail: globalnet@mindspring.com / PO Box
90083, Gainesville, Florida 32607.
E-mail: kgrossman@hamptons.com
Publication ATTAC Newsletter 71 newsletter@attac.org
Traduction : Marie-Line Chabanol, traductrice bénévole. Sandrine
Caquineau, coorditrad@attac.org