arch/ive/ief (2000 - 2005)

Le Guide du Bobard
by Geoffrey Geuens Wednesday March 14, 2001 at 02:07 PM

Il y eut, tout d'abord, l'ouvrage coordonné par Yannick Bovy et Barbara Delcourt, Que nos valeurs sont universelles et que la guerre est jolie (Editions du Cerisier, 1999). Vînt ensuite, les Responsabilités des intellectuels (Agone, 2000) de Noam Chomsky, le Monopoly de Michel Collon (EPO, 2000) et, enfin, le pamphlet de Serge Halimi et Dominique Vidal intitulé L'Opinion, ça se travaille (Agone, 2000).

Il y eut, tout d'abord, l'ouvrage coordonné par Yannick Bovy et Barbara Delcourt, Que nos valeurs sont universelles et que la guerre est jolie (Editions du Cerisier, 1999). Vînt ensuite, les Responsabilités des intellectuels (Agone, 2000) de Noam Chomsky, le Monopoly de Michel Collon (EPO, 2000) et, enfin, le pamphlet de Serge Halimi et Dominique Vidal intitulé L'Opinion, ça se travaille (Agone, 2000). Dénonçant, entre autres, les manipulations langagières (et médiatiques ?) travestissant les représentations offertes par les « démocraties » occidentales à l'occasion de la guerre du Kosovo, ces ouvrages devaient témoigner, à leur façon, de la renaissance du journalisme du soupçon, accouchant de nouveaux espoirs.
C'est bien dans le cadre de cette réflexion critique à l'encontre de l' « impérialisme de la vertu » qu'il faut, semble-t-il, inscrire le dernier ouvrage d'Anne Morelli (Professeur de critique historique appliquée aux Médias), consacré aux Principes élémentaires de propagande de guerre. Utilisables en cas de guerre froide, chaude ou tiède… (Labor, Coll. « Quartier Libre », 2001). Renonçant à « sonder la pureté des intentions des uns et des autres », l'auteur nous livre là un véritable manuel anti-manipulation. Elle illustre ainsi les mécanismes essentiels de la propagande moderne, utilisés aussi bien au cours de la Première Guerre mondiale que lors de plus récents conflits, destinés à assurer aux belligérants l'indéfectible soutien des opinions publiques nationales. Structuré autour des dix principes énoncés à l'époque par le Baron Arthur Ponsonby - Député travailliste hostile à l'entrée en guerre de la Grande-Bretagne en 1914 - le livre d'Anne Morelli invite le lecteur à exercer plus que jamais le « doute systématique ». Une démarche assurément salutaire à l'heure des « guerres » en prime-time et autres « média-mensonges ».
Nous avons donc sélectionné à l'intention des « Jobards du Consensus » (G.Châtelet) et autres « pisse-copies » du « complexe médiatico-industriel » quelques commandements décrits par A.Morelli :

« Nous avons été contraints de faire la guerre » : face à la provocation du tyran des Carpates, la « communauté internationale » est obligée de réagir. Le Soir ( 18/01/99) : « L'Otan se retrouve défiée avec un cynisme stupéfiant : la première puissance armée du globe pourra-t-elle longtemps justifier son attentisme ? ».
« Notre ennemi a le visage du diable » : Hitlérosévic dans l'hebdo italien L'Espresso, Le Vif préfère, quant à lui, dépeindre Milosevic sous les traits de l' « effroyable » (2/04/99).
« Notre cause est noble » : ou comment les puissances guerrières réussissent l'admirable tour de passe-passe consistant à récupérer l'Universelle Vertu du pacifisme à des fins économiques. Comme le disait alors Cavanna : « la fin de la guerre arrive quand les marchands de munitions ont atteint leur quota et que les marchands de béton estiment venu pour eux le temps d'entrer en scène ».
« Nos ennemis massacrent, nous commettons des bavures » : dans le rôle très médiatique des dégâts « collatéraux », l'Ambassade de Chine, la colonne de civils kosovares ou encore les bâtiments de la radio-télévision serbe.
« Les armes de l'ennemi sont interdites » : vous avez dit Uranium Appauvri ?
« Les artistes et les intellectuels soutiennent notre cause » : quand RTL et la RTBF, Pour le Kosovo, invitaient les adeptes du « journalisme couché » et autres penseurs de pacotille. Les victimes serbes ? Persona non grata.
« Ceux qui mettent en doute la propagande sont des traîtres » : révisionnistes, négationnistes et autres fascistes. Ce dernier avis devrait concerner nos collègues d'IndyMedia, de Samizdat, de PLPL, d'ATA, d'Alterecho et de tous ceux qui, journalistes ou intellectuels, ont décidé de défendre l'autonomie de leur profession.

Comme le disait Alfred Sauvy, « Sans information convenable, la souveraineté du peuple n'est qu'une commodité linguistique ».
A méditer.


G.G.