arch/ive/ief (2000 - 2005)

Vers une privatisation de l'enseignement?
by Alain Saturday March 10, 2001 at 07:37 PM
alemaitr@ulb.ac.be

Déclaration de Bologne - note politique du C.R.A.A.C. (Comité de Réflexion et d'Action Anti-Capitaliste)


Le 19 juin 1999, les ministres de l'éducation de 29 pays européens signaient à Bologne une déclaration commune d'intention en vue d'une harmonisation des études supérieures et universitaires.
Ce projet peut paraître au premier abord bénéfique en terme d'équivalence de diplôme ou de mobilité des étudiants, mais il vise en réalité à adapter la formation dans l'enseignement supérieur afin de mieux satisfaire les attentes et les besoins des entreprises.
(... )les systèmes d'enseignement supérieurs et de recherche doivent- s'adapter en permanence à l'évolution des besoins et aux attentes de la société ( ... ) (déclaration de Bologne) mais qu'entend-on par « attentes de la société » ?

Contexte historique et politique :

La croissance économique des années 1950-1960 est accompagnée de profondes mutations technologiques (électronique, aviation, télécommunication, découverte nucléaire,...). Certains secteurs sont en crise (charbonnages, carrières,..) mais d'autres se développent ( chimie, électronique, banques, services, ... ). Les entreprises privées et l'appareil d'état réclamèrent entre la fin de la guerre et la crise des années 1970 une main-d'oeuvre plus nombreuse et aux qualifications plus élevées. L'augmentation de la main d'oeuvre fut réalisée notamment par l'immigration et le travail des femmes.
Les luttes sociales et ce besoin nouveau de main d'oeuvre qualifiée ouvrirent l'enseignement secondaire aux enfants de la classe ouvrière et il y eut un processus de massification de l'enseignement. Les études supérieures s'ouvrirent elles aussi peu à peu à de nouvelles couches sociales mais dans une moindre mesure.

A partir de la crise économique de 1973-1974, les finances publiques belges sont dans une situation catastrophique. Ce qui va provoquer des mesures d'austérité dans tout le secteur publie. L'enseignement subira ces attaques ( réduction des taux d'encadrement, augmentation des prestations horaire des enseignent, limitation des salaires). Ces mesures vont avoir des conséquences importantes sur la qualité de l'enseignement ( faisons par exemple le constat des répercussions du plan Onkelinckx: classes surpeuplées, démotivation des professeurs, limitation du choix d'options, ... ).
La bourgeoisie, au lieu d'une élévation collective du niveau de formation de la population veut aujourd'hui une formation beaucoup plus sélective. Elle accuse le système scolaire belge d'être exceptionnellement coûteux et inefficace, d'avoir des structures, des programmes inadaptés aux exigences de la société moderne tout en scandant que la sélection ne se fait pas sur une base sociale.
La faiblesse du mouvement ouvrier des années 1980-1990, la capitulation des partis ouvriers traditionnels et des syndicats a permis à la bourgeoisie internationale de s'organiser et d'accroître les taux de profit (quantité de profit par unité de capital investi) aux dépens des travailleurs. La dégradation des conditions de travail, la baisse des salaires, le démantèlement de la sécurité sociale, la fin des droits syndicaux, les coupes budgétaires dans le domaine des soins de santé, des pensions, et de l'enseignement, tel est le programme politique des institutions internationales comme le FNU, l'OMC, la Banque Mondiale, le Forum économique mondial, les conférences intergouvernementales européennes, La Table ronde
des Industriels européens,... La bourgeoisie veut adapter l'enseignement aux exigences de la compétition mondiale, renforcer le lien entre le lieu d'étude et le monde de l'entreprise, renforcer la sélection. L'objectif est de donner à chacun exactement les qualifications et les capacités d'adaptation et de flexibilité dont les entreprises ont besoin.

Le contenu de la déclaration de Bologne a d'ailleurs été avancé dès la fin des années 1980 par la Table ronde des Industriels européens. Dans ce contexte, nous considérons cette déclaration comme un pas de plus vers une privatisation à terme de l'enseignement.

Implications concrètes de la déclaration de Bologne :

A l'heure actuelle, le système de l'enseignement universitaire belge fonctionne selon un cycle de deux années de candidature suivies de deux ou trois années de licence. La déclaration de Bologne prévoit un système de trois années de « bachelor » avec diplôme professionnalisant puis une, deux ou trois années de « master ».
Outre une dévalorisation du diplôme universitaire (trois ans au lieu de quatre). L'accès au second niveau « master » n'est pas garanti à tout étudiant qui réussirait le « bachelor » (limitation du nombre d'étudiant en fonction de la demande du marché, hausse du minerval, ... ). Ce changement participerait donc à la création d'un cursus de plus en plus élitiste avec une compétition poussée entre étudiants.

Elitisme et compétition auraient cours aussi entre facultés ou universités. En effet, l'harmonisation va amener à une comparabilité accrue entre différents lieux d'enseignement. Une des perspectives dont certains parlent déjà est la création de « pôles de savoir » élitistes et compétitifs. Les sections de chimie de chaque université francophone, par exemple, pourraient être regroupées au sein d'un unique pôle de savoir directement sponsorisé par telle ou telle entreprise privée,
L'ensemble des propositions préconisées dans la déclaration de Bologne, avec comme toile de fond l'adaptation aux besoins direct du marché et la création d'un savoir-marchandise, iront dans leurs implications à l'encontre de la notion d'un enseignement démocratique, accessible à tous et autonome vis à vis des gouvernements et des entreprises.

Il est temps d'organiser la lutte !

Les étudiants de la V.U.B. ont initié le mouvement. Il nous faut le relayer de façon unitaire et l'élargir au niveau national avec les universités et écoles supérieures flamandes et francophones mais aussi en solidarité avec les différents mouvements étudiants d'autres pays. L'enseignement n'est pas le seul secteur touché aujourd'hui par les idées néolibérales qui gouvernent le monde. D'autres secteurs de la société subissent la même logique de privatisation (SNCB, plan Copernic, la Poste, SABENA, ... ). Soyons solidaires avec ceux qui comme nous refusent ces politiques antisociales.

Contre la privatisation de l'éducation et de ses conséquences (augmentation du minerval, restriction de l'accès, fusion des universités, suppression des cours « non-rentables », diffusion d'un savoir marchandise,... ).
Tirons les conclusions des conflits précédents, organisons-nous pour élargir la lutte.
L'université aux étudiants et non aux patrons européens !
Non à la sélection (examens d'entrée, numerus clausus)
Pour un enseignement de qualité, gratuit, accessible à tous au service de la population et pas aux entreprises.

CRAAC, Comité de Réflexion et d'Action Anticapitaliste, 131, av Buyl 1050 BXL 02/650.25.94 - ciscod@caramail.com