arch/ive/ief (2000 - 2005)

Quand les Etats-Unis donnent des leçons de droits de l'homme...
by Fred Saturday March 10, 2001 at 04:40 PM
fredolev@hotmail.com

Les Etats-Unis sont le leader mondial dans l'exportation d'instruments de torture

Les Etats-Unis donnent des leçons de droits de l’homme

Et exportent des instruments de torture

Annuellement, le département d’Etat étasunien rédige un rapport sur la situation des droits de l’homme dans le monde afin de présenter ce vaste panorama au Congrès. La rapport 2000 vient de sortir et nous apprend certaines choses intéressantes mais guère surprenante.

"Le rapport de cette année couvre 195 pays. Aucun pays, le nôtre y compris, ne peut prétendre à un parfait résultat…", écrit le secrétaire d’Etat Colin Powell dans la préface du rapport. "L’année 2000 a vu beaucoup d’améliorations dans le respect des droits de l’homme – de la consolidation de la démocratie au Nigeria et au Ghana à la défaite d’un dictateur en Serbie et à l’élection d’un nouveau président au Mexique. En même temps, la détérioration continue des conditions en Chine et à Cuba ainsi que les politiques abusives poursuivies en Irak, au Soudan et dans un nombre d’autres pays nous offre la preuve que la bataille pour promouvoir les droits de l’homme universels est loin d’être finie. Nous, qui croyons dans la liberté humaine et dans la règle de loi, ne devons pas perdre de vue les défis qui se trouvent devant nous." Amen.

Colin Powell a le mérite d’avouer que, même son pays n’est pas parfait en la matière, mais les abus contre la déclaration universelle des droits de l’homme aux Etats-Unis ne sont pas l’objet de ce rapport. Dans ce dernier, il s’agit de donner une évaluation sur les autres pays qui ne respecteraient pas cette sacro-sainte règle de droit que les Etats-Unis, bien évidemment, ne dérogent (quasi-)jamais! (sic)

Il y a 2 semaines, Mr Colin Powell a réalisé une tournée au Moyen-Orient, juste après les nouveaux bombardements contre l’Irak. Lors de ce voyage, on a pu apprécié l’image de Colin Powell, en conférence de presse, donnant des leçons à Saddam Hussein. Le nouveau secrétaire d’Etat exigeait que le régime irakien applique strictement les résolutions prises à son encontre par les Nations Unies. Ce qui a rendu cette événement complètement absurde, c’est que le représentant étasunien donnait ces conseils à côté du nouveau premier ministre israélien Ariel sharon, qui, comme tout le monde le sait maintenant, est responsable directement du massacre de centaines de Palestiniens dans les années 80 et dont le pays violent ouvertement les résolutions des Nations Unies (résolutions 242, 338, 194) depuis des lustres, et tout cela avec l’accord d’Uncle Sam.

Est-ce donc cela le respect de la règle de droit selon les Etats-Unis? L’histoire est là pour en témoigner…

Tous les pays n’ont pas apprécié que les Etats-Unis jouent, tel un professeur arrogant, les donneurs de leçon en matière des droits de l’homme. Surtout que l’Empire n’a pas de quoi être fier dans ce domaine. La vieille mais récemment révélée affaire de l’uranium appauvri ou encore la déclassification de documents de la CIA montrant son implication et celle des autorités étasuniennes dans l’Opération Condor (1) ne leur donnent clairement pas une position morale pour juger les autres pays, quelques soient les crimes qu’ils aient commis.

Mais l’empire reste l’empire, il a le pouvoir de donner des leçons sur les droits humains, même quand Amnesty international dénonce le fait que les entreprises étasuniennes sont les principales exportatrices d’instruments de torture dans le monde. Lundi 26 décembre, W.F.Shultz, directeur exécutif de l’organisation aux Etats-Unis, a ainsi déclaré: "Amnesty International a trouvé au moins 80 entreprises qui, dans la dernière décennie, ont fabriqué, commercialisé et exporté le type d’armes et d’instruments utilisés pour la torture". Depuis 1997, le département d’Etat au commerce a octroyé des licences pour exporter 97 millions de dollars en "équipement de contrôle du crime" qui incluent, entre autres, des électrochoques.

Mr Schultz révèle aussi que le Mexique est le principal importateur de ce type de marchandise provenant de son puissant voisin du Nord. Or le rapport annuel du département d’Etat sur les droits de l’homme dans le monde cite des cas de torture par électrochoques au Mexique, et dans d’autres pays qui ont des licences pour importer le matériel en question.

Le Mexique est le second importateur mondial d’instruments de tortures. Pourquoi? Pour torturer, affirme le rapport 2000, dans le cadre du "contrôle du délit". Mais entre délinquance et dissidence, la frontière s’évapore rapidemment. Les disparitions, la militarisation, la paramilitarisation, les exécutions sommaires, les persécutions, les massacres (Acteal et El Bosque au Chiapas, Aguas Blancas et El Charco dans le Guerrero) font partie de la réalité mexicaine, et l’arrivée d’un nouveau président issu d’un parti d’opposition de droite (le PAN) n’a pas (encore?) changé les visages du Mexique.

Mais, selon le rapport, il y a une "avancée" en matière de droits de l’homme au Mexique. Tout comme en Israël, d’ailleurs, où les centaines de morts palestiniens ne furent que le fruit de l’utilisation d’une "force excessive et pas nécessaire". Ces deux Etats sont démocratiques comme la Colombie qui est dotée d’institutions démocratiques, où le président est sorti des urnes et où les partis (libéraux et conservateurs) fonctionnent. Ils fonctionnent comme la collaboration entre militaires et paramilitaires, comme les épandages de produits chimiques sur les cultures légales, illégales et les habitants, tout cela avec du matériel provenant de la patrie de la liberté.

Les 35.000 civils morts dans la dernière décennie en Colombie doivent sûrement constituer le prix de la démocratie. Car, selon le rapport étasunien, le seul Etat "totalitaire" du continent américain est… Cuba, évidemment. "Tout" est contrôlé par Fidel Castro, les prisons continuent à être "dures", … Et pourtant…Y a-t-il des disparitions forcées à Cuba? Des exécutions extrajudiciaires? Des massacres? Le rapport dit qu’"il y a eu quelques bonnes choses, mais c’est un régime totalitaire et il y a des abus en matière de droits de l’homme".

Tout en ne niant pas qu’il y ait ce type de violations sur l’île révolutionnaire, ce rapport reste enclavé dans une vision digne de la guerre froide. Les droits de l’homme sont utilisés ici comme arme par l’Empire contre une petite île qui lui résiste, au nez et à sa barbe, depuis 41 ans. L’empire utilise les droits de l’homme en parfaite collaboration avec les "freedom fighters" de Miami. Une mosaïque de traficants de drogue, de terroristes, d’assassins, de mafieux, d’agents de la CIA,… complètement introduits dans les institutions étasuniennes.(2)

Comment pourrait-on alors donné crédit à un tel rapport politique sur les droits de l’homme dans le monde? Comment ce rapport pourrait-il être légitime quand de nombreux actes de tortures en Amérique latine sont commis par des gens qui ont été formés dans les Schools of America?

Pour lire ce rapport: http://www.state.gov/

(1) L’opération Condor est une sorte de réseau liant les dictatures latino-américaines du cône sud avec la CIA et les autorités étasuniennes visant à réprimer la dissidence de gauche.
(2) Voir à ce sujet "Bacardi, la guerra oculta" d’ Hernando Calvo Ospina, sorti aussi en français sous un autre titre. Et
Pax Christi et l'extrême droite cubaine sur indymedia-Belgique.

Sources:

Jim Cason, David Brooks, Firmas de EU, líderes expotadoras de instrumentos para la tortura, La Jornada, 27.02.01.
Jim Cason, David Brooks, Dice Washington que los abusos de cuerpos de seguridad persitieron en méxico durante 2000, La Jornada 27.02.01.

Carlos Fazio, Disidencias, La Jornada, 5 mars 2001.