Congo: projet de société CPP et parti kabiliste
by Ludo Martens Tuesday March 06, 2001 at 02:52 PM |
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Quelques jours après l¹assassinat du camarade Kabila, une discussion a été entamée dans les milieux kabilistes sur l¹avenir du projet stratégique du Président défunt, les Comités du Pouvoir Populaire.
Défendre le projet de société CPP
et créer le Parti révolutionnaire
kabiliste
Ludo Martens, Kinshasa 24 février 2001
Quelques jours après
l¹assassinat du camarade Kabila, une discussion a été entamée dans les milieux
kabilistes sur l¹avenir du projet stratégique du Président défunt, les Comités
du Pouvoir Populaire.
Des personnes proches du camarade Kabila ont développé
l¹idée suivante : « Sous la pression des puissances occidentales, nous serons
obligés d¹accepter la libéralisation des anciens partis néocoloniaux. Avec la
démocratie bourgeoise classique qui reviendra en force, les CPP n¹ont plus
d¹avenir. Les CPP devront se transformer en parti politique pour survivre et
pour pérenniser les idées de Mzee Laurent-Désiré Kabila. »
D¹autres,
partant de leur expérience avec les petits projets lancés par les CPP dans les
quartiers et communes, ont également exprimé l¹opinion que l¹existence des CPP
prendra fin avec la « normalisation » de la vie politique et ils en ont conclu
que les CPP devront se transformer en Mouvement pour le Développement
communautaire.
Nous estimons que ces deux propositions ne correspondent pas
aux idées de Kabila. Elles partent d¹une conception fausse de ce qu¹est la
fonction essentielle des Comités du Pouvoir Populaire, d¹une vision unilatérale
sur le développement du pays et d¹une idée erronée sur les rapports entre les
CPP et les partis.
En plus elles procèdent d¹une conception défaitiste qui
s¹aveugle devant la puissance de l¹Occident et qui ne mesure pas la profondeur
de la mobilisation populaire pour défendre l¹héritage de Kabila.
A la base et
parmi les cadres des CPP de nombreuses voix se sont levées pour exiger un
Congrès extraordinaire qui réaffirmera les idées que Kabila a développé sur son
projet de société, les Comités du Pouvoir Populaire. Kabila est mort, mais ses
idées nationalistes et révolutionnaires continuent à vivre dans les CPP. Un
Congrès extraordinaire mettra fin à la confusion dont profitent ceux qui veulent
achever l¹assassinat de Kabila en enterrant son idéal et ses idées.
1. Le choix
fondamental : un état répressif au service de
l¹étranger
ou un état nationaliste et populaire ?
Le Pouvoir Populaire est l¹initiative stratégique du
Président Kabila, le porteur de son projet de société nationaliste, démocratique
et populaire.
Dans toute révolution, la question centrale est celle de la
nature de l¹Etat. La tâche essentielle attribuée par le Président Kabila aux
CPP, est de régler définitivement la question de l¹Etat colonial et néocolonial.
Le Président Kabila a souligné qui depuis 1885, depuis l¹époque de Léopold
II, le peuple congolais a subi la répression et la terreur d¹un Etat dictatorial
au service des intérêts étrangers. Après l¹indépendance formelle de 1960,
l¹ancien Etat continua à fonctionner et à exercer la dictature contre toutes les
forces populaires qui exigeaient un changement fondamental. Les anciens colons
blancs à la tête de l¹Etat colonial ont simplement été remplacés par des
collabos noirs ¦uvrant pour les puissances étrangères. Mzee Laurent-Désiré
Kabila disait que l¹appareil d¹Etat néocolonial est resté au service des
intérêts occidentaux par l¹intermédiaire d¹une minorité de grands bourgeois
congolais.
Kabila affirmait ceci : « A un moment, Léopold II avait son
Etat du Congo pour chercher le caoutchouc. Si vous l¹alliez pas en chercher, on
vous amputait, vous deveniez manchot. La chicote était quotidienne. Ils ont
pillé et pillé ! Ils sont partis et nous avons eu droit à un autre Etat,
celui-là avec des Congolais à la tête, mais ils étaient des agents d¹autres
puissances. Sa mission était de réprimer, toujours, partout. Š L¹Etat mobutiste
avait une seule mission : faire primer les intérêts des grands pays sur
l¹intérêt national. Le caractère répressif de cet Etat était nécessaire pour
permettre aux intérêts étrangers de prospérer. »
Ainsi, Kabila
explique très clairement que depuis Léopold II jusqu'à Kasavubu, Adoula, Tshombe
et Mobutu, le peuple travailleur congolais a été opprimé par un appareil d¹état
dictatorial construit pour servir les intérêts des puissances impérialistes.
La mission historique des CPP
La vocation historique des
CPP est de créer un nouveau type d¹Etat démocratique et populaire, construit à
partir de la base, de la rue, du quartier, de la commune, du village jusqu¹à la
province et le niveau national. Le nouvel Etat doit s¹opposer à toute domination
impérialiste et à toutes les forces congolaises au service de ces intérêts
étrangers.
Le nouvel Etat de Démocratie Populaire devra être contrôlé en
permanence par le peuple pour assurer qu¹il reste effectivement à son service.
Il s¹agit d¹instaurer des mécanismes qui empêchent que les fonctionnaires et
mandataires du nouvel Etat rétablissent les habitudes de l¹Etat néocolonial, ses
rapports répressifs avec le peuple et ses rapports de subordination aux intérêts
économiques étrangers.
Les CPP doivent donc veiller à la permanence de la
révolution populaire pour que le peuple congolais gouverne réellement et
progresse constamment vers sa libération totale dans les domaines politiques,
économiques et culturels.
Seul cet Etat contrôlé et dirigé par les
masses populaires pourra assurer la reconstruction du pays de façon indépendante
et dans l¹intérêt exclusif des 55 millions de Congolais. Seul un Etat de Pouvoir
Populaire pourra construire cette économie nationale indépendante et puissante,
cette industrie et cette agriculture planifiées dans l¹intérêt des ouvriers,
paysans, travailleur et intellectuels dont rêvait le Président Kabila.
Un Etat de Pouvoir Populaire est aussi nécessaire pour assurer que les
rapports de coopérations, souhaités avec tous les pays du monde, soient basés
sur les principes de la stricte égalité, de la non-ingérence et de l¹avantage
mutuel.
Une rupture radicale avec l¹état compradore au service de
l¹étranger
Kabila a expliqué que la victoire du 17 mai 1997 et
l¹organisation des Comités du Pouvoir Populaire doivent être vues comme une
rupture radicale avec l¹Etat existant auparavant.
Si après le 17 mai 97 on
se serait limité à placer un nouveau personnel politique à la tête de l¹état
répressif et anti-populaire qui en place depuis 75 ans, il ne pouvait y avoir de
changement fondamental.
Kabila a souligné qu¹il fallait liquider l¹Etat
néocolonial pour commencer l¹édification d¹un nouvel Etat nationaliste ou les
masses gouvernent. « La liquidation politique du néocolonialisme mobutiste
fut une étape obligatoire qui a permis aux masses d¹accéder aujourd¹hui à la
tête des affaires publiques ».
Le 17 mai 1997, l¹Occident était prêt à
soutenir Kabila, à condition qu¹il maintenait justement l¹ancien appareil
d¹Etat. Kabila a refusé catégoriquement et il a dit : « Nous avons
refusé d¹être un autre gouvernement d¹un Etat compradore au service de
puissances étrangères.» « Il fallait faire un choix. Ou bien, apeuré, se
ranger et jouer le même rôle que l¹Etat précédent ». « Ou bien résister et créer
un Etat qui privilège les intérêts nationaux. » Le choix était donc clair :
les nationalistes pouvaient, par peur ou par intérêt, accepter d¹entrer dans
l¹ancien appareil d¹Etat et le faire fonctionner comme auparavant, c¹est-à-dire
dans l¹intérêt des plus riches et des étrangers ou bien ils pouvaient se
mettre à l¹¦uvre pour créer un nouvel appareil d¹Etat nationaliste aux service
des masses populaires.
Les révolutionnaires congolais veulent créer un nouvel
Etat radicalement différent de l¹Etat que le peuple a subi dans le passé. «
Nous venons de prendre le pouvoir pour créer un Etat du peuple, et nous disons
qu¹il faut confier le pouvoir au peuple. »
Mais comment créer un Etat du
Peuple en rupture radicale avec l¹Etat répressif au service des puissances
impérialistes ? « Pour que le peuple gouverne, il faut organiser le peuple et
celui-ci s¹organise dans les Comités du Pouvoir Populaire qui sont
indispensables à la vie de la nation. Š Les Comités du Pouvoir Populaire ont un
grand avenir dans ce pays. Le peuple congolais a longtemps travaillé pour les
intérêts étrangers. Il est temps qu¹il travaille pour ses propres
intérêts.»
La démocratie des riches ou la démocratie des masses
populaires
La nature de l¹Etat conditionne la nature de la
démocratie. En effet, chaque classe sociale qui veut imposer ses règles à
l¹ensemble de la société, développe une conception particulière de la «
démocratie ».
La grande bourgeoise en général et l¹impérialisme en
particulier ont un intérêt vital à présenter le système qui défend leurs
intérêts égoïstes, comme étant « la véritable démocratie issue d¹élections
libres et transparentes ». Quand ces gens parlent à longueur de journées de « la
démocratie » et de « l¹Etat de droit », ils font, en réalité, référence à la
démocratie bourgeoise et à l¹Etat de droit bourgeois. Or, dans une société ou
les grands capitalistes dominent toute l¹économie, tous les moyens de
communication, les échelons supérieurs de l¹administration, etc. nous nous
trouvons en face, non pas de «la » démocratie, mais à une forme spécifique de
démocratie, à la démocratie bourgeoisie.
Dans la démocratie bourgeoise, le
peuple est appelé à voter et à faire son choixŠ entre plusieurs partis qui
défendent tous le même maître : l¹impérialisme et la grande bourgeoisie locale.
Que vous votez pour les partis au pouvoir ou pour ceux de l¹opposition, les deux
camps se montrent soumis à l¹impérialisme et ils sont contrôlés par la grande
bourgeoisie locale ou encore par des forces de la petite bourgeoisie alliées à
la bourgeoisie pro-impérialiste.
En régime capitaliste, faire fonctionner un
parti coûte beaucoup d¹argent et mener une campagne électorale aussi. En
général, en Afrique, seuls les partis qui reçoivent beaucoup de fonds des
puissances impérialistes et de la grande bourgeoisie locale sont en mesure de
fonctionner régulièrement et de s¹imposer lors des élections qui sont très
coûteuses.
L¹issue des élections est déterminée par l¹argent, par la
propagande des radios étrangères, par le soutien des différentes organisations
religieuses et sociales liées aux puissances étrangères.
La démocratie
bourgeoise est une démocratie pour les riches et les puissants, qui implique
pour les travailleurs et les pauvres : oppression, discrimination et exclusion,
bref dictature dans les domaines essentiels de la vie pour les travailleurs et
les pauvres. La démocratie parlementaire à l¹Occidental que le Congo a connu de
1961 à 1965 et de 1990 à 1997, c¹est en fait une illusion de démocratie. Le
peuple n¹a rien à dire sur les questions qui décident du sort de la nation,
toutes les décisions étaient prises à Bruxelles, Washington et Paris ou
dans le cercle étroit des puissants qui régnaient le Congo.
Le démocratie des
Comités du Pouvoir Populaire est radicalement différente
Selon Kabila,
une véritable démocratie à la portée des masses n¹est réalisable qu¹avec un
pouvoir CPP. « Les CPP, mes chers compatriotes, constituent une démocratie
nouvelle. » « C¹est avec les Comités du Pouvoir Populaire que la possibilité
matérielle de la démocratie va se réaliser ». « Le CPP, c¹est le peuple
organisé et structuré, c¹est un grand rassemblement de tous les Congolais
patriotiques et conscients, poursuivant un seul but : être les maîtres
indiscutables de leur destin. Vous n¹avez pas de maîtres. Le peuple est seul
maître. »
Les élections du type CPP sont moins coûteuse à organiser que
les élections de type parlementaire classique dont le coût monte à 250 millions
de dollars.
Lors des élections CPP, les qualités et les réalisations des
candidats pèsent plus lourd dans la balance que les moyens financiers dont
disposent leurs partis.
Les élections de type CPP sont moins faciles à
influencer et à manipuler par les puissances occidentales via leurs radios et
via le financement de leurs partis favoris.
L¹ancienne démocratie
parlementaire était un instrument au service des intérêts étrangers et des
couches congolaises les plus riches liées à l¹Occident. Mais la nouvelle
démocratie CPP est au service des intérêts nationaux et des masses populaires.
La démocratie parlementaire permet aux puissances extérieures et à la grande
bourgeoisie locale de tromper et de manipuler les masses qui sont maintenu dans
l¹ignorance des affaires de l¹Etat, dans la passivité, dans l¹exclusion. Mais la
démocratie populaire, qu¹on appelle parfois démocratie gouvernante ou démocratie
directe, est basée sur la conscientisation et la participation active des
masses, elle entraîne les masses pour qu¹elles « surveillent » et contrôlent les
élus en permanence.
2. Achever
l¹édifice des CPP
pour créer une économie nationale puissante
Le Président Kabila a entamé avec l¹organisation des
Comités du Pouvoir Populaire, un bouleversement total des anciennes structures
étatiques datant de la période coloniale et néocoloniale. Il savait qu¹il
s¹agissait d¹une ¦uvre de longue haleine. Il a juste eu le temps de jeter les
fondement de l¹édifice CPP.
A sa mort tragique, les CPP n¹en étaient qu¹à
leurs premières expériences et les animateurs des CPP devaient encore passer,
comme le dit le Président, par un processus de mûrissement politique.
C¹est
ce qui explique les hésitations et l'attentisme qu¹on a pu constater chez
plusieurs animateurs des CPP depuis la mort de l¹initiateur du Pouvoir
Populaire.
Ils craignent la « normalisation », le retour aux pratiques
étatiques de la période néocoloniale.
Et pourtant, le Président défunt,
voyant très loin, avait déjà anticipé sur les doutes et reculades de ces
camarades. Il a dit : « Le pouvoir d¹Etat, le pouvoir politique, c¹est
l¹instrument capital qui détermine le destin des peuples. C¹est ici que la
question de la conscientisation devient vitale. Š Vous n¹avez pas de longue
expérience parce qu¹on ne vous a jamais donné la chance de gouverner votre
propre destin. A cause de la maturation politique médiocre, on est capable de
livrer son pouvoir à des charlatans. Lorsqu¹on parle de conscience politique des
masses, c¹est pour que vous soyez moralement en état d¹alerte. Ceux qui ont
perdu le pouvoir vous en feront voir : intrigues, artifices, tactiques. Eh bien
! Il faut mûrir politiquement. »
Kabila souligne ici que les personnes
qui ne sont pas politiquement mûrs, ne comprennent pas l¹antagonisme entre la
vieille « démocratie » des partis néocoloniaux et la démocratie populaire des
CPP. Quand on a saisi la nature différente de ces deux régimes politiques, on
défendra par tous les moyens le Pouvoir Populaire, on n'acceptera de laisser
démanteler son pouvoir au profit de « charlatans politiques » qui veulent
rétablir l¹ancien système.
« La lutte est encore âpre. On doit
entreprendre sa propre transformation, sinon on est dépassé par les événements.
On ne doit pas faire barrière à une révolution dont les finalités sont connues.
» Après la mort du Président, les événements se précipitent, de l¹extérieur
et de l¹intérieur des CPP se lèvent des voix pour en finir avec la Démocratie
populaire. Les membres et cadres doivent « entreprendre leur propre
transformation », ils doivent se former politiquement en tant que
révolutionnaires pour faire front aux attaques et pour défendre le projet de
société nationaliste et révolutionnaire.
Un Etat congolais de Pouvoir
Populaire
Les Comités du Pouvoir Populaire n¹en sont qu¹à leur début
à l¹échelle provinciale. Leurs expériences sont encore limitées. Cela explique
pourquoi toute sorte d¹interprétations unilatérales ont été exprimées.
Certains camarades croient que les CPP servent essentiellement à impulser le
développement local. D¹autres estiment que les CPP constituent le pouvoir au
niveau de la rue, du quartier et de la commune tandis que les partis politiques
interviendront lorsqu¹il s¹agit de déterminer la politique nationale.
A
relire les discours du camarade Kabila sur les CPP, on se rend compte que ce ne
sont pas les positions du Président. En réalité, Mzee Laurent-Désiré Kabila a
indiqué que l¹action décisif du Pouvoir Populaire se situe au niveau national,
et non pas au niveau local. Voici le passage clé de son discours du 21 janvier
1999. « Dans le passé, l¹Etat compradore a même empêché l¹éclosion de
capitalistes nationaux. Il l¹a empêché, parce qu¹un capitalisme national allait
faire concurrence aux monopoles (étrangers). C¹est pour cela que nous nous
trouvons sans industries. Š Nous devons créer une nouvelle économie pour notre
pays. C¹est l¹objectif de l¹Etat populaire. Moi, je voudrais voir ici de grandes
usines de textile. Le moment est venu pour construire une économie nationale
florissante. Les véhicules, nous devons les fabriquer nous-mêmes. Où est notre
industrie lourde ? C¹est la mission de l¹Etat du peuple, la mission de ce peuple
organisé en Comités du Pouvoir Populaire, de créer une forte économie pour nous
faire respecter. Donc, nous avons la mission de créer une économie nationale.
Vous voulez avoir des chars de combats, des blindés ? Mais nous pouvons les
produire nous-mêmes. Quand nous avons pris le pouvoir, c¹était pour faire cela.»
Kabila estimait que l¹édification des CPP au niveau local servait à
apprendre au peuple de se prendre en charge. Mais cet apprentissage devait
finalement conduire à l¹organisation de l¹Etat du peuple, de l¹Etat du Pouvoir
Populaire au niveau national.
Il avait donc encore un long travail à
entreprendre. Ce travail tombe maintenant sur les épaules des nationalistes qui
ont compris toute la profondeur des idées de Kabila. Le temps n¹est pas aux
hésitations et reculades, mais au combat pour achever l¹¦uvre initié par le
Président défunt.
L¹édifice des CPP ne sera achevé qu¹au moment où les
élections démocratiques auront couvert tous les échelons de l¹Etat et tout le
territoire national. Kabila a dit : « Les CPP sont le peuple organisé en
organes du pouvoir d¹Etat populaire et exercent directement la gestion de
la chose publique à chaque échelon de l¹Etat. Š Les CPP, c¹est toute une chaîne,
de bas en haut. »
Le système des CPP passe des élections dans la rue à
l¹élection des responsables du quartier par les élus des rues. Les élus des
quartiers sélectionnent ceux gouverneront la commune, les élus des communes
décident de la composition de l¹Assemblée provinciale qui choisit à son tour le
gouvernement provincial. Le niveau provincial déléguera ses élus à l¹Assemblée
Nationale du Pouvoir Populaire. C¹est cet Assemblée qui contrôlera le «
gouvernement CPP ».
Certaines modalités devront sans doute encore être mises
à point, mais le cheminement de la base au niveau national est clair.
Une
fois que tout l¹édifice est en place, de la base au sommet, le niveau national
deviendra décisif. C¹est là que seront pris les décisions pour « créer une
économie nationale forte pour faire respecter le Congo ».
Achever
l¹édifice de l¹Etat du Peuple signifie également doter le Congo d¹une
Constitution de démocratie populaire, d¹une Constitution qui consacrera les
Comités du Pouvoir Populaire comme l¹organisation démocratique de l¹Etat la plus
appropriée à la situation du Congo. Lors d¹un référendum constitutionnel, le
peuple pourra décider quel type d¹état il veut édifier.
Une économie
nationale indépendante et forte
Cette position de Mzee Laurent-Désiré
Kabila sur la nécessité de créer une économie nationale indépendante et forte,
mérite d¹être doublement souligné dans le contexte actuel. Certains qui ont lu
le mot « libéralisation économique» dans le discours du Président Joseph Kabila,
s¹apprêtent déjà à rejeter tout l¹héritage de Mzee ! On peut et on doit «
libéraliser » quelques domaines bien précis de l¹économie, comme celui de la
circulation des dollars. Mais cela ne signifie pas qu¹il faut foncer tête
baissée vers le libéralisme, qui n¹est qu¹un autre mot pour la récolonisation.
L.D. Kabila a compris que sans un Etat fort et sans une économie nationale
forte, il ne peut pas y avoir d¹indépendance économique. Un pays économiquement
dépendant de l¹impérialisme voit nécessairement son indépendance politique
réduite à une pure formalité. De son vivant, Kabila disait que le Congo n¹était
pas encore décolonisé dans le domaine économique. « Vous voulez créer une
nouvelle société complètement soustraite aux affres de l¹exploitation ? Le
pouvoir économique, mes amis, reste encore à décoloniser ». Ce n¹est pas le
libéralisme avec ses privatisations et l¹importation libre de produits qui
permettra au Congo de se doter d¹une économie forte, gage de son indépendance
économiqueŠ
Le Grand Congo avec ses 55 millions d¹habitants a un Produit
National Brut d¹un peu plus de 5 milliards de dollars. Or, une seule entreprise
américaine comme General Motors a un chiffre d¹affaires de 230 milliards de
dollarsŠ Les 200 premières multinationales réalisent maintenant un chiffre
d¹affaire annuel qui dépasse les 10.000 milliards de dollars. Face à ces
monstres géants, les entreprises congolaises n¹ont même pas le poids d¹une puce.
Elles seront écrasées impitoyablement par le « libéralisme » que les Américains
et leurs alliés européens sont en train d¹imposer à l¹Afrique. Le Gecamines et
Inga seront privatisées en un tour de main et pour peu d¹argent. Que
restera-t-il alors de l¹indépendance économique du Congo ? L¹argent gagné par la
Gécamines et Inga privatisés ira enrichir les multinationales étrangers : quel
développement harmonieux poura-t-il alors y avoir pour les masses de l¹intérieur
?
Dans un de ses meilleurs discours sur les CPP, celui du 17 mai 1999,
Kabila a dit ceci.
« Grâce au CPP, un peuple idéologiquement tourné vers
soi-même prend conscience que sans lui aucun miracle de développement ne
se produira dans ce pays. Avec les CPP, c'est primordial d¹avoir foi en ses
capacités créatrices et, sur une grande échelle, de compter d'abord sur
soi-même. Nous avons pour mission de sortir notre pays de l'économie coloniale
tournée vers l'extérieur. Notre tâche actuelle est de bâtir une économie
réellement nationale tournée vers les besoins d'émancipation, de reconstruction
de notre pays, de jouissance de nos populations longtemps trahies et contraintes
à la dépossession et au dénuement. Cette option courageuse qui exclut toute
fatalité et allégeance de type comprador rencontre encore une résistance
acharnée de la part des prédateurs de nos richesses qui sont contre le
changement. Š C'est l'extraction des richesses du sous-sol au service du
financement de la construction des grands ouvrages : autoroutes nationales,
ports, faire pousser à partir de rien des cités nouvelles, modernes, illuminées,
pourvues des bureaux de poste, des banques, des téléphones, d'eau courante, des
centres sanitaires, écoles, barrages hydroélectriques. Ce vaste programme
s'étend sur tout le territoire national. Š. Le travail national de
reconstruction n'est plus l'affaire d'un petit nombre d'acteurs. Les CPP en font
l'affaire de toutes les forces physiques adultes de la nation (sport, défense
civile, activités culturelles). Tout est affaire de tous au sein de la société
tout entière. Les CPP mobilisent et contrôlent les immenses forces de la nation
et les dirigent vers la création du bonheur, de la prospérité nationale.
»
Il est donc clair que les CPP ne peuvent en aucun cas être réduits à un
mouvement pour le développement local. Les questions essentielles du
développement sont décidées au niveau de l¹Etat du Peuple. Les décisions de
gouvernement populaire au niveau national auront des implications à tous les
niveaux inférieurs, y compris celui du quartier et du village. D¹une
planification nationale pour la production et la distribution de l¹électricité
dépend en grande mesure la qualité du développement dans le village et le
quartier. Bien sûr, le quartier et le village prendront seuls certains décisions
qui leur concernent directement.
3.
Les Comités du Pouvoir
Populaire
et les partis politiques
Depuis l¹assassinat de Président Kabila, Washington fait
une pression terrible pour que le gouvernement congolais « libéralise » tous les
partis néocoloniaux, du MPR à l¹UDPS en passant par le PDSC et autres FONUS. Au
nom de la « démocratie », l¹impérialisme veut faire revenir tous ces partis qui
ont si bien servi ses intérêts entre 1960 et 1997.
Dans tous les pays dominés
et exploités par l¹impérialisme, il y a nécessairement une opposition
irréductible entre d¹une part les forces et partis qui agissent pour maintenir
et consolider cette domination-exploitation et d¹autre part les forces
populaires et les partis politiques nationalistes qui veulent l¹indépendance
économique et le pouvoir populaire.
Maintenant que les forces nationalistes
congolaises, pour la première fois dans l¹histoire, ont eu le pouvoir d¹Etat en
mains pendant presque quatre années, l¹impérialisme s¹agite fébrilement pour «
libéraliser » les partis qui lui sont inféodés.
Mais lorsque ces gens
avaient tous les pouvoirs entre leurs mains, ils ont conduit la pays à la ruine
et ils n¹ont pas manifesté le moindre « libéralisme » envers les forces
nationalistes et révolutionnaires. Lumumba, Mpolo, Okito, Mbuyi, Nzuzi,
Elengesa, Muzungu, Fataki et tant d¹autres grands Congolais de 1960 ont été
férocément assassinés ; puis Mulele, Mitudidi, Bengila, Mukwidi, Yumbu, Kikwe
Cha Malenga sont tombés en martyr au cours des luttes de libérations des années
soixante jusque quatre-vingt.
Exiger de « libéraliser » les forces
politiques néocoloniales, ennemies du nationalisme révolutionnaire, cela fait
partie de la guerre politique que l¹impérialisme mène contre le peuple
congolais.
Cela n¹a rien d¹effrayant. Les révolutionnaires congolais ont la
majorité écrasante du peuple pour eux. Ils peuvent être forcés à un moment
donné, sous la pression et le chantage des forces impérialistes ennemies, à «
libéraliser » les partis payés par l¹impérialisme. Mais ils doivent dans toutes
les circonstances renforcer l¹organisation et la conscientisation des masses
populaires, avoir confiance dans les masses et en eux-mêmes et garder le
contrôle de la situation.
La « réconciliation nationale » pour
retourner à l¹état mobutiste ?
Les puissances impérialistes et les
partis néocoloniaux qu¹elles entretiennent n¹ont pas caché leur joie à la
nouvelle de l¹assassinat du Président Kabila : sans honte, ils se sont exclamés
qu¹il y a maintenant une chance « pour le changement, pour la paix et la
démocratie »!
Ensemble, ils mènent actuellement à nouveau une grande
offensive sur les thèmes « dialogue, réconciliation, gouvernement d¹union
nationale ». Ces belles paroles servent depuis toujours à tromper la
vigilance du peuple, à masquer les véritables enjeux.
Dans une situation
politique donnée, il faut toujours saisir la contradiction principale.
Aujourd¹hui, la question fondamentale qui domine toute la vie politique
congolaise est celle-ci: après la mort de Mzee Laurent-Désiré Kabila, le Congo
continuera-t-il ses efforts pour organiser un Etat de Démocratie populaire ou de
démocratie gouvernante, une démocratie basée sur la participation maximale de la
population aux prises de décision à tous les niveaux - ou bien le Congo
retournera-t-il vers la démocratie parlementaire bourgeoise, une démocratie
dominée par l¹argent et par les puissances étrangères et basée sur l¹exclusion
des masses populaire ?
On n¹a rien compris à la pensée de Kabila, si l¹on
n¹a pas saisi cette opposition inconciliable entre l¹Etat néocolonial des années
1960-1997 et l¹Etat populaire qu¹il a voulu mettre en place grâce aux
CPP.
Pour Kabila, tout Etat néocolonial a les caractéristiques suivants :
« L¹Etat mobutiste avait une seule mission : faire primer les intérêts des
grands pays sur l¹intérêt national. Le caractère répressif de cet Etat était
nécessaire pour permettre aux intérêts étrangers de prospérer. » Les
puissances occidentales veulent faire revivre cet Etat « traditionnel » grâce à
la « réconciliation » et à la formation d¹un « gouvernement d¹union nationale »
où leurs hommes dominent.
A l¹occasion de l¹arrivée au pouvoir de Joseph
Kabila, les impérialistes ont redoublé leur propagande sur ces thèmes. Mais il
faut se rappeler qu¹avant le 17 mai 1997 déjà, ils exigeaient un gouvernement
d¹union nationale où il y aurait un tiers de fidèles de Mobutu, un tiers de
soi-disant opposants et un tiers de kabilistes. Le but était de minoriser les
nationalistes dans un gouvernement à majorité pro-impérialiste. Dès les premiers
mois du gouvernement Kabila, les Kengo et Tshisekedi ont commencé leur
propagande pour une « Table ronde » qui permettrait aux partis pro-occidentaux
d¹entrer en force au gouvernement. Et on se rappelle qu¹en juillet 1999, les
E.U. ont fait inscrire la formule d¹un gouvernement à majorité pro-occidentale
dans l¹Accord de Lusaka.
Kabila avait déjà mis en garde que les CPP seront
combattus par les impérialistes et par les partis qu¹ils manipulent. « Les
CPP font peur aux politiciens (néocoloniaux) et à ceux qui les ont toujours
utilisés pour piller le pays. Les vautours volent autour de vous. Si nous ne
sommes pas structurés, si le peuple n¹est pas conscient politiquement, il peut
perdre le pouvoir. Les agents qui servent l¹étrangers tentent encore de
reconquérir le pouvoir perdu par des intrigues comme Œla table ronde¹, Œle
gouvernement de large union nationale¹, ou Œle gouvernement de réconciliation
nationale¹. »
L¹Etat démocratique et national que Kabila voulait
construire, est à l¹opposé de cet Etat néocolonial que Washington, Paris et
Bruxelles ont toujours voulu maintenir en place à Kinshasa: « Notre mission
était de mettre fin à cet Etat compradore qui était le courroie de transmission
des directives de l¹étranger. » (Il fallait) « créer un état populaire, un Etat
du peuple, un état qui pense d¹abord et avant tout aux intérêts du Congo ».
C¹est pour avoir affirmé haut et fort devant l¹Afrique toute entière que
l¹objectif des Congolais était de créer un Etat nationaliste et populaire en
rupture avec l¹état néocolonial, que les Américains ont très tôt décidé d¹avoir
la peau de Kabila. Kabila mort, les impérialistes veulent maintenant achever
leur crime en détruisant son héritage spirituel, en liquidant son projet de
société, les CPP.
Les CPP sont une arme contre les partis
néocoloniaux
Aujourd¹hui, certains élus et responsables des CPP
semblent pris de panique : « Il faut voir la réalité en face : sous la pression
des Américains et des Français, nous serons obligés de faire revenir tous les
partis de l¹ancien régime, et alors les CPP seront enterrés. »
Nous avons
difficile à comprendre pourquoi ces camarades sont saisis d¹une telle panique.
N¹est-il pas vrai que le camarade Kabila avait déjà prévu cette situation ? Il y
a deux ans déjà, il enseignait ceci : « Nous sommes à la veille de la
promulgation de la loi légalisant les activités politiques. Š Face à la
possibilité de chaos lors de la libéralisation des partis politiques, les
Comités du Pouvoir Populaire sont la solution. » Alors nous nous étonnons :
comment des kabilistes peuvent-ils affirmer que la libéralisation des partis
néocoloniaux signifie l¹enterrement des CPP ? Dans la conception de Kabila, le
nouvel Etat nationaliste, démocratique et populaire, c¹est-à-dire l¹Etat des
Comités du Pouvoir Populaire, est une arme qui empêchera les partis
anti-nationalistes Œressuscités¹ de confisquer à nouveau le pouvoir et de
rétablir la dictature néocoloniale au Congo.
Même si Mzee Laurent-Désiré
Kabila était resté vivant, la lutte pour l¹implantation et la consolidation des
CPP serait encore longue et âpre. Maintenant que Kabila est mort, chaque
nationaliste doit se considérer comme un combattant qui défendra à tout prix le
nouveau Pouvoir Populaire.
Dans son premier discours, le 21 janvier 1999,
Kabila mettait déjà en garde : « Vous devez défendre votre pouvoir, parce que
les autres n¹ont pas encore désarmés ».
Dans son discours du 21 avril
1999 aussi, Kabila a évoqué cette lutte acharnée et prolongée entre l¹ancien
pouvoir néocolonial, représenté par les partis politiques liés à l¹impérialisme,
et le nouveau Pouvoir Populaire. Affirmant qu¹au début de leur existence, les
CPP commettront inévitablement des erreurs, Kabila affirma qu¹il faut faire une
distinction entre erreur et capitulation-trahison. « Si vous lâchez le
pouvoir et que les autres s¹en emparent, ne criez pas à l¹erreur ! Ce n¹est pas
une erreur quand vous vous vendez consciemment comme esclave à quelqu¹un.
»
Il fallait s¹attendre à ce que le nouvel Etat du peuple, l¹Etat des
Comités du Pouvoir Populaire, serait combattu avec acharnement par cette infime
minorité de Congolais qui s¹est mis au service de l¹impérialisme. Pour reprendre
l¹expression de Kabila : « Nous savons qu¹ils feront beaucoup de tentatives
pour récupérer leur Etat, surtout par le biais des partis politiques qu¹ils
cautionnent. » Ici, Kabila fait référence aux partis néocoloniaux qui
acceptent ou dirigent l¹Etat néocolonial : « Dans le système qui vient d¹être
renversé, une multitude de partis politiques coopéraient avec l¹ancien Etat.
»
Les CPP et le parti révolutionnaire kabiliste
Est-ce
que l¹Etat du Pouvoir Populaire est hostile à l¹existence de partis politiques?
Est-ce qu¹avec l¹organisation des Comités de Défense Populaire tous les partis
sont devenus nocifs et inutiles ? C¹est ce que la plupart des partisans des CPP
croient. Mais ce n¹était pas l¹avis du camarade Kabila.
Bien sûr, beaucoup
nationalistes disent que les CPP suffisent pour unir le peuple et pour le
mobiliser et qu¹on n¹a pas besoin des anciens partis néocoloniaux. Ils ont,
d¹une certaine façon, raison. Le fonctionnement actuel des CPP est viable et les
anciens partis de l¹époque mobutiste sont une nuisance dans la lutte pour
l¹indépendance et le pouvoir populaire.
Néanmoins, il ne faut pas oublier
que la situation actuelle est provisoire.
D¹abord, Kabila a suspendu les
activités des anciens partis, dont plus de 90 % étaient des partis néocoloniaux,
pour un temps limité. Kabila lui-même avait déjà envisagé la libéralisation de
la vie politique et en conséquence la vie des CPP deviendra nécessairement plus
compliquée.
Mais il y a plus. Certes, les CPP constituent la forme étatique
la plus démocratie possible dans les conditions actuelles du Congo. Cependant,
même la meilleure forme, la meilleure structure de l¹Etat n¹offre pas une
garantie que les masses populaires seront en mesure de consolider leur pouvoir.
Kabila comprenait que, dans les conditions sociales et économiques actuelles, la
forme de démocratie la plus parfaite possible, celle des CPP, amènera à des
fonctions de responsabilité des personnes ayant des conceptions politiques fort
différentes. La meilleure structure d¹Etat peut dégénérer, si elle est « meublée
» par des acteurs qui ne sont pas à la hauteur ou qui adoptent le même
comportement que les politiciens de l¹ancien état néocolonial.
C¹est ici
certaines remarques de Mzee Laurent-Désiré Kabila prennent leur véritable
signification Kabila a dit : « Les CPP doivent faire un effort nécessaire
pour mûrir politiquement. Notre maturation politique devra nous aider à faire le
bon choix parce que la vie est pleine d¹embûches ». Cela implique que cette
maturation politique doit être organisée. Comment assurer le mûrissement
politique d¹une population qui a été marqué par la culture et les habitudes
néfastes du mobutisme ?
Kabila était conscient de la nécessité de constituer
une organisation capable d¹assimiler sa philosophie politique, capable
d¹inspirer et de guider les CPP au cours du long combat pour l¹indépendance
économique et politique. Kabila, n¹a-t-il pas déclaré que les CPP ne sont pas un
parti politique, mais qu¹il peut y avoir un ou plusieurs partis qui soutiennent
le projet de société des Comités du Pouvoir Populaire ?
Mais en attendant la
création d¹un parti révolutionnaire, Kabila lui-même était, pour ainsi dire, le
noyau dirigeant de la révolution congolaise. A lui tout seul, il assumait en
quelque sorte les fonctions du parti d¹avant-garde : il maîtrisait la longue
expérience de la révolution congolaise depuis 1960, il connaissait l¹histoire de
la révolution soviétique et chinoise, il s¹était familiarisé avec les masses
profondes du Congo et connaissait leurs caractéristiques. Kabila comprenait
parfaitement les ravages que 36 années de néocolonialisme et de mobutisme
avaient causé dans la mentalité, la conscience, la conception de la vie des
Congolais. C¹est lui seul qui dirigeait, prudemment, pas à pas, le mûrissement
politique de cette population qui commençait à s¹éveiller.
Cette situation
comportait évidemment de graves dangers qui sont apparus au grand jour après
l¹assassinat de Kabila. Le noyau de la révolution ayant disparu, beaucoup de
nationalistes congolais qui ont suivi en toute confiance le Président Kabila, se
trouvent jetés dans un désarroi profond. Ils se demandent : qui aura maintenant
les capacités pour diriger la lutte révolutionnaire vers la victoire finale,
comme le fit, pas à pas, sans précipitation mais sûrement, le Président défunt
?
C¹est là qu¹intervient la question du parti d¹avant-garde, un parti qui a
étudié et assimilé l¹expérience de tous les partis révolutionnaires et
anti-impérialistes du monde. Le camarade Kabila lui-même, aurait-il pu parler en
1999 des Comités du Pouvoir Populaire, s¹il n¹avait pas reçu une formation
politique approfondie au cours de ses voyages autour du monde au début des
années soixante et s¹il n¹avait pas créé en 1967 le Parti de la Révolution
Populaire ? Au cours des derniers mois de sa vie, le Président Kabila n¹a-t-il
pas chargé un de ses plus proches compagnons de combat de préparer un document
sur la formation d¹un parti d¹avant-garde ?
Kabila renaîtraŠ
C¹est ici l¹endroit d¹évoquer une interrogation sur le bien-fondé de
la stratégie adoptée par Laurent-Désiré Kabila dans le domaine de
l¹organisation.
Depuis le 17 mai 1997 et avec une insistance croissante à
mesure que le temps passait, de nombreux révolutionnaires congolais ont posé
cette question : pourquoi le Président ne fait-il aucun effort pour réunir tous
les nationalistes et révolutionnaires qui partagent son idéologie et sa
conception politique ? Il leur semblait évident qu¹un homme seul, même s¹il est
un génie en politique, ne pouvait pas maîtriser un processus aussi complexe que
celui du développement de la révolution congolaise. Il fallait la sagesse
collective de tous les combattants anti-impérialistes réunis dans un parti
discipliné, un parti capable d¹orienter, dans la ligne de Kabila, les CPP, le
gouvernement, l¹armée, les services de renseignement, l¹information, etc.
Un
responsable d¹un pays allié nous disait récemment : « Si Kabila avait créé un
parti révolutionnaire, d¹innombrables nationalistes s¹y seraient engagés. Ils y
auraient acquis une vision commune des perspectives de la révolution.
Maintenant, après sa mort, le parti aurait pu reprendre le flambeau. »
C¹est
tout à fait vrai.
Mais il n¹est pas encore trop tard pour s¹attaquer à cette
question cruciale.
En effet, après l¹assassinat de Kabila, des dizaines de
milliers de révolutionnaires et de nationalistes congolais se sentent envahis
par un sentiment d¹impuissance. Mais chacun, individuellement, a conscience
qu¹il y a tant d¹autres compatriotes qui ont les mêmes aspirations et les mêmes
idéaux que lui et qu¹il suffirait que tous se trouvent réunis pour que Kabila
renaisse. Non pas en tant qu¹individu, mais comme idéal nationaliste et
programme révolutionnaire incarnés dans un parti, dans une grande collectivité
kabiliste.
Aujourd¹hui, seul un parti lumumbiste-muleliste-kabiliste sera en
mesure de continuer l¹¦uvre de ces trois héros congolais, seul un tel parti
pourra orienter les CPP, structure démocratique de l¹Etat populaire, avec la
sagesse et l¹expérience dont fit preuve le camarade Kabila.
Les CPP
face aux partis néocoloniaux et aux partis nationalistes
Certains
disent que l¹existence des CPP est incompatible avec le multipartisme selon le
schéma occidental et qu¹ils sont donc condamnés à disparaître. Ces camarades
proposent de « capitaliser » la grande sympathie que l¹idée des CPP rencontre
dans les masses et de « transformer » les CPP en parti politique.
Nous
estimons qu¹il est impossible de « transformer » les CPP en parti politique
parce qu¹on ne peut pas transformer une structure de l¹Etat en parti.
Dans
un état démocratique du Pouvoir Populaire, des candidats de plusieurs partis et
sensibilités politiques participeront aux élections pour les CPP. Le parti
kabiliste ou le front des partis kabilistes -, quant à lui, regroupe
uniquement la sensibilité politique qui se reconnaît dans le nationalisme
congolais représenté par Lumumba, Mulele et Kabila. Il combattra les partis
néocoloniaux qui veulent s¹accaparer de l¹Etat CPP pour le liquider. Le parti
kabiliste se donne comme objectif d¹¦uvrer au maintien et au développement des
CPP selon les enseignements laissés par Mzee Laurent-Désiré Kabila.
Dans la
conception de Kabila, les CPP n¹excluent pas l¹existence de plusieurs partis
politiques, même de partis néocoloniaux dont le programme proclame le retour au
mobutisme dur et pur des années 1965-1990 ou au multi-mobutisme de la Transition
1991-1997. Tous les partis pourront faire leur propagande et leur travail
conforme à la loi réglant l¹activité des partis.
Mais lors des élections, on
ne demandera pas à la population de se prononcer pour des partis, mais pour des
individus qu¹elle a vus à l¹¦uvre et dont elle a pu apprécier les qualités. Lors
des élections dans la rue, le quartier, la commune, etc., le peuple souverain ne
se demandera pas si un candidat appartient à tel ou tel parti, mais il analysera
le comportement du candidat dans la vie de tous les jours, ses positions
vis-à-vis des grandes questions qui déterminent l¹avenir du Congo. Le système
CPP avantagera les partis qui formeront des cadres et des militants
révolutionnaires dévoués à la cause du peuple, proches des masses, qui se
soucient des intérêts des travailleurs et qui sont rigoureux en matière de
gestion et de finances.
Le système des CPP, qui permet de révoquer à tout
moment un élu qui a tourné le dos aux aspirations de ses électeurs, facilite le
mûrissement politique de toute la population. Kabila a souligné que la
possibilité d¹exercer un contrôle permanent sur les élus constitue une
distinction essentielle entre la démocratie populaire et la démocratie
parlementaire Œclassique¹. A propos de l¹ancien système parlementaire, il dit :
« Lorsque les politiciens viennent solliciter un mandat, ils font des
promesses très alléchantes. Une fois élus, ils disparaissent et les problèmes
demeurent ». Kabila a dit aussi : « Il s¹agit de nous assurer que le
peuple tout entier s¹implique et exerce un contrôle direct sur le pouvoir.»
Fini le temps où l¹on se faisait élire en distribuant l¹argent et où l¹on
pouvait ensuite s¹enrichir tranquillement pendant des années par des vols, des
détournements, de la corruption, etc.
Kabila a été le penseur et le bâtisseur
de l¹état démocratique de type CPP. Sa fonction d¹architecte et de maçon de
l¹édifice CPP devra maintenant être remplie par un architecte et un maçon
collectif : par un parti kabiliste ou par un front de partis nationalistes
kabilistes.
La leçon des jeunes de Masina, Ndjili et
Kimbanseke
La question de l¹heure n¹est
donc pas la « transformation » des CPP en parti politique, mais la défense
farouche de l¹héritage de Kabila, les Comités du Pouvoir Populaire,
l¹intensification et le renforcement du travail des CPP et leur implantation
dans tout le Congo.
L¹heure est aussi au regroupement des nationalistes dans
un parti ou un front kabiliste capable d¹orienter le travail des CPP selon les
idées que Mzee Laurent-Désiré Kabila a laissé.
Les jeunes de Masina, de
Ndjili et de Kimbanseke qui sont descendus par dizaines de milliers acclamer le
Président Joseph Kabila à son retour de l¹Occident, ont bien compris les enjeux
du moment. Obligeant le Président de descendre, ils lui ont crié : « Nous les
jeunes sommes derrière vous, n¹ayez pas peur, les Blancs ne vont rien pouvoir
vous faire ! » Spontanément, le peuple sent que les puissances impérialistes
profitent de la mort de Mzee Laurent-Désiré Kabila pour lancer une grande
attaque contre toutes les idées et tous les projets de Président défunt. Le
peuple sent que l¹Occident tente d¹imposer le retour à la « normalité »
néocoloniale en profitant du désarroi provoqué par l¹assassinat de L.D. Kabila
et de l¹inexpérience supposée du nouveau Président. Mais les jeunes ont dit
cette grande vérité au jeune Président qu¹ils considèrent comme un des leurs :
ne pliez pas devant le chantage des impérialistes, restez fidèle aux idées
nationalistes révolutionnaire de votre père, le peuple vous soutient
massivement.
Celui qui a vu ces masses de jeunes en mouvement le jour des
funérailles de Mzee Laurent-Désiré Kabila et le jour du retour triomphal de
Joseph Kabila, sait que le peuple congolais est désormais debout.
Le retour
au néocolonialisme que certains projettent déjà, se heurtera à une résistance
farouche d¹une population éveillée par trois années de lutte pour l¹indépendance
et le pouvoir populaire. Au moment où l¹Occident a « convoqué » le nouveau
Président pour l¹envoûter avec des promesses d¹aide, le peuple se souvient de
l¹avertissement du camarade Laurent-Désiré Kabila aux CPP : « Si nous
choisissons à nouveau le chemin de l¹allégeance à l¹étranger, le chemin de la
facilité et de la pauvreté parce qu¹on nous promet de Œl¹assistance¹, nous
ramperons à quatre pattes. »
Cette grande force des masses pèsera
lourdement sur le cours des événements - à condition que les CPP soient
redynamisés et qu¹ils donnent la priorité à l¹encadrement, la mobilisation et la
formation de la base.
On peut dire que le véritable testament politique se
résume dans cette seule phrase : « Je vous assure qu'il n'y a pas de meilleur
chemin que celui des CPP. C'est pourquoi je vous recommande d'en faire la
préoccupation de tout le monde et de tout un chacun. ». Oui, dans le concept
du Pouvoir Populaire se fondent toutes les idées et les projets de Mzee
Laurent-Désiré Kabila.
Il appartient désormais à tous les Congolais qui
s¹identifient avec l¹¦uvre du Président Mzee Laurent-Désiré Kabila d¹agir pour
que le Congo se donne une Constitution de type démocratie CPP, une constitution
capable de pérenniser le projet de société nationaliste et révolutionnaire de
Laurent-Désiré Kabila et de ses prédécesseur, Patrice Lumumba et Pierre Mulele.