À compter du 19 février
2001, le sens du mot "terrorisme" s'est considérablement élargi
en Angleterre. Au regard du Terrorism Act, l'utilisation de la "menace"
(threat) en vue d'influencer l'opinion ou le gouvernement pour des raisons
"politiques, idéologiques ou religieuses", les "dommages
sérieux à la propriété" ainsi que les actions en vue de "perturber
gravement un système électronique" peuvent aujourd'hui être
qualifiés de "terroristes". Pour Jack Straw, le secrétaire
du Home Office, l'équivalent britannique de notre ministre de l'Intérieur,
il s'agit d'un renforcement des libertés individuelles visant à combattre,
par exemple, ceux qui pourraient faire tomber l'alimentation électrique
d'un hôpital. Un avis que ne partagent pas les défenseurs des libertés qui
voient là un pas supplémentaire dans l'édification d'une société de la
surveillance. Interrogé par le très sérieux Financial Times, un
représentant de l'opposition estime ainsi qu'un leader syndical appelant à
la grève dans un hôpital pourrait ainsi tomber sous le coup de cette loi.
Délits de sales opinions
Conçu comme la mise à
jour d'une loi votée en 1973 et destinée, à l'époque, à lutter plus
efficacement contre l'IRA, le Terrorism Act pourrait, selon ses opposants,
être en effet appliqué à n'importe qui. Arborer un T-shirt de soutien à un
mouvement considéré comme "terroriste" par un régime entretenant
de bonnes relations avec le gouvernement anglais ou s'exprimer lors du
meeting d'une organisation considérée comme "terroriste" peut
valoir jusqu'à dix ans de prison. Les opposants au Terrorism Act ont ainsi
apposés la mention "terroriste" sur une statue de Nelson
Mandela : c'est en effet tout ce qu'il mérite, selon la loi. Sont
également visés les activistes anti-mondialisations ou anti-OGM, dont les
leaders pourraient risquer la prison... à vie. Si José Bové avait été jugé
en Angleterre pour son démontage du Mac Do de Millau et les destructions de
plantations d'OGM, il aurait ainsi risqué perpèt'. La Confédération
paysanne aurait pu être purement et simplement interdite, ses militants et
sympathisants devenant dans la foulée des terroristes potentiels, fichés
comme tels. Leur site web, prônant de telles méthodes, aurait lui aussi été
interdit, ainsi que toute présentation sous un jour favorable de leurs
revendications, qu'il s'agisse de tracts, affiches, T-Shirts, etc. Les
journalistes ne sont pas plus épargnés : ils risquent en effet cinq
ans de prison s'ils refusent de révéler leurs sources dans le cas où ils
ont été en contact avec des "terroristes". Tout comme ceux qui
leur viendraient en aide, que ce soit d'un point de vue logistique ou
financier, et ne serait-ce qu'en maintenant un site web.
Bové et Mandela : terroristes !
En se basant sur ce
texte, la police est habilitée à fouiller les locaux de ceux qu'elle
soupçonne d'être des "terroristes" et de les arrêter... sans
mandat. Une nouvelle mesure d'exception qui rappelle le
RIP Act, qui fait entrer le Royaume-Uni dans l'ère de la
cybersurveillance. Dans le cadre de cet arsenal juridique, des hacktivistes
qui, préparant une manifestation en ligne, utiliseraient la cryptographie
pour communiquer de façon confidentielle avec leurs pairs, risquerait des
années de prison, alors que s'ils s'étaient contentés de préparer une
manifestation "réelle" en se retrouvant au café du coin, ils ne
risqueraient rien... À moins d'appartenir à une organisation justement
qualifiée de "terroriste". Tout comme le RIP Act, le Terrorism
Act irait, selon plusieurs ONG citées par IndyMedia, à l'encontre de la
Convention européenne des droits de l'homme, de la présomption d'innocence
et de la liberté d'expression. Abid Hussain, rapporteur spécial de la
commission des droits de l'homme à l'ONU, s'était ainsi inquiété du sort
réservé aux journalistes ainsi qu'à la liberté d'expression en général dans
le
rapport qu'il consacrait l'an passé à la "Liberté d'opinion
et d'expression au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord".
En vain, semble-t-il. Le Terrorism Act fait aujourd'hui force de loi.
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