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Les étudiants de la VUB en grève
by Benjamin Pestieau Monday February 19, 2001 at 02:29 PM
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Les étudiants de la VUB (Université Libre de Bruxelles – côté néérlandophone) ont mis fin vendredi passé à une grève, avec occupation du rectorat de leur unif, pour protester contre l'adoption par le Conseil d'Administration de leur université de la déclaration de Bologne. La grève fut un succès.

« Déclaration de Bologne : qu’est-ce que c’est ? »

La Déclaration de Bologne est une déclaration d’intention signée par 29 pays (la Belgique aussi, quoi on vous ne l’avait pas dit ?) européens le 19 juin 1999. Elle a pour but de « rechercher une meilleure compétitivité du système d’enseignement supérieur européen » et d’harmoniser les formations et les passerelles. Ceci dans le but de faciliter la mobilité des étudiants et des chercheurs entre les universités. Elle déclare vouloir permettre qu’un étudiant puisse passer d’une université européenne à l’autre sans devoir faire toutes sortes d’équivalences, perdre son temps à remplir des papiers administratifs, etc. Séduisant non ?

« Pourquoi les étudiants de la VUB font-ils grève alors ? »
La déclaration de Bologne, c’est un peu comme l’Euro : on part d’une idée séduisante (avoir tous la même monnaie et ne pas perdre d’argent quand on va en vacances à cause du change) pour faire passer des mesures anti-sociales (les 3% de Maastricht, les restrictions budgétaires, etc.)

Aujourd’hui, le parcourt classique d’un étudiant est de faire deux candidatures, deux licences et s’il réussit bien, un diplôme d’études approfondies (DEA)qui dure un an. S’il réussit brillamment, il décrochera une bourse pour faire un doctorat pendant 4 ans. C’est un système 4 + 1 + 4. 4 ans pour les licences, 1 an pour la spécialisation (DEA, MBA, etc.) et 4 ans pour réaliser un doctorat.

Les 29 signataires de la déclaration de Bologne veulent remettre cela en cause. Il veulent remplacer le système 4+1+4 par un système 3+2+4

Concrètement cela voudra dire que l’étudiant commencera ses études par un cycle de trois ans (« undergraduate » ou licence chez les Français) assez générale et large. Au bout de ces trois ans il obtiendra un diplôme ‘utile’ sur le marché de l’emploi. Par exemple avec un tel diplôme on pourrait se faire engager comme enseignant du secondaire supérieur (moins bien payé que les professeurs actuels puisqu’on n’aurait étudié ‘que’ trois ans) ou encore comme technicien spécialisé. Ensuite, si notre étudiant réussit (bien), il aura accès au « master », « graduate » (l’équivalent du DEA et autre MBA actuels) qui durera 2 ans minimum. Finalement, s’il est brillant il recevra une bourse pour faire un doc pendant 4 ans. En résumé, pour obtenir un diplôme supérieur à un graduat il faudra étudier minimum 5 ans contre les 4 années actuelles.

« 3 + 2 = plus de sélection »
Ce système offrira des nouvelles possibilités de sélection et de régulation. A la fin des trois premières années, l’accès au master sera réservé soit à ceux qui auront bien réussi (ceux-là recevront une bourse d’étude) et/ou à ceux qui ont de l’argent. Par exemple, aujourd’hui, pour faire un DEA il faut avoir minimum une distinction (parfois une grande distinction). Une telle condition s’appliquera aussi à l’accès au master.
Ce systèmes permettra aussi d’organiser la régulation des étudiants après une formation générale. Un peu comme en médecine actuellement : tu étudies trois ans la médecine mais si le quota de médecins est atteint, tu es réorienté vers d’autres études. Avec le nouveau système, comme les trois premières années seront générales (sciences, lettres, etc.) elles ne seront pas destinées à un seul master particulier. Tu ne pourra même plus te « plaindre » (ou porter plainte parce) que ton « undergraduate » ne correspond pas à ton master.

Qui veut le 3 + 2 ?
Pourquoi les ministres européens veulent-ils généraliser ce système 3+2 ? A qui sert ce système, puisqu’on a vu qu’il ne sert pas les étudiants ?
Certaines de ses réponses se trouvent dans les déclarations de Claude Allègre, ministre de l’éducation en France et grand initiateur de la déclaration de Bologne. « nous avons constaté que dans le monde, il y a un grade, le master, qui s'est développé (…) dans le monde industriel » . Cette division du cursus veut répondre d’abord aux besoins de l’industrie.
Les ministres européens veulent augmenter la sélection et la régulation de l’enseignement afin de mieux servir les besoins de l’industrie.
Le système 3 + 2 a pour but de limiter le nombre d’étudiants effectuant des études du niveau de la licence actuelle en donnant un diplôme déjà « utilisable » au bout de trois ans. En effet, les entreprises n’ont pas besoin d’autant de gens aussi qualifiés qu’actuellement. Elles préfèrent avoir un grand nombre de diplômés de base qu’elles pourront payer moins que des licenciés et qui pourront, s’il le faut, suivre, à leur frais, pendant leur carrière professionnels des modules de formations liés aux besoins directs de l’entreprise.
Ensuite, le système 3+2 permet de faciliter la régulation des étudiants qui font un master en fonction des besoins en cadres pour les entreprises. S’il y a un besoin important de physiciens spécialisés, il suffira alors d’ouvrir un nombre important de masters dans ce domaine.
Finalement, le nouveau système permettra de dévaluer le diplôme de la licence actuelle. En effet, quel employeur voudra payer un licencié alors qu’il peut payer un « undergraduate » moins cher ?