Voici un compte-rendu factuel des actions/événements qui se sont déroulés dans la cadre des protestations contre la tenue du World Economic Forum de Davos.
Ce rapport a été réalisé par le
rézô-maloka et est donc marqué de leur empreinte. Il a été publié sur indymedia-France le 31 janvier 2001. Je conseillerais personnellement au lecteur, après lecture de ce rapport, d’aller consulter l’excellent texte de Michael Albert (Zmag) : « La trajectoire du changement » / « The trajectory of change » publié sur Indymedia-Belgique.
Compte-rendu synthétique (et résolument non-exhaustif) de la multitude de choses qui se sont passées à Davos et alentours du 22 au 30 janvier.
Les 21 et 22 janvier 2001 était mis en place un centre de convergence à l'espace autogéré des Tanneries de Dijon, dans le but de permettre à divers-es militant-e-s de se rencontrer, de se préparer et de coordonner des actions contre le World Economic Forum (WEF) de Davos.
A l'appel de la
Coordination Anti-OMC de Suisse, de nombreuses actions et manifestations étaient en effet prévues pour empêcher la tenue de cette réunion annuelle de puissants, de "maîtres du monde" comme ils se plaisent à se dénommer eux-mêmes.
Ce forum très chic a mobilisé le plus impressionnant arsenal policier et militaire qu'ait connu la Suisse depuis les mouvements ouvriers du siècle dernier, et a transformé la petite ville de Davos en véritable forteresse hérissée de barbelés, de blindés et de flics armés jusqu'aux dents ainsi que l'ensemble de la Suisse en véritable zone militaire. La répression de la contestation a été spectaculaire et d'une exceptionnelle intensité, marquant un pas dans la lutte du pouvoir contre la dissidence.
Pour ceux et celles qui n'ont pu suivre les événements, voici donc un condensé (largement non exhaustif) de la multitude de faits qui se sont passés à Davos et dans ses alentours du 22 au 30 janvier 2001.
Note : des actions de soutien aux personnes interpellées ont eu lieu dans diverses villes d'Europe. N'hésitez pas à vous organiser et à exprimer votre colère, votre indignation et votre soutien là où vous êtes ! Par ailleurs, un journal mural sur Davos a été réalisé, et n'attend que d'être téléchargé, photocopié et collé. Il est disponible en ligne à http://www.chez.com/maloka/.
Mardi 23 janvier 2001
- un bus parti de Dijon transportant une quinzaine de militant-e-s est refoulé à la frontière suisse, après 7 heures d'immobilisation. Tou-te-s les passager-e-s sont fouillé-e-s nu-e-s, les documents relatifs à leur identité photocopiés et envoyés au Ministère de l'Intérieur Suisse, leurs numéros de téléphone confisqués. Une passagère, interdite de territoire depuis le 15 janvier suite à sa participation aux manifestations de Prague contre le FMI et la Banque Mondiale en septembre 2000 est séquestrée dans une pièce pendant 6 heures. Un arrêté officiel lui est donné, lui expliquant qu'elle encourt 6 mois de prison et 10 000 francs suisses d'amende si elle tentait d'aller en suisse du 15 au 31 janvier. Les autres occupant-es du bus se voient signifier une interdiction de territoire durant la durée Forum de Davos (heureusement, cela ne les découragera pas pour autant). La police suisse a communiqué qu'elle disposait d'une liste d'au moins 300 noms de personnes à qui elle interdirait catégoriquement l'accès au territoire.
- un centre de convergence est ouvert depuis plusieurs jours à Zurich à la Rote Fabrik, ancien lieu squatté désormais légalisé, géré par nombre d'associations culturelles et politiques. S'y retrouvent pour l'occasion des militant-e-s venu-e-s de Suisse, de France, d'Allemagne, d'Italie, d'Espagne et d'Angleterre.
Mercredi 24 janvier 2001
Les premières actions contre le WEF ont lieu à Zurich : une parade rassemblant une cinquantaine de militant-e-s chaussé-e-s de skis, habillé-e-s en clowns, dansant et chantant dans la rue défile dans le centre de la ville.
L'accès à Davos est bloqué par des barrages policiers. Personne ne passe, pas même les habitant-e-s de la région qui se font arrêter et fouiller, parfois pendant de longues heures. Un van d'Indymedia est arrêté 5km avant Davos et refoulé, les médias indépendants n'étant pas bien vus autour du Forum. Même sort pour un bus de cuisine allemand (expulsé dans les heures qui suivent) et de nombreux-ses autres. Toutes les personnes essayant de se rendre à Davos sont contrôlées, photographiées et refoulées.
Le second recours contre l'interdiction de manifester à Davos est repoussé par la cour cantonale, qui protège sans surprise la réunion des dirigeants. Le porte-parole du WEF déclare qu'il n'est pas démocratique de venir manifester contre le WEF (qui est quant à lui et comme chacun-e sait, extrêmement démocratique). Rien qu'en annonçant depuis de nombreux mois qu'elle viendrait bloquer le sommet de Davos et s'opposer radicalement à l'existence du WEF, la coordination WOW (Wipe Out WEF), a créé une psychose sans précédent en suisse. Des sommes énormes sont mises en jeu pour assurer la sécurité du sommet, depuis des semaines les journaux parlent plus de la police et des manifestations à venir que du contenu du forum. En conséquence, le WEF et la police suisse font quelques faux pas médiatiques en cherchant à se justifier.
Jeudi 25 janvier 2001
Dans le Jura suisse, une manifestation anti-Davos est organisée pour protester avec humour contre l'envoi de 5 policiers du Jura suisse à Davos sous le slogan "pas de poulets jurassiens à Davos". Les manifestant-e-s en profitent pour enchaîner la porte de la gendarmerie !
Deux actions directes sont menées pour empêcher l'arrivée des délégués du WEF à Davos en début d'après-midi. Des autonomes mènent quelques actions éclairs de barrages routiers dans Zürich. Un groupe de militant-e-s effectue un cours blocage sur la route qui conduit à l'aéroport depuis Zurich, pendant qu'un convoi de voitures roulant à 20km sur l'autoroute bloque pendant une heure et demie le seul axe routier menant à Davos, largement emprunté par les Limousines des délégués, avant l'intervention musclée des flics arrivés par voiture et par hélicoptère. Quatre voitures sont arrêtées, les passagers embarqués. Un conducteur est menotté et projeté à terre après que des flics l'aient menacé avec un revolver et brisé la vitre de sa voiture. Les personnes sont relâchées après 3 heures de détention, contre trois cautions de 1000 francs suisses (environ 4500 francs français) et doivent en outre payer une dépanneuse pour récupérer la voiture endommagée par les flics.
Deux caméras vidéo de surveillance sont découvertes devant le Centre Social autogéré "Il Molino" à Lugano, et sont aussitôt détruites par des militant-e-s. La police arrive immédiatement et encercle le lieu, remplaçant leurs caméras de surveillance sabotées par un contrôle de toute personne entrant ou sortant du bâtiment.
Une quarantaine d'activistes du WOW (Wipe Out WEF) entre dans les locaux du siège gouvernemental du Tessin à Bellinzone, pour protester contre les pratiques de la police cet après-midi et contre les mesures répressives mises en place sur l'ensemble du territoire helvétique.
En fin de journée, le van d'Indymedia est finalement autorisé à rejoindre Davos (après intervention d'un avocat). Des webcams y sont installées. Par la suite, le van d'Indymedia sera très régulièrement perquisitionné, des journalistes seront arrêtés puis relâchés, du matériel détérioré.
Vendredi 26 janvier 2001
Une troupe de théâtre de rue (quatre hommes et une femme) est violemment refoulée de Davos le matin, après fouille et détention d'une heure. Sur place, la police incite les habitant-e-s à dénoncer toute personne "louche" ou tout journaliste non-accrédité. Dans les semaines précédant le sommet, le personnel des hôtels a suivi des entraînements par la police afin de pouvoir participer à la répression des anti-Davos.
En début d'après-midi, une cinquantaine de personnes occupe le siège de l'USB (Union de Banques Suisses, troisième groupe bancaire du pays) à Lugano et y déploie une banderole pour appeler à la manifestation de Davos le samedi 27 janvier.
A Lausanne, 80 personnes occupent également les locaux de l'USB pour protester contre la militarisation autour de Davos et la criminalisation du mouvement anti-WEF. Une banderole est déployée sur le bâtiment pour sensibiliser les passant-e-s sur ce qui s'est passé ces derniers jours, en particulier la "répression préventive" contre tou-te-s celles et ceux qui cherchent à entrer en Suisse pour manifester contre le WEF.
A Zurich, une action de sabotage au concentré de boule-puante a lieu dans un supermarché Globus (supermagasin pour riches au cœur de Zürich) et a pour effet de vider quelques étages de leurs clients. Plusieurs personnes jettent des tracts en allemand devant le supermarché avec comme slogan : "Davos est inaccessible - le capitalisme est partout - sabotage !". Un peu plus tard, un communiqué est diffusé : "A Davos, il devait y avoir une réunion de "global leaders" décidant de notre avenir dans la transparence. Cette réunion se tient en fait dans un camp militaire retranché duquel même la citoyenneté la plus inoffensive est bannie. Nous nous sommes attaqués aujourd'hui au centre commercial de la société Globus à Zurich parce qu'elle représente ce monde factice qu'on nous vend chaque jour et qui est pérennisé une fois l'an à Davos. Jusqu'à quand ? Nous encourageons la population à saboter de quelque manière que ce soit tout ce qui l'enferme et l'aliène. Nous ne crèverons pas pour le profit maximal de quelques-uns. Signé : les putois anticapitalistes "
Tout au long de la journée, de nombreux-ses manifestant-e-s "indésirables" sont refoulé-e-s, certain-e-s figurant sur la fameuse "liste noire" de 300 noms. A 18h, les cars et voitures du Global Action Bus transportant une centaine de militant-e-s italien-ne-s (les "Tutte Bianchi") sont bloqués à la frontière, attendu-e-s par 150 flics et
carabiniers. Comme à Prague et à Nice, les manifestant-e-s italien-ne-s ne sont pas les bienvenu-e-s. Après de veines tentatives de négociation, les manifestant-e-s essayent à plusieurs reprises de traverser la frontière les mains levées et se font charger par les flics. Les "invisibles" décident alors d'occuper de façon permanente le poste de frontière de Chiasso, et appellent au blocage de la frontière, où ils-elles vont passer la nuit. Dans l'après-midi, des militant-e-s de Suisse francophone ont bloqué un poste frontière en solidarité avec les italien-ne-s.
La compagnie des chemins de fer rhétiques et la police ont décidé de suspendre tous les trains pour Davos dans la journée du samedi 27.
Samedi 27 janvier 2001
à 7h, 200 activistes (suisses, français-es, allemand-e-s, espagnol-e-s, anglais-es) investissent le hall du siège de l'OMC à Genève, pissent et taguent sur les murs ("We are pissed off by the WTO so we piss on the WTO"). La façade est repeinte avec le slogan "Assassins, Moore aux tyrans" (Mike Moore est le président le l'OMC). Les
militant-e-s font une déclaration sur le rôle de l'OMC et ses conséquences ainsi que sur les discussions au sein du Forum de Davos visant à reprendre les négociations de l'OMC avortées à Seattle le 30 novembre 1999.
Partis de Lugano, les 17 cars de la "Caravane du peuple de Seattle" sont en route pour Davos, rejoints par d'autres autocars en provenance de Genève, de Basilea et d'ailleurs. La route en direction de Davos est bloquée dans les deux sens et survolée par un hélicoptère. Environ 600 manifestant-e-s descendent des cars avec banderoles et sound-system et bloquent complètement l'autoroute, causant un bouchon de plus de 15 kilomètres. Les flics chargent, lancent des lacrymos et tirent des balles en caoutchouc. Après deux heures de négociations, les manifestant-e-s obtiennent la possibilité de retourner à Zurich contre la libération de l'autoroute.
Au même moment, la route nationale est bloquée par environ 200 manifestant-e-s, qui se font également charger par les flics à plusieurs reprises avant de rebrousser chemin.
Environ 500 manifestant-e-s sont bloqué-e-s dans un train à 50km de Davos, à la gare de Landquart, transformée en un véritable centre de rétention pour l'occasion : flics, blindés, barbelés tous azimuts… Les manifestant-e-s descendent sur les quais et bloquent toutes les voies, demandant un train pour Davos. Face au refus prévisible de la police, les manifestant-e-s exigent un train pour retourner sur Zurich. Nouveau refus de la police. Les manifestant-e-s tentent alors de rejoindre leurs camarades bloqué-e-s sur l'autoroute, à quelques kilomètres de là, en coupant à travers les champs clôturés de barbelés. La police les attaque aussitôt à coups de balles en caoutchouc et de gaz. Les manifestant-e-s ripostent à coups de pierres et de bûches, abondantes dans la campagne suisse. 15 minutes plus tard, un train est finalement affrété pour Zurich. Arrivé-e-s au niveau du blocage de l'autoroute, des militant-e-s arrêtent le train pour soutenir les autres manifestant-e-s. Quelques un-e-s rejoignent l'autre cortège, et le train repart, pour finalement arriver à Zurich.
Au poste frontière de Chiasso, la police italienne repousse au canon à eau les activistes bloqué-e-s depuis vendredi après-midi, blessant un militant. Dans l'impossibilité de passer la frontière, les manifestant-e-s se dirigent vers la ville de Côme aux alentours de 12h. En tout, à peine une dizaine d'Italien-ne-s a pu entrer en Suisse, pour
250 refoulé-e-s.
Le réseau de communication téléphonique Swisscomm est victime d'un sabotage visant à perturber le bon déroulement du Forum de Davos. Les câbles du réseau sont coupés par le collectif "Sand in the Wheels".
14h : à Davos même, 400 manifestant-e-s sont parvenu-e-s à franchir les barrages policiers et avancent vers le centre ou se tient le Forum, sous une neige battante, par - 10°C et malgré l'interdiction de manifester. La présence policière est impressionnante. A 500 mètres du centre, les flics ont dressé des grilles, gardées par un canon à eau, qui tire sur les manifestant-e-s qui refusent de se disperser (Note : les flics prévoyaient d'utiliser des lances à purin, mais les fermiers locaux ont refusé de les fournir en matière première !). Très vite, les manifestant-e-s sont reconduit-e-s à la gare par la police et doivent repartir pour Zurich.
Simultanément à Berne, environ 150/200 personnes manifestent et bloquent la circulation en s'asseyant sur un des ponts qui enjambe l'Aar. Des militant-e-s jettent des pierres et des bouteilles sur les flics présents et leurs véhicules. La manifestation est improvisée par la Coordination Anti-OMC suite à la décision prise hier par la compagnie (privée) des Chemins de fer rhétiques de supprimer le trafic ferroviaire vers Davos. Deux personnes se font embarquer par les flics.
Tous les différents cortèges sont repartis pour Zurich, où un nouveau rendez-vous a été fixé. Le train bloqué à Landquart arrive à Zurich vers 17h15, mais s'arrête avant la gare centrale et refuse d'emmener les manifestant-e-s plus loin. Un cortège rythmé par une "battucada" révolutionnaire se met alors en marche vers le centre de Zurich, mais est systématiquement attaqué par les flics à l'approche du centre-ville. Sur le chemin, des chantiers fournissent aux manifestant-e-s des barres de fer et autres projectiles. Il y a un parfum d'émeute dans l'air. Les vitrines de banques, de multinationales et les voitures de luxe jonchant le parcours sont méthodiquement détruites. Rassemblés sur une place, les autres cortèges se font également agresser par la police. A 19h, les différents groupes de manifestant-e-s parviennent finalement à se rejoindre à la gare centrale autour du camion sono qui envoie des kilowatts de techno-jungle anticapitaliste sur la ville. La gare est encerclée par les flics. Ultra violents, ceux-ci chargent à la moindre pause de la manifestation, pour d'empêcher à tout prix la foule de se rendre jusqu'au précieux centre-ville de Zürich (cible que se donnent chaque année les autonomes zurichois lors des manifs du 1er mai). A plusieurs reprises, les manifestant-e-s tentent d'installer le camion sono à un endroit pour faire une "Radical Rave", mais les attaques systématiques de la police les en empêchent. Les affrontements entre
flics et manifestant-e-s continuent de plus belle. Le camion sono anime la manif pendant que des barricades s'élèvent et qu'un train servant de rempart à des policiers vole en éclats. Des voitures et des poubelles sont en feu, des pierres et des pavés répondent aux gaz lacrymogènes, canons à eau et balles en caoutchouc tirées en continu, à hauteur de tête. Plusieurs personnes sont blessées, notamment au visage, et doivent être emmenées à l'hôpital. Pendant 2 heures, les combats font rage.
Les flics parviennent à arrêter une cinquantaine de personnes, dont les 6 individus s'occupant de la sono, qui est endommagée par la même occasion. Montées dans un tramway pour rejoindre la Rote Fabrik (centre de convergence), quelques 80 autres personnes sont arbitrairement arrêtées et menottées par la police qui stoppe le wagon. En tout, 121 personnes de nationalités diverses sont interpellées, sans aucun flagrant délit, mais cependant accusées de "participation à une manifestation interdite".
6 manifestants doivent être transportés à l'hôpital. Un passant est sérieusement blessé à l'œil, un autre homme hospitalisé à cause d'une commotion et d'un œil gonflé, un autre encore gravement coupé à la jambe (à une artère) et ayant perdu beaucoup de sang. Un homme a plusieurs coupures sur le visage après avoir reçu des balles en caoutchouc en pleine figure, d'autres ont des blessures causées par des flics sectionnant sans ménagement leurs menottes plastiques ou ont été salement matraqués par des policiers. Par ailleurs, 3 policiers auraient été blessés pendant les affrontements.
La manifestation est finalement et définitivement dispersée par les flics vers 23h. L'accès à la Rote Fabrik est menacé toute la nuit par la police, et des groupes fascistes traînent aux alentours, à l'affût de militant-e-s isolé-e-s.
Dimanche 28 janvier 2001
la situation reste tendue à Zurich. Les flics sont partout, et seulement 28 manifestant-e-s ont été libéré-e-s. Aucune nouvelle de tous les autres, la police restant totalement opaque à ce sujet.
4 personnes sont toujours hospitalisées suite aux agressions de la police samedi soir.
La presse suisse fait ses gros titres des événements de Davos et Zurich. Cependant, on y trouve d'inhabituelles condamnations de la présence policière, et plus généralement une indignation face au couvre-feu militaire qu'a connu la Suisse en cette semaine un peu particulière. Politiciens de gauche et journalistes sont d'accord pour
dire que c'était "un peu trop", et semblent ainsi exceptionnellement épargner quelque peu les manifestant-e-s radicaux et radicales de leur habituel vomis. Quelques titres : "la police comme dans une dictature" (dans Sonntagsblick, le journal de droite zurichois !), "l'esprit de Davos a étouffé dans les gaz lacrymogènes", "la police a empiété sur les droits fondamentaux" (dans Sonntagszeitung), ainsi que "les anti-Davos ont gagné. Malgré la police" (dans Dimanche.ch). Contrairement a ce qui s'est passé pour Nice, on ne met pas l'accent sur d'irresponsables casseurs et casseuses, mais bel et bien sur l'enjeu politique de ces manifestations.
Lundi 29 janvier 2001
à Lausanne vers 16h, 30 à 40 personnes se réunissent devant un McDonald's auquel est accrochée une banderole et dont l'entrée est bloquée pendant environ 20 minutes, pour réclamer la suppression du Forum Economique Mondial et la libération de tou-te-s les personnes détenues suite aux manifestations de Zürich. Des tracts sont distribués aux passant-e-s. L'action est organisée par la Coordination Anti-OMC Lôzanne.
Environ 200 personnes manifestent à Genève pour protester contre la répression par les autorités suisses des opposant-e-s au WEF, puis occupent le siège du Département de justice et police de Genève et réclament que les autorités rendent public le lieu de détention des personnes arrêtées et leur libération. Après avoir appris par le bureau anti-répression de WOW à Zurich que ces personnes se trouvaient bien encore à Zurich et que leur libération était annoncée pour ce soir, les manifestant-e-s quittent les lieux.
Alors que tou-te-s les militant-e-s suisses ont été libéré-e-s, il reste au moins une cinquantaine de personnes retenues par les autorités, toutes de nationalité étrangère, bien que quasiment aucune information ne soit disponible à leur sujet. Contrairement à ce qui avait été déclaré, elles n'ont pas été libérées lundi soir, et risquent d'être expulsées du territoire mardi. Certains individus sortant de garde-à-vue témoignent de "torture blanche" : musique techno et radio à fort volume la nuit pour empêcher les prisonnier-e-s de dormir, refus des flics de donner du papier WC, entre autres pressions physiques et psychologiques.
Mardi 30 janvier 2001
les dernier-e-s détenu-e-s sont finalement relâché-e-s vers 11h, raccompagné-es à la frontière et expulsés du territoire, après plus de 70 heures d'emprisonnement. Seule une québécoise n'est pas libérée, la police suisse voulant l'expulser directement au Canada. Quelques personnes se mobilisent et envoient des fax de protestation. Elle est enfin relâchée dans la soirée.
Ailleurs qu'en Suisse, de nombreuses actions de soutien ont également eu lieu :
Outre un concert de soutien, des militant-e-s grenoblois-es ont organisé diverses actions théâtrales autour de Davos, comme la Tantatélé, animation ayant sévi en plein centre ville de Grenoble entre le 20 janvier et la date fatidique de mobilisation. Il s'agissait d'une tente dans laquelle les passant-e-s pouvaient visionner des documentaires et boire du thé. Cette tente était un pseudo Office de tourisme (petits drapeaux suisses, enseigne "Office de tourisme de Davos") mais lorsque l'on s'approchait, on constatait des drapeaux Adieu Davos, un cercueil confectionné pour l'enterrement du capitalisme contenant des documents sur le kapitalisme et le néolibéralisme. Il était également possible d'y faire une pêche à la ligne dans une cuve de mazout et de participer à d'autres amusements.
Vendredi 26 janvier 2001, une action de théâtre de rue pour appeler aux manifestations de Davos a eu lieu sur le marché de Foix, en France. A 17h, c'est à Toulouse qu'une manifestation rassemblant une trentaine de personnes a eu lieu pour dénoncer la répression de la SNCF à l'encontre des opérations trains-gratuits menées au moment de Nice les 6, 7 et 8 décembre 2000 et appeler à aller manifester à Davos contre le WEF. Les manifestant-e-s ont fait une déambulation silencieuse et théâtrale dans la gare, mimant la répression subie à l'occasion de Nice. Une centaine d'affiche fut collée dans la gare et 2000 tracts "bienvenue à la SNCF" sur Nice et Davos distribués.
Samedi 27 janvier 2001 s'est tenu une action de théâtre de rue visant à informer les passant-e-s sur le Forum de Davos et ses méfaits sur le marché de St-Girons, en Ariège, France. A St-Etienne, environ 150 personnes se sont rassemblées sur une place du centre-ville derrière une banderole "contre le capitalisme et ses institutions", distribuant des tracts dans une ambiance festive. La manifestation s'est poursuivie au squat autogéré IZMIR, où fut organisé un apéro avec diverses informations sur Davos et des projections vidéos sur des luttes anticapitalistes. Au Brésil également, en marge du Forum Social Mondial de Porto Alegre, s'est déroulé une manifestation en solidarité avec les opposant-e-s au WEF de Davos. Le cortège s'est rendu en particulier devant les locaux de la VARIG, une entreprise de Rio Grande présente au forum économique, sans oublier un passage obligé devant les McDonald's et les banques. Enfin, entre 5000 et 7000 manifestant-e-s ont défilé dans les rues de Madrid à l'appel du Movimiento de resistencia global, en solidarité avec les manifestant-e-s de Davos et pour dénoncer les nouvelles lois anti-immigration mises en place en Espagne. La manifestation s'est déroulée sous haute surveillance policière, les forces de l'ordre contrôlant à tour de bras dès la sortie des stations de Métro et une cinquantaine de véhicules se tenant à proximité du cortège. Quelques incidents et actions de désobéissance par les "white monkeys" ont ponctué cette manifestation qui s'est terminé en grosse fête de rue.
Lundi 29 janvier 2001, le consulat de Suisse à Lyon a été occupé par un groupe d'une trentaine de personnes vers 15h, pour exiger la libération immédiate de toutes les personnes interpellées lors des émeutes de samedi à Zurich et dénoncer la violente répression dont font l'objet les opposant-e-s au WEF. Une banderole a été déployée devant le bâtiment, sur laquelle on pouvait lire : "Hiver 2001 : Chaos à Davos - Pas de forum pour les tyrans - Luge des classes contre le Forum Economique Mondial" et des tracts distribués. Après deux heures de palabres avec les personnes du consulat, peu conciliantes, les murs ont été tagués, recouverts de quelques slogans anticapitalistes et anti-WEF. Par la suite, des communiqués ont été envoyés au Ministère de l'Intérieur suisse ainsi qu'à l'ambassade suisse à Paris.
Le Centre social occupé autogéré Forte Prenestino (
http://www.forteprenestino.net) a appellé à un sit-in devant l'ambassade de Suisse à Rome, mardi 30 janvier, pour protester contre la répression des manifestations de Zurich et contre le bouclage des frontières dont ses militant-e-s ont été particulièrement les cibles.
Mercredi 31 janvier 2001 au matin, une action de protestation contre la répression des anti-WEF par le gouvernement suisse s'est déroulée à Helsinki, en Finlande. A l'appel de Friends of the Earth et Ya Basta, un groupe de militant-e-s finlandais-es a chanté des slogans devant l'ambassade de Suisse et remis un message de protestation à l'ambassadeur, appelant le gouvernement suisse à enquêter sur l'attitude de la police lors des manifestations anti-WEF.
A Berne, un appel à manifester contre l'Etat policier a été lancé. Le rendez-vous est fixé le 3 février 2001 à 14 heures, près de la gare de Berne.
Ce compte-rendu des événements de contestation du World Economic Forum provient notamment de nombreuses brèves et articles publié-e-s sur Internet par Hacktivist News Service (
http://www.samizdat.net/infos/hns/davos_palegre2001) et Indymedia (http://france.indymedia.org & http://davos.indymedia.org). Pour plus d'infos sur le WEF et sa contestation, consulter également le site de la Coordination Anti-OMC : http://under.ch/davos.