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L'armée à Davos: une décision lourde de symboles
by Attac Diffusion : Le Grain de sable Monday January 22, 2001 at 01:29 PM

Le Conseil fédéral a annoncé hier l'envoi de 600 militaires pour assurer la sécurité du Forum économique mondial (WEF) qui se tiendra dès le 25 janvier à Davos. L'envoi de troupes de milice pour maintenir l'ordre est une décision lourde de conséquences. Outre les questions que l'on peut légitimement se poser quant à l'état de préparation de soldats appelés à effectuer des tâches policières, cette annonce gouvernementale est fortement symbolique...

L'armée à Davos: une décision lourde de symboles

Le Conseil fédéral a annoncé hier l'envoi de 600 militaires pour assurer la sécurité du Forum économique mondial (WEF) qui se tiendra dès le 25 janvier à Davos. Placée sous commandement civil, la troupe pourrait être amenée à intervenir en cas de «débordements massifs» lors des manifestations prévues par les opposants au Forum. Ajoutés aux policiers en provenance de toute la Suisse et aux 300 gardes-fortifications déjà engagés par les autorités fédérales, ce ne sont pas moins de 2000 personnes qui seront affectées à la sécurité des 1000 «global leaders» attendus dans la petite station grisonne.

Pourtant, la situation n'a rien de cocasse. L'envoi de troupes de milice pour maintenir l'ordre est une décision lourde de conséquences. Outre les questions que l'on peut légitimement se poser quant à l'état de préparation de soldats appelés à effectuer des tâches policières, cette annonce gouvernementale est fortement symbolique. En décrétant des mesures exceptionnelles, le Conseil fédéral attise l'hystérie sécuritaire entretenue ces derniers temps par une certaine presse et ne craint pas – souhaite? – de «criminaliser» systématiquement les opposants au système. Quand le gouvernement parle de garantir ainsi la «sécurité des personnes jouissant d'une protection internationale», il accuse clairement les contestataires de vouloir attenter à leur intégrité physique.

De plus, la déclaration du Conseil fédéral s'inscrit dans le droit fil d'autres gesticulations officielles récentes. D'abord, lorsque la commune de Davos a décidé, en décembre dernier, d'interdire toute manifestation durant le Forum, alors même qu'une telle mesure – déjà adoptée en 1999 et 2000 – avait été dénoncée en son temps par le Tribunal fédéral. Ensuite, quand la police cantonale s'est fendue, le 3 janvier dernier, d'un communiqué au ton guerrier assimilant tout manifestant potentiel à un «perturbateur», voire à un «agresseur»!

Revenons sur Terre. Il n'est pas inutile de rappeler, qu'à la source de cette mobilisation générale, il n'y a ni menace terroriste ni mouvements de troupes étrangères à nos frontières... mais une manifestation! Ce sont des centaines, peut-être des milliers de militants qui souhaitent faire entendre leur voix dissidente, pendant la tenue d'un Forum – privé – où les hommes les plus puissants de la planète s'entendent pour mieux s'en accaparer les richesses.

Certes, une partie des opposants a clairement annoncé son intention de perturber le déroulement du WEF. Mais tous les mots d'ordre appelant à la mobilisation ont insisté sur le caractère pacifique de cette dernière. Et les violences – limitées – survenues lors de la manifestation de l'an dernier ont été très vivement condamnées par les contestataires.

Dans ce contexte, plus qu'opérationnelle, la décision d'envoyer 600 soldats à Davos prend une dimension essentiellement symbolique et idéologique. Dans la logique du Conseil fédéral, la tenue d'une manifestation d'opposition au Forum de Davos constitue forcément un danger. Un message gouvernemental de juin dernier rappelait «la signification importante et les retombées exceptionnelles du Forum pour les intérêts internationaux de la Suisse». Dans ces circonstances, intérêts «supérieurs» de la Suisse et intérêts privés des multinationales organisatrices du Forum de Davos sont indissociables. Et valent bien des mesures exceptionnelles en forme de message: après les contestations de Seattle, Washington, Melbourne ou Nice, les tenants du capitalisme néolibéral peuvent venir sans crainte à Davos, la Suisse sera leur citadelle inviolable. Par tous les moyens, s'il le faut.

BENITO PEREZ
Article publié en collaboration avec Le Courrier
http://www.lecourrier.ch/