arch/ive/ief (2000 - 2005)

Rapport de la mission en Turquie, Emmanuel Leclercq (People's Rights Watch)
by han Wednesday January 03, 2001 at 06:38 PM

Emmanuel Leclercq (People's Rights Watch)lors de la conference de presse (03.01.01. Emmanuel decrit l'objectif de cette mission humanitaire en Turquie.

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Mission d'enquête en Turquie

Le 19 décembre dernier, l'armée turque a pris d'assaut les prisons du pays pour mettre fin à la grève de la faim qu'environ 2000 détenus avaient entamée pour protester contre les cellules d'isolement, les loi antiterroristes et la généralisation de la torture dans le pays. Une partie de ces grévistes de la faim entraient en phase terminale et le pouvoir voulait à tout prix éviter des martyrs. Suite à ces évènements, l'organisation de défense des droits de l'homme « People's Rights Watch » s'est rendue sur place en mission, afin d'y effectuer une enquête et d'y voir clair. La mission était composée de deux médecins (Anne van Maeckelenbergh et Geert Van Moorter), de trois avocats (Emmanuel Leclercq, Isabelle Wirtz et Martijn Strooij), d'un journaliste (Joris van der Aa) et de deux parlementaires belges attentives aux problèmes des droits de l'homme, Frieda Brepoels (Volksunie) et Leen Laenens (Agalev) ; il y avait également un formidable interprète, Bülent, un jeune Belge d'origine kurde, qui est rapidement devenu notre ami. La mission a d'abord démontré que des personnes de sensibilités politiques différentes, mais animées d'un même antifascisme et d'un véritable souci de défense des droits de l'homme, pouvaient parfaitement collaborer. L'ensemble de la mission n'a fait malheureusement que confirmer les craintes du début ; les atrocités commises sont encore pires que ce qu'on pouvait penser et les perspectives de voir la Turquie se démocratiser en vue d'une adhésion à l'Europe sont totalement inexistantes.

L'enquête faite sur place par la délégation a été menée avec la plus grande rigueur possible, dans un souci d'objectivité, et dans le refus d'affirmer par la suite des choses qui n'auraient pas été directement recueillies auprès de témoins. Pour que l'enquête soit contradictoire, la délégation avait demandé, à plusieurs reprises, de pouvoir rencontrer le ministre de la justice, le ministre des affaires étrangères et le ministre de l'intérieur de Turquie. Aucune réponse n'a été donnée à cette demande et la délégation n'a pu rencontrer aucun officiel, malgré le soutien apporté en ce sens à la délégation par le ministre belge des affaires étrangères, Louis Michel, mal relayé, il faut le souligner, par le consulat de Belgique à Istanbul, qui s'est montré parfaitement indifférent au problème.

Nous avons rencontré sur place d'anciens détenus qui venaient de sortir de prison et avaient assisté directement aux évènements ; les familles des autres détenus ; les responsables de l'Institut des Droits de l'Homme d'Istanbul ; les avocats de certains des détenus ; un groupe d'architectes et d'ingénieurs auxquels le gouvernement turc avait demandé une étude sur les cellules d'isolement et qui ont rendu des conclusions totalement défavorables ; l'avocat Zeki Rüzgar, qui a été lui-même détenu pour avoir simplement défendu des révolutionnaires et des Kurdes ; enfin, une jeune sociologue qui venait de sortir de prison, où elle avait passé deux ans et demi à cause d'une enquête qu'elle avait osé entreprendre sur la guerre au Kurdistan.

Les conclusions que l'on peut tirer de tous ces témoignages sont véritablement accablantes. Il en ressort d'abord que les médias turcs sont complètement manipulés par le pouvoir et que celui-ci utilise sans vergogne les mensonges les plus éhontés quand il