arch/ive/ief (2000 - 2005)

On en est où là?
by Lara Erlbaum Tuesday January 02, 2001 at 02:19 PM
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Etats d'âme suite à Nice...

Finalement, ça nous aura mené à quoi Nice, si ce n’est à brouiller des pistes qui se dispersent dans tous les sens ?


On était si contents à Prague de s’être trouvé un ennemi commun (peut-être moins fort finalement qu’un amour commun), en tout cas quelque chose de suffisamment fort pour en oublier au pays le drapeau aliénant et ne plus se rallier que sous des bannières jaune fête, bleue guérilla ou rose samba...


Et puis ici tout se complique. La ville est noyée sous les drapeaux (surtout le mercredi, jour de la manif autorisée, il est vrai). Mais il est où l’ennemi ? Au Congrès, ou au sein du syndicat étatisé, celui qui la semaine précédente encore, en Belgique, faisait appel à la police pour arrêter les activistes qui occupaient ses propres locaux, soulignant sa collaboration avec le patronat ? Quant aux slogans, (Tous ensemble oué oué oué), on en viendrait à se demander s’ils n’ont pas été inventés par les joueurs de foot de l’Euro 2000.


Bref, Nice, c’est le grand festival des rendez-vous manqués. Affrontements dans toute une série de gares de France. Blessés et dégoûtés, les manifestants rentrent à la maison sans avoir vu Nice, où de toute façon personne ne semble avoir prévu de terreau pour une quelconque révolution. Et puis surtout, ces mythiques Italiens, qu’on avait seulement commencé à entrevoir la veille de S26 à Prague, et dont on espérait avoir le temps de prendre un peu de graine cette fois-ci... D’être restés bloqués une trentaine d’heures en route vers la Tchéquie, ils n’avaient pourtant pas manqué d’exiger cette fois-ci d’être accueillis en masse par les Français, pour faciliter les problèmes habituels de transit. Quand on y repense, ce qu’on avait encore de mieux à faire, c’était de partir les rencontrer à Vintimille.


Tout ce qui nous restait à faire donc, c’était de discuter dans un garage avec la caravane. Et de laisser émerger de plus en plus cette idée qu’il serait méchamment temps de changer de stratégie et de commencer à aller occuper des lieux où on ne nous attend pas, histoire de vraiment prendre le temps de nous rencontrer, et de se positionner par rapport à notre monde à nous, plutôt qu’en opposition à leur valeurs dépassées. D’autant plus que toute cette affaire n’est peut-être finalement qu’une vaste mascarade médiatique, les accords ayant déjà été préparés depuis belle lurette...


Pendant ce temps au gymnase, s’étendent des sacs de couchage de toutes les couleurs, formant une carapace de tortue beaucoup plus chamarrée que la tortue romaine que nous ont opposé tout à l’heure les policiers désorganisés, lors de la manif « Liberté de circuler ». Un jongleur sort de l’ombre. En fin de soirée, arrive un accordéoniste italien qui après quatre notes d’introduction, nous fait entonner un Bella Ciao prometteur.

Et puis arrive le lendemain. On se demande si la fête a jamais existé. Où sont les balles de jonglerie ? Où est la musique ? Ah non pardon, on est partis faire la guerre. Frontalement. Histoire que les flics nous voient (et nous entendent ) arriver de loin. Ils n’ont plus qu’à dégoupiller les lacrymos. Qu’est-ce qui reste d’autre que de casser des banques ? Au moins on parlera de nous, disent certains. Pour ça oui, les journalistes sont trop contents de se faire filmer devant un mur de banque noir de suie, sur lequel figurent les lettres E.T.A. , et d’enterrer l’action en trois mots (contre-sommet, débordements), qu’on insérera ce soir entre le sport et la météo.

Bon, ben on n’a plus qu’à aller voir la côte. Nice, c’est au moins aussi moche que Benidorm.
Heureusement qu’entre le Sud et la Belgique, il y a un endroit qui ressemble à la Mongolie. Du côté des Cévennes, de René Riesel et de ses moutons. Des baignades dans le Tarn glacé. Des étoiles de neiges scintillant dans l’herbe passé minuit. Et des promenades sous la Lune au milieu des chiens-loups.

De Nice (faut-il vraiment en reparler ?), auront subsisté trois choses. Pas d’organisation. Absence totale de créativité. Pas d’amour. Face à ce constat désolant, on a deux possibilités. Soit on pleure, soit on se prépare pour Davos. Car il semblerait qu’il s’y prépare une rencontre vachement enrichissante. Notre groupe d’affinité est d’ores et déjà créé. Et cette fois-ci, on n’attendra plus d’être sur place pour regretter de ne pas avoir élaboré de plan d’action plus tôt. Ma proposition de formation de commando de clowns ne semble intéresser que moi. C’est pas grave. On a d’autres idées. Partez pas, c’est pas fini. Ca fait que commencer.