Etes-vous aussi un «terroriste»? by WIm Kenis (Solidaire) Wednesday December 27, 2000 at 11:31 AM |
Que les Etats-Unis utilisent un système d'écoute planétaire comme Echelon pour l'espionnage industriel ou politique ne surprendra personne. Mais pourquoi les simples citoyens devraient-ils craindre Echelon?
Espionnage politique contre les progressistes Etes-vous aussi un «terroriste»? Que les Etats-Unis utilisent un système d’écoute planétaire
comme Echelon pour l’espionnage industriel ou politique ne surprendra personne.
Mais pourquoi les simples citoyens devraient-ils craindre Echelon? Wim Kenis. Début août, l’état-major général
de la gendarmerie a diffusé dans un certain nombre d’unités de
la BSR un formulaire d’enquête pour détecter les nouvelles formes
de criminalité. Il ressortait de ces documents que la gendarmerie considère
comme terroristes les militants qui ont pris part aux actions contre l’Organisation
mondiale du commerce et le Fonds monétaire international à Seattle
et dans d’autres villes. En juin, Intelligence Newsletter, un magazine électronique
sur les services de renseignements, révélait qu’aux Etats-Unis
aussi les services de renseignements espionnent les militants de Seattle parce
que «terroristes». Depuis Seattle, ce mouvement est tenu à l’œil par
six centres du Regional Information Sharing System (RISS) du ministère
américain de la Justice. Le RISS est un service d’espionnage intérieur
chargé de combattre le crime organisé et le terrorisme. Comme
l’espionnage de l’activisme politique ne fait pas partie des missions légales
du RISS, la Justice américaine a dû prendre une mesure radicale.
Elle a décidé de classer comme «organisations terroristes» les
groupements qui ont organisé à Washington une manifestation contre
le Fonds monétaire international, comme Global Justice, Greenpeace, Act
Up, American Indian Movement et autres. Les centres RISS ont ainsi vu leur compétence
élargie à l’espionnage des membres de ces organisations. À
travers le réseau RISS, un réseau de collaboration entre les Etats-Unis
et un certain nombre de services de renseignements étrangers, on échange
des données sur les liens entre les différentes organisations,
leurs finances, leurs conversations téléphoniques, leurs listes
de membres. Pour cela, les centres RISS peuvent compter sur l’aide du Pentagone,
le ministère américain de la Défense, qui contrôle
Echelon à travers la NSA. La NSA n’en est pas à son coup d’essai. Dans The Puzzle Palace,
l’ouvrage de référence que James Bamford a publié sur la
NSA en 1982, il décrit comment dans les années 60, la NSA a lancé
l’opération Minaret. C’était un système qui enregistrait
automatiquement les conversations de, vers et sur des organisations et individus
suspects. C’est ainsi qu’on a intercepté toutes les conversations téléphoniques
sur les droits civiques, sur les manifestations contre la guerre au Vietnam,
l’objection de conscience, etc. L’opération a été arrêtée
en 1973 quand elle est venue à la surface à propos d’un procès
contre le groupe étudiant radical The Weathermen. Mais alors, comment les militants, démocrates et syndicalistes peuvent-ils
se protéger d’Echelon? Wim Kenis. Une première réflexion, c’est qu’il ne
faut pas se laisser intimider par Echelon. Après tout, les militants
aussi peuvent profiter des nouvelles technologies. La NSA et Echelon n’ont pas
pu empêcher la «bataille de Seattle». Deuxièmement, nous ne devons pas baisser les bras devant cette
supériorité apparente. Nous devons trouver le moyen de démasquer
et de dénoncer l’action des services de police contre l’ennemi intérieur.
Ce n’est pas impossible. En Suisse, en mars 1990, une trentaine de milliers
de personnes sont descendues dans la rue pour protester contre le fichage policier.
Les services de renseignements ont été obligés de donner
à tout qui le demandait accès à son propre dossier. Sur
simple demande, un citoyen peut se le faire remettre à domicile. Bien
sûr, on y efface les mentions des noms des infiltrants et des informateurs,
des services étrangers et des méthodes illégales de renseignement.
Il y a aussi les militants de Memwith Hill qui contestent depuis les années
90 l’existence et l’action de la base Echelon en Angleterre. Et l’opération
Minaret, dont je viens de parler, a été officiellement arrêtée
après que son existence ait été révélée
et dénoncée au procès d’une de ses victimes. D’après moi, nous devons exiger une interdiction totale de l’espionnage
politique, du fichage de l’«ennemi intérieur». On doit démanteler
les unités spéciales de police qui en sont chargées. On
doit détruire les dossiers constitués dans ce contexte. Il faut
abroger les lois qui criminalisent les protestataires et les syndicalistes ou
les qualifient de terroristes. Troisièmement, l’existence et l’action de systèmes comme
Echelon peuvent être sérieusement combattues sur base du droit
et de la jurisprudence existants. En effet, Echelon enfreint fondamentalement
les lois européennes et nationales sur la protection de la vie privée
et sur les écoutes. Quatrièmement, tout militant peut appliquer quelques règles
et techniques élémentaires pour se protéger lui-même,
ses amis et son organisation de la collecte de renseignement. Il existe un excellent
ouvrage à ce sujet, malheureusement uniquement en néerlandais:
De rechten van de actievoerder des avocats Edith Flamand et Raf Jespers. Photo - Prague, septembre 2000. Manifestation contre le Fonds monétaire
international. La gendarmerie et le ministère américain de la
Justice considèrent ces gens comme des terroristes. Les espionner et
les écouter en devient dès lors «légal». (Photo
Solidaire)