arch/ive/ief (2000 - 2005)

Conférence de la gauche anticapitaliste européenne
by François Vercammen Friday December 22, 2000 at 11:05 AM
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Le 4 et 5 décembre - en "marge" du Sommet de l'UE à Nice - a eu lieu à Paris une Conférence européenne qui a rassemblé une série d'organisations de la gauche radicale à l'appel la Ligue Communiste révolutionnaire (IVe Internationale).

Avaient répondu à l'invitation: L'Alliance électorale rouge (RV, Norvège), l'Alliance rouge-verte (RGA, Danemark), le Parti socialiste écossais (SSP), la London socialist alliance et les Socialist alliances (Angleterre, Pays de Galles), le SWP (Parti socialiste des travailleurs, Grande Bretagne), La Gauche (Luxembourg), le Bloc de Gauche (Portugal), Zutik (Pays Basque), Espacio Alternativo (Espagne), SolidaritéS (Suisse), ÖDP (Turquie), et le Mouvement d'Unité Patriotique (Communauté Chypriote Turque). Le Parti Socialiste (Angleterre, ex Militant) qui fait partie d'une organisation internationale, le CIO, avait envoyé un observateur. Lutte Ouvrière, invité, avait décliné l'invitation.

Les objectifs de la réunion et les critères d'invitation avaient été initiés par les camarades du Bloc de Gauche portugais lors de leur "contre-sommet" de Lisbonne: saisir l'occasion du Sommet de l'UE pour prendre une position à partir de la politique concrète de l'UE, et faire émerger un courant anticapitaliste nettement distinct de la social-démocratie, des Verts et des Partis communistes appuyant la politique « social-néolibéral».
Pour donner force et crédibilité à cette démarche, il fallait commencer par réunir des partis et mouvements représentatifs ou influents sur le plan syndical et social ou électoral.

Pluralisme

En pointillé, il y a bien entendu l'idée d'une vaste recomposition pluraliste, qui rompe radicalement avec le sectarisme et s'engage dans le rassemblement des courants et d'organisations dont l'origine, l'histoire, le programme et la pratique ont longtemps divergé mais qui ont compris que c'est par leur unité qu'ils peuvent occuper l'espace politique dégagé par la dégénérescence néolibréale de la social-démocratie et l'effondrement du stalinisme.

Deux débats

L'essentiel, le vrai pas en avant de cette rencontre, fut la déclaration commune adoptée. La volonté politique a permis d'y arriver tout en abordant les débats et contradictions qui ont traversé la réunion.

D'abord, la construction très hétérogène que constitue l'UE -rassemblement d'Etats nationaux sous l'égide d'un proto-Etat supranational- pèse différemment selon les pays sur le mouvement social et les courants politiques. Les anticapitalistes et révolutionnaires n'y échappent pas. Internationalistes en général, ils ont aussi à résoudre en pratique les grandes questions stratégiques et les menus problèmes, qui découlent de deux siècles du développement de l'Etat bourgeois.

La deuxième discussion dans la réunion, portait sur la formulation d'une exigence démocratique d'autodétermination : qui décidera, -les peuples ou les classes ouvrières- lorsqu'il s'agit d'entrer dans l'UE (les pays de l'Est) ou dans le cas d'une crise institutionnelle majeure de l'UE? Il ne s'agit pas d'y répondre abstraitement , mais dans la dynamique politique en cours et de la phase actuelle de la lutte de classe, des rapports de force, de la situation du mouvement ouvrier et social.

Sur ces deux questions stratégiques fondamentales et très actuelles, la réunion a ouvert la discussion sans conclure. Nous n'avons pas cherché des formules de compromis bâclées.

Le communiqué de presse commun (voir ci-dessous) se prononce en faveur d'une «Europe sociale, démocratique, pacifique et solidaire, une société socialiste démocratique», et donne corps à cette perspective en ébauchant un programme social anticapitaliste. Ainsi cette Conférence se trouve en syntonie avec l'aile gauche du mouvement syndical et social en Europe.C'est le premier point très positif. Le second, c'est que face aux décisions du Sommet de Nice, d'autres pistes d'actions communes sont ébauchées, telles que le combat contre l'euro-militarisme, pour la libre circulation des personnes (des immigrés) et leur pleine citoyenneté, et contre l'UE comme facteur actif de la globlisation capitaliste.

Et après Paris?

La discussion, à la fin de la Conférence, a dégagé un désir unanime de continuer. Comment ? Avec quel objectif à court et moyen terme ? Par quelles méthodes de travail ?
Faut-il accélérer le pas ? Approfondir et renforcer les liens organiques ? «Apprenons d'abord à marcher ensemble avant de courir!» disait un participant. Un autre lui répliquait «Oui, mais décidons-nous à marcher tout de suite et dans la bonne direction ».
Le «bilan et perspectives » des partis ayant participé, pèsera fortement sur l'orientation à prendre. Le prochain Sommet de l'UE (à Göteborg en Suède) offre une nouvelle occasion. Après viendra celui de Bruxelles (décembre 2001) qui, par sa situation géographique dans l'UE, créera la possibilité d'affirmer avec force et éclat qu'un courant anticapitaliste pluraliste européen a engagé le combat pour que le mouvement ouvrier et social rompe avec le social-néolibéralisme dominant.
François Vercammen


Conférence européenne de la Gauche Anticapitaliste

Communiqué de presse
Paris, le 5 Décembre 2000

Dix ans après l’adoption du traité de Maastricht, L’Union Européenne se prépare, au sommet de Nice, sous présidence française, à franchir une nouvelle étape, celle de « l’Europe-puissance ».
En dix ans, l’UE a démontré à quel point elle est anti-sociale et anti-démocratique, une machine de guerre contre les classes ouvrières et populaires en Europe et dans le monde.
L’UE manque désespérément de soutien populaire et de légitimité politique. Le récent « non » danois l’a encore montré. Comme le montrent les luttes sociales européennes qui se heurtent frontalement à la politique néolibréale, menée au nom de l’Europe. Comme le montre la résistance croissante contre l’impact de la globalisation capitaliste, incarnée par l’OMC et le FMI. La responsabilité politique incombe entièrement à nos gouvernements. La social-démocratie et certains Partis Communistes et Partis Verts qui l’ont rejoint au gouvernement (en France, Allemagne, Italie), ont appliqué cette politique néolibérale avec plus d’efficacité que les partis bourgeois conservateurs. Ils ont entraîné des secteurs entiers du mouvement syndical. La CES au lieu de développer un mouvement syndical actif et combattif, s’est alignée sur la Commission au nom de la politique du moindre mal.
Nous, partis et mouvements anticapitalistes d’Europe, nous luttons contre l’UE, ses institutions et sa politique. Nous sommes partisans d’une autre Europe, sociale, démocratique, pacifique et solidaire, d’une société socialiste démocratique.
Nous luttons pour un changement radical de politique, de perpsective et de société.
Et pour commencer, nous luttons pour arrêter cette machine infernale qu’est l’UE. Face au Conseil européen des Ministres, face à la Conférénce intergouvernementale, face à l’autocratie galopante, nous disons : stop !

Nice ouvrira une nouvelle étape de l’histoire européenne. L’UE s’affiche désormais comme une puissance impérialiste qui défendra ses intérêts partout dans le monde. Le principe de ce changement a été décidé suite à la guerre des Balkans ; on passe maintenant aux décisions pratiques.

Premièrement, par la création d’une force armée européenne, intervenant au sein ou indépendamment de l’OTAN, à l’échelle internationale. Mais la priorité est de stabiliser sa propre périphérie, dans le pourtour méditerranéen et à l’Est. Cette politique de remilitarisation ne réussira pas sans créer un climat euro-militariste. Comme nous avons toujours combattu le militarisme dans nos propres pays et l’OTAN, nous ferons de même face à cette montée en puissance militaire de l’UE.

Deuxièmement, par l’annexion marchande des pays de l’Est, en les soumettant à « l’acquis communautaire ». Pour nous l’Europe va bien au-delà de l’UE. Nous sommes pour l’unification de notre continent, mais sur la base de la solidarité ouvrière et de la coopération. Nous tendons la main à ces peuples pour un combat commun contre la politique et les institutions de l’UE. Nous sommes pour la libre circulation des personnes et donc pour la libre entrée des immigrés et pour leur pleine citoyenneté dans l’UE.

Troisièmement, par un rôle actif dans l’OMC. L’UE s’engage dans une compétition accrue avec les Etats-Unis, le Japon et les pays du Tiers-Monde. A cette fin, les gouvernements comptent réformer les traités (en particulier l’article 133), en donnant une plus grande liberté d’action à la Commission. Il est très clair que notre lutte contre l’UE est partie prenante de la résistance croissante, depuis les mobilisations de Seattle, contre la globalisation capitaliste et de la solidarité internationaliste avec tous et toutes les opprimé/es et exploité/es.

Quatrièmement, par une réforme des institutions (l’élargissement du domaine des votes à la majorité qualifiée, repondération des voix en faveur des grands pays au Conseil des Ministres, resserrement de la Commission, amplification des « coopérations renforcées » entre gouvernements) qui est à la hauteur de ses ambitions impérialistes. Cette réforme vise en réalité la constitution d’un « directoire » entre les « trois grands» de l’UE : la France, l’Allemagne et la Grande Bretagne. Nous rejetons cette « réforme » anti-démocratique qui ne vise qu’à renforcer le poids du pouvoir exécutif.

Cinquièmement, la Charte des droits fondamentaux qu’ils nous préparent est un recul sur tous les droits conquis de haute lutte par le mouvement ouvrier depuis 150 ans : le droit au travail est remplacé par « la liberté » de travailler à n’importe quelle condition ; le droit à un salaire décent et le droit à un revenu viable seront remplacés par l’aide sociale et la philantropie. Le droit de grève n’est pas reconnu sur le plan européen. Or, cette Charte risque d’avoir force de loi. Elle sera contraignante. Elle prévaudrait sur la loi nationale ! La Commission aurait le droit de veiller à son application et d’intervenir. La Cour de Justice trancherait les litiges. Ce serait un moyen puissant pour le Patronat et les gouvernemenst dans chacun des pays de l’UE.
Nous sommes opposés au contenu de cette Charte et, partant, à son inclusion dans les Traités.

Nous luttons dans chacun de nos pays, et ensemble en Europe, pour un renversement de la politique néolibérale, en faveur du principe : les besoins sociaux avant le profit ! Pour chacun et chacune, cela signifie : le droit à un emploi à plein temps et stable, un salaire décent, un revenu de remplacement viable (en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de retraite), droit à un logement pour tous et toutes, droit à l’éducation et à la formation professionnelle, à des soins de santé de qualité. Cela implique le redéveloppement massif des services publics, une refonte du budget de l’Etat, une redistribution radicale des richesses du Capital vers le Travail, et à cette fin toutes les mesures anticapitalistes nécessaires pour substituer la propriété sociale à la propriété privée.