arch/ive/ief (2000 - 2005)

Nice: quelques problèmes
by Ataulfo Riera Monday December 18, 2000 at 06:03 PM
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L'un des enjeux de la mobilisation niçoise était la convergence, sur un même terrain, des organisations syndicales critiques, des mouvements de chômeurs et précaires européens et des mouvements divers qui s'opposent à la mondialisation capitaliste néolibérale.

L'un des enjeux de la mobilisation niçoise était la convergence, sur un même terrain, des organisations syndicales critiques, des mouvements de chômeurs et précaires européens et des mouvements divers qui s'opposent à la mondialisation capitaliste néolibérale. A quoi l'on pourrait rajouter la gauche radicale, présente dans toutes ces luttes. Si, dans la rue, cette convergence s'est réalisée dans une ambiance combative et fraternelle, ce ne fut pas sans quelques couacs organisationnels d'importance.

L'objet de ce texte, qui s'adresse à tous ceux et celles qui s'impliquent ou se sentent concernés dans les résistances au capitalisme global et néolibéral, n'est pas de dénigrer inutilement, mais d'essayer de tirer, pour l'avenir, des leçons de nos erreurs.

Rappel des faits : L'action de blocage du contre-sommet le 7 décembre au matin devait être le moment fort de la mobilisation. Partis vers 7 h00, deux cortèges, l'un venant de l'est avec 5.000 personnes, l'autre de l'ouest avec moins d'un millier, devaient occuper les rues donnant directement accès à l'Acropolis, lieu où devait se ternir le sommet de l'UE.

Dans les rues qui s'éveillent, on retrouvait des activistes de toute l'europe et de tous les horizons: syndicaux (SUD, CNT Groupe des dix français, Sin Cobas italiens, LAB basques, CGT espagnole), associatifs (Marches européennes); de la gauche radicale (LCR-JCR, SWP, Socialist Workers, CIO britanniques, divers courants anarchistes) et antimondialisation néolibérale (ATTAC, et divers groupes ou individus).

Très vite, alors que, scindés en plusieurs groupes, les deux cortèges s'installent dans les rues à occuper, la tension monte face au dispositif policier (3.000 CRS mobilisés). Sans réelle provocation de la part des manifestants, la police commencera à gazer copieusement ces derniers. Une bataille de rues inégale entre les éléments radicaux et les forces de l'orde s'engagera alors et s'achèvera par la dispersion des manifestants à coups de charges brutales.

Vers 11H00, les manifestants ont alors commencé à se replier sur le Centre de convergence. Dans ce Centre, une grande partie d'entre eux ont alors exigé que l'on donne suite aux actions tandis que la tribune était accaparée par des discours politiques auto-satisfaisants.

Si la motivation « y était », si les difficultés pour les organisateurs étaient énormes (les autorités ayant refusé jusqu'à la dernière minute la location de lieux de débats et d'hébérgements en suffisance), plusieurs critiques sont à émettre quant à la conception et l'organisation de cette action de « blocage ».

Selon le collectif organisateur français, il s'agissait de «faire comme à Prague, comme à Seattle». Or, la comparaison ne tient pas totalement. L'organisation des manifestants en groupes d'affinités et la réunion des délégués de ces groupes pour discuter de l'action s'est faite fort tardivement, le soir du 6 décembre. A part un monologue d'un des organisateurs (sans traductions vers d'autres langues!), il n'y eu pas de place pour une réelle discussion sur la stratégie adoptée.

Vu le nombre de forces, il était pourtant clair qu'il serait impossible « d'encercler » tout le périmètre autour de l'Acropolis. De plus la police ayant bien retenu les leçons de Seattle et Prague, elle avait concentré les délégués et chefs d'Etat dans une vaste zone à l'intérieur même du périmètre interdit de l'Acropolis. Face à cela, fallait-il donc faire un blocage symbolique ou tenter de pénétrer le cordon policier pour réellement perturber le commencement du sommet? Les objectifs étaient fort peu clairs et peu concrets.

Rien n'avait été prévu en cas d'échec de l'action, aucun plan de rechange, aucun lieu de rendez-vous. Dans l'action du 7 décembre même, on ne pouvait trouver un seul « responsable » visible chargé de coordoner (avec GSM ou circulant en vélo par exemple) les différents groupes de blocage. De plus les aspects festifs et créatifs (à travers des ateliers de création de la contestation par exemple) était de même fort absent lors de l'action.

Rien n'avait été prévu non plus pour donner un espace bien délimité aux différentes formes d'expression de la contestation (pacifistes et radicales), comme ce fut le cas à Prague avec des marches aux couleurs et aux expressions diverses. Je ne vais pas entrer ici dans le sempiternel débat sur la « violence ». Fondamentalement, ceux et celles qui cassent des banques, des Mc Do et d'autres symboles du capitalisme le font pour des raisons politiques. Plutôt que de mener des débats stériles ou des excommunications entre partisans des méthodes « dures » et les non-violents ou les pacifistes (ces deux dernières « catégories » n'étant pas forcément assimilées), il faudrait plutôt réflechir à comment s'auto-organiser pour que ces différentes formes d'expression de la lutte s'expriment sans se nuire mutuellement.

L'organisation du Centre de convergence, qui doit fonctionner comme un quartier général de la lutte, était également problématique. Dans le Centre de convergence niçois il n'y avait ainsi ni panneaux mureaux d'information, ni bureau de coordination, pas même un plan de ville! Il n'y eu aucune séance de formations pratiques (à la résistance active non-violente, aux premiers soins, face à la répression, etc). Pire, c'est dans ce même Centre de convergence que se tenaient, ou tentaient de se tenir, les meetings politiques et les débats prévus pour le contre-sommet! La confusion des genres était donc totale.

Tout cela fait que, le 7 décembre, pour beaucoup de manifestants - surtout parmi ceux qui avaient été à Prague, ou qui sont issus des mouvements contestataires radicaux contre la mondialisation néolibérale - c'est tout de même un sentiment d'échec tant organisationnel que dans l'objectif affiché qui prédominait.

Bien entendu, la tenue d'une telle mobilisation, rassemblant autant de courants divers et de tant de pays est une grande réussite en soi et pose une montagne de problèmes. Mais, en ce qui concerne concrètement l'action du 7 décembre, si le but était de mener une action purement symbolique, alors les résultats sont à la hauteurs des objectifs: on a parlé de la contestation et Chirac et Jospin ont toussoté du fait de la présence de gaz lacrymogènes.

Si, par contre, le but était d'atteindre un résultat comme à Seattle ou Prague en créant ou en accentuant une rupture, une crise sérieuse parmi les puissants de l'UE à travers un bouleversement significatif ou durable de leur cénacle, alors l'échec est patent. C'est dans ce manque de clarté de l'objectif que se situe une bonne partie du problème.

Fondamentalement, si la répression policière et les difficultés posées par les autorités expliquent beaucoup, il reste qu'il y eu fondamentalement un manque de compréhension des nouvelles formes organisationnelles qui s'expriment dans les nouvelles luttes type Seattle ou Prague.

Une leçon, importante pour l'avenir, est qu'il ne suffit pas « vouloir faire » dans les grandes lignes comme dans ces villes. La méthode organisationnelle est importante. Il ne s'agit pas de copier ou de calquer à chaque fois la stratégie adoptée lors de ces luttes, mais d'essayer d'inventer, de créer, d'innover et de surprendre en s'appuyant sérieusement sur les pratiques qui ont fait leurs preuves.

Un mot encore sur Nice. On a pu constater l'efficacité des gazages massifs. Beaucoup de manifestants n'avaient aucune protection contre les nombreux gaz qui furent utilisés par les CRS. Il était ainsi désolant de voir une manifestation, un collectif auto-organisé se transformer en foule paniquée, toussotante et les larmes aux yeux. S'équiper contre cela ne vient pas à l'idée de tout le monde. Face à cette situation, il serait peut être intéressant de constituer un groupe d'affinité spécialement chargé de combattre ces gaz. Bien protégé, ce groupe pourrais, à l'aide d'extincteurs(de voiture par exemple) se charger d'éteindre rapidement les gaz lacrymogènes. A Nice, des activistes de l'Etat espagnol avaient eu cette idée, mais ils n'étaient pas suffisament nombreux. Si l'idée vous semble idiote, n'hésitez pas à le faire savoir. Mais faites de même surtout si elle vous semble utile !

Un prochain rendez-vous de résistance à la mondialisation capitaliste est déjà fixé. Fin janvier se tiendra à Davos le World Economic Forum. A l'appel de la Coordination anti-OMC suisse, une mobilisation militante se tiendra sur place avec comme objectif, ironique et ambitieux « d'enterrer le capitalisme » mais surtout d'empêcher pratiquement la tenu de ce forum de l'élite du capitalisme. D'ores et déjà, dans ses aspects organisationnels pratique, cette mobilisation s'inscrit dans ce sens décrit plus haut: des centres de convergences seront ouverts à temps avant les dates de l'action et des groupes de travail et d'affinité sont déjà mis sur pied.

Ensuite, il semble que nous pourrons profiter d'un long répit avant la prochaine mobilisation. Ce sera sans doute nul en juin, lors du sommet du G7 à Gênes où nos amis Tutti Bianchi ne risqueront plus d'être bloqués aux frontières ! Le laps de temps pourrais, d'ici là, être mis à profit pour réflechir sur l'avenir du mouvement antimondialisation néolibérale, ses victoires, ses échecs, ses expériences, ses stratégies. Et pour s'organiser aussi et, pourquoi pas, envisager de faire du sommet de l'Union européenne à Bruxelles en décembre 2001 un moment fort de cette lutte.

Ataulfo Riera

BRAVO
by Jesus Monday December 18, 2000 at 06:10 PM

Je trouve l' idee des extincteurs particulierement machiavelique pour en venir a bout de tous ces fashos de capitalistes!