arch/ive/ief (2000 - 2005)

Colombie: territoire de guerre yankee
by Ernesto Herrera Friday December 15, 2000 at 06:44 PM
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Sous couvert de lutte contre le narcotrafic, les Etats-Unis préparent une attaque en règle contre les organisations armées et de la gauche colombiennes, ainsi qu'une mise en oeuvre musclée des programmes d'austérité dictés par le FMI.


San Vicente del Caguán, une agglomération aux confins de l'Equateur, au coeur de la "zone concédée" de 44000 km2 où vivent des centaines de milliers de personnes, est le symbole politique de la puissance d'un mouvement insurrectionnel, les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), qui, avec ses 20000 combattants et ses 70 "fronts de guerre", s'assume comme un véritable "Etat dans l'Etat". Les Farc sont la plus importante composante du mouvement révolutionnaire armé qui, avec l'ELN et l'EPL, étend son activité sur plus de la moitié du pays et peut mobiliser - selon des sources concordantes - jusqu'à 100000 partisans dans les régions rurales.
La Colombie est secouée depuis des décennies par un conflit politique, social et armé qui, au cours des seules dernières années, s'est soldé par 35000 morts, 1 million de déplacés et 800000 exilés. Plus de 20% des 40 millions de Colombiens sont touchés par le chômage et la moitié de la population survit avec 1 ou 2 dollars par jour. Dans les régions rurales, 80% des habitants vivent dans une pauvreté extrême; 70% du pays est aux mains de 3% de la population et le narcotrafic est la principale source d'accumulation capitaliste. C'est dans ce contexte que se développe la stratégie contre-révolutionnaire de l'Etat colombien et de l'impérialisme nord-américain, avec l'appui des forces paramilitaires qui regroupent 8000 mercenaires.
Le "plan Colombie"
Approuvé par le président Clinton, le plan Colombie entre aujourd'hui dans sa phase opérationnelle. C'est la plus grave agression extérieure subie par un pays d'Amérique latine dans la période récente. Les Etats-Unis considèrent que "le chaos colombien représente un risque pour l'ensemble de la région", accroît "l'insécurité dans l'hémisphère" et met en danger leur propre "sécurité nationale".
Ce danger de "vietnamisation" du conflit s'inscrit dans un paysage latino-américain marqué par la crise économique, le développement de mouvements de résistance sociale et la perte de légitimité du modèle néolibéral. L'Equateur, le Pérou et la Bolivie font face à des soulèvements populaires. Au Venezuela, la volonté du régime Chavez de tenir tête aux Etats-Unis fait mauvais genre. En concentrant leur intervention sur la Colombie, ils visent en fait à consolider leur emprise sur l'ensemble de la région andine.
C'est au nom de la lutte contre la drogue et la "narcoguérilla" qu'ils ont décidé de financer et de diriger le plan Colombie. L'essentiel des 7,5 milliards de dollars sera en fait consacré à détruire les cultures qui permettent la survie de 400000 familles paysannes. L'Union européenne, à ce jour réticente, est sollicitée pour intervenir à hauteur de 2 milliards de dollars au titre de "l'aide humanitaire" et de la "reconstruction sociale" une fois le massacre perpétré.
La cible réelle de ce plan est bien évidemment les organisations armées, mais aussi le mouvement syndical, paysan, populaire, les associations de droits de l'Homme, les partis de gauche, l'ensemble des acteurs démocratiques de la société colombienne. Il exerce aussi une pression militaire qui doit faciliter l'application du programme d'ajustement économique du gouvernement Pastrana, les mesures d'austérité et de privatisations dictées par le FMI, qui ont déjà provoqué plusieurs mouvements de grèves dans l'ensemble du pays.
Solidarité face à l'impérialisme
La situation est particulièrement sérieuse: "l'opération Sud", véritable répétition générale, est déjà engagée dans la région de Putumayo. A l'échelle internationale, la solidarité s'organise: organisations démocratiques, réseaux et mouvements sociaux, personnalités, organismes religieux, partis et forces politiques du Forum de Sao Paulo se retrouvent dans la dénonciation de cette nouvelle agression impérialiste et affirment leur solidarité avec le peuple colombien. C'est d'autant plus nécessaire qu'il faut faire face à la campagne orchestrée dans les médias, qui attribue la violence du conflit à la seule emprise du narcotrafic, et qu'il faut défendre la légitimité des luttes insurrectionnelles de masse et des soulèvements armés comme forme de résistance anticapitaliste face aux oligarchies locales et à l'offensive impérialiste.
Ernesto Herrera