L'ONU critique sévèrement la politique d'asile européenne by Luc Maes (posted by Fred) Wednesday December 13, 2000 at 12:19 AM |
Trente illégaux cachés dans des camions en provenance d'Europe de l'Est ont été arrêtés par la gendarmerie à Grammont, Vosselaar, et Kruishoutem, le 24 octobre. Le trafic d'êtres humains continue donc, malgré les promesses de notre gouvernement arc-en-ciel après la mort dramatique de 58 clandestins à Douvres.
Amer, le commissariat de l’ONU pour les réfugiés constate dans un rapport récent que toutes les mesures prises ces derniers temps par les gouvernements européens ont, coup sur coup, apporté de l’eau au moulin de la mafia des trafiquants et sabré dans le droit d’asile jusqu’à ce qu’il n’en reste quasiment plus rien.
On favorise le trafic d’êtres humains
La nouvelle politique d’asile allait être humaine et équilibrée. On ne devait pas toucher au droit d’asile de ceux que le gouvernement appelle les «véritables réfugiés politiques». En outre, on allait méchamment s’en prendre aux passeurs d’hommes qui gagnent de l’or en barre sur le compte des réfugiés économiques. Qu’en est-il aujourd’hui?
Depuis 1993 existe une politique européenne commune en matière de visas. Pour se rendre en Belgique au départ d’un pays comptant un grand nombre de demandeurs d’asile, il faut un visa. Mais seul celui qui a les moyens peut recevoir ce genre de visa et encore, l’ambassade doit être certaine que cette personne ne va pas demander l’asile. Le commissariat de l’ONU pour les réfugiés déclare dans un rapport: «Imposer des limitations sur les visas pour tous les pays qui produisent des réfugiés est le mécanisme le plus évident si l’on veut endiguer les flux migratoires. Le système empêche la plupart des réfugiés d’émigrer légalement.»1 Chaque année, les passeurs d’hommes font entrer clandestinement 500.000 personnes dans l’Union européenne. Une affaire lucrative! Ce n’est pas un contrôle en plus ou en moins qui risque d’effrayer cette mafia. Et quelle autre possibilité reste-t-il, dans ce cas, à un réfugié politique d’encore faire route vers l’Europe?
Morts à cause des amendes
Celui qui fuit les persécutions voyage souvent sans papier. Depuis 1990, la plupart des sociétés de transport contrôlent de très près les passeports de leurs passagers. Les compagnies aériennes elles-mêmes se livrent à des contrôles intensifs. Le gouvernement belge délègue ses propres officiers de gendarmerie dans les «aéroports africains à risques» afin d’y contrôler les passagers. Celui qui introduit illégalement des passagers en Europe encourt de sévères amendes. Nombre de réfugiés meurent en raison de ces amendes. Rien que cette année, les trafiquants d’êtres humains qui amènent des réfugiés nord-africains en Europe en ont déjà jetés sept par-dessus bord à l’approche des garde-côtes.
L’Union européenne considère un certain nombre de pays est-européens comme des pays sûrs. La Slovaquie ou la Pologne, par exemple. Toute personne qui vient, directement ou en transit, de ces pays verra sa demande rejetée comme étant «manifestement non fondée».
L’Europe ferme ses frontières extérieures au moyen de barrières, de patrouilles frontalières et de postes de garde. A Zaventem, ces dix dernières années, plus de 70.000 personnes ont déjà été refoulées, prétend l’Office des Etrangers. Dorénavant, pour introduire une demande d’asile valable, il faudra s’adresser à l’un des dix points de contrôle frontaliers. Mais le traité de Dublin stipule que les réfugiés doivent demander l’asile dans le premier pays signataire de Schengen où ils ont débarqué. Celui qui se présente donc à la frontière germano-belge doit demander l’asile à l’Allemagne. Ces réfugiés n’ont donc d’autre choix que la clandestinité.
Rafles, centres fermés et déportations
Avec la nouvelle procédure d’asile, quatre-vingt pour-cent des demandes seront déclarées «simplement non fondées» dans les cinq jours et sans enquête. Celui qui introduit une demande court donc un bien plus grand risque de déportation que naguère. Durant la procédure, le demandeur est obligé de séjourner dans un centre d’accueil et celui qui va en appel doit attendre la décision dans un centre fermé. De moins en moins de réfugiés oseront courir le risque d’entamer une procédure d’asile. Ils seront forcés d’opter directement pour l’illégalité. C’est ça, les solutions «humaines» du gouvernement?
Depuis le début des années nonante, le nombre des expulsions a augmenté régulièrement, en Belgique, ce qui installe un climat d’angoisse et de terreur chez les sans papiers. Aujourd’hui, bon an mal an, notre pays expulse presque 8.000 personnes, la plupart du temps par des déportations forcées. Le gouvernement entend accroître sensiblement le rythme des expulsions et organise de plus en plus de rafles destinées à repérer les sans papiers et, en guise de dissuasion, à les entasser dans des centres fermés.
1 John Morrison et Beth Crosland, The trafficking and smuggling of refugees. The end game in European asylum policy? UNHCR Policy Research Unit, 2000.
Combien de réfugiés en Belgique?
Annuellement, jusqu’en 1989, le nombre de demandes d’asile était resté sous la barre des 10.000. Après l’introduction du capitalisme en Europe de l’Est, ce chiffre a dépassé les 25.000 en 1993. Cette année-là, conjointement à l’Union européenne, notre pays a pris des mesures draconiennes visant à endiguer le flux migratoire, de sorte que, brusquement, le nombre de demandeurs d’asile dans notre pays est retombé de moitié. Depuis 97, le nombre de demandeurs d’asile remonte, surtout en provenance de l’ex-Yougoslavie. Au cours du premier semestre de cette année, 2.340 Kosovars, 1.804 Russes, 1.598 Albanais, 1.219 Kazakhs et 1.075 Slovaques ont demandé l’asile. L’an dernier, 35.000 personnes ont demandé l’asile à la Belgique, un record depuis 1980. Mais cela fait à peine trois demandes pour dix mille habitants de notre pays et même pas 0,02% des 200 millions de réfugiés que compte la planète.
Salaire de misère pour des informaticiens indiens
«Tous droits» a donné la parole à une syndicaliste de la métallurgie. Elle a témoigné de la situation de l’entreprise CS2 (puces électroniques) «Trois cents personnes y travaillent. Dans un an, ce sera trois mille. La moitié sont des informaticiens indiens, philippins, sud-coréens ou est-européens. Ils travaillent dans des conditions désastreuses, au salaire minimum. L’entreprise a été créée il y a deux ans par Alcatel, Philips et Intel, des géants de l’électronique. Ces travailleurs reçoivent un permis de travail d’un an, payé par l’employeur, renouvelable à chaque fois. Tout se passe en anglais, ils ne connaissent pas du tout la législation belge.
Ces travailleurs dépendent totalement de leur employeur pour leur permis de séjour. Il est très difficile de les organiser syndicalement. C’est pour cela qu’au niveau syndical, il est important de se battre pour la double nationalité automatique.»